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allégués par le défendeur ne pouvant en aucun cas donner lieu à la prescription acquisitive d'une servitude, le renvoi au juge d'arrondissement n'aurait pas d'autre résultat que d'entraîner des frais frustratoires.

C'est aussi ce que la cour de cassation de Belgique a décidé dans l'arrêt que nous avons cité à notre numéro précédent (24 novembre 1849).

Attendu, dit-elle, qu'il entrait dans les attributions du juge de paix d'examiner, si, d'après les faits allégués et en les supposant établis, les conclusions du demandeur soulevaient véritablement une question de servitude; qu'en appréciant, sous ce rapport, le déclinatoire proposé, le juge de paix restait dans les termes de la compétence qui lui est attribuée; que, par suite, le jugement attaqué n'a pu contrevenir à l'art. 7, § 1er, de la loi du 25 mars 1841. »

changement aussi important à l'économie de la loi française de 1838.

Nous ne pouvons donc nous associer à M. Cloes (Comm., no 69), lorsqu'il affirme que du changement qui s'est opéré dans le texte de la loi belge comparé à celui de la loi française, résulte la compétence du juge de paix, nonseulement pour l'action en élagage des haies, mais encore pour toute contestation relative aux haies. M. Cloes n'exige pour cette compétence qu'une seule condition, celle que les droits de propriété ou de servitude ne soient pas contestés.

Mais le tribunal de Liége s'est prononcé en sens contraire dans une espèce où un propriétaire voulait, en se fondant sur la teneur du bail, forcer son fermier à planter des haies là où il en manquait. Il y avait là une contestation relative aux haies, mais non pas dans le sens de l'art. 7, no 1, de la loi de 1841.

Attendu, dit le jugement, que l'appelant ne conteste pas les principes énoncés dans le jugement a quo, en ce qu'il ne s'agirait pas, dans l'espèce, de réparations locatives dont le

ticle 7, no 2, de la loi du 25 mars 1841, mais qu'il soutient que ledit juge a fait une fausse application de ces principes à la cause, puisqu'il s'agit ici uniquement d'une contestation relative aux haies, dont la connaissance est attribuée d'une manière absolue et générale aux juges de paix;

En résumé donc, si le juge de paix ne croit pas à la possibilité d'acquérir la prescription en faveur des branches qui croissent sur le terrain du voisin, il connaîtra de l'action en élagage, sans prendre égard à l'exception soulevée par le défendeur. Mais si le juge de paix adoptait l'opi-juge de paix pût connaître aux termes de l'arnion contraire, avec Troplong et Marc-Deffaux, il ne pourrait conserver l'examen de l'action en élagage et devrait la renvoyer au juge d'arrondissement, par suite de la contestation sur un droit de servitude. Il n'aurait pas à s'enquérir, dans ce dernier cas, de la nature des faits allé gués par le défendeur. Leur appréciation, au point de vue de la servitude, appartiendrait exclusivement au juge de première instance. Aux yeux du juge de paix, le juge de première instance deviendrait compétent sous une seule condition la contestation sérieuse d'un droit de servitude.

186. Que faut-il entendre par actions relalives aux haies, dans l'art. 7 1°?

Comme nous l'avons dit (supra, no 174), ce genre d'actions a été attribué au juge de paix par suite d'un amendement de M. Metz. Ce représentant voulait, d'après son propre langage, introduire dans la loi belge la disposition de la loi française sur les mêmes objets (séance du 5 mai 1840, Loi sur la compétence, p. 75). Toutefois le projet présenté par la commission du sénat porte, dans son art. 7, que les juges de paix connaîtront des actions relatives aux haies, et non pas, comme la loi française, des actions relatives à l'élagage des haies (supra, n° 175).

Nous ne pensons pas que cette modification ait une grande importance. Elle nous parait renfermer un changement de rédaction, bien plus qu'une innovation véritable.

Il nous semble impossible, en effet, d'attribuer au juge de paix toutes les actions où il s'agit de haies, de quelque manière que le débat se présente devant lui.

