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administration collective doit toujours être entravée par les différences d'opinion qui existent entre ses membres; on discute là où il faudrait agir. Les modifications périodiques dans le personnel, prescrites par la loi, devaient substituer des systèmes divers à l'esprit d'unité et de suite nécessaire pour arriver à de bons résultats. Enfin, des assemblées sont beaucoup moins dociles aux ordres supérieurs que des individus ; elles se laissent facilement entraîner par l'esprit de corps à une résistance 'tout-à-fait nuisible au but de l'administration. En vain, pour éviter ces inconvénients, avait-on créé des procureurs-généraux et des procureurs-syndics; ces magistrats, dont l'autorité se bornait à requérir, n'avaient point assez d'action; d'ailleurs, ils étaient aussi nommés par les électeurs, et seulement pour un temps limité, de telle sorte qu'ils ne faisaient qu'ajouter une complication de plus aux rouages de l'administration, sans remédier au mal.

L'Assemblée constituante, en posant les principes, avait accompli sa mission; c'était aux assemblées qui devaient lui succéder, à faire les applications de détail, à corriger les fautes que l'expérience ne manquerait pas de signaler. Il ne faut point chercher de progrès dans

cette époque de triste souvenir, pendant laquelle une assemblée, soumise au plus dur et au plus honteux des esclavages, celui de la peur, renvoyait au pays la terreur qui la dominait. L'excès du mal en amena le remède; ce fut à la suite de la démagogie la plus effrénée que l'on comprit la nécessité de fortifier le pouvoir, et c'est à la Convention nationale, libre du joug et débarrassée des hommes de la Montagne, que l'on doit l'établissement, auprès de chaque administration collective, d'un agent du pouvoir exécutif que lui seul avait droit de nommer et de révoquer (1).

Les nations, non plus que les hommes, ne savent pas résister à l'entraînement des passions; ce n'est qu'après de longs malheurs qu'elles comprennent enfin le danger des théories absolues, et qu'après avoir été jetées de la démagogie dans la tyrannie, qu'elles essaient de combiner dans de justes proportions le pouvoir avec la liberté. Le gouvernement du Directoire, fondé par la constitution du 5 frimaire an III, acheva de dégoûter de la pluralité des gouvernants, et ne fut qu'une transition

(1) Constitution du 5 frimaire an ш, art. 101.

d

au système despotique de l'Empire. Le gouvernement impérial, fondé sur le principe absolu de l'unité, organisa l'administration à son image. Non-seulement les fonctionnaires actifs furent au choix du gouvernement, mais ceux-là mêmes qui composaient les conseils placés auprès des administrateurs, pour contrôler leurs dépenses, les guider de leurs avis, leur faire connaître les besoins de la localité, reçurent aussi leur mission du pouvoir, de telle sorte que les intérêts du département et de la commune n'avaient pas d'organes véritables et avoués par le pays.

Il nous semble facile maintenant de déterminer le but et les bases du droit municipal actuel. Les droits naturels et politiques étant garantis par la Charte constitutionnelle, les institutions municipales n'ont plus pour objet ni de les conquérir ni de les conserver. Tout ce qui tient au droit civil et au droit criminel étant réglé par des lois dont l'application est générale, est également étranger au droit communal. Les pouvoirs étant aujourd'hui distincts et séparés, les magistrats municipaux ne doivent plus cumuler l'autorité judiciaire et l'autorité administrative. L'unité du pouvoir exécutif étant une des nécessités de notre époque, et une des bases de

notre constitution, ce pouvoir ne doit rencontrer aucune résistance sur aucun point du territoire.

La commune doit être aujourd'hui considérée sous deux points de vue, ou par rapport à l'administration générale du royaume, ou en elle-même et comme formant une société qui peut avoir des intérêts qui lui soient propres. Sous le premier point de vue, la commune n'est qu'une circonscription administrative, et les autorités placées à sa tête sont des agents de l'administration générale en contact avec les administrés, chargés de leur faire l'application immédiate des lois de droit public, soit qu'il s'agisse de la jouissance des droits ou de l'accomplissement des obligations politiques, de l'exécution des lois de police ou d'utilité générale. Ce sont aussi des organes d'information qui transmettent à l'autorité supérieure tous les renseignements dont elle a besoin pour préparer les lois et les grandes mesures d'intérêt général; sous ce rapport, les agents municipaux sont essentiellement subordonnés aux autorités supérieures dont ils ne sont que les organes.

Sous le second point de vue, la commune forme une société qui a des intérêts à elle propres ; mais ces intérêts, beaucoup moins étendus qu'autrefois, se bornent,

a

sous le rapport du droit public, à quelques points de police locale, qui ne sont pas de nature à être réglés d'une manière uniforme par tout le royaume. L'autorité municipale peut agir, pour le règlement de ces divers points, dans de certaines limites fixées par la loi. Elle même le droit de prendre, sans être provoquée par l'autorité supérieure, des arrêtés obligatoires pour les simples citoyens : c'est là ce qui lui reste de plus important de ses anciennes attributions. Mais comme il serait possible qu'elle sortit des limites légales, et comme, d'un autre côté, toutes les mesures, bien qu'elles puissent varier pour chaque commune, doivent cependant être en harmonie avec les principes du droit public et avec l'administration générale, les arrêtés de l'autorité municipale doivent être soumis au contrôle et à la réformation de l'autorité supérieure.

Ce qui constitue principalement aujourd'hui l'individualité de la commune, c'est l'administration économique de ses biens. La commune, en effet, a des biens et des charges; elle forme, aux yeux de la loi, une personne morale, susceptible de la plupart des actes de la vie civile; elle peut acquérir ou aliéner, comparaître en justice, soit en demandant, soit en défen

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