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tions qui lui sont déléguées par le gouvernement. Pour agir contre lui, il faudrait en demander la permission au Conseil d'état, ou attendre la loi qui nous est promise sur la responsabilité des agents secondaires de l'administration publique (1).

A l'égard des délits commis dans l'exercice des fonctions municipales, je crois qu'il faut distinguer ceux qui compromettent les intérêts généraux de la commune, des vexations et autres actes arbitraires qui ne blessent que des individus.

Cette distinction me paraît résulter de la loi du 14 décembre 1789; cette loi spéciale pour les officiers municipaux est la seule qui soit directement relative à leur mise en jugement. Elle mérite donc beaucoup d'attention. En voici les termes : «< Tout » citoyen actif pourra signer et présenter contre >>> les officiers municipaux la dénonciation des » délits d'administration dont il prétendra qu'ils se >> seraient rendus coupables; mais avant de porter » cette dénonciation dans les tribunaux, il sera » tenu de la soumettre à l'administration ou au >> directoire de département, qui, après avoir pris >> l'avis de l'administration de district ou de son

(1) Cette loi n'est point encore rendue (1839), et c'est l'article 75 de la constitution de l'an vi que l'on continue à appliquer. (F.)

>> directoire, renverra la dénonciation, s'il y a lieu, à ceux qui en devront connaître. Art. 61. » Il y a donc des délits municipaux dont la répression ne peut être demandée aux tribunaux que sous le bon plaisir de l'autorité administrative supérieure. Mais quels sont ces délits? On ne peut pas s'y méprendre. Ces premiers mots de l'article: Tout citoyen actif peut dénoncer, nous révèlent la pensée du législateur.

Ces délits, qu'un citoyen actif peut seul dénoncer, ne peuvent être que ceux qui, sans blesser directement les individus, ne froissent que les intérêts généraux de la commune: tels que le divertissement des deniers communs, des fraudes pratiquées dans la passation d'un bail à ferme, ou dans un marché pour la réparation d'un édifice public.

Il est sage, il est naturel de ne permettre qu'aux membres de la commune de porter un œil critique sur ces sortes d'opérations. Mais étendre cette disposition à tous les actes arbitraires que des officiers municipaux peuvent se permettre, à toutes les vexations qu'il leur plairait de commettre, et dire que les citoyens actifs sont seuls autorisés à s'en plaindre, ce serait de toutes les injustices la plus révoltante. En effet, tous ceux qui, faute de résidence ou de fortune, n'auraient pas cette qualité

de citoyen actif, en butte à tous les outrages, et privés de la protection des lois, seraient de vrais ilotes dans leur patrie. Cependant ils n'en sont pas moins Français, ils n'en sont pas moins les enfants de la mère commune.

Au surplus, s'il pouvait rester quelque doute sur le véritable sens de cet art. 61, il serait complétement levé par l'instruction annexée à la loi du 14 décembre et décrétée le même jour; instruction qui, développant l'esprit de l'art. 61, s'exprime en ces termes : «<Lorsqu'un citoyen actif, sans arti» culer des griefs qui lui soient personnels, voudra » dénoncer les officiers municipaux comme cou» pables de délits d'administration, en ce cas la >> dénonciation devra être préalablement soumise » à l'administration ou au directoire du départe» ment, qui, après avoir fait vérifier les faits par >> le directoire du district, et avoir pris son avis, » renverra la poursuite, s'il y a lieu, devant les » juges qui en devront connaître. »>

Si tel est l'esprit de la loi ; s'il est vrai s'il est vrai que l'autorisation du Conseil d'état n'est indispensable que lorsqu'il s'agit de délits qui compromettent les intérêts généraux de la commune, quelle doit être la règle dans les autres circonstances?

Avant de répondre à cette question, je crois devoir établir ce que j'ai dit plus haut, que la loi

du 14 décembre 1789 est la seule qui soit directement relative aux délits commis dans l'exercice du pouvoir municipal, et que toutes celles qui parlent de la mise en jugement des administrateurs ne sont applicables qu'aux agents de l'administration publique.

L'énumération de ces lois ne sera pas longue. Elles se réduisent à cinq : la première, du 24 août 1790, article 13; la seconde, du 14 octobre 1790; la troisième, un décret du 9 pluviôse an x; la quatrième, un autre décret du 9 août 1806; la cinquième, enfin, le Code pénal, article 129.

Il ne faut que jeter les yeux sur ces différents textes, pour se convaincre qu'ils ne sont applicables qu'aux agents de l'administration publique.

Je ne parle pas de l'art. 75 de la constitution de l'an VIII. Comme la disposition de cet article est organique, et que la prérogative qu'elle conférait au Conseil d'état faisait partie de ses attributions constitutionnelles, l'article, le conseil, et la constitution, ont dû nécessairement éprouver le même sort (1). Au surplus, semblable aux trois

(1) La jurisprudence, comme nous l'avons déjà dit, n'admet pas que l'article 75 de la constitution de l'an vi soit abrogé. V. l'arrêt de la Cour de cassation du 30 novembre

lois et aux deux décrets que nous venons de rappeler, cet article 75 ne serait applicable qu'à des délits administratifs commis par des agents de l'administration publique.

Je reviens à la question que je me suis proposée plus haut, celle de savoir quelle règle il faut suivre dans le cas où le maire d'une commune aurait porté atteinte à la sûreté ou à la liberté d'un individu. La réponse n'est pas difficile.

Puisqu'à cet égard, et sur ce cas particulier, les lois anciennes et nouvelles gardent le silence, il est clair que la seule règle à suivre doit être de se référer au droit commun; et de droit commun les tribunaux sont ouverts indistinctement à tous les opprimés.

CHAPITRE XII.

Suite du chapitre précédent. Jurisprudence du Conseil d'état et de la Cour de cassation, concernant la mise en jugement des officiers municipaux.

On vient de voir, dans le chapitre précédent, que je ne distingue pas le maire des membres du

1821, et la discussion qui a eu lieu devant la chambre des pairs pendant la session de 1834. (F.)

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