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M. Renaud. Messieurs, je n'apporte à cette tribune ni préventions, ni sentiments hostiles contre le projet de loi présentement soumis à l'adoption ou au rejet de la Chambre élective; ses principales dispositions me paraissent dignes d'éloges, et je les voterai, parce que je les crois propres à produire un grand bien. Mais le Code forestier tel qu'il nous est présenté, renferme-t-il tous les éléments qu'on aurait aimé à y trouver; est-il tout ce qu'il aurait pu être? non, Messieurs; ilme semble imparfait. Car, je vous le demande, y trouve-t-on un mot qui ait trait à la création de nouvelles forêts? et cependant ses rédacteurs savent, comme nous tous, en quel état se trouvent aujourd'hui les débris de celles qui nous restent. Avant 89, la France, et notamment la Bretagne, qui possède encore aujourd'hui deux ports militaires, quatre à cinq cents chantiers appartenant au commerce maritime, étaient couvertes de magnifiques forêts situées à de petites distances des bords de l'Océan; elles ont disparu comme notre marine qui, devenue la proie des hommes de 93, n'eut qu'un moment d'existence, sous leur funeste direction. Les bois de l'Etat, ceux des particuliers, furent tous livrés au système du vandalisme on décima les arbres qui en faisaient l'ornement et notre espoir, comme on décima les familles fidèles à Dieu, fidèles au roi; et les niveleurs de l'époque dont je parle hâtérent celle prédite par le grand Colbert, en l'année 1654.

En effet, Messieurs, la prévision de ce grand homme d'Etat n'est-elle pas sur le point de s'accomplir? Ne sait-on pas que le pied cube de bois de marine, qui, en 88 et 89, valait à peine 1 franc 75 centimes pris dans le voisinage des ports, vaut aujourd'hui 3 fr. 50 c., et même 4 francs en quelques localités?

Qui ignore que la pénurie des bois propres aux constructions navales est présentement si grande, que les carcasses de nos navires marchands sont faites avec des arbres appelés tétands, qui croissent sur les clôtures des champs, qui n'atteignent jamais plus de dix à douze pieds de hauteur, et qui, jusqu'au temps présent, n'avaient été considérés que comme propres seulement à produire des bois de chauffage? Qui ignore que les agents de la marine sont présentement obligés de prendre tout ce qu'ils trouvent, et qu'ils acceptent même (parce qu'ils ne peuvent plus choisir) des pièces qui n'auraient pas été admises il y a trente ans dans les chantiers du commerce?

Cet état de choses que je ne redoute pas d'entendre contester, ne prouve-t-il pas que nos ressources en bois de marine ont diminué d'une mamière effrayante? ne justifie-t-il pas mes inquiétudes pour l'avenir? ne nous impose-t-il pas la sévère obligation de songer enfin à la création de nouvelles forêts, si nous voulons que nos descendants ne nous accusent pas d'imprévoyance, ne maudissent pas notre mémoire, et si nous avons le désir, bien légitime sans doute, qu'ils puissent à leur tour faire flotter le drapeau sans tache sur le vaste Océan, qu'une nation voisine regarde depuis longtemps comme un domaine appartenant à elle seule ?

Messieurs, sans m'arrêter à signaler les motifs de l'inaction, ou de l'insouciance des agents du ministère, en une affaire d'une si haute importance pour l'avenir du royaume, je citerai ce que j'ai déjà représenté au ministre de la marine, en lui adressant, il y a huit mois, deux mémoires, sur l'état actuel des bois de construction navale existant en Bretagne ; je répéterai qu'il existe

:

dans cette province, et à des distances très rapprochées des ports, des quantités considérables de terres vagues, de falaises propres à la création de forêts je citerai particulièrement cette longue chaîne de montagnes (les Arrés) qui divise la Bretagne en deux parties à peu près égales, dont toutes les positions conviennent parfaitement aux arbres verts, aux mélèzes surtout; montagnes qui étaient autrefois couvertes de chênes, et qui présentement ne produisent que des bruyères sans valeur même pour ceux dont les habitations les avoisinent: je citerai ces vastes landes, ces sables qu'on rencontre à chaque pas, incapables de nourrir des céréales, comme l'ont prouvé tous les essais faits jusqu'à ce jour, mais propres à produire toutes les espèces d'arbres de grandes dimensions, notamment les chênes qui ne demandent que des abris contre les vents d'Ouest, pour croître d'une manière admirable dans ces terres qu'au premier aspect, on serait tenté de croire frappées de stérilité.

