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n° 1, n'exige du demandeur autre chose que la lésion pour lui permettre d'intenter son action. Le locataire qui est subrogé aux droits du propriétaire, en ce qui concerne la jouissance, peut de même intenter l'action devant le juge de paix, si, bien entendu, il a eu à supporter un préjudice dans l'étendue de sa jouissance. Sinon il se trouverait sans intérêt et devrait être écarté de tout tribunal.

171. Avant la loi sur la contrainte par corps du 21 mars 1859 (Moniteur du 22), on agitait la question de savoir si cette mesure de rigueur pouvait être prononcée par le juge de paix pour dommages-intérêts au-dessus de la somme de trois cents francs.

Le code de procédure civile donnait (art. 126, n° 1) cette faculté aux juges, dans le chapitre des jugements, où il ne parle, il est vrai, que des jugements ordinaires. Carré ne voyait aucun motif pour refuser au juge de paix ce que la loi accordait aux juges de première instance. (Lois de la procédure, art. 126 et 128, questions 530 et 534.) Pardessus soutenait la même doctrine que Carré, en l'appliquant aux juges commerciaux. (Dr. com', No 1504.)

D'autres auteurs refusaient au juge de paix la faculté de prononcer la contrainte par corps, même pour dommages-intérêts au-dessus de 300 francs.

L'art. 2063 du code civil, disaient-ils, exige une disposition expresse de la loi pour qu'un juge puisse prononcer la contrainte par corps. Or, cette disposition n'existe que pour les juges de première instance. Elle n'existe ni pour le juge de paix, ni pour le tribunal de commerce. L'art. 126 1° ne s'applique pas au juge de paix, d'après le chapitre où il se trouve inscrit.

Ce raisonnement se renforçait encore de ce que, dans certains cas spéciaux, la loi n'avait pas hésité à conférer aux juges de paix le droit de prononcer la contrainte par corps, par exemple, en cas de réintégrande (art. 2060 2 du code civil) et dans les matières de police. (Art. 467 et 469 du code pénal.) Thomine-Desmazures, no 143; Cloes, Compét. civ., no 63.

Les arrêts de Bruxelles du 9 avril 1828 et de cassation du 30 décembre 1828 (Pas., à leurs dates) confirmaient la doctrine qui refusait d'étendre aux juges de paix la disposition de l'art. 126 2o, puisqu'ils écartaient les juges de commerce de l'application de cet article.

Aujourd'hui, la loi sur la contrainte par corps est venue modifier l'art. 126 1o du code de procédure de telle façon que la question que nous avons signalée ne peut plus naître. Cette loi, dans son art. 48, prend soin d'abroger toutes les dispositions de nos codes relatives à la contrainte par corps. Dans son art. 4, elle prévoit en ces termes les cas où la contrainte par corps pourra être prononcée en matière civile...: 3° Pour dommages-intérêts, restitutions et frais, lorsqu'ils sont le résultat de faits prévus par la loi pénale et dans tous les cas de dol, de fraude ou de violence. »

L'art. 5 de la loi du 21 mars 1859 déclare enfin que la contrainte par corps en matière civile ne peut être prononcée que pour une somine excédant trois cents francs, sauf le cas prévu par l'art. 20, c'est-à-dire celui où la loi autorise l'exercice de la contrainte par corps pour l'exécution d'une obligation de faire ou de délivrer au créancier un corps certain.

Devant l'art. 4 3° et l'art. 5, il nous paraît évident que l'art. 1261o du code de procédure civile a cessé d'exister. Une simple condamnation à des dommages-intérêts ne suffit plus pour justifier la contrainte par corps. La question de savoir si cette disposition était applicable au juge de paix devient donc aujourd'hui sans objet.

Pour que, soit le juge de première instance, soit le juge de paix, puisse prononcer la contrainte par corps en matière de dommages-intérêts, il est essentiel que les faits sur lesquels il base cette condamnation soient prévus par la loi pénale, ou tout au moins entachés de dol, de fraude, ou de violence. (Art. 4 3° de la loi du 21 mars 1849.)