Si telle avait été la pensée du législateur belge, il est certain que le rapport au sénat et les discussions qui ont suivi auraient parlé d'un

|

« Que ce raisonnement, qui paraìt fondé sur les termes mêmes de la loi, n'est pas admissible si l'on considère que l'art. 9 de la même loi met encore dans la compétence des juges de paix les actions relatives à la distance prescrite par la loi, les règlements particuliers et l'usage des lieux pour les plantations de haies, ce qui serait une rédondance si l'art. 7, n° 1, de ladite loi avait la portée qu'on veut lui donner;

Attendu que, dans ces cas, la compétence du juge de paix n'est accordée que pour autant que les droits de propriété et de servitude ne sont pas contestés;

« Qu'ainsi les contestations dont il s'agit au no 1 de l'art. 7 précité ne peuvent s'entendre que des contestations qui peuvent s'élever entre propriétaires voisins, puisqu'il n'y a qu'entre eux que peuvent surgir des questions de servitude ou de propriété; et ce non seulement en ce qui concerne l'élagage des haies, mais encore les réparations à y faire suivant certains usages locaux et autres contestations analogues;

« Qu'en combinant cette disposition avec l'art. 9, on voit que le législateur a voulu attribuer au juge de paix la connaissance des contestations qui peuvent s'élever entre voisins et dont il s'agit aux art. 666 et suiv. du code civil;

« Attendu, d'un autre côté, que l'art. 7, no i, de la loi précitée ne s'applique qu'aux contestations qui surgissent à l'occasion de haies existantes, d'où il suit qu'il ne peut s'appliquer à l'obligation prise dans une convention qui aurait pour objet l'établissement d'une haie

nouvelle, et dont l'inexécution donne lieu à des
dommages-intérêts; que c'est là une action or-
dinaire dont il n'y avait aucune raison d'attri-
buer la connaissance au juge de paix ;...
(Belg. jud., t. 8, p. 24).

Ce jugement rendu sur les conclusions conformes de M. Keppenne, et sous la présidence de M. Cloes lui-même, déduit d'une façon fort remarquable les diverses raisons qui assignent un sens restreint aux expressions actions relatives aux haies.

MM. Aubry et Rau, tire les conséquences suivantes de ces principes : « Le propriétaire de l'arbre ne peut, à la vérité, contraindre son voisin à en faire la récolte pour son compte, mais il jouit d'une action en restitution dans le cas où ce dernier les aurait ramassés ou cueillis pour en faire son profit. Ce résultat peut paraître bizarre; mais dans l'état actuel de la législation, qui n'a pas, comme elle aurait dû le faire, concilié au moyen d'une transaction les droits respectifs des deux voisins, ce résultat est la conséquence nécessaire du respect dû à la

Nous croyons avec lui que ces mots embrassent, outre les actions en élagage, certaines ré-propriété de chacun d'eux. Du reste, les inconparations qui sont imposées aux propriétaires des haies. Il serait en effet absurde que le juge de paix, connaissant de l'élagage, ne pût connaître de même de quelques minimes contestations qui se rapportent, comme l'élagage, aux relations entre voisins.

187. Mais dans le cas où l'élagage est ordonné par justice, à qui doivent appartenir les branches séparées de l'arbre?

vénients que l'on voudrait trouver dans notre solution disparaitront le plus souvent, au moyen d'un arrangement que l'intérêt bien entendu des parties les amènera à conclure. » (Note, t. 1, p. 248.)

Dans son cours de droit civil, M. Arntz, professeur à l'université de Bruxelles, adopte l'opinion de Zachariæ.

transaction soit nécessaire pour forcer le voisin à cette tolérance. A côté des servitudes établies par la loi, il est certains devoirs qui dérivent du voisinage, et que le code civil n'a évidemment pas voulu supprimer. Il suffit, pour qu'ils s'exercent, qu'ils ne puissent pas porter préjudice à celui qui les supporte. Tel nous paraît être le caractère du droit dont nous parlons.

