Page images
PDF
EPUB

dant; mais ici encore, elle ne doit pas jouir d'une liberté complète, car la bonne administration de son patrimoine est un des éléments de la prospérité générale si on laissait aux communes le droit de disposer comme elles l'entendraient de leurs biens, il arriverait trop souvent qu'elles feraient des dépenses inutiles, des entreprises ruineuses; il viendrait un moment où elles ne pourraient plus supporter les charges locales qui leur sont imposées, ni concourir, pour leur quote-part, à l'exécution de ces mesures qui participent à la fois et de l'intérêt général et de l'intérêt communal. L'administration des communes, ayant une grande influence sur le bien-être général, doit donc être dirigée avec un esprit de sagesse et d'ensemble que l'on ne trouverait pas toujours dans les administrations exposées à l'influence des petites passions de localité; d'après un plan général, qui ne pourrait être compris de volontés individuelles, et dans un esprit de suite qu'il serait impossible d'obtenir d'administrateurs temporaires, qui se succèdent assez rapidement au pouvoir. C'est donc avec raison que l'on assimile les communes à des mineurs, en ce sens que tous les actes qui peuvent avoir de l'influence sur leur fortune ne peuvent être exécutés qu'avec l'autorisation

de l'administration supérieure, qui, placée dans une sphère plus élevée, dégagée de tout esprit de parti et de tout amour-propre, entourée de plus de lumières, éclairée d'ailleurs par plus d'expérience, réunit toutes les conditions requises pour donner une bonne direction à l'administration des patrimoines communaux.

L'expérience a signalé les obstacles que mettent à la célérité et à l'unité de l'action administrative les assemblées composées de plusieurs personnes, animées trop souvent d'esprits différents. Il faut donc distinguer la délibération de l'action. Délibérer est le propre de plusieurs; agir est le fait d'un seul. Tel est le principe dont l'application a lieu à tous les degrés de la hiérarchie administrative. Dans la commune, c'est le corps municipal qui délibère; c'est le maire qui exécute. Et comme il serait aussi contraire aux intérêts du pays que ses représentants fussent nommés par le gouvernement, qu'il le serait aux intérêts, bien entendus, du pouvoir, que le magistrat qui doit exécuter ses ordres fût complétement hors de sa dépendance, les membres du conseil municipal sont le fruit de l'élection, et le maire est choisi dans son sein par l'autorité dont il est l'organe.

Tels sont les principes qui, dans l'état actuel de la

société, nous semblent devoir servir de base à une bonne législation communale; mais ceux mêmes qui les admettent ne sont pas toujours d'accord sur leur application; cette dissidence d'opinion résulte de l'antagonisme des deux éléments que notre constitution tend à rapprocher. L'esprit d'individualité qui a donné naissance aux communes, et qui a été consacré par une longue possession est en lutte habituelle avec le système d'unité du pouvoir sur lequel repose notre nouveau droit public; de là, des difficultés continuelles sur les droits de l'un et sur les effets de l'autre, et, suivant que l'on est préoccupé de l'intérêt communal ou de l'intérêt général, la solution est différente. Tout le monde reconnaît bien que la police générale est confiée au Roi, qui l'exerce par ses ministres responsables; mais jusqu'où s'étend la police générale ? où commence la police municipale? La ligne de démarcation est difficile à tracer. On admet bien que les communes ne peuvent être abandonnées à elles-mêmes; mais quelle latitude leur laissera-t-on dans l'administration de leurs propres biens? Entre une liberté absolue et une centralisation excessive, l'intervalle est grand. Où placera-t-on la limite? Ce sont là des questions délicates, et pour la solution desquelles il faut se défier des théo

ries, presque toujours trompeuses quand elles ne sont pas éclairées par la connaissance des faits. C'est à la loi positive qu'il appartient de régler ces détails, en prenant en considération l'état de la société à laquelle elle s'applique. C'est à elle qu'il appartient aussi de suivre les progrès de la civilisation, en étendant avec eux le cercle des attributions municipales; mais cette extension d'attribution devra toujours s'arrêter devant le principe de l'unité administrative; vouloir aller au-delà, vouloir créer des communes indépendantes, vouloir affranchir les communes, comme on le dit fort mal à propos en rappelant une expression du moyen-âge qui ne peut recevoir d'application aujourd'hui, ce serait rétrograder vers des temps malheureux et abandonner l'une des plus importantes conquêtes de l'Assemblée nationale (1).

E.-V. FOUCart.

(1) Nous rappelons qu'il n'est question dans cet ouvrage que du pouvoir municipal; ce qui concerne la nature, l'administration et le régime des propriétés communales forme un traité séparé qui a pour titre : Des biens communaux et de la police rurale et forestière.

DU

POUVOIR MUNICIPAL

ET

DE LA POLICE DES COMMUNES.

LIVRE PREMIER.

DU POUVOIR MUNICIPAL, DE SA NATURE, ET DES FONCTIONS QUI LUI SONT PROPRES.

CHAPITRE PREMIER.

Que l'édifice social repose sur les municipalités.

Au-dessous des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire, il en est un quatrième qui, tout à la fois public et privé, réunit l'autorité du magistrat à celle du père de famille: c'est le pouvoir municipal.

Quoique au-dessous des trois autres, ce pouvoir est cependant le plus ancien de tous. C'est en effet le premier dont le besoin se soit fait sentir; il n'y a pas de bourgade qui, à l'instant même de sa formation, n'ait reconnu la nécessité d'une administration intérieure et d'une police locale. Cette

« PreviousContinue »