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Sur ces 3,500,000 francs, il n'y a donc réellement qu'un million d'imposé, en sus de ce que l'on paye déjà, savoir: 500,000 francs sur les lettres, 500,000 francs sur les journaux.

Le surplus (2,500,000 francs) sera supporté : 1o par les voyageurs qui y trouveront leurs avantages et leur satisfaction; 2° par l'activité d'une correspondance bien volontaire, d'autant plus volontaire qu'elle sera plus active. En effet celui qui voudra profiter des facilités nouvelles pour écrire davantage, c'est qu'il y trouvera sans doute à satisfaire son intérêt ou son plaisir, et dès lors il ne murmurera pas.

Ce million imposé en sus du tarif actuel, soit sur les lettres, soit sur les journaux, peut-on le refuser, lorsqu'on met en opposition les bienfaits qui seront le résultat du nouveau mode d'administration des postes? Je ne le pense pas. Récapitulons ces avantages: correspondance quotidienne entre la capitale et les villes du royaume; correspondance directe entre chaque ville; cessation d'une inégalité révoltante dans le service des divers points de la France, quant aux correspondances; communications plus rapides, et dès lors opérations commerciales multipliées ; taxation des lettres en proportion du chemin parcouru en ligne droite, et non d'après les diverses sinuosités; facilités pour le poids des lettres simples; diminution du tarif des lettres dans le parcours de vingt-cinq lieues aux environs de chaque bureau de poste.

Tels sont les avantages immenses qui résulteront de l'avance de ce million; j'ai dit ces mots, de l'avance de ce million, à dessein, car votre commission a été unanime pour exprimer le vœu que l'augmentation du produit des postes tournât désormais, non au profit du Trésor comme un impôt, mais au profit et en déduction du tari des lettres.

Je ne doute pas qu'une sage administration n'adopte ce vœu qui perfectionnera l'ouvrage qu'elle nous soumet. En diminuant le tarif des lettres, et en modérant la taxe, on écrira indubitablement davantage, et les produits, loin de diminuer, deviendront plus abondants.

Tout ce que je viens de dire prouve suffisamment la nécessité et la bonté de la loi présentée; ses avantages sont évidents même pour les moins clairvoyants. Cependant comme plusieurs croient y voir un but caché dans l'élévation de la taxe pour le transport des journaux, il est bon d'examiner si l'augmentation de cette taxe sera telle qu'elle restreindra le nombre des abonnements, et si la circulation des journaux de la capitale dans le reste de la France en sera diminuée.

Si cela était, je n'hésiterais pas à repousser l'article 8, parce que les journaux sont un besoin public, parce qu'ils sont un des grands moyens de publicité nécessaire, indispensable même dans notre gouvernement, parce qu'ils sont souvent un asile pour la plainte du faible contre le fort, parce qu'ils sont un des organes de l'opinion publique, parce qu'ils sont comme le lien intellectuel de tous les habitants entre eux, qui, par leur moyen, participent ainsi aux affaires publiques. Sans eux, elles seraient restreintes dans l'enceinte de la capitale, où leur concentration serait dès lors absolue (1).

(1) Il ne peut-être question que des journaux de Paris, parce que ceux qui s'impriment dans les départements en sortent rarement, et ne sont soumis dès lors qu'à la faible surtaxe d'un demi-centime.

Mais s'il est prouvé, d'une part, que 5 centimes par feuille, quelle que soit la distance à parcourir ne paiera pas encore les frais de transports, et si, d'une autre part, le prix des abonnements ne peut pas, et ne doit pas subir une augmentation de plus de 5 à 6 francs par an, il faudra reconnaître avec franchise que l'article 8 n'a point un but caché, celui de restreindre la circulation des journaux de la capitale, mais seulement de les faire participer aux frais nécessités par l'amélioration d'un service qui leur ouvrira désormais des lignes de communication avec des parties de la France où ils n'arrivaient qu'à de grands intervalles, et où la facilité de les recevoir journellement leur procurera beaucoup de nouveaux abonnements.