Malgré l'absence d'un texte qui, en droit Il nous paraît incontestable qu'elles appar- français, vienne donner au propriétaire de tiennent au propriétaire de l'arbre. Les bran- l'arbre le droit de pénétrer chez le voisin pour ches détachées du tronc sont de véritables pro-recueillir les fruits, nous ne pensons pas qu'une duits de la propriété, et sont d'une nature analogue à celle des fruits, que l'art. 547 du code civil attribue au propriétaire par droit d'accession. Toutefois, Duranton (Dr. civ., t. 5, p. 401), prétend que les fruits mêmes de l'arbre, du moment qu'ils tombent chez le voisin, appartiennent à celui-ci comme choses présumées abandonnées en indemnité du tort que cause l'ombrage des branches. Cette présomption nous semble toute gratuite. Comment d'ailleurs admettre un renoncement à la propriété des fruits, tandis que ce renoncement ne mettrait aucun obstacle à l'exercice de l'action en élagage par le voisin? Evidemment une transaction n'est présumable que lorsqu'elle oblige les deux parties. En tous cas, l'argument de Duranton est inacceptable quand il s'agit, non plus de fruits, mais de branches qui sont tombées chez le voisin à la suite de l'élagage. La circonstance de l'élagage repousse toute idée de transaction.

188. En supposant que pendant l'opération de l'élagage quelques branches tombent sur le terrain du voisin, le propriétaire des branches aura-t-il le droit de venir les prendre sur le terrain qui ne lui appartient pas?

Cette question nous paraît être la même que celle de savoir si le propriétaire de fruits tombés chez un voisin, ou encore pendants, peut exiger de lui le passage pour aller récolter le produit de ses arbres.

En droit romain, il existait une servitude légale permettant au propriétaire des fruits de les cueillir en entrant chez sou voisin. (Interdictum de glande legenda.)

En droit français, rien de pareil n'existe. Zachariæ en couclut avec quelque raison que le droit français n'ayant pas reproduit cette servitude, elle doit être censée abolie. (Droit civil, t. 1, p. 248.) Une note sur Zachariæ par

Toullier, t. 3, p. 517, Merlin, Rép., vo Arbre, § 8, Pardessus, Servitudes, no 196, et Marcadé, art. 672, no 5, accordent le passage au voisin, alors même que le terrain sur lequel il veut pénétrer est clôturé; Delvincourt, 1. 1, p. 564, et Duranton, t. 5, p, 401, admettent le même principe, mais dans le cas de non-clôture seule

ment.

Nous nous expliquons difficilement comment l'existence d'une clôture pourrait mettre obstacle à l'exercice d'une faculté que les rapports de bon voisinage autorisent, et qui n'entraîne aucun préjudice.

Mais il est certain aussi que si l'exercice de cette faculté dégénérait en vexations, le voisin pourrait s'en faire dégrever, et même faire condamner son voisin à des dommages-intérêts. Si les fruits en tombant causaient quelque avarie aux plantations, ou à tout autre objet appartenant au voisin, celui-ci pourrait de même réclamer des dommages-intérêts. La tolérance quant aux branches des arbres qui surplombent son héritage n'implique pas le renoncement à une action, lorsqu'un fait, qui est la suite de l'existence des branches, lui devient préjudiciable.

189. L'art. 7, n° 1, met ensuite dans la compétence des juges de paix les actions relatives au curage, soit des fossés, soit des canaux servant à l'irrigation des propriétés ou au mouvement des usines. Ces actions, comme les précédentes,

appartiennent aux juges de paix jusqu'à la va- | qu'il n'y aurait aucun motif pour limiter la disleur de 100 francs sans appel, et à charge position aux cours d'eau servant à l'arrosed'appel à quelque valeur que la demande ment des prairies. » puisse s'élever. Pour que le magistrat inférieur ait le pouvoir d'en connaître, il faut encore, comme pour les autres actions comprises dans le no 1 de l'art. 7, que les droits de propriété et de servitude ne soient pas contestés.

Nous avons vu (supra, no 174) quelle était la portée de l'amendement de M. Metz, qui a introduit dans la loi de 1841 une disposition analogue à celle renfermée dans la loi française, et quelles raisons firent adopter cet amendement. Comme le remarque avec raison Foucher, la nécessité du curage dérive de l'obligation où se trouve le propriétaire du fonds inférieur de recevoir les eaux qui découlent naturellement du fonds plus élevé. Cette servitude du fonds inférieur ne peut être aggravée par l'incurie du propriétaire supérieur.