Pour en finir avec le droit de prononcer la contrainte par corps accordé au juge de paix en matière de dommages-intérêts, disons que dans cet article 4 3° de la loi sur la contrainte par corps viennent se fondre l'article 126 1o du code de procédure civile, l'art. 2060 2o du code civil qui concerne la réintégrande, et l'art. 469 du code pénal. La réclamation de dommagesintérêts qui accompagne la demande en réintégrande se produit en effet à la suite d'une action formée par le propriétaire dépouillé par voies de fait. (Art. 2060 2o du code civil.) Il y a là des actes de violence qui permettent au juge de paix de prononcer la contrainte par corps pour les dommages-intérêts.

Quant aux dommages-intérêts réclamés à la suite de contraventions, ils rentrent évidemment dans la classe de ceux qui sont le résultat de faits prévus par la loi pénale.

Tel est aujourd'hui le pouvoir laissé au juge de paix en matière de contrainte par corps.

Notons seulement que, dans les cas que nous venons de signaler, le juge de paix n'est pas obligé de condamner à la contrainte par corps. C'est là une simple faculté pour lui. (Article 4, 1°.)

Le juge de paix n'a d'ailleurs cette faculté que dans le cas où la somme des dommages-intérêts dépasse 300 francs. (Art. 5.) Au-dessous de cette somme, il reste sans aucun droit.

Ajoutons que la loi du 21 mars 1859 a modifié de diverses manières la législation existante en ce qui concerne l'exercice et les conditions de la contrainte par corps. (Art. 17 à 40.) Nous renvoyons sur ce point aux discussions parlementaires (1), ainsi qu'au Commentaire de M. Lucq, sur la loi de la contrainte par corps.

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172. La fin du no 1 de l'article 7 porte que la compétence du juge de paix existe lorsque les droits de propriété et de servitude ne sont pas contestés. Ces mots s'appliquent à tout le n° de l'article 7, et par conséquent au cas de dommages aux champs, fruits et récoltes, tout aussi bien qu'à celui où il s'agit d'une action relative à l'élagage des arbres, aux haies, ou au curage. Nous verrons plus loin (no 195) comment doit être interprétée la partie finale de l'article 7, n° 1. Mais il importait de limiter dès maintenant la portée de la règle de compétence en matière de dommages aux champs.

173. Les juges de paix, dit l'article 7, connaissent sans appel jusqu'à la valeur de 100 fr., et, à charge d'appel, à quelque valeur que la demande puisse monter: 1°....... des actions relatives à l'élagage des arbres, aux haies, et au curage, soit des fossés, soit des canaux servant à l'irrigation des propriétés ou au mouvement des usines, lorsque les droits de propriété et de servitude ne sont pas contestés. »

Déterminons d'abord le caractère attribué aux actions en élagage des arbres sous l'empire de la loi des 16-24 août 1790.

Cette loi ne contenait pas les expressions que nous venons de transcrire. Elle s'arrêtait seulement à mettre les actions pour dommages aux champs, fruits et récoltes dans les attributions du juge de paix. (Art. 10, tit. III.) Or les actions en élagage étaient-elles des actions pour dommages aux champs? Telle était la question qui se présentait à résoudre sous la loi de 1790.

La cour de cassation de France, par un arrêt du 9 décembre 1817, avait décidé l'affirmative, en s'appuyant sur ce que les branches, par leur ombrage, avaient apporté un dommage aux récoltes d'un fermier. (S.-V., 1818, p. 193.) Mais par un autre arrêt du 29 décembre 1830, la cour, revenant sur sa jurisprudence, avait déclaré que l'action en élagage ne pouvait être de la compétence du juge de paix, ni comme action possessoire, ni comme action pour dommages faits aux champs.