Dans l'état présent des choses les journaux de la capitale sont transportés à peu près gratuitement par l'administration cela est-il juste? Trente mille individus (car les abonnements hors du département de la Seine ne sont pas même au nombre de trente mille) peuvent-ils avoir le privilège de ne pas payer les déboursés même de l'administration chargée de leur procurer leurs journaux? Personne ne pourrait approuver une telle faveur faite au détriment du Trésor public. Or, le transport des journaux de la capitale au prix de deux centimes par feuille, ne rapporte à l'administration que 219,000 francs par an. Cependant les journaux sont dans les malles-postes d'un poids égal aux lettres, qui rapportent 24 millions environ. Qu'arrivera-t-il lorsque le port des trente mille journaux de la capitale sera élevé à cinq centimes; c'est que ces trente mille feuilles paieront en totalité à l'administration chargée de les transporter la modique somme de 540,000 francs, somme qui couvrira à peine les frais de service, et qui, certes, ne donnera aucun bénéfice.

Cependant si la circulation des feuilles publiques devait souffrir de cette nouvelle mesure, je n'hésiterais pas à dire qu'il serait peut-être bon que l'Etat fit un sacrifice en vue de l'utilité des journaux. Mais comment cette circulation seraitelle diminuée? Par l'effet, dira-t-on, d'une augmentation de 10 fr. 95 c. de taxe annuelle pour le transport de chaque feuille de trente décimètres carrés et au-dessous.

Mais c'est ici le lieu de faire une observation qui me paraît assez essentielle. Le nombre des journaux de la capitale est d'environ cinquantesix à cinquante-huit mille. Une moitié reste dans Paris, et est remise sans frais, parce que la poste ne les transporte pas. Il n'y aura donc que la moitié de ces feuilles, portées de Paris dans les départements qui sera soumise à la taxe : ainsi l'augmentation, qui est de 10 fr. 95 c., comparée à la masse totale des journaux, ne sera réellement que de 5 fr. 47 c. et demi. Il faut faire observer que les abonnements de la capitale et des départements sont tous au même prix. Ainsi, puisque les journaux de Paris ne peuvent être soumis à l'augmentation de la taxe, puisqu'ils sont en même nombre que ceux envoyés dans les départements, et puisque les abonnements sont d'un prix égal, soit pour Paris, soit pour les départements, il en résulte que le journaliste, pour s'indemuiser de la taxe de 10 fr. 95 cent., ne devra augmenter que de 5 fr. 47 cent. et demi la totalité des abonnements. D'une autre part, si on considère la faculté donnée à ces feuilles de pouvoir s'élever jusqu'à trente décimètres carrés (ce qui arrivera toutes les fois qu'il y aura lieu d'employer des suppléments); si l'on considère aussi le plus grand nombre d'abonnements que procureront les communications quotidien

nes avec la capitale, il restera démontré que le prix des journaux pourra rester tel qu'il existe à présent, ou à peu près le même, et que l'article 8 ne nuit nullement à la circulation des journaux de la capitale dans le reste de la France.

Il doit donc être adopté, ainsi que le reste de la loi à laquelle je donne mon vote approbatif. (La Chambre ordonne l'impression du discours de M. le vicomte Dubouchage.)

