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lui et en l'écoutant, on vivrait à la foi, et que celui qui vit à la foi ne meurt pas de la mort de l'âme, c'est-à-dire qu'il s'abstient du péché qui fait mourir l'âme à la grâce. Mais toujours prompts à saisir ce qui pouvait favoriser leur mauvaise intention, les Juifs cherchent dans la parole de Jésus un nouveau moyen de l'accuser. Vous montrez bien, lui dirent-ils, que vous êtes possédé du démon. Abraham et les prophètes amis de Dieu sont morts, et vous venez nous dire que ceux qui croiront en vous ne mourront point. Êtes-vous donc plus grand que notre père Abraham et les prophètes qui sont morts ? Et qui prétendez-vous être ?

La bonté du Sauveur ne se lasse point. Il prend de là occasion d'insinuer aux Juifs quelques connaissances de la Divinité. Après leur avoir fait sentir qu'il ne doit point se glorifier lui-même, mais attendre que son père le glorifie, il leur laisse entrevoir qui il est, en disant qu'Abraham avait souhaité de voir son jour, c'est-à-dire son avénement; qu'il l'avait vu, et qu'il en était comblé de joie. Il était évident que Jésus ne parlait point de lui comme homme, puisqu'il était impossible que sous ce rapport on crût qu'il était avant Abraham. Les Juifs avaient les prophéties, qu'ils lisaient journellement; ils savaient qu'un sauveur, né d'Abraham, leur était promis. Ces mêmes prophéties, s'ils avaient su les entendre, leur auraient fait comprendre que ce fils d'Abraham, par tous les caractères qui lui étaient attribués, était fils de Dieu. Mais, toujours charnels, ils ne comprirent rien, ou ne voulurent

rien comprendre à ces paroles pleines d'un sens mystique; et quand Jésus leur eut assuré avec serment qu'il était avant Abraham, ils prirent des pierres pour le lapider. Ainsi la mauvaise volonté les mène à la mauvaise foi, la mauvaise foi à l'aveuglement, l'aveuglement à l'injustice et au crime; c'est la gradation ordinaire.

On s'étonne avec raison de l'aveuglement des Juifs, et de l'obstination qui leur fait fermer les yeux à la lumière; mais combien plus doit-on s'étonner de celle d'un grand nombre de chrétiens de nos jours, qui ne montrent pas des sentimens moins pervers et un aveuglement moins coupable. Ils ont l'Évangile, comme les Juifs avaient les prophètes. Dès leurs plus jeunes ans, ils ont été imbus des vérités de la religion. Elles retentissent journellement dans nos chaires publiques. La voix des pasteurs les y proclament; et l'Église n'en a pas moins à déplorer la perte de ses enfans entraînés hors de la voie droite par leurs passions, ou déçus par les sophismes de doctrines fausses et corruptrices. Plaignons ces âmes égarées, prions même Dieu qu'il les éclaire, la charité le veut; mais évitonsles, de peur d'être entraînés par le même poison. La prudence le conseille; c'est l'avis du sage: « Celui qui aime le péril, y périra» (1).

(1) Eccli., III. 27.

POUR LE DIMANCHE DES RAMEAUX.

ÉVANGILE DE LA PROCESSION.

Saint Matthieu, ch. XXI, v. I.

Ex ce temps-là, Jésus étant près de Jérusalem, et étant déjà

le

arrivé à Bethphagé, près de la montagne des Oliviers, il envoya deux de ses disciples, et leur dit: Allez à ce village qui est devant vous, et vous y trouverez en arrivant une ânesse liée, et son ânon auprès d'elle; délicz-la, et me l'amenez. Que si quelqu'un vous dit quelque chose, dites-lui que Seigneur en a besoin, et aussitôt il les laissera emmener. Or, tout ceci s'est fait afin que cette parole du prophète fût accomplie Dites à la fille de Sion: Voici votre roi qui vient à vous plein de douceur, monté sur une ânesse, et sur l'ânon de celle qui est sous le joug. Les disciples s'en allèrent donc, et firent ce que Jésus leur avait commandé; et ayant emmené l'ânesse et l'ânon, ils les couvrirent de leurs vêtemens, et le firent monter dessus. Une grande multitude de peuple étendit aussi ses vêtemens le long du chemin, et les autres coupaient des branches d'arbres, et les jetaient par où il passait ; et tous ensemble, tant ceux qui allaient devant lui que ceux qui le suivaient, criaient: Hosanna, salut et gloire au fils de David; béni soit celui qui vient au nom du Seigneur.