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ont lieu pour dommages faits aux champs, fruits et récoltes; mais que l'action du comte Dumoncel tendant à forcer la défenderesse à élaguer des futaies, dont les branches s'étendent depuis grand nombre d'années sur le fonds du demandeur, ne saurait être rangée dans aucune de ces catégories; qu'elle ne peut être considérée comme une simple action possessoire, puisque le caractère de ces sortes d'actions est d'être annales, et que lorsque le trouble remonte à plus d'une année, la demande tendante à le faire cesser rentre dans le domaine des tribunaux ordinaires; qu'elle ne peut être non plus confondue avec l'action pour dommages faits aux champs, fruits et récoltes, parce qu'il ne s'agit dans celle-ci que de dommages résultant d'un délit ou quasi-délit, tandis que le dommage qui donne lieu à la demande en élagage se rapporte à un fait fondé sur le droit de propriété, c'est-àdire à une plantation d'arbres. › (Supra, no 168.) Dalloz, Rép., vo Compétence civile des tribunaux de paix, sub no 119; Cloes(Comp. civ., no 68).

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La jurisprudence, on le voit, était loin d'être fixée sur le caractère de l'action en élagage.

174. Un amendement présenté par M. Metz à la chambre des représentants vint mettre fin à ces hésitations.

Voici comment s'exprimait cet orateur dans la séance du 5 mai 1840 :

« Je me permettrai de demander à M. le ministre de la justice, ainsi qu'à M. le ministre de l'intérieur, s'il ne conviendrait pas d'ajouter à l'art. 7 ce que je trouve dans la loi française, c'est-à-dire que les juges de paix connaîtront de l'élagage des arbres et haies, du curage des fossés et canaux servant aux usines.

« Vous savez que l'élagage des arbres appar│tient aux tribunaux d'arrondissement.

Le propriétaire qui voit son fonds surmonté par les branchages des arbres d'une propriété voisine, a une action contre le voisin pour faire couper les branches; voilà une disposition qui me semble plus du ressort de la justice de paix que de la justice d'arrondissement.

Sous ce rapport il n'y aurait pas d'inconvénient à introduire ma proposition dans la loi, comme amendement.

Attendu, dit la cour, que les juges de paix n'ont qu'une juridiction d'exception qui ne peut être étendue hors des cas fixés par la loi; «Attendu que l'art. 10, tit. Il de la loi du « Vous savez, messieurs, combien il est im24 août 1790, et les art. 3 et 23 du code de proc. portant, indispensable que les ruisseaux, les caciv., attribuent aux juges de paix la conuais-naux, les cours d'eau qui font mouvoir les sance des actions possessoires et de celles qui usines soient entretenus constamment de ma

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Demande d'explica

texte. Séance du 26 février 1858, (Annales parlemen- | Séance du 20 décembre, p. 30. taires, p. 501-514). — Rapport. Séance du 1er juin 1858, tions faite par M. Forgeur. Séance du 22 décembre, p. 1209-1223. p. 38-39. Discussion des articles. Séances des 22 février 1859, p. 77-81; 23 février, p. 83-88. Second vote des articles amendės. Séances des 24 février, p. 91-92, et 25 février, p. 94.

Session de 1858-1859. Nouveau rapport. Séance du 18 novembre 1838, p. 42-45. Discussion générale. Séance du 17 novembre, p. 38-39. Discussion des articles. Séances des 18 novembre, p. 45-48; 19 novembre, p. 49-56; 20 novembre, p. 57-62; 22 novembre, p. 63-65.. Vote. Séance du 25 novembre, p. 81-82. SENAT. Session de 1858-1859. - Rapport. Séance du 17 décembre 1858, p. 69-71. Discussion générale.

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nière à fournir la quantité d'eau nécessaire, et combien il est dès lors nécessaire que l'on puisse obtenir, dans les contestations qui s'élèvent à cet égard, une justice expéditive. C'est pour atteindre ce but que je voudrais proposer d'introduire dans la loi que nous faisons la disposition qui existe dans la loi française.» (Loi sur la compétence, p. 75.)

M. le ministre de la justice s'opposa à la proposition de M. Metz par des considérations géuérales seulement.

Nous nous sommes ralliés, disait-il, au projet de la commission, parce que nous avons considéré la loi, non pas comme une révision partielle de la législation sur la compétence des juges de paix, mais comme une mesure destinée à ramener cette législation à son esprit primitif, dont elle s'est écartée par suite des circonstances et du changement survenu dans la valeur monétaire. Je crois qu'il y aurait de grands inconvénients à faire une révision partielle de la loi sur la compétence des juges de paix; je crois qu'il serait dangereux d'entrer dans cette voie, d'ajouter de nouveaux objets à ceux dont ces juges ont à s'occuper. Il est vrai qu'en France des dispositions de cette nature ont été introduites dans la loi, mais il ne faut pas perdre de vue que l'on a complétement revisé la législation sur les justices de paix et les tribunaux de première instance, chose que nous ne sommes pas, en ce moment, appelés à faire. »

M. le ministre de l'intérieur déclara que, tout en trouvant l'amendement très-bon, il ne pouvait cependant s'y rallier parce qu'on ne pouvait songer à faire une révision complète de la loi de 1790, et qu'une révision partielle de cette loi lui paraissait dangereuse.

