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que le projet de loi n'a pas gardée. Ainsi, dans l'article 34, l'adjudicataire est condamné à une amende du tiers en sus de celle que supportent les particuliers. Dans un autre article, l'adjudicataire est condamné à une amende double; et dans celui-ci à une amende décuple. Pourquoi ne pas admettre une juste proportion dans la sévérité que la loi déploie contre l'adjudicataire ? C'est là l'objet de mon amendement.

(L'amendement n'est pas appuyé.) L'article est adopté.

«Art. 40. La coupe des bois et la vidange des ventes seront faites dans les délais fixés par le cahier des charges, à moins que les adjudicataires n'aient obtenu de l'administration forestière une prorogation de délai, à peine d'une amende de 50 à 500 francs, et, en outre, des dommages-intérêts, dont le montant ne pourra être inférieur à la valeur estimative des bois restés sur pied ou gisant sur les coupes.

«Il y aura lieu à la saisie de ces bois à titre de garantie pour les dommages-intérêts. »>

Sur cet article, M. Devaux a proposé la disposition suivante: et, en outre, la confiscation des bois restés sur pied ou gisant sur coupe.

M. Devaux. Mon amendement a pour autorité l'ordonnance de 1669. Les bois qui restaient après le délai d'un an appartenaient, d'après cette ordonnance, à l'administration.

(L'amendement est mis aux voix et rejeté.) L'article 40 est adopté.

M. le Président. « Art. 41. A défaut, par les adjudicataires, d'exécuter, dans les délais fixés par le cahier des charges, les travaux que ce cahier leur impose, tant pour relever et faire façonner les ramiers, et pour nettoyer les coupes des épines, ronces et arbustes nuisibles, selon le mode prescrit à cet effet, que pour les réparations des chemins de vidange, fossés, repiquement de places à charbon et autres ouvrages à leur charge, ces travaux seront exécutés à leurs frais, à la diligence des agents forestiers et sur l'autorisation du préfet, qui arrêtera ensuite le mémoire des frais et le rendra exécutoire contre les adjudicataires pour le paiement. >>

Après ces mots, le mémoire des frais, M. Devaux propose d'ajouter ceux-ci: après communication à l'adjudicataire. (On rit.)

M. Devaux. Messieurs, l'adjudicataire a ici un intérêt opposé à celui de l'administration; il est nécessaire qu'il connaisse la quotité des frais.

M. le Président. La Chambre n'est plus en nombre pour délibérer. La délibération est continuée à demain.

(La séance est levée à cinq heures et demie.)

CHAMBRE DES DÉPUTÉS.

PRÉSIDENCE DE M. RAVEZ. Séance du vendredi 23 mars 1827.

La séance est ouverte à deux heures et demic par la lecture et l'adoption du procès-verbal.

M. le président du conseil, M. le garde des sceaux, MM. les ministres de l'intérieur et de la

T. L.

marine, M. de Martignac, ministre d'Etat; MM.de Bouthillier et de Fumeron-d'Ardeuil, commissaires du roi, assistent à la séance.

M. le Président. L'ordre du jour est la suite de la délibération sur les articles du Code forestier. La Chambre a entendu hier les développements de l'amendement proposé par M. Devaux sur l'article 41; je mets cet amendement aux voix...

(La Chambre rejette l'amendement de M. Devaux; elle adopte ensuite l'article 41.)

Elle adopte sans discussion les trois articles suivants :

Art. 42. Il est défendu à tous adjudicataires, leurs facteurs et ouvriers, d'allumer du feu ailleurs que dans leurs loges ou ateliers, à peine d'une amende de 10 à 100 francs, sans préjudice de la réparation du dommage qui pourrait résulter de cette contravention.

« Art. 43. Les adjudicataires ne pourront déposer dans leurs ventes d'autres bois que ceux qui en proviendront, sous peine d'une amende de 100 à 1,000 francs.

« Art. 44. Si, dans le cours de l'exploitation ou de la vidange, il était dressé des procès-verbaux de délits ou vices d'exploitation, il pourra y être donné suite sans attendre l'époque du récole

ment.

