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« Néanmoins, en cas de revendication d'objets saisis, le juge de paix renvoie les parties à se pourvoir en référé devant le président du tribunal de première instance. »

Les articles 5 et 6 du même projet réglaient le service des audiences des justices de paix et augmentaient les traitements de ces magistrats et de leurs greffiers.

ART. 5. Le juge de paix doune au moins trois audiences civiles par semaine.

Il est tenu d'entendre, tous les jours, les affaires pour lesquelles les parties se présenteraient volontairement.

ART. 6. A dater du 1er janvier dix-huit cent trente-six, les traitements des juges de paix et de leurs greffiers sont portés respectivement à quinze cents et cinq cents francs dans les chefs-lieux d'arrondissement, et, partout ailleurs, à douze cents et quatre cents francs.

L'article 10 réglait l'organisation de chambres temporaires pour le cas où il y aurait encombrement d'affaires.

ART. 10, § 1er. Lorsqu'à la fin d'un semestre, les rôles d'un tribunal, ou de l'une de ses chambres, présenteront un arriéré de plus de cent affaires civiles inscrites depuis plus de trois mois, le roi, sur l'avis conforme de la cour d'appel, pourra ordonner la formation d'une nouvelle chambre.

§ 2. Les membres de la chambre nouvelle seront pris parmi les juges et suppléants.

§ 3. En cas d'insuffisance, le personnel pourra être augmenté de trois juges suppléants et d'un substitut-procureur du roi.

§ 4. Les suppléants chargés de remplacer les juges qui feront partie de la chambre nouvelle, ou appelés eux-mêmes à en faire partie, recevront, jusqu'à la suppression de cette chambre, le traitement de juges effectifs. Ils seront astreints aux mêmes devoirs.

§ 5. Le roi réglera, eu égard aux besoins du service de chaque tribunal, l'exécution des dispositions qui précèdent.

Voici comment l'exposé des motifs justifiait l'institution des chambres temporaires : "Il est possible que le nombre des procès augmente par suite de causes passagères : il serait peu rationnel, alors, d'imposer à l'État des charges qui continueraient à subsister lorsque ces causes auraient disparu. Pour remédier à cet inconvénient, nous proposons la création de chambres provisoires : ces chambres seront composées, en règle générale, de deux juges effectifs et d'un juge suppléant qui sera rétribué pendant le temps qu'il est appelé à siéger. Les juges suppléants jouissant de l'inamovibilité comme les juges ordinaires, cette disposition du projet se trouve en rapport avec la Constitution. Elle aura l'avantage d'assurer une prompte justice, sans qu'on soit obligé de grever le trésor de charges excessives.

« Le grand nombre de jeunes gens distingués qui se destinent à la carrière judiciaire nous est d'ailleurs un sûr garant que les fonctions de ces juges suppléants ne seront pas le partage de l'ignorance: elles deviendront pour les avocats une préparation et un titre pour entrer plus tard dans les tribunaux comme juges effectifs.»

Les diverses dispositions que nous venons d'énumérer ne furent pas reproduites dans le projet de la commission, malgré les avantages qu'elles promettaient.

D'autres dispositions, au contraire, qui avaient trouvé grâce devant la commission, ou avaient été proposées dans le cours de la discussion publique, vinrent échouer devant les chambres.

Il en fut ainsi de la proposition faite à propos de l'article 1er, d'étendre la compétence des juges de paix aux contestations commerciales.

Les articles 13, 14 et 15 du projet primitif, dispositions que la commission avait repro

duites avec quelques légères modifications dans ses articles 18, 19 et 20, furent également supprimés. Voici ces articles, d'après le projet présenté en 1835.

ART. 13. L'amende prononcée par l'article 471 du code de procédure civile est portée à quinze francs s'il s'agit d'un jugement de justice de paix, et à cinquante francs sur l'appel d'un jugement des tribunaux de première instance ou de commerce. Cette amende sera perçue avec le droit d'enregistrement de l'acte d'appel.

Indépendamment de l'amende et sans préjudice, s'il y a lieu, aux dépens et dommages-intérêts, l'appelant qui succombe ou se désiste de son appel sera condamné à une indemnité au profit de chacune des parties intimées.

