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En second lieu, c'est dans l'art. 1732 du code civil qu'on retrouve le mot dégradations, et dans cet article, cette expression nous paraît avoir de même un sens tout à fait général.

se rapportent au louage des meubles, comme à celui des immeubles. L'art. 1732 est dans cette catégorie.

Nous savons d'ailleurs que, dans la première partie de l'art. 7, n° 3, de la loi de 1841, le terme locataire se rapporte au locataire de meubles, comme à celui d'immeubles (supra, no 245).

Cette doctrine est consacrée par un arrêt de Limoges du 19 juillet 1842, lequel a décidé que l'action par laquelle un louageur de chevaux réclame une somme supérieure à 200 fr. pour réparation de la perte d'un de ses chevaux mort entre les mains du preneur est une action qui tombe sous l'application de l'art. 4 de la loi française de 1838.

Voici comment la cour de Limoges justifie sa doctrine: Attendu que l'art. 4 de la loi du 25 mai 1838 attribue aux juges de paix la connaissance des actions pour dégradations et pertes, dans les cas prévus par les art. 1732 et 1755 du code civil; qu'ainsi, dans la cause, où l'action a pour objet une indemnité pour la perte d'un cheval de louage, la compétence doit se déterminer par la question de savoir si l'article 1732 du code civil s'applique au louage des choses mobilières comme au louage des choses

A vrai dire, la plupart des auteurs appliquent l'art. 1732 aux cas où il s'agit de dégradations à des immeubles (Zachariæ, t. 2, p. 6 et 7; Marcadé, sur l'art. 1732, t. 6, p. 461 et 462), et sa place entre les art. 1731 et 1733, qui se rapportent évidemment à des immeubles, est la cause première de cette interprétation. On ne peut nier cependant que, dans le chapitre II du titre VIII du code, lequel s'occupe du louage des choses, il y a un grand nombre de dispositions qui concernent le louage des meubles tout aussi bien que celui des immeubles. Ces dispositions nous paraissent être toutes celles qui n'indiquent pas, soit expressément, soit par quel-immobilières; - et à cet égard: - attendu que qu'une de leurs expressions, qu'elles ne s'appliquent qu'aux immeubles.

Lorsque, au contraire, les expressions sont générales, comme dans l'art. 1732, il n'y a aucune raison de limiter la disposition aux immeubles, quelle que soit la place qu'elle occupe dans la loi.

Méconnaître cette règle, c'est se lancer dans le vaste champ des conjectures et, par suite, de l'arbitraire. Il est impossible en effet de ne pas admettre que, malgré son titre : Des règles communes aux baux des maisons et des biens ruraux, la section première du chapitre II du Louage contient nécessairement des règles qui se rapportent au louage des meubles. Et en effet, si ces règles ne se rencontraient pas dans cette section, elles ne se trouveraient dans aucune partie du code. Les sections II et III sont, après la section première, les seules que contienne le chapitre II, qui se rapporte au louage des choses. Or, ces deux sections s'occupent exclusivement des règles particulières aux baux à loyer et des règles particulières aux baux à ferme. Elles ne parlent évidemment pas du louage des meubles. Si ce louage n'était pas réglé par les articles contenus par la section première du chapitre, il se trouverait donc réduit à la seule disposition de l'art. 1713: On peut louer toutes sortes de meubles et immeubles. Il n'est pas un instant admissible que la loi, après avoir spécifié l'existence du louage des meubles, n'ait pas édicté une seule disposition pour en fixer les règles.

Concluons donc qu'il faut chercher dans la section première du chapitre II du Louage les règles qui se rapportent au louage des meubles. Toutes les dispositions générales de cette section

