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POUR LE III DIMANCHE APRÈS PAQUES.

ÉPITRE.

I. ép. de saint Pierre, ch. II, v. 11.

Mes très-chers frères, je vous exhorte de vous abstenir,

comme étant étrangers et voyageurs en ce monde, des passions charnelles qui combattent contre l'âme. Conduisez-vous parmi les gentils d'une manière pure et sainte, afin qu'au lieu qu'ils médisent de vous, comme si vous étiez des méchans, les bonnes œuvres qu'ils vous verront faire les portent à rendre gloire à Dieu au jour qu'il daignera les visiter de sa grâce. Soyez donc soumis pour l'amour de Dieu à tout homme qui a du pouvoir sur vous, soil au roi, comme au souverain, soit aux gouverneurs, comme à ceux qui sont envoyés de sa part pour punir ceux qui font mal, et pour traiter favorablement ceux qui font bien. Gar Dieu veut qué, par votre bonne vie, vous fermiez la bouche aux hommes ignorans et insensés, agissant comme des personnes libres, non pour vous servir de votre liberté comme d'un voile qui couvre vos mauvaises actions, mais pour agir en vrais serviteurs de Dieu. Rendez l'honneur à tous ceux à qui il est dû ; aimez vos frères, craignez Dieu, honorez le roi. Serviteurs, soyez soumis à vos maîtres avec toute sorte de révérence, non-seulement à ceux qui sont bons et doux, mais à ceux qui sont rudes et fâcheux; car c'est une chose agréable à Dieu en Jésus-Christ notre Seigneur, que, dans la vue de lui plaire, nous endurions les maux et les peines qu'on nous fait souffrir avec injustice.

On voit dans cette épître toute l'excellence de la religion chrétienne. Il n'est aucune mauvaise action dont elle ne détourne, aucun bien à quoi elle ne porte, aucune vertu qu'elle ne conseille; c'est

surtout au soin important qui doit nous occuper, au soin de notre salut qu'elle nous exhorte. Sans cesse elle nous y ramène. Elle vient aujourd'hui nous apprendre que nous sommes des étrangers et des voyageurs en ce monde ; c'est nous dire que nous ne devons pas nous y attacher; mais que, semblables à des voyageurs qui tendent continuellement au terme de leur voyage, et dont tous les pas se dirigent vers ce but, nous devons diriger tous nos pas vers le but de cette vie qui doit passer et être suivie d'une autre vie qui ne finira point. Mais pour cela qu'avons-nous à faire ? L'Apôtre nous le dit : nous devons nous abstenir des passions charnelles qui combattent contre l'âme; nous devons nous conduire d'une manière pure et simple, donner à ceux parmi lesquels nous vivons l'exemple des vertus chrétiennes, de la charité surtout, et nous montrer ainsi les véritables imitateurs de Jésus-Christ, notre modèle.

Si on me demande ce que l'Apôtre entend par des passions charnelles, je répondrai que c'est tout ce qui nous porte à rechercher une satisfaction purement temporelle au préjudice de notre salut. C'est par conséquent un amour désordonné de nous-mêmes, qui fait que nous nous regardons comme le centre de tout, que nous croyons que tout doit se rapporter à nous et se plier à nos désirs et à notre volonté. C'est l'ambition qui nous inspire le désir déréglé des grandeurs de ce monde, bien que l'expérience apprenne à ceux qui les possèdent que ce n'est pas là que l'on trouve le bon

heur. C'est l'envie et la jalousie qui nous fait voir avec peine et regret la prospérité ou le succès des autres; c'est le goût excessif de la dissipation qui nous fait chercher hors de nous et à quelque prix que ce soit des plaisirs et des amusemens qui nous fuient à mesure que nous croyons nous en approcher davantage, et que nous imaginons que nous sommes près d'en jouir; c'est tout ce que la saine raison et la religion condamnent.