Je demanderai pourquoi on ne ferait pas en France ce qui a été fait en Angleterre en 1738 et 1759? car personne n'ignore, du moins je le présume, le bel état des forêts semées sous la direction du duc d'Athol, et tout le monde sait que depuis quelques années cette puissance compte dans sa marine des frégates faites avec des bois extraits des forêts dont je parle, pourquoi ne ferait-on pas comme cette Angleterre, dont on parle toujours et qu'on n'imite jamais, quand elle donne de bons exemples à suivre ?

Pourquoi ne concéderait-on pas aussi en France à de riches particuliers, sous l'obligation de les couvrir de bois propres aux constructions nava les, ces quantités considérables de terres incultes, qui malheureusement sont encore si communes dans le royaume, et particulièrement dans la province dont je viens de parler?

Pourquoi ne ferait-on pas ce qui a été fait même en France en 1788 et 1789, époque où on ensemença en pins maritimes les côtes sablonneuses d'Arcachon, longues de 40 lieues, et qui sont couvertes de bois? pourquoi le ministère ne s'occuperait-il pas définitivement de créations qui seraient si utiles à l'Etat, et qui lui feraient tant d'honneur ?

Je m'arrête, Messieurs, je craindrais d'abuser de votre patience, si je restais plus longtemps à cette tribune je la quitte, mais j'emporte avec moi la ferme conviction d'avoir rempli un des devoirs attachés à l'honorable mission que nous avons tous à remplir, puisque j'ai signale le triste état des bois de construction pavale existant aujourd'hui dans le voisinage de nos ports, l'impérieuse nécessité de songer à créer de nouvelles forêts; et je m'estimerai heureux si les ministres du roi, prenant en considération les motifs qui m'ont fait prendre part à cette discussion, se déterminent enfin à penser à notre avenir, et à prendre des mesures propres à réparer les ravages que la Révolution a opérés sur les bois destinés aux constructions navales.

M. le baron de Villeneuve. Messieurs, convaincu qu'un député est toujours écouté avec une sorte de bienveillance lorsqu'il parle dans l'intérêt de son département, je monte à cette tribune pour présenter à la Chambre quelques observations sur le projet qui lui est soumis; et tout en remerciant les ministres de S. M. d'avoir préparé un code qui va fixer d'une manière invariable et appropriée à notre législation, le régime forestier, j'essaierai de démontrer que les intérêts

des communes n'ont point été stipulés d'une manière assez favorable pour elles dans la loi dont nous nous occupons.

« Le projet du gouvernement admet en principe que le droit de pâturage dans les forêts royales pourra être racheté moyennant une indemnité qui sera réglée de gré à gré, et, en cas de contestation, par les tribunaux. ›

L'adoption pure et simple de cet article portera le plus grand dommage aux communes voisines de ces forêts: beaucoup d'entre elles ont joui jusqu'à présent de la faculté d'y conduire leurs bestiaux, c'est d'après ce droit qu'ont été contractés les fermages des terres, et qu'ont été calculées différentes entreprises d'agriculture et de commerce: quelqu'indemnité qu'on fasse verser dans la caisse du receveur municipal, jamais elle ne remplacerait l'avantage qu'offrait aux habitants le droit d'usage dont ils jouissaient de temps immémorial, et la plupart d'entr'eux seraient forcés de vendre leurs bestiaux, principale richesse de l'agriculture.