་་

Néanmoins, en cas d'insuffisance d'un premier procès-verbal, sur lequel il ne sera pas intervenu de jugement, les agents forestiers pourront, lors du récolement, constater, par un nouveau procès-verbal, les délits et contraventions. >>

M. le Président. L'article 45 est conçu en ces termes :

« Les adjudicataires, à dater du permis d'exploiter, et jusqu'à ce qu'ils aient obtenu leur décharge, sont responsables de tout délit forestier commis dans leurs ventes et à l'ouïe de la cognée, si leurs facteurs ou gardes-ventes n'en font leurs rapports, lesquels doivent être remis à l'agent forestier dans le délai de cinq jours.

M. Devaux présente un amendement consistant à ajouter à cet article, après ces mots à l'agent forestier, ceux-ci sous son récépissé.

M. Devaux a la parole.

M. Devaux. Messieurs, les motifs de mon amendement sont faciles à saisir. Il faut bien qu'il y ait une pièce qui constate que le rapport a été remis à Tagent forestier local, puisque cette constatation est si importante pour l'adjudicataire. La pièce que je demande est d'autant plus nécessaire que l'administration peut se tromper et poursuivre injustement un adjudicataire. Comment celui-ci fera-t-il pour établir qu'il n'est pas dans le cas de la poursuite, s'il n'a pas de récépissé à produire pour prouver que le rapport a été fait par le facteur ou par le garde-vente, mais que l'agent forestier a négligé de le faire parvenir à ses supérieurs? Mon amendement pare à cet inconvénient. Je crois que la Chambre doit l'adopter.

M. de Martignac, commissaire du roi. L'amendement est inutile; le récépissé est de plein droit. Le rapport ne sera remis à l'agent forestier qu'autant que celui-ci en donnera le récépissé. (L'amendement de M. Devaux est mis aux voix et rejeté.) La Chambre adopte l'article 45. Elle adopte aussi l'article 46, en ces termes : 31

Les adjudicataires et leurs cautions seront responsables et contraignables par corps au paiement des amendes et restitutions encourues pour délits et contraventions commis, soit dans la vente, soit à l'ouïe de la cognée, par les facteurs, gardes-ventes, ouvriers, bûcherons, voituriers, et tous autres employés par les adjudicataires. »

M. le Président soumet å la Chambre l'article 47, ainsi conçu :

SECTION V.

Des réarpentages et récolements.

Art. 47. Il sera procédé au réarpentage et au récolement de chaque vente dans les trois mois qui suivront le jour de l'expiration des délais accordés pourla vidange des coupes.

« Ces trois mois écoulés, les adjudicataires pourront mettre en demeure l'administration par acte extrajudiciaire signifié à l'agent forestier iocal; et si, dans le mois après la signification de cet acte, l'administration n'a pas procédé au réarpentage et au récolement, l'adjudicataire demeurera libéré. »

M. le général Sébastiani, de sa place. J'ai à faire une observation sur cet article. Le réarpentage suppose un arpentage, et il n'en est parlé nulle part.

M. de Bouthillier, directeur général des forêts. C'est une affaire qui regarde l'administration. (M. de Bouthillier et M. Sébastiani confèrent ensemble de leur place.)

M. le Président. M. Sébastiani fait-il une proposition?

M. le général Sébastiani. Je ne fais pas de proposition. Nous discutons de bonne foi, et dans l'intention d'améliorer la loi.

M. le Président. Je n'ai pas le désir d'empê· cher la discussion, seulement il ne faudrait pas qu'elle dégénérât en conversations.

M. le général Sébastiani, à la tribune. L'article 47 parle avec raison du réarpentage et du récolement; mais cette opération en suppose une autre qui doit la précéder; c'est l'arpentage, c'est l'assiette, c'est le martelage; et aucune disposition de ce genre ne se trouve dans la loi. D'un autre côté, le 1er paragraphe renferme une disposition trop vague. Les époques fixées pour débarrasser les bois l'ont toujours été au 15 avril ou au 15 mai; cette fixation est éminemment conservatrice, et elle n'est pas faite dans l'article. Il me semble que cet article devrait être revisé par la commission, qui fixerait une époque pour le débardement, et qui introduirait une disposition relative à l'arpentage et à l'assiette. Je demande en conséquence que la Chambre prononce ce renvoi.

