Page images
PDF
EPUB

convenable ou approprié aux circonstances; la frivolité est le propre d'une tête vide, d'un esprit qui n'a point été cultivé. Il faut à la personne frivole des amusemens continuels, et, avec quelque rapidité qu'ils se succèdent, ils ne peuvent la satisfaire; elle ne vit que de fantaisies; elle est sans cesse avide de nouveaux objets; et comme tout ne se plie pas aux caprices de son imagination, et que des objets nouveaux ne se présentent pas toujours à son gré, elle n'est presque jamais contente. L'opposé de la frivolité est la solidité d'esprit. On la tient en partie de la nature; mais elle peut être le produit d'une culture soignée ; elle donne le goût des choses utiles et sérieuses; elle rend estimables ceux qui l'ont; elle jette du charme sur leur vie.

Quoique la frivolité soit considérée ici plutôt sous le rapport de la morale humaine que sous celui de la religion, j'ai néanmoins pensé qu'il était bon d'en parler : premièrement, parce qu'elle a de l'analogie avec les choses que saint Paul blâme dans l'épître d'aujourd'hui; et ensuite parce qu'elle ne détourne pas moins des devoirs de la religion que de ceux de la société. Rien au reste n'est plus propre à guérir de la frivolité qu'une véritable piété, parce que la piété porte à aimer tout ce qui est bon et vrai, et que sans elle il n'y a point de vertu solide.

[graphic]

ÉVANGILE.

Saint Luc, ch. XI, v. 14.

Ex ce temps-là, Jésus chassa un démon qui était muet ; et le démon étant sorti, le muet parla, et tout le peuple fut ravi en admiration. Mais quelques-uns d'entre eux dirent: Il ne chasse les démons que par Béelzébut, prince des démons ; et d'autres, voulant le tenter, lui demandaient qu'il leur fît voir un prodige dans l'air. Mais Jésus, connaissant leurs pensées, leur dit : Tout royaume divisé contre lui-même sera détruit, et toute maison divisée contre elle-même, tombera en ruine. Si donc Satan est divisé contre lui-même, comment son règne subsistera-t-il ? Cependant vous dites que c'est par Béelzébut que je chasse les démons. Que si je chasse les démons par Béelzébut, par qui vos enfans les chassent-ils ? C'est pourquoi ils seront eux-mêmes vos juges. Mais si c'est par le doigt de Dieu que je chasse les démons, vous devez donc croire que le royaume de Dieu est venu jusqu'à vous. Lorsque le fort armé garde sa maison, tout ce qu'il possède est en paix; mais s'il en survient un autre plus fort que lui qui le surmonte, il emporte toutes ses armes dans lesquelles il mettait sa confiance, et distribue ses dépouilles. Celui qui n'est point avec moi est contre moi; et celui qui n'amasse point avec moi dissipe au lieu d'amasser. Lorsque l'esprit impur est sorti d'un homme, il s'en va par des lieux arides, cherchant du repos; et comme il n'en trouve point, il dit : Je retournerai en ma maison d'où je suis sorti; et y venant, il la trouve nettoyée et parée. Alors il s'en va prendre avec lui sept autres esprits plus méchans que lui, et entrant dans cette maison, ils en font leur demeure, et le dernier état de cet homme devient pire que le premier. Lorsqu'il disait ces choses, une femme, élevant sa voix du milieu du peuple, lui dit: Heureuses les entrailles qui vous ont porté, et les mamelles qui vous ont nourri! Jésus lui dit: Mais plutôt heureux sont ceux qui entendent la parole de Dieu, et qui la pratiquent!