En supposant que le gouvernement n'use pas de la faculté que le Code lui donne, il restera toujours pour les usagers une foule d'entraves dout il paraîtrait convenable de les affranchir; la défense de pâturer dans une forêt royale nonobstant toute possession contraire, et quel que soit l'âge des bois, avant que l'administration forestière l'ait déclarée défensable, la désignation des chemins par cette même administration, la nécessité imposée aux usagers de creuser des fossés larges et profonds aux bords de ces mêmes chemins, la marque des bestiaux, sont des conditions rigoureuses qui tendraient à prohiber le parcours.

Je ne nie point que le droit d'usage ne nuise beaucoup aux bois grevés de cette servitude; mais c'est une charge imposée à ces sortes de propriétés, et je ne pense pas que le gouvernement doive s'en affranchir aux dépens des habitants des campagnes qui jouissent depuis un temps immémorial, et qui ont établi leur avenir sur une faculté qu'ils croyaient leur être assurée pour toujours.

Les vacations forestières imposées jusqu'ici aux communes pour indemniser le gouvernement des frais d'administration de leurs bois, avaient toujours paru présenter un prélèvement trop élevé, et plusieurs fois les conseils généraux en avaient demandé la suppression; mais cette taxe quelque forte qu'elle fût l'était bien moins que celle exigée par l'article 106 du code proposé, par lequel on ordonne le prélèvement d'un décime par franc en sus du prix principal des ventes des bois communaux et d'un vingtième de la valeur des bois cédés en nature.

J'ai fait le relevé de ce qui a été vendu ou distribué en 1826 dans le département de la HauteSaône, que j'ai eu l'honneur d'administrer pendant dix années, et je trouve que, d'après les évaluations des agents forestiers, les coupes délivrées en nature aux habitants se sont élevées à 3,158 hectares, représentant une valeur de 2,229,170 francs, dont le vingtième est de 111,403 francs.

Il a été vendu de ces mêmes coupes pour une somme de 100,000 francs, dont le dixième est de 10,000 francs.

Donc, d'après les dispositions de l'article 106, ces ventes et distributions donneraient lieu, dans le département de la Haute-Saône, à un prélèvement de 121,453 francs; et cependant les vacations forestières ne se sont élevées en 1826 qu'à 54,333 francs.

Et il est hors de doute que les communes doi

vent supporter tout ou portion de la dépense des frais d'administration de leurs bois; mais cette dépense doit être restreinte en proportion de ces frais. La totalité des traitements des agents forestiers dans le département que je cite, non compris la dépense des gardes, payée directement par les communes, ne s'élève annuellement qu'à 32,700 francs; il ne me paraît pas juste d'exiger une somme plus forte. En faisant cette observation, je dois me håter de proclamer l'avantage que présente pour les communes le projet du gouvernement qui fait cesser l'exécution de l'article 158 du décret du 18 juin 1811, qui rendait les communes ou établissements publics parties civiles relativement aux procès suivis ou instruits en matière forestière, soit à leur requête, soit même d'office.

La partie du Code qui concerne les affouages me paraît nécessiter quelques développements plus étendus, qui fixent, d'une manière plus positive, les droits de chacun.

Get objet est à peu près étranger à la plus grande partie de là France; mais les députés des départements qui composent la Franche-Comté, l'Alsace, la Lorraine et la Bourgogne savent de quelle importance il est pour l'administration que les règles de la distribution de l'affouage soient clairement définies.

L'ordonnance de 1669 voulait que le bois d'affouage fût partagé entre les habitants selon la coutume. (Cette coutume n'était point alors le partage égal entre tous les habitants.)

Le 21 mai 1790, l'Assemblée nationale admit au partage les métayers.

Le 16 juin, la Convention fixa le partage de l'affouage par tête d'habitants, et les arrêtés subséquents ont réglé la distribution du taillis par feu et ménage, et celle de la futaie selon le toisé des maisons, mode qui est en ce moment généralement suivi.

L'article 105 du Code présenté dit que s'il n'y a titre contraire, le partage des bois se fera par feu; mais il ne sépare point ce bois en taillis et en futaie il est évident que si les gros arbres qui font partie d'une assiette étaient réduits en stères et destinés au chauffage, vous enlèveriez aux habitants des campagnes une ressource indispensable pour construire et réparer leurs habitations; et cependant, suivant le texte de la loi commune, il n'y a point de titre pour ces objets : la futaie se trouverait répartie comme le taillis. Je pense donc qu'il est nécessaire de spécifier dans l'article que le partage du taillis d'affouage se fera par feu, et que la futaie sera distribuée selon le toisé des maisons.

