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se réserve de fixer ultérieurement le jour auquel la discussion devra s'ouvrir sur la proposition.) Aucun autre objet n'étant à l'ordre du jour, M. le président, avant de lever la séance, observe que l'impression du rapport sur le code de la juridiction militaire n'est pas assez avancée pour que ce rapport puisse être distribué à la Chambre avant mercredi ou jeudi. Dans cet état de choses, M. le président propose à l'Assemblée de renvoyer au mardi 27 du courant l'ouverture de la discussion sur ce projet de loi, qui, d'après l'arrêté pris par la Chambre dans sa dernière séance, aurait dû être portée à l'ordre du jour du samedi 24.

L'Assemblée adopte cette proposition.

La séance est levée avec ajournement à samedi prochain, 24 du courant, à midi dans les bureaux, et à une heure en assemblée générale.

CHAMBRE DES DÉPUTÉS.

PRÉSIDENCE DE M. RAVEZ. Séance du lundi 19 mars 1827.

La séance est ouverte à deux heures par la lecture et l'adoption du procès-verbal.

M. le président du conseil, M. le garde des sceaux, M. le ministre de l'intérieur et M. Becquey, directeu rgénéral des contributions indirectes, commissaire du roi, sont présents.

Madame Agasse, propriétaire-éditeur du Moniteur, fait hommage à la Chambre de la Table chronologique et alphabétique de ce journal pour l'année 1826.

La Chambre ordonne le dépôt de cet ouvrage à sa bibliothèque.

M. le Président appelle à la tribune M. de Boisbertrand, rapporteur de la commission des pétitions.

M. de Boisbertrand, rapporteur. Messieurs, divers électeurs et proprietaires de Pontarlier, département du Doube, présentent des observations et proposent des amendements sur les articles 90 et 119 du Gode forestier.

Le Code forestier étant soumis en ce moment à l'examen d'une commission spéciale, nous ne pouvons que vous proposer, Messieurs, le renvoi de la pétition à cette commission spéciale. (La Chambre adopte cette proposition.)

Le sieur Servin, ex-sergent d'artillerie à NeufBrisac (Haut-Rhin,) demande l'intervention de la Chambre pour lui faire obtenir la croix de la Légion d'honneur, à défaut d'une augmentation de pension.

Le pétitionnaire, ancien sergent d'artillerie, ayant perdu un bras en 1812, obtint sa retraite, avec une pension de 400 francs.

Le taux de cette pension fut ainsi déterminé en 1815, et le sieur Servin en a joui jusqu'en 1824, sans élever aucune réclamation. Mais dans le cours de cette année 1824, il s'adressa au ministre de la guerre pour obtenir soit une augmentation, soit une somme de 500 francs, que le gouvernement impérial avait promis de faire payer, sur les revenus du domaine extraordinaire, aux militaires privés de l'usage d'un membre, soit enfin une gratification ou la croix de la Légion d'honneur.

Il n'était pas possible de porter la pension du sieur Servin à un taux plus élevé, car ce taux est le maximum déterminé par la loi du 25 mars 1816, et l'ordonnance du 20 juin 1817 n'autorise la revision des pensions précédemment accordées que pour réduire au maximum légal celles qui l'auraient dépassé.

Il n'était pas possible non plus de donner les 500 francs promis autrefois sur le domaine extraordinaire, s'il ne les a point obtenus à l'époque où le gouvernement impérial accordait ces sortes de dotations.

Ainsi, le sieur Servin ne saurait se plaindre d'aucun déni de justice, d'aucune infraction aux lois. Il n'appartient pas d'ailleurs à la Chambre d'intervenir dans la distribution des grâces ou des récompenses. Votre commission, Messieurs, ne peut donc que vous proposer l'ordre du jour. (L'ordre du jour est adopté.)

La dame Gaudrillier, veuve Clairambault, à Aisny-le-Château (Aisne), demande l'intervention de la Chambre pour lui faire obtenir une pension comme veuve d'un chef de bataillon en retraite ayant quarante-quatre années de service.

