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166. Dans quelle hypothèse le juge de paix perdrait-il sa 189. Actions relatives au curage soit de fosses, soit de compétence?

167. Compétence du juge de paix pour dommages faits

par des animaux sauvages. Jurisprudence de la

cour de cassation de Belgique.

canaux servant à l'irrigation des propriétés ou au mouvement des usines. Dans quelles limites ces actions appartiennent-elles à la juridiction du juge de paix?

168. Comment faut-il comprendre les mots champs, fruits 190. Généralité des expressions dont se sert la loi de 1841. et récoltes?

170. Est-il nécessaire d'être propriétaire du champ pour jouir du bénéfice de la disposition de l'art. 7, no 1? 171. Dans quels cas le juge de paix peut-il prononcer la contrainte par corps pour dommages-intérêts? Législation antérieure à la loi du 21 mars 1859 sur la contrainte par corps. Modifications apportées par cette loi.

192.

Comparaison avec celle de 1790.

169. Quels dommages sont écartés de la compétence du 191. De quelle espèce de contestation les juges de paix juge de paix ? peuvent-ils connaître en matière de curage? Lois qui concernent le libre cours et le curage des rivières et canaux navigables et non navigables. Compétence administrative. Loi des 12-20 août 1790; arrêté du 19 ventôse an vi; loi des 14-24 floréal an x1; loi provinciale du 30 avril 1836; loi communale du 30 mars 1836. Incompétence du juge de paix quand il s'agit de contrainte décernée par une commune pour recouvrement de frais de curage. Loi communale, art. 138, § 1er. 193. En ce qui concerne les particuliers, portée générale de l'art. 7, no 1 pour ce qui touche au curage. 194. Quid lorsqu'il s'agit d'un fossé mitoyen? 195. Incompétence du juge de paix quant aux actions mentionnées dans l'art. 7, no 1, lorsque les droits de propriété ou de servitude sont contestés. Sous l'empire de la loi des 16-24 août 1790, que décidait-on à cet égard?

172. Le juge de paix a-t-il compétence pour dommages
aux champs, fruits et récoltes, lorsque les droits
de propriété ou de servitude sont contestés?
173. Les actions en élagage des arbres étaient-elles sou-
mises à la compétence du juge de paix sous l'em-
pire de la loi des 16-24 août 1790 ?

174. Portée de l'amendement de M. Metz quant aux ac-
tions en élagage et à celles relatives aux haies et au
curage. Raisons qui le faisaient combattre. Adop-
tion de l'amendement.

175. Disposition de la loi française du 25 mai 1838 en ce qui concerne l'élagage, les haies et le curage. Comparaison avec la loi belge.

176. Fondement de l'action en élagage. Art. 672, § 2 du code civil. Manière de procéder.

177. Fondement du droit du voisin de couper lui-même les racines qui s'avancent dans son terrain. Artiele 672, § 3 du code civil.

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196. Le juge de paix reste-t-il compétent lorsque le défendeur soulève une exception qui ne met pas en contestation les droits de propriété ou de servitude?

197. Différentes manières dont le droit de propriété ou de servitude peut être contesté. Applications de la jurisprudence.

198.

199.

200.

201.

Le juge de paix est-il compétent lorsqu'on réclame
des dommages-intérêts en se fondant sur le droit
au plein exercice d'une servitude légale ? Décision
de la cour de cassation de Belgique.

Le juge de paix pourrait-il prononcer sur les dom-
mages-intérêts en renvoyant au juge de première
instance la question de propriété ou de servitude?
Comparaison avec les principes de l'art. fer,
Le juge de paix est-il compétent lorsque le deman-
deur réclame, en même temps que des dommages-
intérêts, la reconnaissance de la plénitude de la
propriété ou le droit d'exercer une servitude? -
Diverses hypothèses. Solutions.

Quand y a-t-il véritablement contestation sur la
propriété ou la servitude? Le juge de paix reste-
t-il appréciateur de cette question?

