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plus que Jésus seul. Lorsqu'ils descendaieut de la montagne, Jésus leur fit ce commandement, et leur dit : Ne parlez à personne de ce que vous avez vu, jusqu'à ce que le fils de l'homme soit ressuscité d'entre les morts.

LES saints pères ont observé deux intentions remarquables dans la transfiguration du Sauveur : la première était de raffermir la foi des disciples, un peu ébranlée par le discours qu'il leur avait tenu quelques jours auparavant touchant sa passion (1). Il fallait, leur avait-il dit, qu'il allât à Jérusalem, où il souffrirait beaucoup des anciens, des scribes et des princes des prêtres, et où il devait être mis à mort pour ressusciter le troisième jour. C'était la première fois que Jésus parlait de sa passion aux disciples. Ce langage leur parut fort étrange. Pierre lui-même ne put en soutenir l'idée, et s'exposa à un vif reproche pour n'avoir point voulu croire ce que lui disait son maître. Jésus donc, au sentiment des pères, voulut effacer de l'esprit de ses disciples les fâcheuses impressions que pouvait y avoir laissées son discours, en montrant à quelques-uns d'eux un échantillon de sa gloire. En effet, peu de jours après, il prit Pierre, Jacques et Jean, et, les ayant menés sur une haute montagne, il se transfigura devant eux, ou, pour parler plus juste, il se montra à eux tel que devait être un jour dans le ciel l'Homme-Dieu, le Verbe incarné, la seconde personne de la sainte Trinité, c'est-à-dire dans l'état de splendeur et de gloire qui lui appartient. Car Jésus, cette même seconde

(1) Matth., XVI. 21.

personne de la sainte Trinité, sous la forme d'un homme semblable à nous, partageant nos misères et nos faiblesses, hors le péché, était véritablement transfiguré, et, s'il était permis de se servir de cette expression, déguisé. Mais Jésus, brillant de gloire sur le Thabor, effaçant par son éclat celui du soleil, n'était revêtu que de l'éclat qui convient à la majesté divine, dépouillée alors du voile qui la couvrait, et sous lequel il avait voulu se cacher pour nous apprendre que la pauvreté n'est point méprisable, et que, sous l'humble livrée de l'indigence il peut se trouver des vertus et des talens dignes de notre estime.

L'autre intention remarquable que les saints pères ont observée dans la transfiguration, et sur laquelle ils appellent l'attention des fidèles, est la réunion des deux Testamens; c'est-à-dire de l'ancienne loi et de la nouvelle, qui semblent se donner la main. Moïse, chargé par Dieu, à la sortie de l'Égypte, de proclamer la loi écrite, vient, pour ainsi dire, publier sur le Thabor, en présence du législateur de l'Evangile, que les figures ont cessé, que la vérité va prendre leur place. Elie, chef des prophètes, vient y annoncer que les prophéties sont accomplies. Tous deux rendent témoignage à l'avènement du sauveur promis, qu'ils reconnaissent dans la personne de Jésus-Christ. Ils s'entretenaient avec lui, dit l'Evangile, et les saints pères enseignent que le sujet de leur entretien était la grande catastrophe du Calvaire, laquelle devait donner au monde une face nouvelle, et

l'appel de toutes les nations à la loi de grâce et de salut par la publication de l'Évangile, non borné, comme sous l'ancienne loi, à un seul pays, à un seul peuple, mais prêché dans tout l'univers.

Dans les premiers mouvemens de sa joie, émerveillé de cet admirable spectacle, Pierre voudrait faire durer cet état ravissant. «Nous sommes bien ici, dit-il au Sauveur, faisons-y trois tentes, l'une pour vous, l'autre pour Moïse, et l'autre pour Élie.» Mais Jésus ne lui répond rien. Nouvelle leçon pour nous, laquelle nous apprend que ce n'est pas toujours où nous nous trouvons bien que Dieu nous veut, non qu'il ne veuille notre avantage; mais il connaît mieux que nous ce qui nous est avantageux ; et nous nous y trompons fort souvent. Dieu nous veut quelquefois dans les souffrances, parce que, quelquefois elles nous sont nécessaires, et que la vertu s'endort quand elle n'est pas exercée. Cette doctrine est celle de saint Paul. Je me glorifierai, dit-il, de mes afflictions; je m'y plairai; je chérirai les opprobres, les misères, les persécutions; ... car, quand je suis affligé, c'est alors que j'ai le plus de force (1).