M. le comte de Villèle, ministre des finances, président du conseil des ministres, demande à présenter quelques réponses aux objections faites par les orateurs entendus contre le projet. Le premier de ces orateurs motive son opposition à la loi proposée sur l'augmentation qu'elle apporte dans le tarif actuel. Il eût été facile sans doute de satisfaire au vœu du noble pair: mais alors il fallait renoncer à l'établissement du service journalier et se borner au second objet que l'on s'est proposé, c'est-à-dire à la rectification des taxes: mais si l'amélioration qui résultera du service journalier est reconnue utile, si la Chambre lui donne son assentiment, il faut bien chercher les moyens de pourvoir au surcroît de dépenses qu'il entraînera. Deux voies se présentaient pour y faire face. On pouvait ou demander les fonds nécessaires à d'autres contributions, ou les prendre sur la taxe elle-même. C'est ce dernier moyen que le gouvernement a cru le plus juste et le plus convenable, pourvu que l'augmentation de taxe fût restreinte dans les limites d'une sage modération; et c'est ce qui a été fait, puisque, suivant des calculs dont l'approximation est aussi exacte qu'elle peut l'être dans une matière aussi compliquée, il y a lieu de penser que l'augmentation de la taxe des lettres ne sera que de quatre cent mille francs environ, tandis que tous les autres systèmes que l'on a soumis aux mêmes calculs auraient donné, soit en plus, soit en moins, des différences infiniment plus considérables. Ainsi l'on a fait tout ce qui était possible pour ne pas augmenter la taxe, et l'augmentation ne dépasse pas ce qui était strictement nécessaire. Le projet, sous ce rapport, est donc à l'abri de tout reproche. Le troisième orateur s'est demandé si l'établissement du service journalier accélèrerait l'arrivée des dépêches autant que leur départ, et si quelques localités ne perdraient pas, par le changement des services, les avantages dont elles jouissent aujourd'hui. Quant à l'accélération de l'arrivée des dépêches, il est évident qu'elle sera la conséquence nécessaire de l'accélération des départs puisqu'une fois parties les lettres ne s'arrêtent plus qu'au lieu de leur destination, le service journalier étant établi non seulement pour la levée des dépêches, mais aussi pour leur distribution, l'avantage sera le même sous l'un et sous l'autre rapport. Quant à la question des localités, si l'on parle seulement du départ et de l'arrivée des lettres, il faut reconnaître que, sous ce point de vue, aucune localité ne souffrira de la loi nouvelle, puisque toutes seront alors traitées comme le sont aujourd'hui les plus favorisées ; mais on a compliqué la question de celle du passage des malles-postes. A cet égard, il faut bien reconnaître d'abord que le nombre des mallespostes, loin d'être diminué, sera nécessairement augmenté pour satisfaire à un service plus actif. Mais quant à la direction qu'elles devront suivre, l'administration ne peut prendre aucun engagement positif, son devoir étant de choisir les grandes lignes de dépêches de manière à rendre le plus faciles et le plus économiques possible les