UNE vaine admiration n'était pas ce que Jésus recherchait dans les miracles qu'il opérait. Il paraît néanmoins que la guérison de l'homme muet ne produisit pas une autre impression sur l'esprit de la plus grande partie de ceux qui en furent témoins. Une femme seule, non moins touchée des paroles du Sauveur que surprise du miracle, reconnaît en lui un pouvoir plus qu'humain, et s'écrie que « bienheureuses sont les entrailles qui l'ont porté et les mamelles qui l'ont nourri. » On ne voit pas que parmi les autres assistans aucun ait imité la foi de cette femme au contraire, au lieu de faire leur profit des discours du Sauveur et de croire en lui, quelques-uns en prirent occasion de le tenter, et, non contens du prodige qu'ils lui avaient vu opérer, lui demandèrent de leur faire voir un autre prodige dans les airs; mais ce n'est pas pour satisfaire la vaine curiosité des hommes que Dieu suspend dans quelques occasions les lois de la nature. C'est à la foi que sont réservées ces grâces extraordinaires. Ceux que le premier miracle n'avait pas convaincus, ne l'auraient pas été davantage, si Jésus en eût fait un second; et quand même ce second aurait été suivi de plusieurs autres. Quand on ne répond point à la première inspiration de la grâce, qu'au contraire on y résiste, et qu'on s'y refuse avec obstination, on ne sera touché par rien; on a endurci son cœur; il résistera même à des miracles.

Moins justes envers le Sauveur, d'autres lui supposent un commerce avec le démon, et lui im

putent d'opérer des miracles par la puissance de cet esprit de ténèbres. Le méchant juge d'autrui par lui-même, et voit partout de la perversité, parce qu'il y en a dans son cœur. Rien n'était si aisé au Sauveur que de réfuter cette calomnie, et il y fait une réponse sans replique. Je chasse le démon, dit-il, et vous prétendez que c'est par Béelzébut, prince des démons, que je le chasse. Le démon est donc contraire à lui-même, et il détruit son propre empire. Jésus pouvait ajouter, et il le fit dans une autre occasion: Voyez mes œuvres; sont-ce des oeuvres de ténèbres ou de lumière. La doctrine que je prêche porte-t-elle au vice ou à la vertu ? Je vous dis d'aimer Dieu et de suivre ses préceptes; j'établis un évangile de vertu et de charité, et, pour vous prouver ma mission, je fais des miracles. Croyez-vous que le démon, ennemi de Dieu, ennemi de tout bien, me prêterait son secours pour amener les hommes au bien et à la vertu, lui qui est un esprit de méchanceté et de malice? Cela serait absurde. Ce n'est donc point par Béelzébut, prince des démons, c'est par le pouvoir de Dieu que j'opère les merveilles dont vous avez été témoins.

Tirons de la conduite de ces hommes si prompts à mal juger des meilleures actions une leçon utile. Quand l'action paraît bonne, croyons-la telle, et ne lui cherchons pas de mauvais motifs, ne lui supposons pas une mauvaise intention. La charité exige de nous ce ménagement. Non-seulement elle nous interdit les jugemens téméraires, c'est

à-dire les jugemens peu favorables que, sans fondement, nous portons du prochain: mais elle veut encore que nous excusions en lui, par la droiture d'intention, les actions qui paraissent mauvaises. N'arrive-t-il pas souvent que l'intention soit bonne, quoiqu'au premier coup-d'œil l'action ne le paraisse pas? Pour être autorisé à condamner le prochain, il faut qu'il n'y ait aucun moyen de l'excuser; et quoique l'évidence dépose contre lui, il est encore bon et conforme à la charité de diminuer sa faute en la rejetant sur la fragilité humaine, sur la puissance de l'occasion, sur les mauvais conseils, ou sur tout autre motif propre à l'atténuer. Voilà ce qu'exige de nous l'Évangile et notre propre intérêt; car il est écrit qu'on se servira envers nous de la même mesure dont nous nous serons servis envers les autres (1); et si nous jugeons sévèrement, nous serons aussi jugés avec sévérité.

POUR LE IV DIMANCHE DE CARÊME.

MRS

ÉPITRE.

Saint Paul aux Galates, ch. IV, v. 22.

Es frères, il est écrit qu'Abraham a eu deux fils, l'un de la servante, et l'autre de la femme libre. Mais celui qui naquit de la servante naquit selon la chair; et celui qui naquit de la femme libre naquit par la vertu de la promesse de Dieu. Tout ceci est une allégorie: car ces deux femmes sont les deux alliances, dont la première, qui a été établie sur le mont (1) Luc, VI. 38.

« PreviousContinue »