POUR LE III DIMANCHE DE CARÊME.

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ÉPITRE.

Saint Paul aux Éphés., ch. V, v. 1.

Bs frères, soyez les imitateurs de Dieu, comme étant ses enfans bien-aimés, et marchez dans l'amour et la charité (1) II. Ep. aux Corinth., XII. 10, 11.

comme Jésus-Christ nous a aimés, et s'est livré lui-même pour nous en s'offrant à Dieu comme une oblation et une victime d'agréable odeur. Qu'on n'entende pas seulement parler parmi vous ni de fornication, ni'de quelque impureté que ce soit, ni d'avarice, comme on n'en doit point ouïr parler parmi des saints. Qu'on n'y entende point de paroles deshonnêtes, ni de folles, ni de bouffonnes, ce qui ne convient pas à votre vocation; mais plutôt des paroles d'action de grâces. Car sachez que nul fornicateur, nul impudique, nul avare, ce qui est une idolâtrie, ne sera héritier du royaume de Jésus-Christ et de Dieu. Que personne ne vous séduise par de vains discours; car c'est pour ces choses que la colère de Dieu retombe sur les hommes rebelles à la vérité. N'ayez donc rien de commun avec eux; car vous étiez autrefois ténèbres, mais maintenant vous êtes lumière en notre Seigneur. Marchez comme des enfans de lumière; or, le fruit de la lumière consiste en toutes sortes de bonté, de justice et de vérité.

L'APÔTRE veut que les chrétiens soient les imitateurs de Dieu, comme étant ses enfans bienaimés. Quand on a un tel père, que peuvent faire de mieux ses enfans que de le prendre pour modèle ? Mais Dieu est un modèle si parfait, qu'en nous proposant de l'imiter, l'Apôtre n'a pu avoir d'autre intention que de nous engager à étudier dans les lois que Dieu nous a prescrites les devoirs que nous avons à remplir; et ces devoirs, dit l'Apôtre, consistent à marcher dans l'amour et la charité, c'est-à-dire à aimer Dieu et le prochain. En faisant l'un et l'autre, nous nous conformons à Jésus-Christ, notre véritable modèle.

Ce n'est pas seulement les vices grossiers, comme le libertinage, la débauche, une abjecte et hon

teuse avarice dont un chrétien doit s'abstenir; il suffit d'être bien né, d'avoir sous les yeux de bons exemples, d'être doué d'un peu d'inclination au bien, pour ne pas donner dans ces excès condamnables, dont, au sentiment de l'Apôtre, on ne devrait pas même entendre parler parmi des chrétiens; mais il est d'autres vices qui se présentent sous une forme moins repoussante, et quelquefois même avec des attraits séduisans, et que le chrétien ne doit pas moins éviter : tel est, par exemple, l'amour excessif de la dissipation, du plaisir, des assemblées mondaines, des spectacles, en un mot, de tout ce qui détourne de Dieu, des devoirs de son état, de la grande affaire du salut. Je dis l'amour excessif, parce qu'il n'y a que l'excès qui soit blâmable, et que l'usage modéré des plaisirs permis, chacun suivant l'état dans lequel la Providence l'a mis, n'est point contraire à la religion. Je mets au rang des choses contre lesquelles on doit se prémunir l'esprit de frivolité, parce qu'il dénature un beau caractère et entraîne presque, sans que l'on s'en doute, dans de grands écarts. On est frivole dans sa conduite, et on l'est dans ses discours. L'être dans sa conduite, c'est ne s'occuper que de bagatelles, employer son temps à des riens, promener partout son inutilité, ne savoir que faire de soi. Le moindre inconvénient qui en résulte, c'est l'ennui de soimême et celui qu'on cause aux autres. Être frivole dans ses discours, c'est parler sans avoir pensé, dire tout ce qui vient à l'esprit sans examiner ce qui est

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