services latéraux. Le noble pair s'est particulièrement occupé de l'état actuel du service de Beauvais et de Chambly. Le ministre se contentera de répondre, d'après une note fournie par la direction générale des postes, que la suppression de la malle-poste de Calais par Beauvais n'a occasionné d'autre retard dans la correspondance de Chambly, si ce n'est que les lettres qui y arrivaient directement le soir par la malle-poste de Calais par Beauvais, y arrivent aujourd'hui le lendemain de bonne heure par un piéton de Luzarches, ce qui ne change réellement rien à la distribution qui ne pouvait avoir lieu pendant la nuit. Si d'ailleurs quelques améliorations sont possibles sur ce point comme sur d'autres, l'administration sera fort empressée de les adopter. Il pourra sans doute arriver que quelque changement soit nécessaire à l'égard de certaines localités; mais aucune n'y perdra, puisque toutes conserveront ou acquerront l'avantage du service journalier. Le même orateur a présenté une autre observation qui est devenue la question principale dans l'opinion du quatrième orateur; cette observation est relative au prix du transport des journaux. On objecte que la disposition de l'article 8 du projet eût été mieux placée dans la loi de finances mais si le gouvernement l'y eût en effet insérée, n'eut-on pas objecté, avec bien plus de fondement, que c'était à la loi sur le tarif des postes à régler cet objet? et n'eût-on pas reproché au ministère de mêler à des questions financières, des questions que l'on prétend tenir à la politique? C'est ainsi que dernièrement on a pensé, dans l'autre Chambre, que ce n'était pas dans une loi sur la police de la presse que devait figurer une disposition relative au timbre des journaux. Reste ce qu'on appelle ici la question politique; le ministre ne craint pas de provoquer sur ce point la discussion la plus sévère; elle prouvera que l'intention du gouvernement, en proposant la disposition dont il s'agit, ne peut avoir été de gêner en rien la liberté de la presse. Pour le reconnaître, ne suffit-il pas de comparer le prix du transport des journaux à celui de tous les autres objets? On verra que la moindre lettre paie au minimum une taxe d'au moins deux décimes, avec augmentation progressive, suivant les distances; que le moindre avis de faire-part paie un décime de taxe fixe, tandis que, pour un volume bien plus considérable, les journaux ne paient que cinq centimes, quelle que soit la distance qu'ils parcourent: c'est donc une faveur et non une gêne qu'il faut voir dans cette disposition. Qu'est-ce donc d'ailleurs qu'une charge aussi légère en proportion des bénéfices considérables de pareilles entreprises? Et si l'on veut affranchir jes journaux de tous frais de transport, ne faudrait-il pas auparavant les dégager du timbre auquel ils sont aujourd'hui soumis, et dont l'établissement prouve que la législation a déjà considéré les bénéfices de ces sortes d'entreprises comme une matière imposable? La taxe imposée n'a rien que de modéré; elle n'arrêtera point la prospérité toujours croissante des journaux; et qu'on cesse de dire qu'elle a été conçue en haine de la liberté de la presse. Si telle eût été la pensée du gouvernement, pourquoi donc, au lieu de la taxe de deux centimes actuellement perçue, n'aurait-il pas exigé celle de trois centimes, ainsi que la loi lui en donnait le droit? pourquoi eût-il proposé d'ajourner, jusqu'à l'année prochaine, l'exécution d'une loi qui pouvait avoir son effet du jour de sa promulgation? C'est que tous les reproches faits au gouvernement sous ce

rapport sont sans fondement aucun. On l'accuse de vouloir asservir la presse, tandis qu'il ne veut que la préserver elle-même des abus de la licence. On croit voir dans la taxe des journaux un moyen indirect d'arriver au but qu'on lui suppose, tandis qu'il ne s'agit en réalité que de pourvoir aux besoins d'un service dont l'état actuel des relations sociales nous revèle à chaque instant la nécessité, et qui accélérera et multipliera nécessairement ces communications de la pensée et des opinions qu'on voudrait, dit-on, entraver.

Ce service que la France pourra considérer comme un bienfait doit entraîner un surcroît de dépense considérable. Une partie de ce surcroît sera payé par l'augmentation annuelle et progressive du produit des postes. L'augmentation sur le tarit des lettres en payera une autre partie. Il a paru juste d'en faire supporter aussi leur part aux journaux qui, à eux seuls, forment au moins la moitié et les deux tiers peut-être du poids des dépêches et de les soumettre à une taxe un peu moins disproportionnée avec celle des autres dépêches. Cette idée n'était pas nouvelle, et déjà l'administration des postes s'en était occupée à une autre époque. Le ministre l'a adoptée comme le moyen qui semblait le plus propre à concilier tous les suffrages, à l'amélioration importante du service journalier. Il l'a présentée aux Chambres sans aucune arrière-pensée relative à la liberté de la presse. Il espèrè donc qu'aucun obstacle ne s'opposera à son adoption.

M. le comte de Kergorlay observe, relativement au service des dépêches pour Beauvais et Chambly, que l'inconvénient aujourd'hui subsistant n'est pas celui dont le ministre a parlé : c'est surtout du mode de correspondance entre Beauvais et Chambly que ces deux villes ont à se plaindre. Déjà un circuit très long que cette correspondance avait à subir a été supprimé; mais la correspondance directe que l'on y a substituée est singulièrement ralentie par l'emploi de deux piétons au lieu d'une voiture, qui seule pourrait donner à ce service l'exactitude et la célérité qu'il réclame.