Cette indemnité sera de quinze à soixante francs, s'il s'agit d'un jugement de justice de paix, et de cinquante à trois cents francs s'il s'agit d'un jugement des tribunaux de première instance ou de

commerce.

ART. 14. Dans les causes civiles, correctionnelles ou de police, soit en première instance, soit en degré d'appel, les parties ne pourront respectivement charger, sous aucun prétexte, plus d'un seul défenseur de la plaidoirie ou de la réplique.

ART. 15. Aucune des parties n'obtiendra, soit par elle-même, soit par son conseil, plus de deux fois la parole, à moins que la cour ou le tribunal n'ait demandé des éclaircissements ultérieurs. Dans ce dernier cas, les débats ne continueront que sur les points de la cause dont la discussion aura été reconnue insuffisante.

Le principe de l'indemnité due à l'intimé était justifié en ces termes par l'exposé des motifs :.

« Nous avons cru utile aussi d'établir, comme cela existe pour les recours en cassation, une indemnité au profit de la partie forcée de venir soutenir en appel des droits déjà reconnus par un premier jugement.

Quoique les frais soient à charge de la partie qui succombe, la partie qui obtient gain de cause n'en doit pas moins supporter des dépenses qui ne lui sont pas remboursées : l'indemnité proposée est destinée à les couvrir; en permettant aux cours de porter cette indemnité de 50 à 300 francs, le projet leur donne la faculté d'en déterminer le montant suivant les circonstances. >>

Malgré la suppression, peut-être regrettable, de ces diverses dispositions, la loi du 25 mars 1841 a admis plusieurs principes nouveaux d'une importance majeure. En réalité, cette loi a donc fait autre chose que ramener la législation en vigueur à son esprit primitif. Jetons un coup d'œil général sur les innovations qu'elle a cru devoir adopter. Mentionnons en premier lieu l'extension de la compétence des juges de paix, des tribunaux de première instance et de commerce, quant à la valeur de chaque contestation qui peut leur être soumise. Cette extension se trouve consacrée par les articles 1, 14 et 21 de la loi.

Les projets primitifs du gouvernement et de la commission admettaient déjà le même principe, tout en différant entre eux sur les chiffres où la compétence des juges devait s'arrêter. (Articles 1, 7 et 12 du projet de 1835, — Articles 1, 10 et 16 du projet de la commission.)

La loi étend ensuite la compétence des juges de paix à diverses contestations qui jusqu'alors étaient restées en dehors de la juridiction de ces magistrats. (Articles 2, 3, 4, 5, 6, 7 et 9.)

Elle ne fait ici, en général, que consacrer les principes admis déjà par les projets primitifs, en leur donnant en certains cas plus de développement. (Art. 2 du projet de 1835.— Articles 2, 3, 4, 5, 6 et 7 du projet dé la commission.)

Les articles 11 et 12 de la loi concernent deux principes nouveaux dont les projets primitifs n'offrent aucune trace. Ces principes furent adoptés d'abord par le sénat, et transmis ensuite à la chambre, où ils ne furent l'objet d'aucune discussion (séance du 17 mars 1841).

Voici les deux dispositions :

ART. 11. L'appel des jugements des justices de paix ne sera pas recevable après les quarante jours qui suivront la signification à l'égard des personnes domiciliées dans le canton. Celles domiciliées en dehors du canton, jouiront en outre des délais réglés par les articles 73 et 1033 du code de procédure civile.

ART. 12. Dans les cantons où le besoin du service l'exigera, le gouvernement pourra, sur l'avis du tribunal de l'arrondissement, autoriser les juges de paix à augmenter le nombre de leurs huissiers.

L'article 13 fut introduit dans le cours de la discussion à la chambre, par un amendement de M. de Garcia. Cette disposition concerne une mesure très-sage qui a pour effet d'arrêter un grand nombre de procès; lorsque le juge de paix s'applique à la mettre soigneusement en pratique.

ART. 13. Dans toutes les causes, autres que celles où il y aurait péril en demeure, et celles dans lesquelles le défendeur serait domicilié hors du canton ou des cantons de la même ville, le juge de paix pourra interdire aux huissiers de sa résidence de donner aucune citation en justice, sans qu'au préalable il ait appelé, sans frais, les parties devant lui.

