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bien attention à ce qui se passe en nous, nous sentirions qu'il s'élève quelquefois dans notre cœur certaines suggestions au mal, et comme une sorte de conseil intérieur qui nous porte à nous y livrer. Ces suggestions sont évidemment l'ouvrage de quelque esprit méchant qui nous tente.

La seconde source de la tentation, c'est le monde. On entend par le monde, dans le langage spirituel, ceux qui vivent dans l'insouciance de l'éternité, qui s'abandonnent à leurs penchans corrompus, qui recherchent les plaisirs, de quelque sorte qu'ils soient, sans s'embarrasser s'ils sont défendus ; qui font de la dissipation leur unique occupation ; qui s'abandonnent à des voluptés honteuses; qui regardent avec mépris la religion. Et tels sont malheureusement les devoirs de la société, et la force de l'usage, qu'on est forcé de se trouver dans des compagnies où l'on rencontre des personnes de cette sorte, et de vivre avec elles. On a donc constainment le mauvais exemple sous les yeux. Souvent ces personnes ne se contentent pas de faire le inal; elles vous y portent. Il est bien difficile de résister à tant d'assauts. Il n'y a qu'une extrême surveillance sur soi-même qui puisse en garantir.

Enfin nous avons encore pour ennemis et pour tentateurs nos propres penchans. Le premier péché a affaibli la raison et le courage de l'homme. Il lui en est resté une inclination vers le mal, contre laquelle il faut qu'il lutte. Si cette lutte s'établit dès le jeune âge, on a dompté son penchant

avant qu'il se fortifie; mais si on attend plus tard, la chose devient pénible et difficile. On arrache aisément du champ qu'on cultive une mauvaise plante, quand elle commence à croître; mais si on lui laisse prendre de profondes racines, il devient presque impossible de les extirper; il en reste toujours qui repoussent, et qui continuent d'empoisonner le champ.

Le remède contre la tentation, c'est le jeûne, c'est la prière, c'est l'aumône; c'est aussi une grande défiance de soi-même, une attention continuelle à ce que l'on fait, et le recours à Dieu pour obtenir les grâces qui nous sont nécessaires.

POUR LE II DIMANCHE DE CARÊME.

ÉPITRE.

Saint Paul, I. aux Thessal., ch. IV. v. I.

Mes frères, nous vous supplions et nous vous conjurons par le Seigneur Jésus qu'ayant appris de nous comment vous devez marcher dans la voie de Dieu pour lui plaire, vous y marchiez aussi d'une telle sorte, que vous y avanciez de plus en plus. Vous savez quels préceptes nous vous avons donnés de la part du Seigneur Jésus; car la volonté de Dieu est que vous soyez purs et saints, que vous vous absteniez de la fornication, et que chacun de vous sache posséder le vase de son corps saintement et honnêtement, et non point en suivant les mouvemens de la concupiscence, comme les païens, qui ne connaissent point Dieu. Que personne n'opprime son frère, ni ne lui fasse tort dans aucune affaire; parce que le Seigneur est le vengeur de tous ces péchés, comme nous vous l'avons déjà déclaré et assuré de sa part; car Dieu ne nous a pas appe lés pour être impurs, mais pour être saints.

Nous sommes tous entrés dans la voie du salut par notre baptême; mais ce n'est point assez. Il est deux écueils contre lesquels il faut se prémunir. Ce qu'il y a de pis pour le chrétien, c'est, après être entré dans la voie du salut, d'en sortir. On en sort par le péché, auquel malheureusement nous sommes tous sujets, et plus encore par l'habitude du péché, qu'il ne tient bien qu'à nous de ne point contracter. S'habituer au péché et vivre dans cette habitude, c'est suivre le sentier de perdition, et se préparer de terribles obstacles pour en sortir, parce que l'habitude du péché, nous accoutumant à sa laideur, diminue l'horreur que nous en avions conçue, augmente notre faiblesse, et nous met dans l'incapacité de résister à un penchant que nous avons laissé se fortifier. Il en résulte qu'on pèche pour ainsi dire sans s'en apercevoir, qu'on pèche sans remords, sans repentir, sans songer qu'on se damne; état qui mène à l'impénitence finale.