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7 grammes et demi seront considérées comme lettres simples. »

L'article 3 s'exprime en ces termes :

« Article 3. Les lettres du poids de 7 grammes et demi jusqu'à 10 grammes exclusivement paieront la moitié en sus du port de la lettre simple;

«Les lettres de 10 à 15 grammes exclusivement paieront deux fois le port de la lettre simple;

« Celles de 15 à 20 grammes exclusivement, deux fois et demie le port, et ainsi de suite, en ajoutant la moitié du port de la lettre simple de 5 en 5 grammes.

« Ces taxes continueront d'être perçues en décimes, et sans fractions de décime, ainsi que cela est réglé, par le cinquième paragraphe de l'article 7 de la loi du 27 frimaire an VIII (18 décembre 1799). »

M. le comte de Tournon observe que, jusqu'à ce jour, et aux termes de la loi de l'an VIII, l'excédent de poids entre sept et dix grammes ne donnera lieu qu'à une augmentation d'un décime sur la taxe de la lettre simple. Le projet, au contraire, en fixant à un demi-gramme de plus le poids de la lettre simple, porte qu'à partir de 7 grammes et demi jusqu'à 10 la taxe de la lettre sera d'une moitié en sus; augmentation qui, dans certains cas, peut s'élever jusqu'à 6 décimes. Il y aura donc dans le système nouveau plus d'intérêt que dans le système ancien à ce que le poids de la lettre, lorsqu'il excède celui de la lettre simple, soit constaté d'une manière exacte et qui ne puisse donner lieu à aucune surtaxe. Le noble pair demande quelles sont les mesures prises pour prévenir tout abus à cet égard?

M. le marquis de Vaulehier, conseiller d'Etat directeur général des postes, commissaire du roi pour la discussion du projet, expose que le cas où un abus serait possible sera nécessairement très rare, à raison de la fixation nouvelle du poids de la lettre simple, d'autant plus que cette fixation comprend, ainsi qu'on s'en est assuré par des expériences nombreuses et faites avec le plus grand soin, non seulement toutes les lettres simples sur quelque papier qu'elles soient écrites, mais encore les lettres renfermant un effet de commerce sur papier ordinaire. Le mode adopté pour la vérification du poids est le seul dont on puisse user en pareille matière, quelle que soit d'ailleurs la limite. La lettre est placée dans l'un des bassins d'une balance, et le poids de sept grammes et demi dans l'autre, et suivant que l'un ou l'autre bassin l'emporte, la lettre est considérée comme lettre simple ou soumise à l'augmentation de taxe.

M. le comte de Tournon insiste et demande si, en cas de réclamation ou de plainte de la part des particuliers, les autorités locales, les maires par exemple, auraient le droit de procéder à la vérification des poids et des balances, et quelle serait l'autorité devant laquelle les parties lésées devraient se pourvoir pour obtenir justice?

M. le marquis de Vaulchier déclare que les poids destinés au pesage des lettres sont envoyés à chaque bureau de poste par l'administration générale, qui prend toutes les mesures nécessaires pour en constater l'exactitude. Aucune erreur n'est donc possible. Aucune plainte n'a jusqu'ici été faite; aucune plainte n'est parvenue à la direction générale; et s'il pouvait s'en élever à

l'avenir, les particuliers auraient, pour faire valoir leurs droits, les mêmes garanties qui leur appartiennent aujourd'hui.

M. le baron de Barante, tout en reconnaissant que jamais aucune réclamation de ce genre n'est parvenue à sa connaissance, estime qu'il est nécessaire de fixer à cet égard les véritables principes. Ces principes sont posés par la loi du 29 août 1790, qui, dans l'article 3 du titre IV, porte que les difficultés en matière de postes seront portées devant les juges ordinaires des lieux. Cette disposition n'étant abrogée par aucune loi postérieure, c'est toujours à la justice ordinaire que les particuliers doivent soumettre leurs réclamations.

M. le vicomte Dubouchage observe que quelle que soit l'opinion qu'on adopte sur ce point, cet objet n'étant que d'exécution, ne peut donner matière à aucune disposition législative. Il ne pense donc pas que la Chambre doive s'y arrêter plus longtemps.