Aucune pièce n'étant produite à l'appui de cette pétition, il n'était pas possible de voir si la dame veuve Clairambauit a effectivement les droits qu'elle prétend avoir. Elle ne dit pas même si elle s'est préalablement adressée à l'autorité conpétente; votre commission ne pourrait donc que vous proposer l'orde du jour, si elle n'avait pas appris par le ministre de la guerre lui-même que la pétitionnaire est en instance près de lui pour faire régler sa pension, mais que l'affaire n'a pas pu encore être menée à conclusion faute de justifications suffisantes.

Dans cet état de choses, le renvoi paraît être à peu près sans objet : cependant rien ne s'y oppose, et votre commission vous propose de l'ordonner. (Ce renvoi est ordonné.)

Le sieur Laignel, ancien capitaine de vaisseaux, à Paris, expose que l'ordonnance du 9 décembre 1815 est encore exécutée, du moins en ce qui concerne l'assimilation établie entre les services militaires de l'armée navale et les services civils de la marine : il demande la révocation complète de cette ordonnance.

La persévérance avec laquelle le sieur Laignel reproduit annuellement les mêmes plaintes, semble annoncer une confiance réelle dans la bouté de la cause qu'il veut faire triompher. Mais cette confiance, Messieurs, nous la trouvons souvent à côté de l'erreur; la vérité, vous le savez, ne jouit pas seule du privilège de convaincre. Il est si facile de se tromper, si difficile de voir comment on s'est trompé, que changer d'opinion pour passer de l'erreur à la vérité est peut être le plus grand effort de l'esprit humain.

Vous ne serez donc pas étonnés, Messieurs, de la constance dont le pétitionnaire fait preuve dans la lutte périodique qu'il paraît avoir entreprise de soutenir contre tous les ministres de la marine et contre vos propres décisions. Il est poussé par sa conviction intime, il a foi dans sa cause, cela explique tout; inais sa conviction estelle fondée sur le droit, c'est-à-dire sur la législation qui régit le corps de la marine ? Vous en avez autrement jugé à plusieurs reprises; néanmoins, si ces décisions successives reposaient ou paraissaient reposer sur l'erreur, le premier besoin de cette honorable Assemblée serait de les rapporter ou de les modifier, et le premier devoir de votre commission serait de vous en soumettre la proposition. Mais après avoir examiné la nou

velle pétition du sieur Laignel, nous n'avons point pensé, Messieurs, que vous dussiez montrer moins de constance que lui dans votre opinion; vous en jugerez d'ailleurs, quand nous vous aurons présenté les principaux arguments du pétitionnaire, et les considérations qui nous ont paru plus puissantes que ces arguments.

Deux réclamations bien distinctes sont comprises dans la pétition de 1827; qui est relative aux soldes de retraite accordées en 1810 à des officiers de marine admis alors au traitement de réforme, et celle qui se rapporte aux pensions de retraite que reçoivent, en vertu des ordonnances, les fonctionnaires civils ou employés du minis

tère.

Depuis l'année dernière, Messieurs, rien n'a été change, ni dans la législation, ni dans la position des officiers admis à la retraite, conformément à l'ordonnance transitoire du 9 décembre 1815, dont le sieur Laignel se plaignait alors comme aujourd'hui. Or, vous avez passé à l'ordre du jour sur cette plainte, comme vous l'aviez déjà fait dans les précédentes sessions. Cette résolution n'a été prise qu'à la suite d'une longue délibération dans laquelle vous avez pu apprécier les arguments contradictoires. Ce serait éterniser les débats que de reproduire ici cette controverse.

La raison, non moins que le respect dû aux décisions de la Chambre, nous imposerait donc le silence sur cette première partie de la question, si le pétitionnaire, en attaquant l'ordonnance du 9 décembre 1815, comme inconstitutionnelle, comme contraire au texte de la Charte, ne faisait entendre une de ces réclamations qui doivent toujours être examinées dans cette enceinte avec la plus religieuse attention.

Ainsi que j'ai eu l'honneur de vous le dire, Messieurs, l'ordonnance de 1815 prescrivit l'admission à la retraite d'un assez grand nombre d'officiers qui, faute d'emploi, recevaient un traitement de réforme.