183. Quand l'action en élagage doit-elle être repoussee? 184. Le propriétaire des arbres peut-il acquérir par la prescription trentenaire le droit de laisser croître ses branches au-dessus du terrain de son voisin? 202. Quid quand c'est un tiers qui conteste la propriété 185. Le juge de paix doit-il nécessairement renvoyer la

ou la servitude?

cause devant le tribunal de première instance, 203. En prononçant le renvoi au juge de première inlorsque le défendeur allègue avoir acquis par servitude le droit d'étendre au-dessus du terrain voisin les branches de ses arbres?

186. Que faut-il entendre par actions relatives aux haies, dans l'art. 7, no 1?

187. Dans le cas d'élagage, à qui appartient la propriété des branches détachées du trone? Réfutation de l'opinion de Duranton.

188. Le propriétaire des branches a-t-il le droit de pénétrer sur le terrain du voisin pour y prendre ses branches qui y seraient tombées ? Analogie avec le cas où il s'agit de fruits tombés ou encore attachés à l'arbre.

stance, le juge de paix doit-il se dessaisir completement du litige, ou bien doit-il seulement prononcer un sursis jusqu'après décision sur la propriété ou la servitude?

204. Dans le cas où il se dessaisit, le juge de paix doit-il condamner le demandeur aux dépens de faction intentée devant lui?

205. Dans le cas d'exception tirée de la possession an. nale, le juge de paix demeure-t-il compétent? 206. Le juge de paix pourrait-il, avec le consentement des parties, se prononcer sur une exception tirée de la propriété ou de la servitude?

207. Les actions pour dommages aux champs, en élagage

et en curage, doivent-elles être intentées dans le 212. Lorsque le défendeur, assigné devant le tribunal de délai d'un an?

208. Quel est le juge compétent, au point de vue du lieu,
dans le cas d'action pour dommages aux champs
et d'actions relatives à l'élagage des arbres, aux
haies et au curage?
209. Que faut-il entendre par le juge de l'objet litigieux,
dans les cas de dommages aux champs, fruits et
récoltes?
210. Quid dans le cas d'action en élagage ou en curage?
211. Lorsqu'une demande de la compétence du tribunal

de première instance se complique de certains
chefs appartenant à la compétence du juge de
paix, le tribunal demeure-t-il compétent? Distinc-
tion à faire. Généralité de la solution.

215.

214.

213.

première instance, déclare ne vouloir élever aucune contestation sur la propriété ou la servitude, le juge de première instance reste-t-il compétent? Distinction à faire.

Le juge de première instance peut-il, du consentement des parties, décider une contestation attribuée expressément au juge de paix?

Le juge d'arrondissement peut-il évoquer l'affaire quand il est saisi d'un appèl sur une question de compétence? Distinction à faire. — Quid lorsque le juge d'arrondissement réforme en admettant la compétence du juge de paix?

Quid lorsque le juge d'arrondissement réforme, en déclarant le juge de paix incompétent (1)?

COMMENTAIRE.

150. Avant d'entamer l'explication de l'ar-, sans appel, jusqu'à la valeur de 150 francs, et, ticle 7, nous devons faire, à propos de cette à charge d'appel, à quelque valeur que la dedisposition, une remarque générale. mande puisse monter:

Nous avons vu régler par l'art. 1er de la loi de 1841 la compétence ordinaire du juge de paix. Cette compétence s'arrête à 100 francs en dernier ressort, et à 200 francs à charge d'appel. Dans l'art. 7, au contraire, il s'agit d'une compétence en quelque sorte exceptionnelle. Ici, comme dans les cas prévus par l'art. 1er, le magistrat ne peut juger sans appel que jusqu'à 100 francs; mais en premier ressort, au contraire, sa compétence s'étend à l'infini. Son pouvoir, pour les cas énumérés dans l'art. 7, n'est mitigé que par la faculté d'appeler, qui appartient à la partie condamnée, lorsque le litige s'élève au-dessus de 100 francs.