L'un des principes les plus importants adoptés dans la loi est celui qui établit la nécessité de l'évaluation du litige par le demandeur. Cette nécessité, d'ailleurs, était déjà consacrée par l'article 3 du projet de 1835, quant aux contestations portées devant le juge de paix. La disposition primitive portait : « La compétence, s'il s'agit d'une somme d'argent ou d'un objet appréciable d'après les mercuriales, sera déterminée par les conclusions du demandeur, et, dans tous les autres cas, par l'évaluation qu'il sera tenu de donner, à peine de se voir refuser toute audience.

« Le défendeur pourra se libérer en acquittant le prix de cette évaluation. >> L'article 3 du projet primitif passa sans modification dans le projet de la commission (article 8) et devint l'article 8 de la loi. Dans son article 14, § 2, la loi détermine comment le revenu d'un immeuble pourra être évalué, à défaut de prix de rente ou de stipulation de bail. Ce revenu sera déterminé par la matrice du rôle de la contribution foncière. Ce principe avait été introduit par l'article 10, § 2, du projet de la commission. Enfin, par ses art. 15, 16, 17 et 18, la loi étend au demandeur devant le tribunal de première instance l'obligation d'évaluer l'action intentée, à peine de voir rayer la cause du rôle et d'être condamné aux dépens. Le défendeur peut se libérer en acquittant le prix de l'évaluation. Cette règle de l'évaluation du litige, principe que le projet de 1835 n'admettait que pour les contestations devant les justices de paix (article 3), était déjà appliquée aux contestatións devant un tribunal de première instance par le projet de la commission (articles 11, 12 et 13). Toutefois, dans son article 18, la loi établit certaines règles spéciales quant à l'évaluation des objets immobiliers. Le projet de la commission, au contraire, n'établissait sur ce point aucune différence entre les objets immobiliers et les objets mobiliers. (Art. 11 de ce projet.)

L'article 19 de la loi confère aux tribunaux de première instance la connaissance des

demandes d'intérêts, d'arrérages de rentes, de loyers et fermages, lorsque ces demandes n'excèdent pas 2,000 francs, pourvu que le titre ne soit pas contesté.

Sauf le chiffre de 3,000 francs, qui figurait dans le projet primitif (article 8), l'article 19 de la loi est la reproduction presque littérale de cet article 8.

Celui-ci portait en effet : « Ils (les tribunaux de première instance) connaissent en dernier ressort, à quelque valeur que la demande puisse s'élever, des demandes en payement d'arrérages de rentes, loyers et fermages, lorsque les locations et rentes n'excèdent pas trois mille francs de revenu annuel et que le titre n'est pas contesté. »

Cet article avait passé dans l'article 14 de la commission, avant de devenir l'article 19 de la loi.

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L'article 20 de la loi ordonne de prononcer l'exécution provisoire, sans caution, dans tous les cas où il y a titre authentique, promesse reconnue ou condamnation précédente par jugements dont il n'y ait pas appel. Dans tous les autres cas, le juge conserve la faculté de prononcer l'exécution provisoire avec ou sans caution.

Cette disposition avait été proposée par le projet primitif dans son article 9, et avait passé dans l'article 15 de la commission.

L'article 22 de la loi admet un principe qui se trouvait consacré déjà par l'article 17 de la commission, mais dont le projet primitif ne nous offre aucune trace.

« Lorsqu'à la demande principale, dit l'article 22, il est opposé une demande reconventionnelle ou en compensation, et que chacune d'elles est susceptible d'être jugée en dernier ressort, le juge de paix ou le tribunal de première instance prononcent sur toutes sans appel. Si l'une des demandes n'est susceptible d'être jugée qu'à charge d'appel, il ne sera prononcé sur toutes qu'en premier ressort. »

L'article 22 ajoute à cette disposition un second paragraphe qui ne se rencontre pas dans les projets antérieurs : « Si la demande reconventionnelle ou en compensation excède les limites de la compétence du juge de paix, il pourra, soit retenir le jugement de la demande principale, soit renvoyer sur le tout les parties à se pourvoir devant le tribunal de première instance, sans préliminaire de conciliation. »>

L'article 23 de la loi permet au gouvernement de fixer, sur l'avis des cours d'appel, le nombre des audiences civiles pour chacune des chambres des tribunaux de première instance, et pour chaque justice de paix.