Aucun autre pair ne réclamant la parole, l'article 3 est mis aux voix et provisoirement adopté. Les articles 4, 5 et 6 ne donnent lieu à aucune observation, et sont provisoirement adoptés dans les termes du projet qui sont les suivants :

« Art. 4. Il n'est rien changé aux taxes actuellement établies sur les lettres de et pour la même

commune.

« Les lettres remises à un bureau de poste pour être portées par les agents de l'administration à une distribution relevant de ce même bureau, seront taxées suivant les progressions de poids ci-après :

« Au-dessous de 7 gr. 1/2......... 2 décimes. « De 7 gr. 1/2 à 15 gr.exclusivement 3 « De 15 à 30 gr. exclusivement.....4 «Et de 30 gr. en 30 gr.......

1 d. en sus « Quant aux lettres simplement déposées dans un bureau de poste ou dans une distribution et destinées pour une autre commune dépendant de l'arrondissement du bureau, elles ne paieront qu'un droit fixe d'un décime par lettre. »

«Art. 5. Les lettres de France ou passant par la France à destination de la Corse, et les lettres de ce département pour la France ou devant passer par la France, ne seront assujetties à aucun taxe pour le parcours dans le département de la Corse. En conséquence, la taxe ne sera perçue que pour le trajet du point de départ jusqu'au lieu d'embarquement pour la Corse, et réciproquement du point d'arrivée de la Corse jusqu'au lieu de destination.

Il sera perçu, en outre, un décime pour la voie de mer. »

« Art. 6. Les lettres destinées pour les colonies et pays d'outre mer (l'Angleterre exceptée) seront af franchies du point de départ au lieu d'embarquement indiqué sur l'adresse; la taxe sera perçue conformément aux articles 1, 2, 3 et 4.

« Toutes les fois que le lieu d'embarquement ne sera pas désigné, la lettre sera expédiée à Paris, et la taxe sera, en conséquence, perçue du point de départ jusqu'à Paris, en ajoutant la taxe des lettres de Paris pour les colonies, laquelle est et demeure fixée uniformément à cinq décimes.

« Dans les cas ci-dessus, il sera perçu en sus du port un décime pour la voie de mer.

« Les lettres des colonies et pays d'outre mer (l'Angleterre exceptée) seront taxées conformément aux articles 1, 2, 3 et 4, d'après la distance du point de débarquement jusqu'au lieu de des

tination, plus un décime pour la voie de mer. « Les lettres déposées dans les bureaux de poste des lieux d'embarquement pour les colonies et pays d'outre mer (l'Angleterre exceptée), et les lettres venant des mêmes lieux pour les ports où elles auront été débarquées, seront taxées comme lettres de la ville pour la ville, plus un décime pour la voie de mer. »

L'article 7 s'exprime en ces termes :

Art. 7. La lettre à laquelle sera attaché un échantillon de marchandises, sera taxée conformément aux articles, 1, 2, 3 et 4 ci-dessus.

« Il sera perçu, en outre, sur l'échantillon, une taxe réduite au tiers de la taxe d'une lettre du même poids, mais seulement lorsque l'échantillon serà présenté sous bandes ou de manière à ne laisser aucun doute sur sa nature, et qu'il ne contiendra d'autre écriture à la main que des numéros d'ordre.

་་

« Si l'échantillon est envoyé isolément, la taxe sera également réduite au tiers du port fixé par les articles ci-dessus, sans qu'elle puisse néanmoins être, en aucun cas, inférieure à la taxe de la lettre simple. »

M. le comte de Tournon demande si la prohibition d'ajouter à l'échantillon aucune écriture autre que des numéros d'ordre, s'applique même à l'indication qui serait faite à côté de l'échantillon du prix de l'étoffe?