Suivant le sieur Laignel, ce traitement de réforme aurait dù jouir de la garantie assurée par l'article 65 de la Charte, et par conséquent l'ordonnance qui le change en une solde de retraite est une violation de la loi constitutionnelle du royaume. Ce ne serait pas la première fois qu'on aurait cru voir une violation de la Charte dans des dispositions qui ne la blessent en aucune facon; cette nouvelle accusation serait-elle mieux fondée? Nous ne l'avons point pensé, parce que nous n'avons pas pu le penser. Voici le texte littéral de l'article 69:

« Les militaires en activité de service, les officiers et soldats en retraite, les veuves, les officiers et soldats pensionnés conserveront leurs grades, honneurs et pensions. »

Est-ce donc violer cet article que de donner la solde de retraite à des officiers qui jouissent du traitement de réforme? Voyons, Messieurs, de qui s'agit-il ici? Des militaires en activité de service, des officiers et soldats en retraite, des officiers et soldats pensionnés. Les militaires qui jouissent d'un traitement de réforme rentrent-ils dans l'une ou l'autre de ces catégories? Non, ils forment une classe à part, qui n'est point en activité, qui n'est pas non plus en retraite, puisqu'elle attend, avec un traitement provisoire, la retraite ou le rappel au service actif. Donc, l'ordonnance qui les appelle à jouir d'une solde de retraite ne viole pas l'article 69 de la Charte. Cela nous paraît du moins évident, et nous exprimons devant vous cette opinion avec autant de confiance que de sincérité.

Maintenant, Messieurs, s'il est vrai que l'ordonnance ne soit pas inconstitutionnelle, il est également vrai que vous n'avez plus à vous en occuper, du moins sous ce rapport.

Il ne nous serait pas plus difficile de justifier cette même ordonnance sous le rapport de l'opportunité. Vos souvenirs vous disent assez combien peu la situation du Trésor permettait alors de maintenir en activité de service le nombre immense d'officiers qui figuraient sur les tableaux du ministère de la guerre et de la marine. La nécessité commandait une réduction; cette réduction a été opérée dans le personnel de l'armée, comme dans le personnel de la marine royale. Les officiers d'artillerie attachés à ce dernier corps ne pouvaient pas en être exempts; ont-ils été plus maltraités que les autres? Il résulte des renseignements pris auprès du ministère de la marine: 1° Que leurs soldes de retrai. tes furent, conformément aux règlements d'institution du corps, établies sur les bases adoptées au département de la guerre, bien que tous n'eussent pas accompli la période de cinq années de jouissance du traitement de réforme;

2° Que sur les 183 officiers admis à la retraite en 1816, 120 ont obtenu plus que le minimum, c'est-à-dire plus que le montant du traitement de réforme ;

3° Que le montant des soldes de retraites s'est effectivement élevé à 136,548 francs, tandis que la totalité des traitements de réforme ne montait pas à plus de 101,250 francs,

Vous penserez, sans doute, comme nous qu'il est difficile de voir une grande injustice dans l'application d'une ordonnance qui accorde, comme soldes de retraites, des pensions plus fortes généralement que les pensions de réforme.

Quoi qu'il en soit, la vérité nous fait un devoir de le dire, il paraît que si, en revisant le travail fait en 1816, on calculait le taux des pensions de retraite d'après les règles qui sont actuellement en vigueur, ces mêmes officiers obtiendraient pour la plupart une solde plus avantageuse. Mais le pétitionnaire, en élevant une pareille réclamation, oublie que nul n'a droit qu'à la retraite déterminée par les ordonnances qui régissent la matière au moment où cette pension lui est accordée; qu'en vertu de ce principe et de son application constante, des différences considérables existent entre des officiers qui, sans cela, recevraient la même pension; qu si l'on renonçait à ce système, il faudrait refaire incessamment un travail immense; que rien ne serait fixe dans la position des anciens officiers, et qu'ils encourraient par là les chances de diminution aussi bien que les chances d'augmentation.