Mais, sans sortir tout-à-fait de la voie du salut, il est encore possible qu'on ne soit point exempt de fautes. Ce n'est pas assez d'y être rentré, il faut, dit l'Apôtre,y marcher pour plaire à Dieu, et y marcher de telle sorte qu'on y avance de plus en plus; car ne point avancer quand il s'agit de vertu, c'est reculer. Or on y avance en remplissant toutes les obligations auxquelles tout chrétien est assujetti, et en se faisant de leur observation une loi rigoureuse; c'est ce que l'Apôtre remet sous les yeux des fidèles à qui il écrit. Il leur recommande sur

tout la charité, et il la leur recommande de la part de Dieu, comme un moyen d'arriver à la perfection. Il leur ordonne de s'abstenir de toutes débauches, et de tenir leur corps pur et saint, en s'éloignant de l'usage des païens, qui, ne connaissant pas Dieu, s'abandonnaient à leurs passions, et adoraient des dieux adonnés à tous les vices. Il n'en pas ainsi du christianisme. Jésus-Christ exige que la vie des chrétiens soit pure et sans tache; partout il recommande la chasteté, et nous enseigne qu'elle est singulièrement agréable à Dieu; mais quoique ce soit surtout une vertu de la loi nouvelle, elle n'est cependant pas étrangère à l'ancien Testament. Judith est louée de ce qu'elle a aimé la chasteté, et de ce qu'elle n'est pas passée à un second mariage après la mort de son premier mari. Les saintes Écritures l'appellent la gloire de Jérusalem, la joie d'Israël et l'honneur du peuple hébreu (1). Jésus-Christ voulut naître d'une mère vierge pour honorer la chasteté, et c'est parce qu'il était vierge que saint Jean était particulièrement chéri du Sauveur. Saint Paul recommande particulièrement à Timothée cette vertu, dont luimême donnait l'exemple. Enfin, s'il est vrai que le cœur d'un chrétien doive être le temple du SaintEsprit, ne convient-il pas qu'il soit exempt de toute souillure? Car comment un esprit, qui est saint par excellence, pourrait-il habiter un cœur corrompu par le vice.

Pour avancer dans la voie du salut, il faut en(1) Judith, XV. 10 et 11.

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core qu'à la chasteté le chrétien joigne la charité et la justice. Il ne suffit pas qu'il n'opprime personne; il ne suffit pas même qu'il rende à chacun ce qui lui est dû; il faut encore qu'il aide et qu'il serve ses frères suivant ses facultés. Ce n'est point assez de ne point leur faire de tort dans leurs affaires; il leur doit ses conseils, s'ils en ont besoin, des secours, s'ils sont dans l'indigence, des consolations dans leurs afflictions. En un mot, un chrétien doit être disposé et toujours prêt à faire pour autrui ce qu'il souhaiterait qu'on fit pour lui-même, s'il était placé dans les mêmes circonstances. La charité chrétienne est active et ardente. Elle ne connaît point de repos, parce qu'il y a toujours du bien à faire ou du mal à empêcher.

ÉVANGILE.

Saint Matthieu, ch. XVII, v. 1.

Ex ce temps-là, Jésus ayant pris en particulier Pierre, Jacques, et Jean, son frère, les fit monter avec lui sur une haute montagne, et il fut transfiguré devant eux; son visage devint brillant comme le soleil, et ses vêtemens blancs comme la neige. En même temps ils virent paraître Moïse et Élie qui s'entretenaient avec lui. Alors Pierre dit à Jésus: Seigneur, nous sommes bien ici, faisons-y, s'il vous plaît, trois tentes; une pour vous, une pour Moïse, et une pour Élie. Lorsqu'il parlait encore, une nuée lumineuse les couvrit ; et il sortit de cette nuée une voix qui fit entendre ces paroles : Celui-ci est mon fils bien-aimé, dans lequel j'ai mis toute mon affection, écoutez-le. Les disciples les ayant ouïes, tombèrent le visage contre terre, et furent saisis d'une grande crainte. Mais Jésus, s'approchant, les toucha, et leur dit : Levez-vous, et ne craignez point. Alors, levant les yeux, ils ne virent

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