M. Raikem, au contraire, soutint l'innovation proposée par M. Metz, en se fondant sur ce que, si on attribuait au juge de paix ce qui était relatif à la plantation des arbres, (art. 9, § 2, de la loi), on n'avait pas de raison de lui refuser ce qui concernait l'élagage.

M. Metz faisait d'ailleurs ressortir énergiquement l'extrême utilité pratique de son amende

ment.

« Quand, disait-il, des propriétés sont inondées, à défaut de curage des fossés, voulez-vous que le propriétaire, laissant chômer son usine pour aller près du tribunal solliciter une assignation à bref délai, entame toute une procédure pour obtenir que son voisin soit forcé de curer un canal? Ne vaut-il pas mieux qu'il s'adresse au juge de paix, qui peut voir et décider? C'est ce que je demande qu'on introduise dans la loi. »

Ces raisons triomphèrent devant la chambre, et l'amendement fut adopté (Loi sur la compétence, p. 75 à 81, séance du 5 mai), tant en ce qui concerne l'élagage qu'en ce qui touche aux haies et au curage.

175. La disposition dont nous nous occupons avait été déjà consacrée par la loi française du 25 mai 1858. Les expressions de celle-ci se

rapprochent beaucoup de celles de la loi belge. Art. 5. Les juges de paix connaissent également, sans appel, jusqu'à la valeur de 100 fr., et, à charge d'appel, à quelque valeur que la demande puisse s'élever :- 1o des actions pour dommages faits aux champs, fruits et récoltes, soit par l'homme, soit par les animaux, et de celles relatives à l'élagage des arbres ou haies, et au curage, soit des fossés, soit des canaux servanı à l'irrigation des propriétés ou au mouvement des usines, lorsque les droits de propriété ou de servitude ne sont pas contestés;

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Remarquons cependant que, si la loi française donne au juge de paix la connaissance des actions relatives à l'élagage des haies, la loi belge semble aller plus loin encore en donnant à ce magistrat la connaissance des actions relatives aux haies en général. Nous verrons plus loin comment doit être comprise cette différence.

Pour justifier l'innovation de la loi de 1838, M. Persil, garde des sceaux, s'était appuyé surtout sur le peu de valeur des contestations qui se rapportent à l'élagage et au curage.

Il est regrettable, disait-il, de voir aujourd'hui engager devant les tribunaux de première instance des procès que l'amour-propre élève aussi souvent qu'un véritable intérêt, et qui, plus tard, n'entretiennent les divisions qu'à raison des frais considérables qu'ils ont entraînés, et dont chaque plaideur s'efforce de repousser le pesant fardean comme une cause de gêne ou de ruine.» (Exposé des motifs, 6 janvier 1837.)

176. Quel est le fondement de l'action en élagage?

Elle nous paraît dériver du droit de propriété. « Ce droit, aux termes de l'art. 552 du code civil, emporte la propriété du dessus et du dessous. » Il en résulte que le propriétaire n'est nullement tenu de tolérer l'existence de branches tenant à des arbres d'un voisin et s'avancant sur sa propriété.

Le § 2 de l'art. 672 du code civil porte que celui sur la propriété duquel avancent les branches des arbres du voisin, peut contraindre celui-ci à couper ces branches. » Et d'après le $ 3, si ce sont les racines qui avancent sur son héritage, il a droit de les couper luimême. »

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Nous remarquons la différence de langage de la loi selon que ce sont les branches ou les racines qui s'avancent sur l'héritage voisin.