Sans faire une révision complète de la loi de 1790, le législateur belge changea l'expression restreinte dont la loi ancienne se servait. La même expression générale se retrouve d'ailleurs dans l'art. 9 de la loi de 1841, où le législateur s'occupe de régler ce qui concerne les entreprises sur les cours d'eau.

191. La rédaction de l'art. 7, no 1, en ce qui concerne le curage, ne nous laisse aucun doute que les contestations dont le juge de paix peut connaître sont celles seulement qui surgissent entre des particuliers. L'article donne en effet compétence au juge de paix lorsque les droits de propriété et de servitude ne sont pas contestés. Or, il est bien évident que, s'il s'agissait soit des canaux, soit des rivières appartenant à l'Etat, les droits de propriété ou de servitude ne pourraient jamais se trouver contestés. Ce sont des portions du territoire qui ne sont pas susceptibles d'une propriété privée, et sont considérées comme des dépendances du domaine public, aux termes de l'art. 538 du code civil.

«Le curage des fossés ou canaux, dit Foucher, a surtout pour but le libre écoule-là ment des eaux et la salubrité de l'air; le droit des voisins à exiger ce curage se comprend donc parfaitement, et trouve sa base dans l'art. 640 du code civil. Aiusi, tout propriétaire qui éprouve un dommage par le défaut de curage des fossés ou canaux, doit aujourd'hui porter son action devant le juge de paix, pourvu toutefois que les droits de propriété ou de servitude ne soient pas contestés. » (P. 215, no 219.)

L'inondation des fonds inférieurs ou voisins, le chômage forcé des usines qui profitent des cours d'eau, telles sont les conséquences naturelles de la négligence des propriétaires supérieurs. Il était éminemment utile que, pour parer à des dommages considérables, le propriétaire lésé pût s'adresser à un juge rapproché et dont la décision pût être promptement obtenue. Telle est la raison de la compétence du juge de paix en ces matières.

190. Remarquons que les expressions fossés ou canaux servant à l'irrigation des propriétés sont générales. Et en effet peu importe l'espèce de propriété dont il s'agit. La nécessité du curage est également pressante pour tous les genres de propriétés qui peuvent se trouver lésées par le défaut de curage.

Les expressions générales que nous rencon trons ici ne se trouvaient pas dans la loi de 1790. Celle-ci, s'occupant des actions possessoires, se bornait à attribuer aux juges de paix la connaissance des entreprises sur les cours d'eau servant à l'arrosement des prés.

Comme le disait M. Liedts, « la jurisprudence interprétait le texte de la loi de 1790 en ce sens que cette expression s'appliquait aux cours d'eau servant à l'arrosement de toutes les propriétés. Vous voyez donc que, si vous voulez faire une révision complète de la loi de 1790, il faut expliquer cette expression de prés, que vous ne pouvez laisser subsister; il faudrait alors étendre la loi dans le sens de la jurisprudence et des arrêts, car il est évident

L'art. 4, sect. 1re, tit, fer de la loi du 6 octobre 1791, sur la police rurale, porte que nul ne pourra se prétendre propriétaire exclusif des eaux d'un fleuve ou d'une rivière navigable ou flottable. »

L'exposé des motifs fait en France par M. le garde des sceaux (supra, no 175), et les observations de M. Metz (supra, no 174), donnent clairement à entendre que l'art. 7, n° 1, n'a voulu prévoir que les actions relatives au curage résultant des rapports de voisinage entre particuliers.

192. D'ailleurs le curage des rivières et canaux appartient à l'autorité administrative. Indiquons rapidement quelles sont les lois qui le concernent.