J'ai cru, Messieurs, devoir vous signaler quelques-uns des articles du projet dont les dispositions ne m'ont pas paru aussi favorables aux communes qu'on est en droit de l'attendre du gouvernement paternel des Bourbons. Le travail de la commission présente, sous ce rapport, des améliorations sensibles, et je me réserve d'appuyer dans la discussion des articles les amendements qu'elle propose.

M. Terrier de Santans. Messieurs, M. le rapporteur de votre commission, à l'occasion de l'article 10 de la loi que vous discutez, parle brièvement de la nécessité du repeuplement des forêts, et la commission y émet le vœu que cette grande amélioration soit encouragée par tous les moyens que l'administration forestière peut avoir en son pouvoir. Je m'étais proposé aussi d'attendre la discussion de cet article pour vous pré

senter quelques réflexions à cet égard; mais la discussion des articles d'une loi ne devant être que rarement interrompue, j'ai pensé que vous les accueilleriez plus favorablement dans ce moment.

La loi qui nous occupe, Messieurs, monument de la sollicitude d'un grand roi pour la prospérité de son peuple, pourvoit avec autant de sagesse que de lumières à la conservation, à l'aménagement des bois qui nous restent sur le sol de la France; elle en défend les défrichements; elle transmettra intact à nos descendants le sol des forêts dont, semblables à de bons pères de famille, nous ne devons nous regarder que comme les usufruitiers. Mais, Messieurs, en cette qualité faisons-nous tout ce que nous devons, et la loi que nous discutons fait-elle tout ce qu'elle peut? je ne le pense pas.

La France, Messieurs, avait originairement 118 millions d'arpents de forêts; en 1780, il n'y en avait plus que 13 millions; aujourd'hui, cette quantité est réduite de 6 à 7 millions. C'est sur les plaintes de Sully, de Lamoignon, de Colbert, sur la diminution des bois en Francé, que Louis XIV rendit sa belle ordonnance de 1669. Malgré sa rigueur, Fontenelle, en 1709, Réaumur, en 1721, écrivent sur la nécessité de veiller à la conservation des bois.

Buffon, dans son Histoire naturelle, nous annonce que nous sommes menacés à l'avenir de manquer de bois, et il invite tous les bons citoyens d'en chercher instamment le remède. Dans le département de la Marne, par exemple, si l'on parcourt la ligne de Barchaton à Montmirail, sur une espace de 160 lieues carrées, on est effrayé de ne plus trouver aucun bois. Enfin, après les destructions générales de la Révolution, cinquantecinq départements de France se plaignent, par l'organe de leurs administrations, de la ruine de leurs forêts. Que nous sommes donc loin, Messieurs, de laisser à nos neveux les forêts que nos pères vous avaient confiées! et cependant avonsnous moins de besoins qu'eux? au contraire : autrefois, le large foyer était le seul feu des varlets et de la famille; aujourd'hui il en faut plusieurs au plus petit habitant de nos villes on chauffe tout, cafés, spectacles. On compte, Messieurs, plus de 7 millions de feux en France, dont la dépense s'élève à 30 millions de cordes par an; Paris seul en consomme environ un million. L'industrie ensuite, dont la prospérité augmente tous les jours, ne demande-t-elle pas aussi à nos forêts d'immenses ressources, que ces fouilles dans les entrailles de la terre ne peuvent remplacer surtout pour la qualité du combustible? Mais, Messieurs, si le besoin que nous avons des repeuplements des forêts en France est devenu une nécessité incontestable, l'utilité de cette amélioration est encore bien mieux prouvée; les températures, la fureur des vents, des météores, changent par l'influence et la direction des forêts. Chardin dit qu'à Ispahan il n'y a plus de peste depuis qu'on a plantè partout et dans les rues et dans les jardins. Mais M. de Bonald a dit, dans des vues bien plus étendues, et également vraies, que détruire les bois c'était faciliter l'envahissement de la France. César confirme cette vérité en convenant qu'il fut obligé de faire d'immenses abatis pour pénétrer dans les Gaules; et ailleurs, que les forêts de la Gaule et de la Germanie en étaient les plus sûrs remparts. Aussi, Messieurs, la religion de nos pères avait fait des forêts un objet sacré; et pour conserver ces asiles impénétrables, ils les avaient mis sous la protection de leurs dieux.