En résumé, l'ordonnance dont on se plaint n'est pas contraire à la Charte, nous croyons l'avoir démontré; elle fut le produit de la nécessité; c'est un fait que nul ne saurait contester aucune des dispositions qu'elle a prescrites ne dépasse la limite des pouvoirs constitutionnels du roi, puisque, au roi seul appartient le droit de faire les règlements relatifs aux pensions de retraite. Ainsi point de violation de la Charte dans tout ceci, point d'usurpation de pouvoirs, point d'injustice légale. Dans un pareil état de choses, que peut-on demander à la Chambre? Un témoignage d'intérêt pour des officiers qui ont servi leur pays avec honneur? On latrouverait assurément bien disposée à leur don ner, sous ce rapport, toute la satisfaction qui leur est due mais ce n'est point là ce qu'on vous de mande, Messieurs; ce que l'on sollicite auprès de

vous, c'est le redressement d'un tort imaginaire, c'est la réparation d'une injustice légale qui n'a point été commise. Votre commission ne saurait vous proposer d'accomplir un pareil vou.

Il me reste peu de chose à dire sur la seconde réclamation du sieur Laignel, celle qui est relative à la différence qu'il aperçoit entre les traitements ou retraites accordés aux militaires et les traitements ou pensions des fonctionnaires civils. Deux observations fort simples suffiront pour mettre le pétitionnaire lui-même en état de reconnaître l'erreur sur laquelle repose son système.

D'abord il attribue au gouvernement du roi le règlement d'après lequel ces pensions de retraite sont accordées; il y voit une surprise faite à la religion de S.M. et pourtant ce règlement date du 2 février 1808, c'est-à-dire d'une époque antérieure à la Restauration, d'une époque où le gouvernement avait d'assez grands intérêts à ne pas mécontenter les officiers de l'armée, pour ne pas se montrer partial en faveur des fonctionnaires ou employés des bureaux.

En second lieu, M. Laignel, dans ses rapprochements, ne compare que les temps absolus; il ne tient compte ni de l'avancement rapide que les officiers peuvent obtenir dans l'armée active, et qui est à peu près nul dans les bureaux; ni de la disposition en vertu de laquelle le minimum d'ancienneté est acquis aux premiers après vingt-cinq ans de service, tandis que les autres n'y parviennent qu'après trente ans révolus; ni de la manière dont les années de services se comptent pour les uns et pour les autres; ni de la cherté du séjour de la capitale, ni des économies que les officiers de marine peuvent faire quand ils sont sur les bâtiments du roi, ni des traitements divers qu'ils réunissent dans certains cas, ni de leur part de prises, ni de la possibilité de parvenir aux grades les plus élevés, tandis que la carrière des employés civils n'offre pour toute perspecticve qu'un avancement toujours lent, toujours incertain, et dont le plus haut degré ne saurait, à coup sûr, flatter qu'une ambition assez modeste.

Cependant, Messieurs, il faut aussi, quelque mérite, peut-être même quelques vertus sociales pour remplir utilement ces fonctions que, depuis quelque temps, on s'efforce de déprécier, beaucoup plus, je ne crains pas de le dire, qu'il ne convient aux intérêts de l'Etat.

Au reste, une dernière observation répond à tout Les employés civils de la marine ne sont pas traités autrement que les employés de tous les autres ministères; si donc, il y avait exagération dans les traitements et pensions qui leur sont accordés, la même exagération existerait partout; ce serait une réforme générale qu'il faudrait faire.

Ainsi, Messieurs, cette seconde réclamation ne paraît pas mieux fondée que la première : votre commission n'a pas l'espoir d'en convaincre le pétitionnaire; mais elle vous a développé son opinion en toute sincérité; elle pense qu'il est de son devoir de vous proposer l'ordre du jour. Si nous avions pu nous tromper, l'erreur serait excusable; car elle existerait depuis bien longtemps dans l'esprit d'un grand nombre d'hommes aussi honorables qu'éclairés.

M. Labbey de Pompierres. Je prends acte de ce que vient de vous dire M. le rapporteur. Il a reconnu que s'il y avait eu des erreurs commises la justice exigeait qu'on les réparât. Il a ajouté que si les ordres du jour avaient été adoptés légèrement la Chambre n'hésiterait pas à le reconnaître. Eh bien, Messieurs, je vais chercher à établir les erreurs

qui ont été commises à l'égard des officiers de marine, et en demander la réparation.