La loi des 12-20 août 1790 (Instruction de l'assemblée nationale concernant les fonctions des assemblées administratives du 22 décembre 1789) porte :

CHAPITRE VI. · Agriculture et commerce. Elles (les administrations) doivent aussi rechercher et indiquer les moyens de procurer le libre cours des eaux, d'empêcher que les prairies ne soient submergées par la trop grande élévation des écluses, des moulins, et par les autres ouvrages d'art établis sur les rivières; de diriger enfin, autant qu'il sera possible, toutes les eaux de leur territoire vers un but d'utilité générale, d'après les principes de l'irrigation (1). »

La cour de cassation a jugé par application de cette loi que l'autorisation de construire une usine sur une rivière navigable ou ses dérivations ne confère pas un droit irrévocable d'usage

(1) La loi des 12-20 août 1790 a été publiée partiellement en Belgique (chap. 1er, SS 1, 2, 3 et 8; chap. II, V. VI et VII), par arrêté des représentants du peuple du 19 frimaire an IV.

sur ses eaux, encore bien que l'acte d'autorisation ne contienne pas la réserve de pouvoir supprimer l'établissement si l'utilité publique l'exige. En conséquence, le gouvernement peut toujours, en faisant des travaux pour l'amélioration du cours de la rivière, supprimer sans indemnité préalable l'usage des eaux et arrêter par là le mouvement de l'usine.

Le droit dérivant de l'autorisation d'établir, une semblable usine n'est vis-à-vis de l'Etat, susceptible que d'une possession précaire. En conséquence, le propriétaire ne peut, à défaut d'une juste et préalable indemnité, s'opposer à ces travaux par voie de complainte. Cass. 14 décembre 1844 (J. de B., 1846, p. 610).

La même cour avait décidé déjà en 1842 que l'autorité administrative chargée de faire écouler les eaux et d'en empêcher les débordements au préjudice de l'agriculture, des communications et de la salubrité publique, a le droit d'en améliorer le cours, d'en changer la direction, de prendre les mesures et d'ordonner les travaux nécessaires pour atteindre ce but. C'est surtout par rapport aux usines construites sur les cours d'eau qu'elle exerce cette police réglementaire et de prévoyance.

L'usage des eaux courantes ne peut conférer au propriétaire d'une usine un droit de possession de nature à fonder vis-à-vis de l'autorité administrative une action en maintenue; par suite, le pouvoir judiciaire est incompétent pour statuer sur une demande dirigée contre cette autorité, sur le fondement de la possession d'un tel usage. Cass., 8 janvier 1842 (Pasic. 1842, 1, p. 108).

La loi des 12-20 août 1790, nous le voyons, donne en général à l'autorité administrative le droit de veiller au libre cours des eaux.

Cette loi s'applique donc aux fleuves, aux rivières navigables ou flottables, et aussi aux simples ruisseaux, lorsque le libre cours de ceux-ci intéresse le public.

L'arrêté du directoire exécutif du 19 ventôse an vi (9 mars 1798) établit diverses mesures pour assurer le libre cours des rivières et canaux navigables et flottables. Ces mesures sont seulement administratives.

La loi des 14-24 floréal an x1 (4 mai 1805) concerne spécialement le curage des canaux et rivières non navigables.

Voici le texte de cette loi:

Art. 1. Il sera pourvu au curage des canaux et rivières non navigables, et à l'entretien des digues et ouvrages d'art qui y correspondent, de la manière prescrite par les anciens règlements, ou d'après les usages locaux.

Art. 2. Lorsque l'application des règlements ou l'exécution du mode consacré par l'usage éprouvera des difficultés, ou lorsque des changements survenus exigeront des dispositions nouvelles, il y sera pourvu par le gouvernement dans un règlement d'administration publique, rendu sur la proposition du préfet du département, de manière que la quotité de la contribu

tion de chaque imposé soit toujours relative aut degré d'intérêt qu'il aura aux travaux qui devront s'effectuer.

« Art. 3. Les rôles de répartition des sommes nécessaires au payement des travaux d'entretien, réparation ou reconstruction, seront dressés sous la surveillance du préfet, rendus exécutoires par lui, et le recouvrement s'en opérera de la même manière que celui des contributions publiques.

Art. 4. Toutes les contestations relatives au recouvrement de ces rôles, aux réclamations des individus imposés et à la confection des travaux seront portées devant le conseil de préfecture, sauf le recours au gouvernement, qui décidera en conseil d'Etat (1). »

L'arrêt de la cour de Liége du 17 juillet 1834 a fait application de cette loi en refusant aux tribunaux le droit de statuer sur des réparations réclamées d'un propriétaire riverain.