Dans le premier cas, le propriétaire du terrain sur lequel s'avancent les branches doit recourir à la justice et faire ordonner l'élagage. Il ne peut pénétrer sur le terrain du voisin, afin d'émonder l'arbre de celui-ci. S'il se permettait un pareil acte, ce serait là une voie de fait qui serait punie, selon les cas, par le code pénal (art. 434 et suiv.), par le décret du 6 octobre 1791 sur la police rurale (pub'ié par arrêté des représentants du peuple, le 17 brumaire an iv) ou par le code forestier du 19 décembre 1854, titre XII. L'ébranchage pourrait en effet être pratiqué de telle façon que l'arbre en souffrirait. Voilà pour

La loi du 19 décembre 1854 (Moniteur du 22) prend soin de consacrer l'affirmative par son article 110. « L'art. 672 du code civil, dit cette disposition, est applicable aux arbres de lisières des bois et forêts. »

quoi la loi exige le recours à la justice. Ainsi, dans le cas où un propriétaire se trouve gêné par les brauches de son voisin qui s'avancent sur sa propriété, il peut lui faire sommation d'élaguer; et pour le cas où celui-ci n'obéirait pas à la sommation, il peut, par le même exploit, le citer à comparaître devant le juge de paix. Celui-ci, après avoir vérifié le fait de l'avancement des branches, ordonnera au propriétaire de l'arbre de l'élaguer dans un délai rapproché, si la saison est propice à l'élagage. Sinon, le juge ne pourrait ordonner cette opération sans risquer de porter atteinte aux plan-guer les arbres des forêts (Pas., id.). Telle tations.

La jurisprudence avait déjà consacré cette doctrine. Un arrêt de Paris du 16 février 1824 déclare le paragraphe 2 de l'art. 872 applicable aux bois domaniaux comme aux bois des particuliers (Pas., à sa date). Un arrêt de la cour de cassation de France du 31 juillet 1827 impose à l'administration forestière l'obligation d'éla

est en France l'opinion de Proudhon (Traité des droits d'usage, t. 2, p. 568 et suiv.) et de Curasson (Traité de compétence, t. 1, p. 394).

180. L'art. 110 de notre code forestier consacre cependant une exception à l'application de l'art. 672 du code civil.

Pour l'hypothèse où le propriétaire de l'arbre n'obtempérerait pas à l'ordre de la justice, le magistrat agira prudemment, en insérant dans son jugement une clause pénale par jour de retard, ou en autorisant le demandeur à faire procéder lui-même à l'élagage. Ce serait là une Néanmoins, dit le § 2 de l'art. 110, les application de l'art. 1144 du code civil dont propriétaires riverains ne pourront se prévaloir l'art. 672, § 2, du même code ne défend aucu- de la disposition de cet article concernant l'élanement l'emploi. C'est ce que la cour de cassa-gage, à l'égard des arbres ayant plus de trente tion de France a décidé par un arrêt du 15 fé- ans au moment de la publication de la présente vrier 1811. (Sirey-Devilleneuve, 1811, 1, p. 245.) loi. » Lorsqu'il s'agit d'une obligation de faire imposée au débiteur, le créancier peut, en cas d'inexécution, être autorisé à faire exécuter lui-même l'obligation aux dépens de celui qui la doit.

177. Daus le cas, au contraire, où ce sont les racines qui avancent sur le terrain du voisin, celui-ci n'a besoin d'aucune autorisation de justice pour les couper. C'est là un droit dérivant de la propriété. Il n'est pas à craindre, en effet, dans cette hypothèse, que le demandeur doive pénétrer sur le terrain d'autrui pour pratiquer convenablement l'opération de la coupe des racines. L'arbre ne peut guère souffrir de cette opération. Il n'y a donc pas de raison de faire intervenir la justice.

C'est là une disposition tout exceptionnelle et temporaire, qui a eu pour but de protéger l'administration forestière contre des demandes d'élagage s'appliquant à des arbres existant depuis un long temps sur la lisière des forêts.

Il est essentiel de remarquer que cette disposition ne fait pas obstacle à la demande d'élagage d'arbres de lisière qui, plantés antérieurement à la loi du 19 décembre 1854, n'avaient pas trente ans lors de la publication de cette loi, quand bien même ils auraient depuis lors atteint cet âge.

