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soins, s'il en a; il va au-devant de ses désirs ; il fait pour autrui ce qu'il voudrait qu'on fît pour lui.

Celui qui a la charité n'est point téméraire, et ne forme point de jugement précipité. Il agit avec sagesse et circonspection. Ses actions sont toujours dans une juste mesure, parce qu'il n'a d'autre vue que de plaire à Dieu, et que l'amour de Dieu est le grand principe de ses démarches.

La charité bannit du cœur de celui qui la possède toute aigreur et tout ressentiment. Rien ne lui déplaît que l'injustice. C'est le vice qu'il hait, et non ‍pas l'homme. Il le plaint au contraire; il souhaite qu'il se corrige; il contribue autant qu'il le peut à le rendre meilleur.

Telle est donc la charité parfaite. Mais habitet-elle sur la terre ? est-elle compatible avec nos imperfections et nos faiblesses ? nous devons du moins tâcher d'approcher de ce beau modèle, et aimer Dieu de toutes nos forces. Mais on ne l'aimera comme il mérite d'être aimé que dans le ciel, parce qu'alors on le connaîtra parfaitement, et qu'on le verra tel qu'il est, c'est-à-dire comme l'assemblage de toutes les perfections et la source de toute amabilité.

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ÉVANGILE.

Saint Luc, ch. XVIII, v. 31.

x ce temps-là, Jésus ayant pris à part les douze apôtres, leur dit Enfin nous nous en allons à Jérusalem, et tout ce qui a été écrit par les prophètes touchant le fils de l'homme

y sera accompli : car il sera livré aux gentils, il sera moqué, il sera outragé, on lui crachera au visage, et après qu'ils l'auront fouetté, ils le feront mourir, et il ressuscitera le troisième jour. Mais ils ne comprirent rien en tout ceci; ce discours leur était caché; ils n'entendaient point ce qu'il leur disait. Lorsqu'il était près de Jéricho, un aveugle se trouva assis le long du chemin, qui demandait l'aumône; et entendant le bruit du peuple qui passait en foule, il s'enquit de ce que c'était : on lui répondit que c'était Jésus de Nazareth qui passait par là. En même temps il se mit à crier : Jésus, fils de David, ayez pitié de moi. Et ceux qui allaient devant le reprenaient, et lui disaient qu'il se tût, mais il criait encore beaucoup plus fort: Fils de David, ayez pitié de moi. Alors Jésus s'arrêta, et commanda qu'on le lui amenât. Et comme il se fut approché, il lui demanda : Que voulez vous que je vous fasse ? L'aveugle répondit : Seigneur, faites que je voie. Jésus lui dit: Voyez, votre foi vous a sauvé. Il vit au même instant, et il le suivait rendant gloire à Dieu. Ce que tout le peuple ayant vu, il en loua Dieu.

ON appelle science de la croix la connaissance de tout ce qu'a souffert notre Sauveur, et la conviction de la nécessité de nous conformer à ce divin modèle pour retirer du fruit de sa mort et de sa passion. Ainsi la science de la croix est aussi la science du salut. C'est à la science de la croix que Jésus voulait initier ses disciples avant de parpour Jérusalem. Il voulait qu'ils sussent que, conformément à ce qui avait été prédit par les prophètes, il devait être outragé, frappé, mis à mort sur la croix, et ensuite ressusciter: mais les disciples n'étaient pas encore assez préparés à cette doctrine. Ils ne comprirent pas ce que Jésus voulait leur dire, et ne l'entendirent parfaitement

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qu'après avoir reçu le Saint-Esprit. Nous ne la comprenons guère non plus cette science pourtant si nécessaire, ou plutôt, nous ne voulons point la comprendre, ni la mettre en pratique, quoiqu'elle fasse le sujet de toutes les instructions que nous recevons, et de toutes les lectures pieuses que nous pourrious faire. Nous ne voulons pas la comprendre, parce qu'elle exige de nous le sacrifice de nos passions et de nos aises, et que nous aimons mieux vivre pour nous que pour Dieu.