Et cependant, Messieurs, en présence de cette dépopulation des forêts dont nous gémissons tous, de cette utilité, de ce besoin de repeupler, nous possédons en France 2,500 lieues de chaînes de montagnes, et 16 millions d'arpents en landes, friches, marais, bruyères, c'est-à-dire la huitième partie de la surface du royaume sans cultures. Il est donc évident que pour compléter notre organisation forestière, nous avons autant d'obligation de créer, de réparer que de conserver; et que, par conséquent, le Code qui défend de défricher, devrait en même temps prescrire, régler, encourager les plantations.

Je ne pense pas, Messieurs, qu'on m'objecte que les forêts actuelles, bien aménagées, suffiront aux besoins de notre pays; c'est une erreur: d'ailleurs, notre industrie nous promet des miracles, et ne doit pas être arrêtée dans son essor; ensuite, supposez que nos bois puissent suffire à ses progrès, ils ne suffiraient pas à la salnbrité, à la défense, à l'embellissement de notre patrie.

Encore moins on me dirait que les pays étrangers nous fournirons tous les bois qui pourraient nous manquer, aucun Français ne peut penser à nous rendre tributaires de pays éloignés et souvent ennemis. Et puis, Messieurs, l'Amérique si riche en forêts primitives, se dépeuple aussi d'une manière effrayante. Un judicieux écrivain a dit: Les Européens y ont passé, ces forêts ont disparu de la surface de la terre. Dans un port de cette contrée, en 1817, on a enlevé pour 2 nutlions et demi de potasse pour laquelle on a fait brûler plus de 100,000 arpents de bois. Si donc on n'arrête la dévastation, on verra dans ce pays. comme dans tous les autres, la destruction des forêts marcher avec la civilisation, et les bois s'y trouver en raison inverse des besoins de l'homme; car, plus ils sont industrieux, plus ils en abattent, plus ils sont avides de jouir. L'Angleterre n'en a déjà plus, et la France plus de cent millions d'arpents de moins que du temps de César.

Ce n'est pas, Messieurs, que je demande qu'on enlève aux communes leurs pâturages, qui sont le premier besoin de leur existence, qu'on les force à des dépenses ruineuses pour enrichir leur postérité; c'est loin de ma pensée, quoique par mesure d'utilité publique l'Etat puisse, à mon avis, obliger de planter comme il empêche de défricher. Mais une disposition dans la loi, qui ferait planter aux communes la portion d'un påturage excédant ses besoins; qui accorderait une exemption d'impôts pendant vingt ans sur ces sortes de créations; qui leur accorderait des primes d'encouragement ainsi qu'aux particuliers; qui, enfin, dédommagerait les propriétaires de la perte qu'ils éprouvent en laissant croftre des futales sur leur sol: une pareille disposition, dis-je, ne serait-elle pas bien plus efficace, bied plus utile pour réparer les pertes faites de tant de destructions qu'une simple ordonnance révocable, et qu'un væù perdu dans le rapport de la loi et aussi stérile que les rochers de nos montagnes déboisées? Je laisse à la sagesse qui a présidé au projet de Code, Messieurs, à peser les réflexions qui j'ai osé vous présenter; je les ai crues dignes de vous occuper, même après les éloquents discours et les lumineuses observations que vous avez déjà entendues.