A plus forte raison, le § 2 de l'art. 110 ne s'applique pas à des arbres qui auraient été plantés depuis la publication du code forestier.

181. L'art. 110 du code forestier contient sur l'élagage une disposition ainsi conçue : Tout élagage exécuté sans l'autorisation du propriétaire des bois et forêts sera puni comme si le bois avait été coupé en délit. »

C'est l'application du principe que nous avons mentionné plus haut, en ce qui concerne l'élagage fait par un voisin sans autorisation de justice. (Supra, n° 76.)

178. Il est d'ailleurs certain que si le demandeur réclamait du juge une décision qui enjoignît à son voisin de faire couper les racines qui s'avancent hors de sa propriété, le juge se trouverait compétent pour l'ordonner. L'article 672 | donne au propriétaire gêné par les racines le droit de les couper lui-même, mais ne lui impose pas cette obligation. Celle-ci continue d'incomber au propriétaire de l'arbre. Si l'article 7, n° 1, ne parle que de l'élagage des arbres, il est certain cependant que ce mot doit être pris dans un sens général comprenant J'enlèvement des racines. Il est inadmissible que la loi ait pu attribuer au juge de paix le droit d'ordonner l'éla-justifie l'élagage. gage, et ait voulu laisser au tribunal de première instance celui de prononcer sur l'enlèvement des racines, opération bien moins importante, puisque le propriétaire lésé peut l'exécuter sans l'aide d'aucun jugement.

179. L'action en élagage peut-elle s'exercer dans le cas où il s'agit de bois qui appartiennent, non plus à des particuliers, mais au domaine de l'Etat, aux communes ou aux établissements publics?

La loi forestière ne parle que de l'autorisation du propriétaire, mais il est naturel que celle donnée par le juge de paix y supplée, et

La loi du 19 décembre 1854 prend soin, dans deux de ses titres, de mentionner la procédure en matière de délits commis dans les bois soumis au régime forestier, et les peines qui peuvent être prononcées en général pour tous délits commis dans les bois et forêts. (Titres XI et XII.)

Ces dispositions ne se rapportent évidemment pas à la demande en élagage, qui reste ainsi soumise à la compétence du juge de paix, aux

termes de l'art. 7, n° 1, de la loi de 1841. Mais si l'administration forestière se prévalait de l'art. 110, § 2, de la loi de 1854, soutenant que les arbres dont on demande l'élagage avaient plus de trente ans lors de la publication de la loi, le juge de paix ne pourrait pas statuer sur cet objet. Ce serait là une contestation sur une servitude pour laquelle le juge de paix n'est pas compétent. (Art. 7 1°, in fine.)

182. Rien d'ailleurs ne fait obstacle à ce que l'action en élagage soit accompagnée d'une action en dommages-intérêts, lorsque par exemple le propriétaire qui demande l'élagage allègue avoir subi une perte par suite de l'ombrage funeste que les arbres du voisin projetaient sur son fonds. Ce serait là un accessoire de la demande principale. La cour de cassation de France a décidé, le 9 décembre 1817 (SireyDevill., 1818, 1, p. 193), que l'action en élagage pouvait se présenter de cette façon.

183. Lorsqu'un titre donne au voisin le droit de laisser croître les branches de ses arbres sur le terrain de son voisin, il est évident que ce titre forme obstacle à la demande en élagage. Cette obligation de laisser croître les branches au-dessus de son terrain peut constituer une véritable servitude au profit du fonds voisin. Dans le cas où quelque contestation sérieuse s'élèverait sur le caractère ou l'étendue de cette servitude, le juge de paix cesserait d'être compétent, par la raison que nous avons déjà indiquée au no 181 in fine, et que nous développerons plus loin.

184. Mais le propriétaire des arbres peut-il acquérir par prescription le droit de laisser croître ses branches au-dessus du terrain du voisin ?

La question est très-sérieusement contro versée.