Le 25 mars de l'année dernière, lorsque je réclamai contre l'ordre du jour proposé par votre commission sur le sujet qui vous occupe, je me bornais à faire valoir les droits des officiers de marine, à démontrer l'injustice dont ils avaient à se plaindre, et je me fis un devoir de ne point m'appesantir sur les actes dont ils avaient été victimes.

Alors M. le ministre vint appuyer, de tout l'avantage que donne sa place, l'avis de votre commission et, dans un discours élaboré avec autant d'art que de soin, discours qui s'écartait sensiblement du véritable objet, il eut le malheureux avantage de vous entraîner dans l'erreur où il avait été induit lui-même, ainsi que votre commission.

Ils étaient persuadés que tout avait été régulier dans la conduite tenue envers les officiers de la marine ils vous l'assurèrent et vous prononçâtes l'ordre du jour.

Cependant à peine un mois s'était écoulé que ces réclamations, ainsi écartées, furent reconnues fondées et proclamées telles à cette tribune.

Le 18 mai 1826, M. de Foucault vous a dit : «Lorsque vous avez écarté les demandes des offide la marine, votre motif a été la crainte de ne pouvoir subvenir à la dépense à laquelle les rectifications demandées donneraient lieu. Aujourque la situation de nos finances est prospère ainsi que celle de la caisse des invalides; songeons à réparer une grande injustice. »

Le lendemain M. de Berbis, rapporteur du budget, ajouta :

« On vous parle, Messieurs, des officiers de marine mis à la retraite dans les premiers temps de la Restauration, et qui semblent n'avoir point été traités avec justice ou, si l'on veut, avec la même faveur que les officiers de terre : en appelant sur ces officiers l'attention de M. le ministre, c'est être assuré que, si ces réclamations sont fondées et qu'il dépende de lui d'y faire droit, cela sera fait. »

C'est sur cette reconnaissance formelle de droits acquis, c'est dans l'espoir de dissiper les erreurs où la commission, le ministre et là Chambre ont été entraînés par des assertions inexactes, que le pétitionnaire a cumulé une multitude de preuves dont je ne citerais que les plus frappantes, afin de ne point abuser de votre indulgence.

La première des raisons pour l'ordre du jour allégué par S. Exc., est que ce sont des lois qui ont réglé la quotité des pensions.

On répond 1° qu'il est de toute notoriété que les pensions qui sont l'objet des réclamations ont été fixées en conformité des ordonnances des 9 décembre 1815 et 12 février 1817, ordonnances qui ont si peut le caractère de lois, qu'elles ne sont pas même insérées dans le Bulletin des lois;

2o Que ces ordonnances, loin d'être conformes aux lois positives préexistantes, y ont formellement dérogé en annulant l'article qui avait établi une distinction entre les services militaires et les fonctions des employés civils;

3° Que l'ordonnance du 9 décembre 1815, après avoir reconnu les lois préexistantes, en les confirmant à l'égard d'une classe d'officiers, les méconnaît et les enfreint en supprimant l'article relatif aux officiers militaires pour leur appliquer celui qui ne concerne que les employés civils.

Il est donc constant que les pensions des officiers réclamants, loin d'avoir été réglées d'après les lois positives, qui, de l'aveu de M. le ministre, de

vaient en être la base, l'ont été par des ordonnances qui out enfreint ces lois.

La justice des réclamations a donc été reconnue et établie par M. le ministre lui-même ;

Et sans doute il n'hésitera pas à reconnaître l'erreur où l'ont entraîné ses bureaux.

Un second motif d'ordre du jour, donné par M. le ministre, était que l'armée navale n'avait pas été licenciée.

Comment a-t-on pu tromper Son Excellence au point de lui faire avancer un fait que trois ordonnances détruisent? Et c'est pour là troisième fois que je vais les citer à cette tribune.