M. de Bouthillier, directeur général des forêts. L'ordonnance de 1669 avait dû règler tout ce qui était de l'administration en même temps qu'elle règlait ce qui était de la loi, parce qu'alors le pouvoir législatif et le pouvoir administratif étaient tout entiers dans les mains du roi. Il n'en est plus de même aujour

d'hui. Quand la loi sera promulguée, il y aura une ordonnance d'exécution. C'est alors qu'interviendront les dispositions pour les assiettes, pour les coupes, pour les adjudications. Au surplus, il y a dans l'article 29 une disposition qui suffit pour rassurer l'orateur auquel je réponds. Cet article dit qu'après l'adjudication il ne pourra être fait aucun changement à l'assiette des coupes. Ainsi, il est bien établi qu'il y aura des assiettes et tout ce que l'orateur demande, le cahier des charges expliquera les conditions de l'adjudication. J'ajoute qu'on ne peut déterminer dans la loi les époques des vidanges comme cela avait été déterminé dans l'ordonnance de 1669; c'est là une affaire d'administration et qui se trouvera dans l'ordonnance d'exécution.

M. le général Sébastiani. Je ne vois aucun inconvénient à dire dans la loi tout ce qui doit être dit. Quand on parle de l'assiette des coupes, on parle de l'arpentage; car c'est l'arpentage seul qui peut les déterminer d'une manière fixe. Trop souvent dans les coupes de bois on fait des assiettes sans arpentage; c'est un abus qu'il faudrait prévenir. Revenant à la réponse qui vient de m'être faite, je déclare que je n'ai pas l'intention de fixer pour le débardement une époque trop rapprochée; je voudrais au contraire fixer l'époque la plus éloignée qu'il serait possible. Le 15 mai est une époque qu'on ne doit pas dépasser, parce qu'alors les bourgeons sont en plein mouvement, et que si les vidanges n'étaient pas terminées on détruirait tout espoir de reproduction.

M. de Martignac, de sa place. Cela est établi par l'article 40, qui dit que la coupe des bois et la vidange des ventes seront faites dans les délais fixés par le cahier des charges. C'est, en effet, dans le cahier des charges que ce délai doit être établi, parce qu'il doit varier suivant les localités. On sent bien que ces époques ne doivent pas être les mêmes dans le Nord et dans le Midi.

M. le général Sébastiani, de sa place. Je voulais demander le maximum du délaí, et le 15 mai est la dernière époque qu'on puisse fixer.

M. le Président. Je rappelle que la parole ne doit être prise que quand on l'a obtenue. M. Sébastiani persiste-t-il à demander le renvoi à la commission ?...

M. le général Sébastiani. Non!...

M. Saladin. La commission a examiné le point qui est en contestation. Elle a reconnu que cet article n'avait pour but que la sûreté des adjudicataires, qu'il était bon qu'ils sûssent comment ils pourraient contraindre l'administration à faire le récolement et à satisfaire à toutes les conditions du cahier des charges. Il me semble qu'il n'y a aucun inconvénient à adopter l'article tel qu'il est conçu.

M. Méchin. Il est impossible, Messieurs, que les opérations du réarpentage et du récolement se fassent le même jour, si l'on veut que les adjudicataires assistent à l'une et à l'autre. Comme il est désirable que le réarpentage soit connu avant de procéder au récolement, je voudrais qu'on dit dans l'article: il sera procédé au réarpentage et ensuite au récolement. Cette observation m'a été faite par un agent forestier très habile.

M. de Martignac. L'article dit qu'il sera pro

cédé au réarpentage et au récolement. Il en résulte nécessairement que le réarpentage doit précéder le récolement.

(L'amendement de M. Méchin est mis aux voix et rejeté.)

La Chambre adopte l'article 47. Elle adopte ensuite, sans discussion, les articles suivants :

« Art. 48. L'adjudicataire ou son cessionnaire sera tenu d'assister au récolement, et il lui sera, à cet effet, signifié, au moins dix jours d'avance, un acte contenant l'indication des jours où se feront le réarpentage et le récolement: faute par lui de se trouver sur les lieux ou de s'y faire représenter, les procès-verbaux de réarpentage et de récolement seront réputés contradictoires. »

« Art. 49. Les adjudicataires auront le droit d'appeler un arpenteur de leur choix pour assister aux opérations du réarpentage : à défaut par eux d'user de ce droit, les procès-verbaux de réarpentage n'en seront pas moins réputés contradictoi

res. »

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Des adjudications de glandée, panage et paisson.