La plupart des auteurs et des arrêts français se refusent à admettre une pareille prescription. Telle est l'opinion de Marcadé (t. 2, p. 592 et 593), de Pardessus (Servitudes, no 196), de Proudhon (Droits d'usage, t. 2, p. 572), de Vazeille (des Servitudes, no 119), de Zachariæ (t. 2, p. 54, § 242), d'Heurion de Pansey (Compétence des juges de paix, p. 312), de Dalloz (Nouv. Rép., v Actions possessoires, no 427), de Delebecque (Compétence des juges de paix, no 55) et de M. Arntz, professeur à l'université de Bruxelles. Cass. de France, rejet, 16 juillet 1835 (Sir-Dev., 1835, 1, p. 799); Bourges, 4 juin 1845 (Sir-Dev., 1845, 2, p. 479); Limoges, 2 avril 1846 (Sir-Dev., 1846, 2, p. 372). La cour de cassation belge s'est prononcée dans le même sens par son arrêt du 24 novembre 1849 (Pas., 1850, 1, p. 47), rendu sur les remarquables conclusions de M. Dewandre, rapportées dans la Pasicrisie. Toutefois Troplong (Prescription, no 346 et 347) et Marc-Deffaux (Commentaire de la loi du 25 mai 1838 sur l'art. 5) admettent l'opinion contraire.

Le droit du voisin, dit Troplong, commençant à l'instant où les branches s'étendent sur

son fouds, la prescription commence à courir dès cet instant, puisqu'il s'agit non d'une simple faculté, mais d'un droit qui donne lieu à l'action. Vous pouviez demander la coupe alors même que les branches étaient moins grandes; vous l'avez négligé, vous avez souffert que le mal fit des progrès qui étaient dans sa nature et que vous deviez prévoir: il y a donc eu, de votre côté, défaut d'action, et, d'autre part, continuité de possession, pendant le temps suffisant pour prescrire. »

A ce raisonnement opposons celui de la cour de cassation de Belgique, qui nous paraît basé sur les véritables principes de la matière.

« Attendu, dit la cour dans son arrêt du 24 novembre 1849, que l'action que donne l'art. 672 du code civil au propriétaire sur le fonds duquel avancent les branches des arbres du voisin, tend à réprimer un trouble, une espèce d'usurpation qui se reproduit et s'aggrave chaque année, sans qu'il soit possible de déterminer le degré d'accroissement que prennent périodiquement les branches, que la nature même des choses s'oppose à ce que le propriétaire des arbres puisse soutenir qu'il les a possédés pendant trente ans dans l'état où ils se trouvent au moment où s'exerce contre lui l'action en élagage; que cette action naît chaque année, et dès lors est imprescriptible;

Attendu que le propriétaire des arbres n'est pas mieux fondé à réclamer un droit de servitude, en se fondant sur une prétendue possession trentenaire, qu'il ne le serait à exercer l'action en complainte, en alléguant que depuis l'an et jour les branches de ses arbres avancent sur le fonds voisin : d'où il résulte que le jugement attaqué n'a contrevenu à aucune des dispositions citées du code civil. » Cour de cassation, 24 novembre 1849 (Pas., 1850, 1, p.47).

185. Examinons maintenant l'influence que peut avoir l'admission de l'une et de l'autre opinion sur la compétence du juge de paix.

Dans le cas où le défendeur à l'action en élagage alléguerait avoir acquis par prescription la servitude de laisser croître ses branches sur le fonds voisin, le juge de paix peut-il ne pas s'arrêter à cette allégation, ou bien doit-il renvoyer la cause devant le juge de première instance?

Dalloz (Rép., v° Compétence civile des tribunaux de paix, n° 120), et Delebecque (no 55 in fine), se prononcent pour cette dernière manière d'agir. Il ya, disent-ils, contestation sur le droit d'élaguer, parce que le défendeur prétend avoir acquis une servitude; il y a donc contestation de servitude.

Ces auteurs nous paraissent avoir perdu de vue que la contestation de la servitude ne suffit pas pour que le juge de paix soit forcé de se dessaisir. Il faut, comme nous le verrons plus loin, que cette contestation ait un caractère sérieux. Or, il est évident que le juge de paix peut seul apprécier si cette condition se rencontre, oui ou non, dans l'espèce qui lui est soumise. Il peut donc décider, par exemple, que les faits

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