L'ordonnance du 29 novembre 1815 dit : « Vu notre ordonnance du 23 mai dernier, portant licenciement de l'armée de terre et de mer.

Article 1er. Les officiers de tout grade, du corps de la marine, cesseront tout service le 31 décembre prochain. »>

L'ordonnance du 21 février porte : « Considérant que des événements, dont nous voudrions effacer jusqu'au souvenir, nous ont mis dans la nécessité de comprendre les canonniers de la marine dans le licenciement général de l'armée, nous ordonnons, etc. »>

Une troisième ordonnance du 29 février 1816 statue Le corps des canonniers de la marine et les compagnies d'ouvriers militaires, licenciés par notre ordonnance du 23 mars 1815, cesseront tout service le 31 mars prochain.

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Un troisième motif de M. le ministre pour l'ordre du jour était que la réorganisation en 1815 avait été commandée par l'économie et par l'état de paix.

Cependant l'Annuaire de la marine, publié en 1815, prouve qu'au moment de la réorganisation ce corps complait plus de 1,200 officiers de tous grades, dont 200 capitaines de vaisseaux et de frégates; et, dans l'Aunuaire de 1816, c'est-à-dire aussitôt après la réforme commandée par l'économie et l'état de paix, ce corps comptait au moins 1,500 officiers, dont plus de 400 capitaines de vaisseaux et de frégates!

Certes, après une pareille aberration, il doit être permis aux réclamants d'en appeler du ministre induit en erreur par ses bureaux, au ministre mieux informé.

Dans sa quatrième objection, S. Exc. fait observer qu'en réformant les officiers, ils avaient été soumis aux règles ordinaires, parce que rien ne faisait un devoir de s'en écarter.

Eh bien! ce sont précisément ces règles ordinaires qu'invoquent les réclamants; nous allons examiner si elles ont été suivies.

M. le ministre vous a dit : « Le roi, avant de procéder à la réforme qui frappa 1,830 officiers d'artillerie, se fit rendre compte de ce qu'ils touchaient à titre de traitement de réforme. Il fut reconnu que leur pension proportionnelle, d'après les lois en vigueur, monterait plus haut. Alors S. M. approuva le nouveau règlement. »

« Dans le nombre des pétitionnaires, ajoute le ministre, trois sur dix ont gagné au changement, les sept autres ont eu la chance contraire.

Ainsi, au même moment, le ministre vous a dit qu'on n'avait point dû changer les règles ordinaires;

2o. Qu'on les avait changées pour l'avantage des officiers;

3° Que, sur dix réclamants, sept avaient perdu à ce changement avantageux!

Daignez vous rappeler, Messieurs, que le discours était écrit, et que de telles inadvertances possibles dans une improvisation ne pouvaient

être ici que le résultat de quelque décision employée auprès de Son Exellence.

Le ministre ajoutait : « Dans les cas de réformes commandées par les besoins de l'Etat, les conditions d'âge et de service doivent être moins sévères, parce que ceux qui subissent la réforme ne peuvent être assimilés à ceux qui demandent leur retraite, à qui on ne doit que l'application des règles, sous l'empire desquels ils ont servi. »> Eh bien! les réclamants ne demandent pas autre chose. C'est l'application des lois existantes au moment de leur réforme qu'ils invoquent. Jamais leurs prétentions ne se sont élevées plus haut.

Ils disent: « Vous nous avez éloignés sous prétexte d'économie, et vous avez donné nos places à d'autres. Vous en avez même augmenté le nombre. Nous avons dû obéir; nous ne vous demandons point de faveur, quoique vous conveniez que ce ne serait que justice. Appliquez-nous les règles qui régissaient la matière lorsque nous avons versé notre sang pour la patrie.» Répondrez-vous, Messieurs, à un si noble langage par un ordre du jour?