Art. 53. Les formalités prescrites par les sections III du présent titre, pour les adjudications des coupes de bois, seront observées pour les adjudications de glandée, panage et paisson.

"Toutefois, dans les cas prévus par les articles 18 et 19, l'amende infligée aux fonctionnaires et agents sera de 100 francs au moins, et de 1,000 francs au plus, et celle qui aura été encourue par l'acquéreur sera égale au montant du prix de la vente. »

«Art. 54. Les adjudicataires ne pourront introduire dans les forêts un plus grand nombre de porcs que celui qui sera déterminé par l'acte d'adjudication, sous peine d'une amende double de celle qui est prononcée par l'article 199. »

« Art. 55. Les adjudicataires seront tenus de faire marquer les porcs d'un fer chaud, sous peine d'une amende de 3 francs par chaque porc qui ne serait point marqué.

«<lls devront déposer l'empreinte de cette marque au greffe du tribunal, et le fer servant à la marque au bureau de l'agent forestier local, sous peine de 50 francs d'amende. »

"Art. 56. Si les porcs sont trouvés hors des cantons désignés par l'acte d'adjudication, ou des chemins indiqués pour s'y rendre, il y aura lieu, contre l'adjudicataire, aux peines prononcées par l'article 199. En cas de récidive, outre l'amende

encourue par l'adjudicataire, le pâtre sera condamné à un emprisonnement de cinq à quinze jours.

«Art. 57. Il est défendu aux adjudicataires d'abattre, de ramasser ou d'emporter des glands, faines ou autres fruits, semences ou productions des forêts, sous peine d'une amende double de celle qui est prononcée par l'article 144. »

M. le Président soumet ensuite à la Chambre l'article 58, auquel la commission propose de substituer une rédaction nouvelle qui n'a pas été imprimée, et dont M. le président fait lecture.

M. de Berthier. Je viens demander que si cela n'est pas contraire aux usages de la Chambre, on passe à la discussion de l'article suivant, et qu'on ne délibère sur le nouvel amendement de la commission que quand il aura été imprimé; car quoique j'aie écouté avec beaucoup d'attention la lecture que vient de faire M. le président, je déclare que je n'ai pu me pénétrer assez bien de l'article pour être à même de voter en connaissance de cause.

(Il ne s'élève aucune réclamation. La proposition de M. de Berthier est adoptée.)

M. le Président. L'amendement sera imprimé et distribué demain. Nous allons passer la section entière (section VII), attendu que l'amendement dont je viens de faire lecture entraîne un changement dans les articles 59 et 60. Les trois articles seront distribués demain.

L'article 61 est conçu en ces termes :

SECTION VIII.

Des droits d'usage dans les bois de l'Etat.

Art. 61. Ne seront admis à exercer un droit d'usage quelconque dans les bois de l'Etat, que ceux dont les droits auront été, au jour de la promulgation de la présente loi, reconnus fondés, soit par des actes du gouvernement, soit par des jugements ou arrêts définitifs, ou seront reconnus tels par suite d'instances administratives ou judiciaires actuellement engagées, lorsqu'elles seront jugées conformément aux dispositions de l'ordonnance de 1669, et des lois des 19 mars 1803 (28 ventôse an XI) et 4 mars 1804 (14 ventôse an XII). »

La commission a proposé de rédiger ainsi cet article:

« Art. 61. Ne seront admis à exercer un droit d'usage quelconque dans les bois de l'Etat, que ceux dont les droits auront été, au jour de la promulgation de la présente loi, reconnus fondés, soit par des actes du gouvernement, soit par des jugements ou arrêts définitifs, ou seront reconnus tels par suite d'instances administratives ou judiciaires actuellement engagées «< ou qui seraient intentées devant les tribunaux, dans le délai de deux ans à dater du jour de la promulgation de la présente loi, par des usagers actuellement en jouissance. >

"

Deux autres amendements ont été présentés; le premier, par M. Devaux, consiste à substituer aux mots, à dater du jour de la promulgation de la présente loi, » ceux-ci: «à dater du jour où l'administration aura refusé de reconnaître leurs droits. » Le second amendement est de M. de Fougières; il tend à rédiger l'article en ces termes :