J'AI souvent parlé de l'accord parfait qui se trouvait entre les prédictions des prophètes et les événemens de la loi nouvelle; il n'y a pas une action de Jésus-Christ qui n'ait été prédite avec tant de détails et de circonstances, que le tableau de sa vie paraît calqué sur ce qu'en avaient dit d'avance et consigné dans leurs écrits ces hommes inspirés que Dieu suscitait, non-seulement pour rappeler

à l'observance de ses lois le peuple juif qui s'en écartait, mais encore pour frayer la voie à l'Évangile, et lui ménager une preuve de vérité à laquelle il n'y avait point de réplique. Car l'avenir n'étant connu que de Dieu seul, et un accord si parfait ne pouvant provenir du hasard, il est évident que les prophéties rendent témoignage à la vérité de l'Évangile, comme l'Évangile rend témoignage à la vérité des prophéties.

L'Église nous met sous les yeux dans celui d'aujourd'hui l'entrée triomphale de Jésus dans Jéru– salem. Jusque-là le Sauveur s'était dérobé à tous les honneurs qu'on avait voulu lui rendre. Il s'était caché lorsque, après la multiplication des pains, on avait voulu le faire roi (1). Il avait défendu aux apôtres, témoins de sa glorieuse transfiguration, de la divulguer (2). Il avait imposé silence au sourdmuet, qu'il avait guéri en quittant les confins de Tyr (3). Aujourd'hui, au contraire, il ordonne pour ainsi dire son triomphe, et il se donne le titre de Seigneur. Vous direz, dit-il, que le Seigneur en a

besoin.

On couvre de vêtemens la monture qui doit lui servir; on jonche de verdure le chemin par où il doit passer. Il entre dans Jérusalem aux acclamations d'un peuple immense. Salut et gloire au fils de David, crie-t-on de tous côtés; béni celui qui vient au nom du Seigneur; triomphe, hélas! de courte durée, et qui ne précéda que de quel

(1) Jean, VI. 15.
(2) Matth. XVII. 9.

(3) Marc, VII. 36.

ques jours sa passion! C'était le dimanche que lui avaient été rendus ces hommages publics. Dans la nuit du jeudi au vendredi suivant, il est arrêté, injurié, accablé d'outrages, et ce jour même il est condamné au supplice des criminels, et crucifié.

Apprenons de là combien peu on doit compter sur les faveurs des hommes, et jusqu'à quel point elles sont passagères. Aujourd'hui on est au comble de la gloire, on nage dans l'abondance; demain on est plongé dans l'humiliation, et en proie aux horreurs du besoin. Combien ces derniers temps nous ont offert d'exemples de cette instabilité ! Tirons de là l'utile leçon que nous ne devons pas trop nous attacher aux biens de ce monde.

Les saints docteurs ont vu dans ce rapprochement du triomphe de Jésus-Christ, et de sa passion, l'image de ce qui se passe presque chaque jour dans la conduite des chrétiens. Avons-nous péché, nous recourons au sacrement de la pénitence; Dieu, que nous avons offensé, nous pardonne. Notre réconciliation est le véritable triomphe de Jésus-Christ dans notre cœur ; mais bientôt nous retombons dans nos habitudes vicieuses, nous offensons Dieu de nouveau, et, semblables aux Juifs, et même plus criminels qu'eux, puisque nous avons été avantagés de dons de la foi, nous crucifions le Christ.

Puisque notre faiblesse nous expose à ces fréquentes rechutes, faisons au moins notre possible pour qu'elles nous soient pardonnées. Veillons avec soin sur nous-mêmes; tâchons qu'elles soient rares,

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