Du moment qu'il s'élève quelque difficulté sur l'application des règlements ou usages locaux (loi du 24 floréal an xi, art. 1er), c'est à l'autorité administrative qu'il appartient de statuer par les réparations à faire (J. de B., 1835, p. 329).

L'arrêté royal du 28 août 1820 (Journ. Offic., XV, no 19), applique les dispositions de l'arrêté du 19 ventôse an vi à tous les moulins ou usines à construire sur les cours d'eau.

L'arrêté royal du 10 septembre 1830 (Journ. Offic., XXV, no 59) donne aux députations permanentes la surveillance des cours d'eau non navigables ni flottables, et le droit d'autoriser l'établissement d'usines sur ces cours d'eau.

Aux divers lois et arrêtés que nous avons cités, ajoutons la loi Provinciale du 30 avril 1836, d'après laquelle le conseil provincial est tenu de porter annuellement au budget des dépenses toutes celles que les lois mettent à la charge de la province, et spécialement.... « l'entretien des routes, les travaux hydrauliques, et de desséchement qui sont légalement à la charge de la province» (art. 69, 6o).

D'autre part, le collége des bourgmestre et échevins est chargé..... de faire entretenir les chemins vicinaux et les cours d'eau, conformément aux lois et aux règlements de l'autorité provinciale (art. 90, 12° de la loi communale du 30 mars 1836). Sur l'application de ce dernier article, on peut voir l'arrêt de cassation du 8 janvier 1842 (Pasic., 1842, 1, p. 109).

Nous voyons que la loi provinciale comme la loi communale attribuent à l'autorité administrative seule le règlement de tout ce qui concerne les cours d'eau. Le principe de la loi des 12-20 août 1790 n'a donc pas été changé sur ce point. Notons encore que le juge de paix est nécessairement incompétent pour statuer sur une contrainte décernée par une commune pour recouvrement de frais faits par elle pour le curage

(1) Cette loi a été modifiée par l'arrêté royal du 10 septembre 1850 et par la loi provinciale du 50 avril 1856, que nous citons plus loin.

On peut citer dans le même sens Benech, p. 174 et Carré (Competence, t. 2, p. 165).

des cours d'eau (art. 138, § 1er, loi communale). | le droit de les faire. Bourges, 17 mai 1831 Il s'agit dans ce cas du recouvrement d'une con- (Pasic., à sa date). tribution directe (trib. de Louvain, 29 janvier 1859, Praticien belge, 1860, p. 355). Le juge de paix serait compétent, au contraire, s'il s'agissait d'une opposition à une contrainte pour le recouvrement d'une contribution indirecte. Loi du 29 avril 1819 art. 5. Cass. B., 8 août 1845 (Pasic., 1846, 1, p. 31). Pour la France, v. Curasson, t. 1, p. 404; Dalloz, Répert., v° Comp. civ. des trib. de paix, no 124. Cette matière appartient d'ailleurs au droit administratif

193. Mais dans quels cas le juge de paix sera-t-il compétent quant au curage des fossés ou canaux?

Chaque fois que le curage sera à la charge des particuliers, c'est-à-dire chaque fois qu'il y aura propriété privée de ces canaux. Il est d'ailleurs indifférent de savoir de quelle sorte est le fossé ou le canal, ou à quel usage il est destiné.

194. Du moment qu'il y a contestation entre particuliers, le juge de paix devient compétent, alors même qu'il s'agit d'un simple fossé servant de délimitation. Dans ce dernier cas, si un accord préalable des propriétaires joignants a mis à leur charge commune l'entretien du fossé qui sépare leurs biens, l'action de l'un d'eux pour forcer l'autre à remplir ses obligations, sera de la compétence du juge de paix (Curasson, t. I, p. 394 et suiv.).

Mais il pourrait arriver que l'un des deux propriétaires voisins prétendit à la propriété exclusive du fossé et en déniât la mitoyenneté à l'autre propriétaire. La demande que celui-ci formerait pour forcer son voisin au curage ne serait plus alors de la compétence du juge de paix: le droit de propriété serait contesté.