« Ne seront admis à exercer un droit d'usage

quelconque dans les bois de l'Etat, que ceux dont les droits auront été, au jour de la promulgation de la présente loi, reconnus fondés, soit par des actes du gouvernement, soit par des jugements ou arrêts définitifs, ou seront reconnus tels par suite d'instances administratives ou judiciaires actuellement engagées, et ceux qui, à la même époque, auront une jouissance non contestée. Dans le cas où l'administration forestière se croirait fondée à attaquer, par la suite, l'exercice des droits des usagers en jouissance à l'époque de la promulgation de la loi, ils aurout deux ans pour porter leurs réclamations devant les tribunaux, à partir du jour où l'administration leur aura fait connaître son intention de les priver de leurs droits. >>

M. de Fougières a la parole.

Plusieurs voix : Il n'y est pas, il est malade.

M. le Président. L'amendement est-il repris ou appuyé par quelqu'un ?

(Aucune voix ne se fait entendre l'amendement n'est pas mis en délibération.)

On passe à l'amendement de M. Devaux.

:

M. Devaux. Dans le système de l'amendement de la commission, les usagers qui ont possession actuelle et paisible, seraient contraints à former directemen une action pour faire reconnaître leurs titres et leur possession. Il y a une interversion absolue du droit commun. Celui qui est en possession n'a jamais été obligé de se rendre demandeur. Il jouit, il peut dire Troublez-moi dans ma possession; formez vous-même une action; déclarez votre refus de reconnaitre mon titre, et alors vous me forcerez à me rendre demandeur; mais ce n'est pas à moi à prévenir. Dans le système de l'amendement de la commission; il suffirait que l'usager restât deux ans saus intenter une action pour qu'il se trouvât dépouillé de tout droit. Cela n'est pas supportable. Il faut que vous le mettiez en demeure d'agir par un refus absolu qui constate que vous ne voulez pas reconnaître son titre.

M. de Martignac. C'est en oubliant la véritable situation où se trouvent les usagers d'après la législation existante qu'on a accusé la commission de sortir du droit commun en imposant aux usagers l'obligation de se constituer malgré eux demandeurs dans un procès qu'ils ne voudraient pas intenter. Quelle est la législation sous laquelle vivent les usagers? Après les abus innombrables qui eurent lieu en matière d'usage, deux lois accordèrent des délais aux usagers. Ces délais furent d'abord de six mois, puis d'une année. Ils furent, aux termes de ces lois, obligés de produire leurs titres dans les délais déterminés; et, faute d'avoir fait cette production, ils étaient déclarés déchus de tout droit d'usage.

Si ces dispositions avaient été exécutées rigoureusement, il n'y aurait pas maintenant de difficultés à élever les usagers ne s'étant pas conformés à la loi, seraient déchus de tous droits, mais on leur a accordé toutes les facilités possibles; on les a relevés de la déchéance, on a méconnu leurs droits toutes les fois que cela a été possible. Nous avons pensé cependant qu'il était indispensable de déterminer d'une manière fixe l'étendue et la réalité des droits des usagers; c'est à cet effet que nous vous avions proposé l'article 61 du projet. Nous pensions que cela suffisait; nous pensions qu'il ne fallait pas ouvrir

un nouveau délai aux usagers qui, depuis 15 ans, n'ont pas usé de celui que la loi leur accordait; mais la commission a jugé convenable d'accorder un nouveau délai de deux années. Vous aurez à voir, Messieurs, si ce délai n'est pas trop long. Dans tous les cas, on est loin de déroger au droit commun à leur préjudice, car on déroge à la législation en leur faveur ; on leur donne une faculté qu'ils avaient perdue; on les relève d'une déchéance prononcée contre eux; on leur fait done grâce et faveur au lieu de leur porter préjudice.

(L'amendement de M. Devaux est mis aux voix et rejeté. La Chambre adopte l'amendement de la commission.)

M. Martin de Villers demande et obtient la parole sur l'article amendé.

M. Martin de Villers. Messieurs, la concession faite anciennement de droits d'usage dans les forêts royales ou dans d'autres forêts réunies ensuite au domaine de l'Etat, donna naissance, dans plusieurs cas, à des questions compliquées. Ces droits ont reçu plus ou moins d'extension, selon la nature des conventions passées avec les concessionnaires; de plus, la jurisprudence a ouvert, suivant les temps, à l'Etat et aux propriétaires de forêts, diverses voies pour affranchir au moins une partie de ces forêts, de la charge onéreuse des usagers. La législation est intervenue ensuite et a conféré même, aux propriétaires et aux usagers, une faculté commune pour la faculté des droits dont il s'agit.

