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avons à dire à cet égard fera la matière de deux chapitres différents.

CHAPITRE XXI.

Que les particuliers lésés par des délibérations des corps municipaux doivent adresser leurs réclamations à l'administration supérieure.

Nous avons étendu aux délibérations des municipalités la règle qui défend aux tribunaux de s'immiscer dans la connaissance des actes administratifs. Il en devait être ainsi. En effet, comme le remarque très-judicieusement Loyseau (1), « les actes que font les échevins étant actes de gouvernement et non de justice, doivent être expédiés sommairement et en forme militaire, sans qu'il soit besoin de les verbaliser au long et y garder les procédures et formalités de la justice contentieuse : et s'ensuit aussi que, de ces actes, de ces actes, il ne doit point y avoir d'appel, pour ce que l'appel n'a lieu proprement qu'ès actes de justice contentieuse; mais il se faut pourvoir contre iceux par voie de plainte qu'on

(1) Des Offices, liv. V, chap. 7, no 51. (H. P.)

peut faire aux supérieurs, et principalement au Roi et à son conseil; et il faut en ce cas, si le Roi l'ordonne, que les échevins viennent rendre raison de ce dont on se plaint d'eux. »

Enfin, ainsi le veut la loi. L'article 60 de celle du 14 décembre 1789 porte: « Si un citoyen croit » être personnellement lésé par quelque acte du >> corps municipal, il pourra exposer ses sujets de » plainte à l'administration ou au directoire de » département, qui fera droit, sur l'avis de l'ad>> ministration de district, qui sera chargée de » vérifier les faits. >>

Peut-être n'est-il pas inutile d'appeler un moment l'attention sur la différence qui existe entre cet article et le 61° de la même loi. Aux termes de ce dernier, si l'administration supérieure croit que la plainte est fondée, elle doit la renvoyer devant les tribunanx : elle n'a pas le droit de la juger. Au contraire, l'art. 60 l'autorise à faire droit sur les réclamations qui sont portées devant elle, après avoir vérifié les faits et pris l'avis du souspréfet.

Le motif de cette différence s'aperçoit aisément. Dans l'art. 60, le législateur n'a en vue que le préjudice que peuvent occasionner à des tiers les délibérations d'un corps municipal; préjudice qui peut être réparé par une délibération qui annule

la première. L'objet de l'art. 64 est d'une tout autre gravité, il y est question de délits ou de crimes qui ne peuvent être jugés et punis que par des cours d'assises ou des tribunaux de police correctionnelle.

[ Add.] Nous avons déjà dit que la loi du 18 juillet 1837 distinguait les délibérations des corps municipaux en deux classes; que celles de la première étaient valables quand elles n'avaient pas été annulées dans un délai déterminé (loi du 18 juillet 1837, art. 17; v. addit. au chap. XVII), et que celles de la seconde avaient besoin d'une autorisation supérieure. (Loi du 18 juillet 1837, art. 17, 18, 19, 20, 21; v. addit. aux chap. XVII et XIX.)

Cette distinction a donné lieu à une ordonnance promulguée le 1er janvier 1839, qui veut que toutes les fois que les conseils municipaux ont pris une délibération de la première espèce, le maire, avant de la soumettre au sous-préfet, avertisse les habitants par la voie des annonces et publications usitées dans la commune, qu'ils peuvent se présenter à la maison commune pour prendre connaissance de la délibération, conformément à l'art. 25 de la loi du 21 mars 1831. L'accomplissement de cette formalité est constaté par un certificat du maire, qui est joint à la délibération transmise au souspréfet.

L'ordonnance du 1er janvier 1839 ne parle que des

délibérations de la première classe; quant aux autres, comme elles ne sont pas valables par elles-mêmes, les particuliers qui ont intérêt à s'y opposer peuvent faire parvenir les motifs de leur opposition au sous-préfet, au préfet, au ministre ou au Roi, suivant les circonstances. Lorsque la délibération porte sur une mesure qui est de nature à influer sur des intérêts privés, telle qu'une acquisition ou une aliénation, la procédure administrative exige une information de commodo aut incommodo, dans laquelle tous les intéressés sont mis en demeure de donner leur avis.

CHAPITRE XXII.

Des actes d'exécution et de simple régie faits par le maire et ses adjoints; que les difficultés qui peuvent s'élever sur l'application et l'interprétation de ces actes doivent être portées devant les tribunaux ordinaires, Arrêt de la Cour de cassation conforme à cette règle, et qui juge en outre 1° qu'elle est applicable à ceux de ces actes qui seraient revêtus de l'approbation du préfet; 2° que les revenus patrimoniaux des communes ne doivent pas être assimilés aux deniers publics, et n'en partagent pas les priviléges.

Ici se reproduit notre distinction entre les officiers municipaux délibérant collectivement sous la présidence du maire, et ce même fonctionnaire ou

ses adjoints agissant comme chargés de tous les actes d'exécution et de simple régie.

On a vu, dans le chapitre précédent, que les délibérations des corps municipaux, assimilées aux actes émanés du pouvoir administratif, et, par će motif, soustraites à la juridiction ordinaire, ne peuvent être annulées, interprétées ou modifiées que par les corps administratifs supérieurs.

Mais on n'est pas allé jusqu'à couvrir de la même faveur les actes d'exécution et de simple régie faits par les maires ou leurs adjoints. On a senti que le bail à ferme d'une propriété communale, ou un marché pour des réparations à la maison commune, n'avaient rien qui les fit sortir de la classe des conventions privées, puisque le maire n'y avait figuré que comme le représentant du corps municipal, qui, lui-même, n'est que le mandataire des habitants de la commune.

Enfin, et cela nous dispense d'une plus longue discussion, cette question vient d'être solennellement jugée par un arrêt de la Cour de cassation du 2 janvier 1817.

Cet arrêt, mûrement délibéré et rédigé avec beaucoup de soin, jette un si grand jour sur cette matière, que je vais le rapporter tel qu'il est consigné dans le bulletin des arrêts de la Cour de cassation.

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