M. le Président. La liste des orateurs inscrits est épuisée. M. le rapporteur à la parole.

M. Favard de Langlade, rapporteur. Mes

sieurs, il est d'usage que la discussion générale d'un projet de loi soit résumée par le rapporteur de votre commission. Get usage n'a pas seulement pour lui la sanction du temps, il est encore appuyé sur la raison. En effet, dans les communications plus ou moins importantes que Vous recevez du gouvernement, il est toujours des principes fondamentaux qui en formen la base, et une unité de vues qui en domine l'ensemble. Les argumentations diverses qui souvent les ébranlent dans tous les sens, demandent nécessairement un travail qui ramène les esprits à la pensée primitive de la loi proposée et rétablisse l'harmonie de ses dispositions, au moment où ces dispositions vont être votées isolément.

Mais telle n'est pas, Messieurs, la situation dans laquelle se trouve le Code forestier. Bien conçu avant sa présentation, amélioré, nous sommes autorisés à le répéter, par les amendements de la commission, il n'a point heureusement rencontré d'adversaires dans cette Chambre. Un petit nombre d'orateurs s'est fait inscrire, et ceuxmêmes qui ont parlé contre le projet, ont eu la loyauté d'en faire l'éloge. Aucun d'eux n'en a combattu la théorie, aucun d'eux ne l'a repoussée. Quelque divergence exprimée avec une modération toute parlementaire s'est manifestée sur les droits d'usage, sur le martelage de la marine, les bois des particuliers, la prohibition du défrichement, et la nomination des gardes forestiers. Les objections qu'on a faites à cet égard, ont subi le double examen et des conseils qui ont préparé la loi, et de votre commission ellemême qui les a écartées par les considérations que j'ai eu l'honneur de vous soumettre.

Que pourrai-je donc vous dire, dans un résumé, qui ne fût la répétition de ce que vous connaissez déjà? Vous approuverez sans doute que, m'écartant de l'usage dans cette circonstance, je ne dérobe point, pour un travail superflu, le temps et l'attention que réclament plus utilement les articles du projet de Code. C'est lorsque la Chambre s'occupera des parties de ce Code, auxquelles quelques reproches sont adressés, que les membres de votre commission s'empresseront de défendre, s'il en est besoin, les amendements qu'elle a eu l'honneur de vous proposer.

M. le Président. L'article 1er du projet de loi est ainsi conçu :

"Sont soumis au régime forestier, et seront administrés conformément aux dispositions de la présente loi :

1° Les bois et forêts qui font partie du domaine de l'Etat;

2o Ceux qui font partie du domaine de la couronne;

3° Ceux qui sont possédés à titre d'apanage; 4° Les bois et forêts des communes et des sections de communes;

5° Ceux des établissements publics;

6° Les bois et forêts dans lesquels l'Etat, la couronne, les communes ou les établissements publics ont des droits de propriété indivis avec des particuliers. >>

La commission propose deux amendements applicables au 3o et au 4 paragraphes, qui seraient ainsi rédigés :

2° Ceux qui font partie de la dotation de la

couronne;

« 3° Ceux qui sont possédés à titre d'apanage, et de majorats réversibles à l'Etat. »

(M. Descordes demande et obtient la parole sur le premier ces amendements.)

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M. Bescordes. Je ne me dissimule pas que s'il n'y a pas d'indiscrétion, il y a au moins une sorte d'inconvénient à entretenir la Chambre d'observations qui n'ont pour objet que de substituer un mot à un autre. Cependant, Messieurs, les mots ont quelquefois leur puissance; je pourrais mêms dire leur magie. J'ai été étonné de voir que la commission proposât de substituer les mots dotation de la couronne aux mots domaine de la couronne.

Le seul motif qu'elle ait donné, à l'appui de cet amendement, est que le mot de dotation a été consacré par la loi du 8 novembre 1814 sur la formation de la liste civile. Mais, Messieurs, de ce que cette loi a employé cette expression, fautil en conclure que les propriétés dont il s'agit doivent perdre le nom de domaine de la couronne qu'elles ont toujours eu depuis la fondation de la monarchie? Remarquez que la dotation de la couronne se compose essentiellement de la liste civile; mais les propriétés qui sont laissées à la disposition du souverain n'en sont pas moins ce qu'elles étaient autrefois, c'est-à-dire des propriétés dépendantes du domaine de la couronne. Nous avons toujours distingué en France le domaine public et le domaine de la couronne. Pourquoi ferions-nous perdre aujourd'hui aux propriétés qui constituent le domaine de la couronne le nom qui leur est propre? Si vous adoptiez l'amendement de la commission, les propriétés dont il s'agit en ce moment se trouveraient absolument sur la même ligne que la dotation du Sénat.