Si le législateur a conféré au juge de paix une compétence aussi étendue, cette exception trouve d'ailleurs sa justification dans le peu d'importance qu'ont d'ordinaire les litiges prévus par l'art. 7, et dans le caractère d'urgence qui les distingue. La justice de paix, magistrature domestique et conciliatrice, se trouve désignée par sa nature même comme la plus propre à décider les différends qui se produisent entre des personnes liées entre elles par les rapports familiers du voisinage et de la domesticité.

151. L'art. 2 du projet primitif présenté par M. Ernst se bornait à reproduire les 6 premiers nos de l'art. 10, tit. III de la loi des 16-24 août 1790, en élevant toutefois la compétence du juge de paix de 50 livres à 150 francs.

M. Liedts, rapporteur de la commission spéciale de la chambre des représentants, justitiait cet article en ces termes : «Les doutes et les difficultés qu'avait fait naître cette disposition ayant été successivement levés par les arrêts rendus depuis un demi-siècle, il eût été dangereux ou tout au moins inutile de toucher au texte. »

Voici le texte de l'art. 2 du projet primitif:
Ils (les juges de paix) connaissent de même,

(1) Pour faciliter la comparaison des sommaires avec le texte, nous renvoyons le sommaire des nos 2, 3, 4 et 5

1o Des actions pour dommages faits, soit par les hommes, soit par les animaux, aux champs, fruits et récoltes;

2o Des déplacements de bornes, des usurpations de terres, arbres, haies, fossés et autres clôtures, commis dans l'année; des entreprises sur les cours d'eau servant à l'arrosement des prés, commises pareillement dans l'année, et de toutes autres actions possessoires;

a 3o Des réparations locatives des maisons et fermes;

« 4o Des indemnités prétendues par le fermier ou locataire, pour non-jouissance, lorsque le droit de l'indemnité ne sera pas contesté, et des dégradations alléguées par le propriétaire;

5° Du payement des salaires des gens de travail, des gages des domestiques et de l'exécution des engagements respectifs des maîtres et de leurs domestiques ou gens de travail;

6o Des actions pour injures verbales, rixes et voies de fait, pour lesquelles les parties ne se seront pas pourvues par la voie criminelle ;

« 7o Des demandes en validité ou en mainlevée de saisie-gagerie, de saisie sur débiteurs forains et de saisie-arrêt ou opposition, ainsi que de celles en permission de ces saisies, lorsque ces demandes sont motivées sur des causes de la compétence des juges de paix ;

« 8o Des demandes en payement d'arrérages de rentes, loyers et fermages, lorsque les locations et rentes n'excèdent pas 300 francs de revenu annuel, et que le titre n'est pas coutesté.

« Sont compris dans la même disposition, les loyers, fermages et rentes consistant en denrées et prestations appréciables d'après les mercuriales.> La commission spéciale fit passer les dispositions de cet article dans son art. 7, dont voici le texte :

ART. 7. Les juges de paix connaissent,

de l'art. 7 en tête du commentaire qui concerne spécialement chacun de ces numéros.

DES JUSTICES DE PAIX.

sans appel, jusqu'à la valeur de 100 francs, et, | et voies de fait, pour lesquelles les parties ne à charge d'appel, à quelque valeur que la de- se seront pas pourvues par la voie criminelle. mande puisse monter: Art. 9. Les juges de paix connaissent, en outre, à charge d'appel :

1o Des actions pour dommages faits, soit par les hommes, soit par les animaux, aux champs, fruits et récoltes;

2o Des déplacements de bornes, des usurpations de terres, arbres, haies, fossés et autres clôtures, commis dans l'année ; des entreprises sur les cours d'eau servant à l'arrosement des prés, commises pareillement dans l'année, et de toutes autres actions possessoires;

3o Des actions en bornage, de celles relatives à la distance prescrite par la loi, les règlements particuliers et l'usage des lieux, pour les plantations d'arbres et de haies, lorsque la propriété n'est pas contestée;

4o Des actions relatives aux constructions et travaux énoncés dans l'art. 674 du code civil, lorsque la propriété ou la mitoyenneté du mur ne sont pas contestées;

€50 Des réparations locatives des maisons et fermes;