C'est là une modification au projet primitif qui fixait les audiences dans toutes les justices de paix à un chiffre fixe de trois au moins (article 5), et dans tous les tribunaux de première instance à un chiffre fixe de quatre au moins (article 11).

L'article 21 du projet de la commission s'attachait à fondre dans son texte les articles 5 et 11 du projet primitif : « Le gouvernement, sur l'avis des cours d'appel, fixera pour chacune des chambres des tribunaux de première instance, et pour chaque justice de paix de nombre des audiences civiles. » L'article 23 de la loi cesse d'imposer au gouvernement l'obligation de fixer le nombre des audiences. Mais ce droit lui demeure acquis à titre de simple faculté, pour le cas où certains juges oublieraient que leur premier devoir est de rendre prompte justice.

Enfin les articles 24, 25 et 26 de la loi règlent quelques questions transitoires de la même manière que le projet de 1835 dans ses articles 16, 17 et 18, et le projet de la commission dans ses articles 22, 23 et 24.

Telle est, dans son ensemble, la loi du 25 mars 1841. Pour compléter notre exposé his

torique en ce qui touche la compétence civile, rappelons que, dans la séance du 2 décembre 1848, M. de Haussy présenta un projet de loi sur la compétence des juges de paix en matière civile et commerciale. Ce projet portait cette compétence à 150 et à 300 francs, dans les cas prévus par les articles 1, 2, 3, 4, 5, 6 et 7 de la loi de 1841. Dans son article 4, il donnait compétence au juge de paix pour les mêmes sommes, en ce qui concerne les matières commerciales, en refusant, toutefois, la contrainte par corps à ce magistrat. L'appel des jugements rendus en ce cas devait être porté devant le tribunal de commerce de l'arrondissement. Ce projet ne fut l'objet d'aucun rapport, ni d'aucune discussion dans nos chambres (1).

L'appréciation que nous pourrions faire ici des diverses modifications que la loi du 25 mars 1841 a cru devoir adopter, serait véritablement anticipée. Cet examen se présentera au contraire d'une manière toute naturelle, lorsque nous discuterons les articles de la loi dans l'ordre où le législateur les a placés lui-même.

Il nous sera toutefois permis de dire, que les nouvelles attributions confiées aux juges de paix élèvent leurs fonctions beaucoup au-dessus de cette magistrature de famille que la loi des 16-24 août 1790 a voulu créer. Aujourd'hui il ne suffit plus aux juges de paix d'ètre hommes de sens et de conscience. Il faut encore qu'ils soient hommes de savoir, de travail et d'étude.

Sous l'empire de la loi du 25 mars 1841, des questions délicates et controversées sont fréquemment soumises à ces utiles magistrats. Privés du secours d'assesseurs, éloignés de bibliothèques importantes, qui ne se rencontrent guère que dans les grandes villes, les juges de paix, quelles que soient d'ailleurs leurs lumières et leur expérience, se trouvent souvent arrêtés par de sérieuses difficultés.

Si notre Commentaire ne peut espérer de les faire disparaître toutes, il aura peut-être le mérite de les signaler fidèlement, en apportant pour leur solution l'aide puissante de nombreuses autorités judiciaires et doctrinales.

Pour l'intelligence des principes de la loi sur la compétence civile, nous la faisons précéder: 1o du texte du projet adopté par la commission de la chambre des représentants; 2o du texte du projet adopté par la commission du sénat. Ces deux projets ont en effet servi de base aux discussions dans nos deux enceintes législatives, et il est impossible de se rendre compte des observations faites par les divers orateurs sans avoir sous les yeux les textes qui leur étaient proposés. Nous donnons aussi le texte de la loi française des 25 mai6 juin 1838 qui, dans plusieurs de ses articles, a servi de modèle à la loi belge.

(1) Voir ce projet de loi et son exposé des motifs au no 5 de notre Commentaire.

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