Qu'il me soit permis, Messieurs, de vous faire connaître les définitions que nos anciens auteurs donnaient aux propriétés qui composaient le domaine de la couronne. « Le domaine de la couronne, dit Chopin, appelé aussi domaine du roi, ou simplement le domaine, est celui qui de toute ancienneté est annexé aux fleurons du diadême royal, pour la dépense de table ou suite de la cour royale, et qui est honorable pour la conservation du royaume, titre, honneurs et dignité de la majesté royale. » Aujourd'hui on entend par domaine de la couronne la portion du domaine public qui fait partie de la liste civile, et dont les revenus se versent au Trésor de la couronne elle-même; et par domaine public, les biens qui appartiennent à l'Etat, et dont les revenus se versent au Trésor.

Cette distinction, ce me semble, a été méconnue par la commission. En adoptant la proposition telle que l'avait faite le gouvernement, vous laisserez à la loi de 1814 son entier effet; vous ne porterez aucune atteinte à la dotation de la couronne en laissant subsister le mot domaine de la couronne par opposition au mot domaine public, par la raison bien simple que le revenu des biens composant le domaine public est versé au Trésor public, tandis que le revenu des autres est versé dans le Trésor de la couronne.

Je demande que la Chambre s'en tienne au projet et qu'elle rejette le premier amendement de la commission.

Voix nombreuses: Appuyé, appuyé !.....

Le premier amendement de la commission est mis aux voix el rejeté à une très grande majorité. (La Chambre adopte le second amendement, applicable au quatrième paragraphe de l'article; elle adopte aussi le 1er article ainsi amendé.

L'article 2 est adopté sans discussion en ces termes :

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M. de Farcy. Messieurs, nous avons à fixer le terme d'admission aux emplois d'une administration demeurée sous l'empire des anciennes ordonnances, au milieu de cette refonte générale des lois, que l'on considère comme la plus glorieuse entreprise et la plus utile conquête de notre époque.

Sur cette question, votre commission reconnaît qu'en 1791 comme en 1669, la majorité étant fixée à 25 ans, c'était une conséquence juste et naturelle, que l'on ne pût, avant cet âge, remplir des fonctions publiques.

Par ce même principe, puisque la loi de 1792, et postérieurement le Code civil, ont avancé le terme de la majorité à 21 ans, nous serions fondés à conclure que c'est aussi à 21 ans que doit se trouver fixée l'admission aux emplois pour l'administration forestière; et en cela, Messieurs, on se trouverait en harmonie avec la disposition qui déjà régit les administrations des douanes, des droits réunis, etc.

Je pourrais aussi, Messieurs, appuyer la préférence du terme de majorité à 21 ans plutôt qu'à 25, sur les considérations générales qu'à l'époque de sa fixation firent valoir avec tant d'éclat les orateurs du gouvernement, sur l'avis de la Cour de cassation; mais je me presse d'arriver aux objections qui sont proposées par votre commission. La première est fondée sur l'assimilation qu'elle croit juste d'établir entre les agents forestiers et les notaires, greffiers, huissiers, etc., auxquels la justice ne confie leurs fonctions qu'à 25 ans révolus.