6o Des indemnités prétendues par le fermier ou locataire, pour non-jouissance, lorsque le droit de l'indemnité ne sera pas contesié, et des dégradations alléguées par le propriétaire; 7° Du payement des salaires des gens de travail, des gages des domestiques et de l'exécution des engagements respectifs des maîtres et de leurs domestiques ou gens de travail ;

8o Des actions pour injures verbales, rixes et voies de fait, pour lesquelles les parties ne se seront pas pourvues par la voie criminelle. » D'une part, on le voit, cet art. 7 ajoutait ses n° 3 et 4 à l'art. 2 primitif; d'autre part, il supprimait les n° 7 et 8 de l'art. 2. Ces nos 7 et 8 étaient remplacés par les nouveaux principes contenus dans les art. 2, 3, 4 et 5 de la loi. (Supra, nos 76, 77, 82, 83, 91, 98 et 99.)

152. Dans le cours de la discussion à la chambre des représentants, M. de Garcia proposa de partager en deux l'art. 7 de la commission. Une partie de cette disposition est devenue l'art. 9. Les art. 7 et 9 étaient dès lors

conçus en ces termes :

Art. 7. Les juges de paix connaîtront, sans appel, jusqu'à la valeur de 100 fr. et, à charge d'appel, à quelque valeur que la demande puisse

monter:

1° Des actions pour dommages faits, soit par les hommes, soit par les animaux, aux champs, fruits et récoltes;

2. Des réparations locatives des maisons et fermes;

3o Des indemnités prétendues par le fermier ou locataire, pour non-jouissance, lorsque le droit de l'indemnité ne sera pas contesté, et des dégradations alléguées par le propriétaire; 4° Du payement des salaires des gens de travail, des gages des domestiques et de l'exécution des engagements respectifs des maîtres et de leurs domestiques ou gens de travail;

5o Des actions pour injures verbales, rixes

« 1o Des déplacements de bornes, des usurpations de terres, arbres, haies, fossés et autres clôtures, commis dans l'année; des entreprises sur les cours d'eau servant à l'arrosement des prés, commises pareillement dans l'année; des dénonciations de nouvel œuvre, complaintes, actions en réintégrande et de toutes autres actions possessoires;

« 2o Des actions en bornage, de celles relatives à la distance prescrite par la loi, les règlements particuliers et l'usage des lieux, pour les plantations d'arbres et haies lorsque la propriété n'est pas contestée;

3°, Des actions relatives aux constructions et travaux énoncés dans l'art. 674 du code civil, lorsque la propriété ou la mitoyenneté du mur ne sont pas contestées. » (Séance du 5 mai 1840, Loi sur la compétence, p. 74.)

M. de Garcia donnait deux motifs à l'appui de son amendement. La première des raisons sur lesquelles il s'appuyait était approuvée en ces termes par M. le ministre de la justice :

«M. de Garcia a fait valoir un double motif à l'appui de cet amendement. Il a dit d'abord qu'il voulait fixer un point de jurisprudence, celui de savoir si les actions possessoires ne devaient être jugées, en premier ressort, que dans certains cas, ou si elles devaient toujours être jugées en premier ressort. Cette explication, messieurs, je l'adopte; și l'on croit que la jurisprudence ne suffit pas pour décider cette question, l'insertion des mots, complaintes, actions en réintégrande, ne peut que rendre la loi plus claire. »

Le second motif allégué par M. de Garcia ne recevait pas l'approbation du ministre; mais l'auteur de l'amendement s'expliquait en quelques mots sur la portée qu'il attribuait à l'innovation: M. le ministre de la justice, disait-il, a bien voulu donner son approbation au premier des motifs qui m'ont déterminé à proposer mon amendement; je n'ai pas été aussi heureux pour le second de ces motifs, mais je pense, messieurs, que c'est parce que j'ai été mal compris. M. le ministre a supposé que lorsque j'ai proposé l'addition des mots : des dénonciations « de nouvel œuvre, complaintes, actions en « réintégrande, » j'ai voulu par là faire décider que ce sont là des actions possessoires; or ce n'est pas du tout dans ce but que j'ai fait cette proposition; tout le monde sait que les actions en réintégrande sont des actions possessoires, mais des actions possessoires sui generis; c'est pour montrer que ces actions existent encore que je propose de les insérer dans la loi, chose d'autant plus nécessaire que ce point est contesté et qu'il est utile de conserver ce droit et ce genre d'action complétement indépendant de la possession annale. J'aurai l'honneur de faire observer à la chambre que la question de savoir si ces actions possessoires

