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conseil municipal; et que, les réunissant sous la dénomination collective d'officiers municipaux, je professe l'opinion que tous peuvent être traduits dans les tribunaux, sans l'autorisation du Conseil d'état, toutes les fois qu'ils attentent à la réputation ou à la sûreté d'un citoyen, soit par des actes de violence, soit par des expressions injurieuses consignées dans leurs délibérations. Une ordonnance royale rendue récemment, et depuis la première édition de cet ouvrage, adopte cette manière de voir, mais seulement à l'égard des membres du conseil municipal. Cependant c'est toujours un premier pas. En conséquence je vais transcrire cette ordonnance; elle est du 2 décembre 1822. La voici :

<< LOUIS, etc. Vu la lettre de notre procureur général près la Cour royale de Montpellier, qui, en transmettant à notre garde des sceaux une délibération du conseil municipal de la commune de Cassagnolles, département de l'Hérault, du 13 septembre dernier, laquelle aurait été dénoncée par le préfet de ce département comme attentatoire à l'ordre public et injurieuse pour divers fonctionnaires publics, demande l'autorisation de poursuivre l'adjoint au maire de Cassagnolles, et les membres du conseil municipal, signataires de ladite délibération;

1

>> Vu le rapport fait au conseil municipal par le sieur Contron, adjoint au maire de Cassagnolles, et la délibération qui s'en est suivie ;

Vu l'article 75 de la loi du 22 frimaire

an VIII;

» Les décrets des 11 juin et 9 août 1806:

>> Considérant que les membres des conseils municipaux ne sont point agents du gouvernement, et que dès lors ils peuvent être poursuivis sans autorisation préalable;

>> Notre Conseil d'état entendu,

>>> Nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit :

» Art. 4er. Il n'y a lieu de statuer sur la demande d'autorisation afin de poursuivre les membres du conseil municipal de Cassagnolles, signataires de la délibération du 13 septembre dernier.

» Art. 2. Notre procureur général près la Cour royale de Montpellier est autorisé à poursuivre l'adjoint au maire de Cassagnolles, à raison des faits contenus dans son rapport au conseil municipal de Cassagnolles, et dans la délibération qui s'en est suivie le 13 septembre dernier (1).

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(1) Le principe sur lequel repose l'ordonnance du 2 septembre 1822 ne peut plus faire de doute, aujourd'hui que les

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Cette ordonnance établit, comme l'on voit, une différence très-notable entre le maire et les membres du conseil municipal. En effet elle juge que ceux-ci peuvent être traduits en jugement sans une autorisation préalable; mais, qu'à l'égard du maire, cette autorisation est indispensable. Sur quels motifs cette distinction est-elle fondée ? L'ordonnance le dit: Considérant que les membres du conseil municipal ne sont pas agents du gouver

nement.

Ainsi le gouvernement reconnaît et proclame que le privilége de n'être poursuivi en justice qu'en vertu d'un ordre du Conseil d'état est attaché, non au pouvoir municipal, mais au pouvoir administratif; et que, si cette prérogative est accordée aux maires, c'est uniquement parce qu'ils sont investis de quelques branches de l'administration publique.

Mais, s'il en est ainsi, si cette garantie n'est accordée aux maires qu'à raison de leurs fonc

membres des conseils municipaux sont électifs; mais on doit observer qu'il n'est pas applicable au membre du conseil municipal qui remplit les fonctions de maire par délégation, dans le cas prévu par l'article 14 de la loi du 18 juillet 1837; ce conseiller est alors revêtu des attributions du maire qu'il remplace, et il a droit aux mêmes garanties. (F.)

tions administratives, est-il bien conséquent de les en faire jouir pour les délits qu'ils peuvent commettre dans l'exercice des fonctions municipales? L'effet peut-il avoir plus d'étendue que sa cause?

Je ferai encore une observation.

Un individu, signalé d'une manière peu honorable dans la délibération d'un corps municipal, croit sa réputation compromise, et veut une réparation. Dans sa juste impatience il saisit simultanément le tribunal de police correctionnelle et le Conseil d'état. Le tribunal condamne les membres du conseil municipal. Le Conseil d'état, plus indulgent ou plus éclairé, absout le maire en refusant l'autorisation de le poursuivre. Cela peut arriver. Cependant la délibération inculpée ne pouvant pas être tout à la fois injurieuse et inoffensive, tous ceux dont elle est l'ouvrage sont également coupables ou également innocents. Un des deux tribunaux aura donc nécessairement commis une injustice: et, ce qui n'est pas moins déplorable, le soupçon planera sur l'un et sur l'autre. C'est d'après cette haute considération, c'est pour ce scandale judiciaire, que l'on a établi en principe qu'un délit qui de sa nature est indivisible, ne peut être soumis ni à la répression, ni même à la censure de deux juridictions indépendantes, quels que

éviter

soient le nombre, le domicile, et la qualité des prévenus.

Six mois avant cette ordonnance royale, et de même postérieurement à la première édition de cet ouvrage, la Cour de cassation avait jugé d'une manière également explicite, que deux membres du conseil municipal d'une commune avaient pu être traduits en jugement sans autorisation préalable, quoique ces deux fonctionnaires eussent agi en leur qualité d'officiers municipaux. Mais cet arrêt, semblable sous ce rapport à l'ordonnance royale, en diffère sur un point très-notable. L'ordonnance royale, appliquant aux maires des règlements faits. dans l'intérêt de l'administration publique, et généralisant leurs dispositions, décide que l'autorisation du Conseil d'état est indispensable pour traduire en jugement ces fonctionnaires, même pour les délits qu'ils peuvent commettre dans l'exercice des fonctions municipales. L'arrêt, interrogeant les lois directement et spécialement relatives aux municipalités, notamment celle du 14 décembre 1789, sanctionnée par le roi le 22 dų même mois, en fait sortir la conséquence que cette autorisation n'est pas nécessaire, toutes les fois que le maire a agi, non comme agent de l'administration, mais en qualité d'officier municipal, et

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