M. le marquis de Vaulchier, commissaire du roi, rappelle que c'est en faveur des relations commerciales, et pour les rendre plus faciles, que l'exception relative aux échantillons a été introduite dans le projet mais si cette modération de taxe est juste, il ne faut pas qu'elle devienne un moyen de fraude, et c'est ce qui arriverait si l'on permettait de joindre à l'échantillon une indication quelconque.

M. le marquis d'Herbouville, rapporteur de la commission, observe que si l'indication du numéro d'ordre ajouté à l'échantillon est nécessaire pour renvoyer à la lettre qui l'accompagne ou qui l'annonce, toute autre indication aurait ce résultat de dispenser le négociant d'une correspondance soumise à la taxe ordinaire et frustrerait ainsi les droits de l'administration des postes. La condition imposée est donc juste et doit être maintenue telle qu'elle est portée dans l'article.

Aucune proposition d'amendement n'étant faite, l'article est mis aux voix et provisoirement adopté.

Là délibération s'établit sur l'article 8 ainsi conçu:

« Art. 8. Le port des journaux, gazettes et ouvrages périodiques transportés hors des limites du département où ils sont publiés, et quelle que soit la distance parcourue dans le royaume, est fixé à 5 centimes pour chaque feuille de la dimension de trente décimètres carrés et au-dessous.

Ce port sera augmenté de 5 centimes pour chaque trente décimètres ou fraction de trente décimètres excédant.

« Les mêmes feuilles ne paieront que la moitié des prix fixés ci-dessus, toutes les fois qu'elles seront destinées pour l'intérieur du département où elles auront été publiées.

«Dans tous les cas, le port devra être payé d'avance.

Il n'est rien changé au prix du transport

fixé par les lois précédentes pour les recueils, annales, mémoires, bulletins périodiques uniquement consacrés aux arts, à l'industrie et aux sciences, et pour les livres brochés, catalogues, prospectus, musique, annonces et avis de toute

nature. >>

M. le vicomte de Châteaubriand, entendu le quatrième dans la discussion générale, obtient la parole contre l'article. Il n'entre pas dans son dessein de répéter ici ce qu'il a dit à l'ouverture de la séance, et de reproduire des arguments que la Chambre n'aura sans doute pas oubliés. Il se contentera donc de rappeler les conclusions qu'il avait prises, et qui tendaient au rejet absolu de l'article. Si la Chambre ne partageait pas à cet égard son opinion, il proposerait du moins de comprendre, par amendement, dans la nomenclature du dernier paragraphe, les recueils consacrés aux lettres.

:

M. le baron de Barante vote également la suppression de l'article 8. Et son opinion se fonde sur une vérité reconnue par la commission elle-même dans son rapport, savoir que les communications sociales, dont la poste est l'intermédiaire, ne produisissent-elles aucun revenu, l'Etat devrait, dans l'intérêt de la société, en faire seul tous les frais. En principe, l'établissement des postes ne doit être considéré ni comme un impôt, ni comme une spéculation. C'est un service public, c'est un besoin social auquel l'Etat doit pourvoir, et le produit qu'il en peut tirer n'est ici que l'accessoire. Ainsi, dans la question qui s'élève sur l'article 8, il ne s'agit pas d'examiner si les journaux payent trop ou trop peu, eu égard aux frais que leur transport occasionne; il faut savoir s'il est dans l'intérêt de la société de faciliter ou de restreindre leur circulation et dès lors, il ne saurait plus être ici question, ni de contester aux journaux un privilége, ni de comparer le prix de leur transport avec celui des autres imprimés. Si l'on demande moins aux journaux qu'aux billets de faire-part, c'est qu'ils sont plus utiles. Cependant on observe que la faveur nouvelle du transport journalier, accordée aux journaux, entraîne un surcroît de dépense qu'il serait injuste de faire supporter à d'autres services mais indépendamment du motif d'utilité publique, ne serait-il pas possible que cette excédent de dépense fùt compensé par l'adoption d'un service plus économique? et ne pourrait-on pas, par exemple, en confiant le transport des dépêches à des entreprises particulières, le rendre beaucoup moins coûteux, en même temps qu'on améliorerait le système des voitures publiques? Est-il prouvé d'ailleurs que l'accroissement de revenu qui résultera du service journalier, ne suffira pas pour couvrir la dépense, sans qu'il soit besoin de recourir à une augmentation de taxe sur les journaux? On a dit encore que les journaux regagneraient en augmentant leurs dimensions plus que la taxe nouvelle ne leur ferait perdre. Mais on se trompe, si l'on croit que la France puisse tout d'un coup adopter à cet égard les habitudes anglaises et il est peu probable que ces journaux de petite dimension trouvent dans l'augmentation de format assez d'avantages pour couvrir la dépense qui en résulterait. On a parlé aussi des profits excessifs de certains journaux et du peu qu'il en coûte à leurs propriétaires pour retirer des bénéfices considérables; mais comment assimiler une entreprise de ce genre à une spéculation ordinaire? comment