195. Nous savons que, soit qu'il s'agisse d'actions pour dommages aux champs, soit qu'il s'agisse d'actions relatives à l'élagage ou au curage, le juge de paix ne reste compétent que pour le cas où les droits de propriété et de servitude ne sont pas contestés (supra, nos 172, 183 et 189). La loi des 16-24 août 1790 ne parle pas de cette condition à la compétence du juge de paix dans le cas de dommages aux champs, le seul qu'elle prévoie (art. 40 1o du titre III). Le code de procédure n'étend en rien les termes de la loi de 1790, dans son art. 3, lorsqu'il règle devant quel juge la citation doit être faite pour le cas de dommages aux champs. Cependant, même avant la loi de 1841, il paraissait généralement admis que les actions pour dommages aux champs n'appartenaient au juge de paix que dans l'hypothèse où les droits de propriété et de servitude n'étaient pas mis en contestation. Ainsi la cour de Bourges décide que l'action en indemnité pour dommages aux champs, fruits et récoltes, cesse d'être de la compétence du juge de paix, lorsque le jugement de cette action nécessite l'examen du droit des parties, par exemple, lorsque les dommages provenant de constructions élevées par le propriétaire d'un moulin, il s'agit de savoir si le propriétaire avait |

196. Du texte de l'art. 7, no 1, qui donne au juge de paix la connaissance des actions que nous savons, lorsque les droits de propriété et de servitude ne sont pas contestés, il résulte que telles sont les seules exceptions rendant le juge de paix incompétent. Lorsque la propriété ou la servitude ne sont pas déniées par le défendeur, le juge saisi reste compétent, par la règle générale que le juge de l'action est aussi juge de l'exception. (V. infra, no 205.)

197. Quand la loi de 1841, pour accorder compétence au juge de paix, exige que les droits de propriété ou de servitude ne soient pas contestés, elle entend que cette contestation ne sera faite, ni en s'appuyant sur un titre ou sur la prescription acquisitive, ni en prenant son point d'appui dans la loi elle-même qui établit certaines servitudes dérivant de la situation des lieux. La base de la contestation importe peu. Du moment que la contestation se présente, il y a incompétence du juge de paix.

Conformément à ce principe, le tribunal de Bruxelles a décidé que lorsque à une demande en dommages-intérêts pour passage indů sur. un champ on oppose un droit de servitude de passage, l'objet de la contestation est une question de propriété qui rend le juge de paix incompétent. Tribunal de Bruxelles, du 8 mai 1847 (Belg. Jud., 1. 5, p. 1047).

Nous pouvons, à l'appui de cette décision, citer divers monuments de la jurisprudence française. La loi du 25 mai 1838 (art. 5, n°1) consacre une exception identique à celle de la loi belge.

La cour de cassation de France a admis le même principe que le tribunal de Bruxelles dans une espèce où il s'agissait, non pas de contestation sur l'existence d'un droit de servitude, mais de contestation sur l'étendue de ce droit.

Il y a, dit la cour, contestation du droit de servitude faisant obstacle à la compétence du juge de paix, lorsque à l'articulation, de la part du demandeur, d'exercice abusif d'une servitude de passage par le défendeur, celui-ci oppose qu'il n'a fait qu'user de son droit, tel qu'il dérive de son titre. Cass., 5 mars 1860 (Sirey-Devill., 1860, 1, p. 870).

La cour de cassation de France a aussi consacré l'incompétence du juge de paix, alors qu'il y a contestation d'une servitude admise par la loi comme suite de la situation des lieux. (Art. 640 et suiv. du code civil.)

Le fait, par un propriétaire inférieur, d'élever des digues et autres ouvrages refoulant sur le fouds supérieur les eaux qui s'écoulaient naturellement à travers le fonds inférieur constitue, non un simple dommage aux champs, dont la réparation serait de la compétence du juge de paix, mais un obstacle à l'exercice d'une servitude légale et une atteinte au droit de propriété, dont la connaissance appartient au tri

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