« Aujourd'hui moins que jamais, continuait le ministre, il n'est permis de prétendre que le service dans les bureaux de la marine soit traité plus favorablement que le service militaire, et je mets sous vos yeux un état sommaire qui le prouve. »

Je n'ai point vu cet état; mais j'ai recours au dernier cahier des pensions, celui de 1825, distribué par son Excellence et revêtu de sa signature; j'en extrais le tableau suivant, qui prouve que les veuves des chefs et sous-chefs de bureau ont des pensions doubles des veuves d'amiraux et des capitaines de vaisseaux, et que celles des simples commis sont traitées beaucoup plus avantageusement que les veuves des capitaines de frégates :

Tableau extrait du cahier des pensions de 1825. Page 52, ligne 9. Veuve d'un chef de burcau, pension.

Page 68, ligne 24. Veuve du contreamiral Cambis.....

(Cet officier général s'était déjà distingué avant la Révolution.) Page 51 ligne 2. Veuve d'un sous-chef de bureau... Page 54, ligne 2. Veuve du capitaine de vaisseau Lefee....

(Ce capitaine avait perdu un bras dans un combat sur le vaisseau qu'il commandait.)

Page 54, ligne 20. Veuve d'un sous-chef de bureau..

Page 74, ligne 16. Veuve du capitaine de vaisseau Bolle......

(En 1778 il avait été major et intendant de l'escadre de M. Suffren. Il est mort contre-amiral.)

Page 69, ligne 1re. Veuve d'un commis du ministère..

Page 69, ligne 15. Veuve d'un lieutenant-colonel d'artillerie...

Page 71, ligne 12. Veuve d'un lieutenant de vaisseau péri au service........ Page 70, ligne 22. Veuve d'un commis du ministère..

Page 59, ligne 13. Veuve du capitaine

de frégate Standelet...

2,000 fr.

1,000

1,000

600

1,000

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200

433

350

Je ne vous ai présenté Messieurs, qu'un extrait bien succinct de toutes les preuves accumulées dans la pétition qui vous est soumise, et qui éta

blissent la justice des réclamations des officiers de la marine.

Ces officiers enrichissent la caisse des pensions par cinq retenues; la première sur leurs appointements à terre; la deuxième sur leurs appointements à la mer; la troisième sur le traitement de table; la quatrième sur les prises avant la répartition; la cinquième sur leur part après la répartion.

Les employés civils ne sont atteints que par une seule retenue; et cependant le règlement du 9 décembre 1815, maintenu par l'ordonnance du 23 octobre 1822, accorde à ces derniers le soixantième de leurs appointements pour chaque année de service, et fait jouir leurs veuves de la moitié de la pension de leurs maris, tandis que les officiers militaires n'obtiennent qu'environ le centième de leurs appointements de terre, et leurs veuves le quart de la pension de leurs maris.

Je ne puis quitter cette tribune sans vous rappeler une phrase de M. le ministre; il a dit : « En aucun temps le service militaire n'a perdu la prérogative qui lui appartient. J'ai dû penser, puisqu'il s'agissait de pensions, que cette prérogative était celle de compter les bénéfices de campagne.

Eh bien! jetez les yeux sur les cahiers de 1824 et 1825, vous y verrez MM. Durand, capitaine de frégate, Audren de Kerdrel, Fournier, Gourguette, lieutenants de vaisseaux; Gilbert-Rousselot, lieutenant d'artillerie; Roussel et Tombigny, enseignes, dont les pensions ont été réglées par le ministère actuel, el qui ont été privés de cès bénéfices.

Ici, Messieurs, je devrais dérouler le tableau des injustices commises envers les militaires couverts de gloire et de blessures, tableau si énergiquement et si éloquemment tracé, l'année dernière, par l'honorable M. Hyde de Neuville.

Mais je m'arrête en me rappelant les dernières paroles de M. le ministre; il a dit : « Je ne voudrais jamais être injuste envers des officiers qui ont bien et loyalement servi leur pays. »

Je ne doute point de ses intentions, et ce qu'il a fait prouve son désir d'être juste. Mais il ne suffit pas de travailler pour l'avenir, est lorsqu'on est en place on doit réparer les injustices de ses prédécesseurs. Les services passés ont des droits imprescriptibles. Ceux des officiers de la marine ont été reconnus à cette tribune dans les séances de 9 mars 1818, 3, 22 et 26 avril 1820, et en avril 1823.