Mais si les droits d'usage pèsent fortement sur la propriété, il est bon de se souvenir aussi que ces sortes de concessions ont été souvent faites ou dans l'intérêt public ou dans l'intérêt des propriétaires. On voulait attirer des habitants dans un lieu désert, donner de la valeur à des biens qui en étaient dépourvus. Il faut ensuite supporter les sacrifices que l'on s'est imposés pour se procurer des avantages qu'on ne pourrait obtenir qu'à ce prix. Si cela n'était pas, on manquerait à la foi promise.

Dans cette matière, comme dans toutes celles qu'une nouvelle législation peut embrasser, on doit respecter les contrats faits sous l'empire des lois existantes. S'agit-il du droit civil ou du droit public? ce principe fait la sécurité de tous. Si quelquefois il peut fléchir, ce doit être dans des cas d'exception extrêmement rares. Hors de là, la confiance qui doit règner entre les gouvernants et les gouvernés, se perd au détriment des uns et des autres.

Toutefois, je n'ai nullement l'intention d'attaquer, ni l'article dont nous nous occupons, ni la section du projet de loi auquel il appartient. Je crois au contraire que nous discutons une loi qui reposera sur des fondements durables; mais il me semble nécessaire d'entrer dans quelques détails propres à éviter que les dispositions que nous adopterions ne conduisent à des conséquences qui compromettraient les droits d'usage placés dans une position sur laquelle le projet de Code forestier garde le silence.

Les usagers sur lesquels, Messieurs, j'appelle votre attention, sont ceux qui sont soumis au régime de l'aménagement.

Il s'en trouve, notamment dans la Seine-Inférieure, dont les droits ont été régulièrement reconnus par l'Etat, et qui sont dans cette position.

lls exercent ces droits dans des portions de forêt qui leur ont été spécialement réservées par

l'aménagement. La délivrance annuelle de portions de bois taillis d'une contenance plus ou moins étendue, est faite particulièrement à chacun d'eux, moyennant une redevance en grains.

Ces bois leur ont toujours été délivrés sur pied; ils les exploitent ensuite comme ils le jugent convenable: ils en vendent même une grande partie jamais on ne s'y est opposé. Cela, au reste, s'explique facilement. Le régime dé l'aménagement, sous lequel ils ont été placés, existait dès le xv° siècle; c'est le premier pas qui ait été fait vers un autre mode par lequel le propriétaire d'un bois grevé de droits d'usage, pourrait et peut encore, en abandonnant la propriété d'une partie de ces bois aux usagers, affranchir le reste de tout exercice de ces droits. On voit que je veux parler du cantonnement.

Le règlement ou l'aménagement plus avantageux au propriétaire, ne le dépouillait pas de la propriété de la portion de bois attribuée aux usagers pour l'exercice de leurs droits; mais, cet aménagement fait, les fruits appartenaient à ces usagers; de telle sorte qu'ils pouvaient en disposer comme ils le voulaient, lorsqu'aucune condition ne limitait l'exercice de ces droits. Cela devait avoir lieu, à bien plus forte raison encore, lorsqu'ils acquittaient une redevance représentative de la valeur des bois dont ils étaient concessionnaires.

Si des usagers ont pu devenir, à une autre époque, propriétaires incommutables du sol qui leur a été concédé en échange de leurs droits, il convient également de maintenir ce qui a été réglé à l'égard de ceux pour lesquels, d'après la jurisprudence du temps, il a été fait un aménagement.

Les dispositions de la section VIII du titre III du projet ne doivent pas plus changer l'état de choses dont il est ici question, qu'elles ne le changeront pour les usagers auxquels des cantonnements out été assignés.

Et même dans la question qui vient d'être soulevée, il y a un double motif pour qu'une législation nouvelle ne puisse modifier en rien les conventions existantes.