ne pas reconnaître que le capital de l'entreprise échappe ici à toute évaluation, puisqu'il n'est autre chose que l'esprit et le talent des rédacteurs? Il est d'ailleurs évident que c'est surtout pour les journaux dont les abonnés sont peu nombreux, que la charge nouvelle sera plus pesante; ainsi, ceux qui voudraient se former seront accablés par la surtaxe, qui établira au contraire une sorte de monopole au profit des journaux les plus en faveur. N'est-il pas à craindre que l'administration, par un calcul bien mal entendu et bien contraire à ses véritables intérêts, ne cherche à s'emparer du petit nombre de journaux qui survivraient à la chute des autres? Alors, au lieu d'être les organes de l'opinion publique, les journaux devenant tous l'expression officielle de la volonté du ministère, aucun contrôle de ses actes ne serait plus permis, et le système du gouvernement serait faussé. Par tous ces motifs, le noble pair vote le rejet de l'article.

M. le marquis de Marbois, sans vouloir rentrer dans des considérations qui tiennent à la discussion générale, sans examiner non plus si les calculs faits sur l'excédent de produit qu'on espère du service journalier sont assez certains pour ne laisser prise à aucune objection, se borne à observer que dans un pays où la liberté de la presse est aussi étendue, aussi respectée qu'elle peut l'être, aux Etats-Unis, on n'a point hésité à frapper d'une taxe assez forte le transport des livres et des journaux. Celle que l'article 8 du projet impose aux journaux se renferme dans les limites d'une juste modération. Le noble pair vote l'adoption de l'article.

M. le vicomte de Châteaubriand rappelle que les motifs de son opposition à l'article 8 ont été puisés, bien moins dans l'élévation de la taxe, que dans la relation qui existe entre cette innovation et le système général que l'ou semble vouloir adopter relativement à la liberté de la presse. Il lui a semblé que l'incertitude où l'on se trouvait encore sur les destinées d'un projet de loi dont la Chambre aura peut-être bientôt à s'occuper, ce n'était pas le cas d'aggraver à l'avance le sort des jouruaux sans aucune utilité véritable, puisqu'il faut bien reconnaître que la charge nouvelle imposée aux journaux obligera la plupart d'entre eux à cesser de paraître, et tarira ainsi dans sa source le produit sur lequel on a compté.

(Aucun autre pair ne demande la parole.)

M. le Président annonce qu'il va mettre aux voix les quatre premiers paragraphes de l'article, en réservant la délibération sur le cinquième paragraphe, auquel un des préopinants a déclaré qu'il proposerait un amendement.

Les quatre premiers paragraphes sont mis aux voix et provisoirement adoptés.

M. le vicomte de Châteaubriand qui, dans son opinion, avait annoncé le dessein de proposer un amendement au dernier paragraphe, dépose cet amendement sur le bureau. Il consisterait à intercaler dans ce paragraphe, après les mots : à l'industrie, ceux-ci : aux lettres.

M. le comte de Ségur appuie cet amendement qu'il croit nécessaire autant pour l'honneur de la loi que dans l'intérêt de la littérature. Toute distinction sans doute est impossible en

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