Essayons néanmoins d'en donner une légère idée, et voyons en quoi elle consiste,

Jésus-Christ a reçu des outrages, et il les a supportés avec patience. Apprenons de lui à souffrir les injustices, à nous résigner aux humiliations, à les offrir à Dieu en esprit de pénitence pour nos péchés. Le serviteur est-il donc audessus du maître (1)? et ce que Jésus-Christ a souffert, croyons - nous n'être pas obligés de le souffrir?

Jésus-Christ a été frappé, et il a prié pour ses bourreaux. Il veut donc que nous priions pour ceux qui nous tourmentent et qui nous persécutent. Il veut que nous évitions la vengeance, et que nous nous formions à la patience chrétienne. Aucune vertu n'est plus utile. Le mal qu'on sait supporter diminue de moitié; au lieu qu'il se double par l'impatience; et quand on supporte le mal pour Dieu, il se change en consolation et devient une source de mérites.

(1) Luc, VI. 4o.

Imitons aussi l'aveugle dont il est parlé dans le même évangile. Ne sommes-nous pas tous, pendant cette vie, de pauvres aveugles qui ne savons où nous sommes et où nous allons, et qui ne portons ici- bas que des pas incertains? Cet aveugle entend dire que Jésus passe, et il lui crie: Ayez pitié de moi. » Nous n'avons pas besoin que le hasard nous mette, comme l'aveugle, sur le passage de Jésus. La foi nous apprend qu'il est chaque jour présent sur nos autels; crions lui avec la foi de l'aveugle: «Ayez pitié de

nous. »

Jésus s'arrête et commande qu'on lui amène l'aveugle. Hélas! ne fait-il pas davantage pour nous? ne nous appelle-t-il pas tous les jours à lui? de même que Jésus demande à l'aveugle ce qu'il veut, il nous permet de lui demander ce que nous voulons : « Faites que je voie, Seigneur, lui dit l'aveugle.» Disons aussi : « Faites, Seigneur, que nous voyons. » Dessillez-nous les yeux, afin que nous connaissions nos devoirs et que nous les aimions, que nous connaissions les dangers des passions pour les éviter, que nous distinguions les sentiers du salut pour les suivre. Demandons tout cela avec tant de ferveur, que Jésus puisse nous répondre comme à l'aveugle : « Voyez » ; et qu'il puisse ajouter: «Votre foi vous a sauvés. »

POUR LE I DIMANCHE DE CARÊME.

ÉPITRE.

Saint Paul, I. Corinth., cb, VI, v. 1.

MBs frères, nous vous exhortons de vous conduire de telle sorte, que vous n'ayez pas reçu en vain la grâce de Dieu. Car il est dit dans l'Écriture: Je vous ai exaucé au temps favorable, et je vous ai aidé au jour du salut. Voici maintenant le temps favorable, voici maintenant le jour du salut; et nous, prenons garde aussi nous-mêmes de ne donner en quoi que ce soit aucun sujet de scandale, afin que notre ministère ne soit point déshonoré; mais qu'agissant comme de fidèles ministres de Dieu, nous nous rendions recommandables en toutes choses par une grande patience dans les maux, dans les nécessités pressantes, dans les extrêmes afflictions, dans les plaies, dans les prisons, dans les séditions, dans les travaux, dans les veilles, dans les jeûnes; par la pureté, par la science, par une douceur persévérante, par la bonté, par les fruits du SaintEsprit, par une charité sincère, par la parole de vérité, par la force de Dieu, par les armes de la justice, pour combattre à droite et à gauche, parmi l'honneur et l'ignominie, parmi la mauvaise et la bonne réputation; comme des séducteurs, quoique sincères et véritables; comme inconnus, quoique très-connus; comme toujours mourant, et vivant néanmoins; comme châtiés, mais non jusqu'à être tués; comme tristes, et toujours dans la joie; comme pauvres, et enrichissant plusicurs; comme n'ayant rien, et possédant tout.

On peut, on doit même tous les jours travailler à sa sanctification, c'est-à-dire à devenir meilleur devant Dieu. Il n'y a donc pas de jour qui, pour le chrétien, ne puisse être un jour de salut, parce qu'il n'y en a pas où il ne puisse se livrer à la pratique

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