d'une nature particulière existent encore dans notre législation, que cette question est un objet de discussions et de divergence d'opinions entre les jurisconsultes ; si nous insérons dans la loi les mots que je propose d'y introduire, cette question sera tranchée, on saura que ces actions existent encore et l'on y appliquera les principes qui existaient dans l'ancienne loi et qui réellement n'ont pas été détruits. L'objet de cette addition est donc de prouver que nous voulons conserver les actions en réintégrande. » (Séance du 5 mai 1840, Loi sur la compétence, p. 75, 76, 77 et 78.)

L'amendement de M. de Garcia fut adopté dans la même séance du 5 mai (Loi sur la compélence, p. 79) et a passé dans la loi.

Quelle que soit l'opinion que l'on professe quant à l'utilité des additions faites par M, de Garcia aux règles de la loi de 1790 (art. 10, tit. III) en matière d'actions possessoires, il reste toujours certain que la division opérée par l'amen- | dement entre les diverses matières qui se trouvaient renfermées dans l'art. 7, est fort rationnelle et donne plus de clarté à la loi. Nous reviendrons, à propos de l'art. 9, sur les modifications que la loi de 1790 a subies en matière d'actions possessoires.

ARTICLE 7, N° 1.

153. Passons en revue maintenant les différentes actions que l'art. 7 met dans les attributions du juge de paix.

Le n° 1 de cette disposition donne d'abord compétence au juge de paix jusqu'à la limite que nous connaissons (supra, no 150) dans les actions pour dommages fails, soit par les hommes, soit par les animaux, aux champs, fruits et ré

colles.

De quels dommages la loi entend-elle parler ici ?

Pour décider cette question, nous devons remonter à l'explication de l'art. 10, tit. Ill de la loi des 16-24 août 1790, dans laquelle les mêmes expressions se retrouvent.

Notons en premier lieu que les mots dont se servent la loi de 1790 et celle de 1841 ont un sens restrictif, de telle sorte qu'un dommage causé ne rentre dans la compétence du juge de paix que dans les limites ordinaires de l'art. 1er, lorsqu'il ne réunit pas les diverses conditions exigées par l'art. 7. Ainsi, par exemple, il n'est pas douteux que le juge de paix ne serait compétent en premier ressort que jusqu'à la somme de 200 francs, s'il s'agissait d'un dommage causé à une maison, ou à un animal.

Examinons maintenant la disposition au double point de vue de la cause du dommage et de l'objet qui a souffert par suite de ce dommage. Et d'abord il semble que la généralité des termes dommage causé soit par les hommes, soit par les animaux doive incontestablement englober tous les genres de dommages possibles dont une réparation peut être due. Quand ce

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ne sont ni les hommes, ni les animaux qui sont cause du préjudice subi, il paraît impossible qu'une réparation pécuniaire soit demandée. A qui, en effet, réclamer une somme d'argent comme compensation d'une perte dont la cause est supérieure à l'homme, et dont l'homme n'est dès lors responsable ni directement, ni indirectement ?

Cette conséquence même des termes de l'article 7 pris d'une manière tout à fait générale a engagé certaines autorités à conclure que le législateur avait eu un autre but que d'énoncer un principe de responsabilité, et que par suite les expressions de l'art. 7 devaient être entendues dans un sens moins absolu. Ces autorités en ont conclu que, dans certains cas, lorsque le dommage causé aux champs, fruits et récoltes avait un caractère de permanence, l'article qui donne une compétence exceptionnelle au juge de paix ne restait pas applicable. Nous verrons tout à l'heure dans quels cas ce raisonnement a pu être fait (infra, no 160); qu'il nous suffise pour le moment d'affirmer la généralité du principe contenu dans notre disposition. La loi, en employant des termes extrêmement larges, a voulu faire rentrer toutes les contestations concernant les dommages aux champs dans la compétence du juge de paix. Au dommage causé par les hommes, elle a ajouté celui qui résulte du fait des animaux, afin qu'il fût impossible de décliner la responsabilité du mal occasionné par ceux-ci. Telle est la raison des deux expressions employées conjointement par l'art. 7.