Ils sont invinciblement établis dans une consultation signée par quatre avocats du premier mérite, MM. Billecoq, Grandmaison, Dupin et Tripier. J'en dépose deux exemplaires sur cette tribune, et me borne à en citer cette dernière phrase: «Que les officiers de marine ne se découragent pas et la France n'aura plus à redouter de voir sa marine privée des récompenses dont nos rois l'avaient toujours comblée, et encore moins de celles qui leur étaient assurées par des lois formelles auxquelles des ordonnances n'ont pu, sous le gouvernement de la Charte, porter la moindre atteinte. »

Quelques lignes plus haut ils avaient dit : « Que ces officiers présentent une nouvelle pétition aux Chambres, et quelques nouvelles voix viendront soutenir une cause aussi juste. »

J'ai répondu à cet appel, sans consulter mes forces, sans ignorer à quelle distance je devais rester des talents de ces avocats célèbres. Mais dans la pensée que la justice pouvait se passer du prestige de l'éloquence.

J'ai entendu les opprimés, j'ai réuni ma faible voix à la leur, puissiez-vous, Messieurs, nous accueillir avec faveur.

Je demande le renvoi à M. le ministre de la marine.

(L'ordre du jour proposé par la commission est mis aux voix et adopté.)

M. de Boisbertrand, rapporteur, continue: Le sieur Pepratz, ancien juge de paix à Coniza (Aude), demande la création d'un agent public près des tribunaux de simple police des cantons

ruraux.

Cette pétition exprime des intentions louables; mais elle ne renferme aucune pensée neuve qui puisse éclairer le gouvernement. Nous vous proposons donc l'ordre du jour. (La Chambre passe à P'ordre du jour.)

Le même pétitionnaire présente des moyens de remédier aux abus qu'il signale dans les justices de paix.

Il veut d'abord changer le mode de nomination de ces magistrats, renfermer la prérogative royale dans les limites étroites du choix entre trois candidats présentés par les principaux habitants du canton. La Charte a parlé. Messieurs, sur ce point; et s'il est permis, s'il peut même convenir en certaines circonstances, de l'invoquer en faveur des libertés publiques, il n'est pas moins conforme aux vrais intérêts du pays de respecter les droits qu'elle a réservés pour la couronne.

Ainsi, relativement à cette première question, la pétition ne peut qu'être considérée comme non

avenue.

Le sieur Pepratz propose, en second lieu, d'établir un timbre fixe et particulier pour tous les actes émanés des justices de paix, relatifs à leur juridiction. Il ne lui paraît pas juste que l'individu qui habite à l'extrémité du canton, assujetti à des frais plus considérables que ceux qui sont supportés par l'habitant du chef-lieu.

soit

Dans l'ordre social, Messieurs, chacun profite des avantages de sa position, et doit en subir les inconvénients. C'est le principe de toute législation hors de ce principe, tout serait arbitraire.

Votre commission ne saurait vous proposer de soumettre à l'examen du gouvernement des idées spéculatives dont l'application renverserait les principes fondamentaux de toute bonne législation. Elle a donc dû vous proposer l'ordre du jour. (La Chambre passe à l'ordre du jour.)

Dans une troisième pétition, ce sont des réformes relatives aux avoués que réclame le sieur Pepratz. Il blâme la faculté qui leur est accordée de grossoyer leurs libellés, faculté que le parlement de Toulouse avait sagement proscrite il ne peut y voir qu'un permis de voler dont on use largement; il ne comprend pas à quoi peut être bon ce droit scandaleux de faire, pour le plus grand bien des clients, ce qu'il appelle un galimatias inextricable que les juges se gardent bien de lire, et dont l'effet nécessaire est, suivant lui, de conduire tout droit les plaideurs à l'hôpital, tandis que MM. les avoués vont en voiture. Il demande enfin que les règlements qui autorisent de semblables exactions, soient, sinon abrogés, du moins modifiés, afin que les officiers de la justice ne ruinent plus ceux qui implorent

son secours.

Ce vou, Messieurs, est celui d'un honnête bomme, et votre commission se plaît à rendre hommage aux sentiments que le sieur Pepratz fait paraître dans toutes ses pétitions.

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