Mais ce n'est pas aux vertus religieuses seules que l'Apôtre nous exhorte dans cette épître ; c'est encore aux vertus sociales et civiles. Il y recommande la soumission aux puissances établies, aux princes, à ceux qui gouvernent; il veut qu'on leur obéisse, qu'on les regarde comme des envoyés de Dieu sur la terre pour punir les méchans et récompenser les bons; il ordonne, en un mot, d'être fidèle sujet et bon citoyen. En tirant les conséquences qui suivent naturellement de cette doctrine, il sera impossible de n'en pas conclure que l'Apôtre recommande en même temps aux serviteurs d'être soumis et fidèles à leurs maîtres, aux enfans d'être obéissans envers leurs pères et mères, à ceux à l'éducation de qui on travaille d'écouter avec déférence et avec une confiance reconnaissante les personnes que leurs parens ont chargées de les instruire et de les former; car alors ce n'est pas leur propre autorité, mais l'autorité des pères et mères qu'ils exercent. Ainsi manquer à leur égard de docilité, c'est véritablement violer le grand précepte qui ordonne aux enfans une sou

mission entière aux volontés des auteurs de leurs jours. Et ce n'est pas seulement quand les princes, quand les parens, quand les maîtres sont doux et complaisans que les sujets, que les enfans, que les serviteurs sont obligés de les écouter, de leur obéir, de les aimer; ils le doivent encore, dit l'Apôtre, quand ces personnes leur paraissent sévères et fâcheuses (1); premièrement, parce que ce n'est pas à eux à les juger; et secondement, comme le dit l'Apôtre, parce que c'est une chose agréable à Dieu que nous endurions les maux et les peines qu'on nous fait souffrir avec injustice (2).

Combien n'avons nous donc pas de grâces à rendre à Dieu de nous avoir fait naître dans une religion si parfaite, et qui nous enseigne si bien nos devoirs!

EN

ÉVANGILE.

Saint Jean, ch. XVI, V. 16.

N ce temps-là, Jésus dit à ses disciples: Encore un peu de temps, et vous ne me verrez plus, et encore un peu de temps, et vous me verrez, parce que je m'en retourne à mon père. Sur cela, quelques-uns de ses disciples se dirent les uns aux autres Que veut-il nous dire par là: Encore un peu de temps, et vous ne me verrez plus, et encore un peu de temps, et vous me verrez, parce que je m'en retourne à mon père ? Ils disaient donc : Que veut dire encore un peu de temps? nous ne savons ce qu'il veut nous dire. Mais Jésus, connaissant qu'ils voulaient l'interroger là-dessus, leur dit : Vous vous demandez les uns aux autres ce que j'ai voulu vous dire par ces paroles Encore un peu de temps, et vous ne me verrez plus, et encore un peu de temps, et vous me verrez, En vérité, en (2) Ibid, 19.

(1) I. ép. de saint Pierre, II. 18,

vérité, je vous le dis: Vous pleurerez et vous gémirez, et le monde sera dans la joie; vous serez dans la tristesse, mais votre tristesse se changera en joie. Lorsqu'une femme enfante, elle est dans la douleur, parce que son heure est venue; mais, après qu'elle a enfanté un fils, elle ne se souvient plus de ses maux, dans la joie qu'elle a d'avoir mis un homme au monde. Aussi vous êtes maintenant dans la tristesse; mais je vous verrai de nouveau, et votre cœur se réjouira, et personne ne vous ravira votre joie.

LES paroles de cet évangile embarrassèrent les disciples à qui Jésus les adressait. « Que nous veut dire le Seigneur? se disaient-ils entre eux : Encore un peu de temps, et vous ne me verrez plus, et encore un peu de temps et vous me verrez. » Jésus vit qu'ils ne le comprenaient pas et qu'ils le voulaient interroger. Il ne jugea pas à propos de les satisfaire; il continua de parler sans leur donner aucune explication, laissant aux événemens qui devaient suivre à développer à leurs yeux le sens de ces paroles mystérieuses: leçon utile pour les fidèles, qui ne doivent point chercher à pénétrer dans les mystères, au-delà de ce qu'il a plu à Dieu de leur révéler.

Il me semble cependant qu'on peut donner à ces paroles du Sauveur deux interprétations différentes. La première est simple et naturelle. Jésus-Christ parlait souvent de sa passion à ses disciples; mais leur intelligence ne devant être parfaitement ouverte que quand ils auraient reçu le Saint-Esprit, ils ne comprirent point ce que Jésus voulait leur dire. Quand même il leur déclara que sous peu il devait mourir, saint Pierre

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