154. I importe donc fort peu que le dommage causé soit la conséquence du fait délictueux ou criminel de l'homme, ou qu'il résulte de sa faute ou de sa négligence seulement. Le juge de paix reste compétent pour prononcer sur un fait dommageable, que ce fait soit le résultat immédiat d'un acte posé par l'homme, ou bien qu'il ne soit que la conséquence indirecte et éloignée d'un acte humain. C'est ce que décident la plupart des auteurs. Ainsi Henrion de Pansey, Comp. des juges de paix, ch. 21; Carré, Just. de paix, t. 2, p. 169, no 1315; Masson, Comm de la loi du 25 mai 1838, no 123; Foucher, id., n° 197; Curasson, t. 1, p. 465 et 471; Carou, t. 1, n° 302; Benech, Just. de paix, p. 163; Dalloz, Comp. civ. des trib. de paix, no 108; Rodière, Compétence et proc. civile, t. 1, p. 57.

La doctrine de la cour de cassation de France confirme celle des auteurs. Elle a décidé que le juge de paix est compétent pour connaître en premier ressort, à quelque valeur que la demande puisse s'élever, des dommages faits aux champs par le fait de l'homme, encore que le fait de l'homme ne soit pas la cause immédiate du dommage, par exemple quand le dommage provient de la rupture des digues d'un étang (loi du 25 mai 1838, art. 5, § 1). — C. rej., 26 janvier 1847 (Jurisp. du xıxa siècle et Pas.. 1847, 1, p. 145); Dalloz, Kép., vo Compétence civ. des tribunaux de paix, no 110.

La cour de cassation avait déjà admis le même principe en reconnaissant la compétence du juge de paix dans le cas où un propriétaire riverain, en tenant ses écluses fermées en temps d'orage, inonde le champ du voisin. C. cass., 18 novembre 1817 (Sir.-Dev., 18, 1, 73); Dalloz, Kép., vo Compétence civile etc., no 109.

Le juge de paix est de même compétent pour connaitre d'une demande en réparation d'un dommage aux champs, causé par le creusement d'une rigole, à l'aide de laquelle le voisin dérive ses eaux sur le fonds du demandeur. Cass. de France, 27 avril 1853 (Pas., 1855, 1, p.303).

Il nous semble d'ailleurs fort indifférent à la compétence du juge de paix que le dommage aux champs ait été causé par un fait posé sur le terrain du demandeur, sur celui du défendeur ou même sur celui d'un tiers. Dans ce dernier cas, la partie lésée doit uniquement s'adresser à l'auteur du fait dommageable. Le propriétaire du terrain ne peut intervenir à aucun titre. Trib. de Dinant, 7 août 1858 (Cloes et Bonjean, t. 7, p. 1000).

Une raison générale justifie ces diverses décisions. La loi de 1790, pas plus que celle de 1838, ni celle de 1841, ne fait de distinction entre les divers dommages causés par l'homme.

|

156. « Le droit, » dit Dalloz, « d'user de sa propriété, en se conformant aux lois et règlements, est limité par l'obligation de ne rien | faire qui soit nuisible aux voisins; et spécialement, le propriétaire d'un établissement insalubre et incommode pour les voisins peut être contraint, ou à supprimer son établissement, ou à y apporter des changements propres à faire disparaître les inconvénients dont on se plaint. » (Rép., v° Industrie, no 212.) — Metz, 10 novembre 1808; Colmar, 16 mai 1827; Paris, 16 mars 1841, cités dans Dalloz.