Je réponds que la science toujours désirable dans les différents états et professions, n'est cependant pas nécessaire au même degré dans toutes; que quand il s'agit d'instituer des officiers publics dont la signature donne la sanction aux contrats les plus importants pour l'état et la fortune des personnes, et aux décisions souveraines leur pleine et entière exécution pour des actes qui nous dépouillent de nos propriétés et nous privent même de la liberté, l'autorité ne saurait se montrer trop scrupuleuse, trop exigeante; mais qu'ici il n'est besoin pour le candidat que de son zèle et de sa vigilance sur des objets matériels. Et en effet, Messieurs, les opérations générales du garde forestier exigent-elles un savoir si profond? L'âge et l'essence des coupes, la recherche des bois en délit et des autres contraventions, se jugent par les yeux. Toutes ces obligations sont-elles plus difficiles d'exécution, que celle de l'employé chargé de véritier des capacités et d'inspecter des distilleries, ou de celui commissionné pour distinguer les tissus étrangers de ceux de nos fabriques, et déjouer les fraudes préjudiciables au Trésor et à l'industrie nationale ?

Non, Messieurs; et dès lors pourquoi la carrière serait-elle fermée au garde forestier jusqu'à 25 ans? Dans les fonctions du notaire, du greffier, de l'huissier, on monte dès son installation à une hauteur fixe de pouvoir; on y reste stationnaire, quelque long qu'en soit l'exercice.

Dans les administrations, au contraire, il y a des attributions successives du pouvoir et de la confiance légale; on n'y arrive que par la hiérarchie des grades: ainsi en rapprochant le temps des épreuves, vous offrez les moyens d'assurer de plus fortes garanties à l'avenir dans des postes élevés. La loi modifie sagement sa confiance depuis les simples gardes obligés de faire affirmer leurs procès-verbaux au plus tard le lendemain de leur clôture, 'devant le juge de paix ou le maire, tandis qu'elle dispense les gardes généraux de cette formalité. En certain cas, la foi n'est due jusqu'à inscription de faux au procès-verbal, que pour un fait dont la condamnation n'excède pas cent francs, et dans d'autres cas les procès-verbaux obtiennent foi jusqu'à inscription de faux, pour les faits qu'ils constatent, quelles que soient les condamnations auxquelles ils peuvent donner lieu. Mais alors encore la société est rassurée par le concours de deux agents forestiers, et l'observation des formalités des articles 165 et 170.

Mais on insiste en disant que les agents forestiers sont officiers de police judiciaire, et qu'en cette qualité ils doivent présenter les garanties que l'on exige de ces sortes d'agents.

Messieurs, le garde forestier se trouve effectivement sous une double surveillance. Quant à celle de ses supérieurs dans l'administration, qui a pour objet la recherche des délits et contraventions qui portent atteinte aux propriétés forestières, vous ne supposerez pas que soit à 25, soit à 21 ans, l'administration veuille négliger dans le choix de ses candidats les intérêts de sa propre responsabilité.

Relativement à la surveillance qu'exerce sur le garde forestier le procureur du roi, j'observerai que, dans le cas le plus grave, celui du flagrant délit ou de la dénonciation sur la clameur publique, le devoir de l'agent forestier est rempli aussitôt qu'il a conduit le prévenu devant le juge de paix ou le maire de la commune. Dans les autres cas, que lui demande-t-on ? Du zèle et de la vigilance à découvrir les vagabonds et gens sans aveu qui se cachent à la faveur des grandes exploitations dans nos forêts, à s'assurer de la personne des délinquants. Ce qu'il importe surtout d'obtenir d'eux, c'est de l'exactitude à rendre fidèlement compte de la nature, du temps et du lieu des délits, des indices ou preuves de culpabilité contre les prévenus, comme aussi des circonstances et déclarations qui doivent leur servir d'excuse ou de justification. Sous ces différents rapports, vous n'estimerez pas la conscience de l'officier de police judiciaire, d'après son extrait de baptême; et si j'osais exprimer une opinion, je dirais que la candeur naturelle est presque toujours moins altérée dans un homme de vingt-un ans qu'à un âge plus avancé.

Je finis en vous priant de remarquer qu'en fondant une nouvelle organisation forestière, il paraît nécessaire que l'on adopte le principe de notre nouvelle législation sur la majorité pour l'âge d'admission des agents forestiers aux emplois; qu'en vous écartant de la règle commune aux administrations qui se trouvent déjà instituées, vous allez être obligés de créer un privilège et de placer pour ainsi dire l'exception dans l'exception même.

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