Les usagers dont je m'occupe ont des droits individuels, ainsi que cela a été dit. La tutelle de l'Etat, admise dans ce qui touche les intérêts des communes, ne peut alors s'exercer sur eux. Leurs intérêts sont en contact avec ceux de l'Etat, comme ils le seraient avec ceux d'un simple particulier. Le contrat seul qui a déterminé l'étendue de leurs droits, règle les obligations réciproques des parties. Toute intervention de la loi qui modifierait ces obligations aurait un caractère de rétroactivité repoussé par les principes de notre droit public.

De plus, si l'Etat est resté par l'aménagement propriétaire du sol des bois destinés à l'exercice des droits des usagers, les fruits ont été abandonnés par lui, ou par l'ancien propriétaire qu'il représente, à ces usagers: il est donc tout à fait désintéressé dans ce qui concerne l'exploitation de ces bois.

Je suis loin de me plaindre de ce que le projet de loi ne porte aucune disposition relative à ces usagers cela prouve que le ministère a pensé que leur position était déterminée d'une manière immuable par le règlement ou l'aménagement auquel ils ont été soumis; que le contrat qui fixe la nature et l'étendue de leurs droits est inviolable. Toutefois, j'ai pensé qu'il n'était pas inutile, pour prévenir des contestations qui pourraient s'élever entre l'administration forestière et

ces mêmes usagers, de prier M. le commissaire du roi ou M. le rapporteur de donner à la Chambre quelques explications sur ce point.

M. de Martignac. Il est impossible d'entrer, à propos du projet actuel, dans l'examen détaillé de tous les titres qui sont entre les mains des communes ou des particuliers qui exercent le droit d'usage. Nous ne pouvons donc suivre l'orateur dans tous les points de son discours; mais Lous pouvons le rassurer entièrement sous un point de vue général. Les usagers dont il parle, ont pour eux des décisions souveraines. Nul doute que les arrêts rendus en leur faveur devront être exécutés, et que leurs droits sont à l'abri de toute contestation. Cela résulte de l'article en délibération. Cela résultera plus positivement encore d'un des derniers articles du projet portant que toutes les contestations sur les anciens titres devront être jugées d'après les contrats dont les usagers seront porteurs.

M. Martin de Villers. Les explications de M. le commissaire du roi, mettant tout à fait à couvert les intérêts dont j'ai parlé, je n'ai rien à ajouter.

(L'article 61 est mis aux voix et adopté.)

La Chambre adopte sans discussion les articles 62 et 63 en ces termes :

« Art. 62. Il ne sera plus fait à l'avenir dans les forêts de l'Etat aucune concession de droit d'usage de quelque nature et sous quelque prétexte que ce puisse être. »>

Art. 63. Le gouvernement pourra affranchir les forêts de l'Etat de tout droit d'usage en bois, moyennant un cantonnement qui sera réglé de gré à gré, ou, en cas de contestation, par les tribunaux.

« L'action en affranchissement d'usage par voie de cantonnement n'appartiendra qu'au gouvernement et non aux usagers. »

M. le Président soumet à la Chambre l'article 64 conçu en ces termes :

« Art. 64. Quant au pâturage dans les mêmes forêts, il ne pourra être converti en cantonnement; mais il pourra être racheté moyennant une indemnité qui sera réglée de gré à gré, ou, en cas de contestation, par les tribunaux. »

La commission, amendant cet article, propose un premier paragraphe portant :

« Quant au pâturage, panage, glandée, et droits d'usage quelconques dans les mêmes forêts, ils ne pourront être convertis en cantonnement; mais ils pourront être rachetés moyennant des indemnités qui seront réglées de gré à gré, ou, en cas de contestation, par les tribunaux. »

(M. de Berthier demande et obtient la parole sur ce paragraphe.)

M. de Berthier. J'ai à faire une simple observation de rédaction à laquelle j'ai lieu de croire que la commission voudra bien adhérer. La commission dit dans son article: « Quant aux pâturage, panage, glandée, et droits d'usage quelconques dans les mêmes forêts. » Je ferai observer que dans l'article 63 on a dit que Tout droit d'usage en bois pourrait être éteint moyennant un cantonnement. » En se servant de l'expression quelconques on semblerait revenir sur la disposition précédente. Je crois que l'article serait mieux rédigé, si l'on disait : « Quant aux pâturage, panage, glandée et droits de même nature. »

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