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Un arrêt de la cour de Bruxelles du 25 novembre 1856 (Pas., 1857, 2, p. 246), admet de même le droit pour le juge, d'ordonner la suppression des causes actuelles de préjudice et, comme suite, certaines modifications à la propriété de l'usinier.

Un autre arrêt de Bruxelles, du 9 mars 1848, accorde à un propriétaire, voisin de certains fours à briques, le droit de demander à la justice la cessation de l'exploitation de ces fours (Pas., 1848, 2, p. 153). Cette cessation est prononcée par la cour sous peine de dommages-intérêts.

La suppression de l'usine, ou des modifications qui la rendent inoffensive, tel est le premier point que le demandeur peut réclamer de la justice. 157. D'autre part, l'arrêt du 16 mars 1841 rendu par la cour de Paris décide que les pro

modes, soumis ou non à l'autorisation, sont responsables envers les propriétaires voisins, soit des atteintes matérielles portées à leurs propriétés par l'exercice de l'industrie, soit du dommage moral causé à ces propriétés et qui en déprécie la valeur. »

Le fait qui donne lieu à réparation civile change-t-il de caractère parce que l'homme n'y est pas directement intervenu? En aucune fa-priétaires d'établissements industriels incomçon. Pourquoi, dès lors, faudrait-il renvoyer la connaissance de l'action au tribunal de première instance et priver les plaideurs de l'avantage d'une juridiction prompte et peu dispendieuse? 155. Il est cependant une espèce de dommages causés indirectement par l'homme, pour laquelle la compétence a été vivement déniée au juge de paix. Il s'agit de ceux provenant d'un établissement insalubre. Nous ne doutons pas qu'une observation attentive de la nature des demandes qui suivent de pareils dommages doive suffire pour dissiper tous les doutes sur le juge qui est désigué par la loi pour en connaître.

Comme nous le savons, le droit d'user d'une propriété de ce genre est limité d'abord par les lois et règlements spéciaux existant sur la matière. Ainsi, il n'est pas permis de fonder certains établissements industriels sans une autorisation administrative. Voy. principalement la loi du 6 mars 1818 (J. off., n° 12), l'arrêté royal du 31 janvier 1824 (J. off., no 19) et l'arrêté royal du 12 novembre 1849 (Moniteur du 13 novembre) sur les établissements dangereux, insalubres et incommodes. Ce dernier arrêté a été modifié récemment par celui du 28 janvier 1863 (Monit. du 1er février).

Mais à côté des règles administratives qui protégent les voisins contre les dangers de certaines industries et permettent même de retirer l'autorisation accordée, il existe une règle générale de responsabilité à charge du propriétaire de l'établissement qui canse du dommage à autrui.

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Le même principe est consacré dans deux arrêts de Rouen, du 18 novembre et du 6 décembre 1842, et dans un arrêt de Douai du 10 janvier 1843, cités par Dalloz, Rép., vo Industrie, nos 212 et suiv.

Un arrêt de la cour de cassation de France du 17 juillet 1845 alloue aussi une indemnité pour la dépréciation causée aux propriétés voisines. (Dall., Rec. périod., 1845, 1, 428).

Citons dans le même sens un arrêt de la cour de cassation de France du 20 février 1849 (Pas., 1849, 2, p. 346), et le Rép. de Dalloz, vo Manufactures, fabriques, etc.

Divers arrêts belges consacrent la même doctrine.

Ainsi les arrêts de Bruxelles du 8 mars et du 10 décembre 1828, du 3 avril et du 20 juin 1830, du 20 juin 1831 (Pas., à leurs dates), de Liége du 26 avril 1844 (Pas., 1845, 2, p. 516), de Bruxelles du 25 novembre 1856 (Pas., 1857, 2, p. 218), de Liége du 24 juin 1858 (Pas., 1859, 2, p. 8), et de Bruxelles du 20 mai 1857 (Pas., 1859, 2, p. 156), cité seulement par son sommaire.

Ces divers monuments de jurisprudence établissent un second droit qui appartient au demandeur lésé, soit par les exhalaisons, soit par la fumée et même, dans certains cas, par le bruit qui s'échappent d'un établissement voisin.

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