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l'art. 1732, conçu en termes généraux, n'établit aucune distinction entre le cas où il s'agit du louage des meubles et celui où il s'agit du louage des immeubles; que, à la vérité, la généralité des termes de cette disposition semble restreinte à ce qui concerne les immeubles, par le titre de la section sous laquelle se trouve placé l'art. 1732, et qui est ainsi conçu: Des règles communes aux baux des maisons et des biens ruraux; mais que ce titre est en contradiction formelle avec la nature même de plusieurs des dispositions qui composent cette section, telles, par exemple, que celle de l'art. 1719, relatif aux obligations du bailleur, celle de l'art. 1728, relatif aux obligations du preneur, celle de l'article 1741 relatif à la résolution du contrat de louage, etc., etc..., et qui, au lieu d'être limitées aux baux des biens immeubles, suivant ce qui résulterait du titre de la section, posent évidemment des règles générales et applicables au louage de toutes choses mobilières et immobilières; qu'ainsi, le titre, qui peut souvent être invoqué avec fondement pour expliquer le sens des lois, perd ici toute son autorité, surtout lorsqu'on remarque, dans les procèsverbaux des travaux préparatoires du code civil, que la division et la rubrique du contrat de louage n'ont pas le caractère d'un travail d'ensemble, et qu'elles ont été refondues à la suite de discussions et d'amendements contradictoires; que, conséquemment, on ne saurait argumenter des expressions limitatives du titre de la section pour enlever à l'art. 1732 le caractère général qui résulte de ses termes, et qui fait de sa disposition une règle commune au louage des meubles et au louage des immeubles...»

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Dalloz ne pense pas que cet arrêt soit rendu conformément à la loi (Rép., vo Compétence civile des tribunaux de paix, n" 251).

Cloes (Commentaire, no 77), au contraire, se range à l'opinion de la cour de Limoges, ainsi que Curasson, t. 1, p. 429, no 16.

Remarquons que la loi belge de 1841 ne parle pas, comme la loi française de 1838, de dégradations et pertes, et ne renvoie pas aux art. 1732 et 1735 du code civil Ces différences dans le texte des deux lois ne peut nous engager à conclure qu'en Belgique, dans le cas où il s'agit de pertes plutôt que de dégradations, le juge de paix cesse d'être compétent.

Le mot perles, que la loi française a introduit dans son texte, a eu pour effet de faire concorder exactement la loi de compétence avec la loi civile (art. 1732). Mais il n'a rien changé au sens de la loi de 1790. Sous l'empire de celle-ci, comme sous l'empire de la loi belge, | le mot dégradations a un sens général, et n'exclut pas plus la perte résultant de la détérioration d'un meuble loué, que la dégradation résultant de la détérioration d'un immeuble par le locataire ou le fermier.

269. En France, sous l'empire de l'art. 4 de la loi de 1838, qui renvoie expressément aux art. 1732 et 1735, la question peut s'élever de savoir si le juge de paix est compétent dans certains cas prévus par d'autres articles du louage | qui spécifient certaines dégradations particulières; ; par exemple les art. 1729, 1730, 1731, 1733, 1734, 1766. En Belgique, la question ne nous parait pas douteuse : le mot dégradation n'a rien perdu de sa généralité.

La dégradation résultant de ce que le preneur a employé la chose à un autre usage que celui auquel elle était destinée (art. 1729 et 1766), celle résultant de l'incendie (articles 1733 et 1734) appartiennent sans conteste au juge de paix (1).

Le juge de paix est de même compétent dans le cas où il s'agit de faire dresser un état des lieux, ou de prononcer sur les dégradations, soit qu'un pareil état ait été ou n'ait pas été dressé. (Art. 1730 et 1731.) Nous avons vu (supra, n°225) que ce pouvoir de prononcer quant aux états de lieux appartient au juge de paix lorsqu'il s'agit de réparations locatives. Les mêmes raisons existent pour lui accorder compétence dans le cas dont nous nous occupons.

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agir devant le juge de paix dans le cas de l'article 1778 qui se rapporte aux pailles et engrais (supra, no 264).

270. Dans l'hypothèse prévue par l'art. 1768 le propriétaire intente-t-il au locataire une véritable action en dégradations?

Aux termes de l'art. 1768, § 1er, le preneur d'un bien rural est tenu, sous peine de tous dépens, dommages et intérêts, d'avertir le propriétaire des usurpations qui peuvent être commises sur les fonds.

Carré (Compétence, p. 151, t. 4, no 445; Droit français, p. 520, t. 2, no 1687) et Cloes (no 75, p. 99) prétendent que l'action par laquelle le propriétaire réclame ainsi des dommages-intérêts contre son fermier est une action en dégradations. Ni l'un ni l'autre ne justifie d'ailleurs son opinion.

Nous ne pouvous nous ral'ier à leur manière de voir.

L'action en dégradations suppose, d'après nous, une atteinte portée par le fermier à la chose louée, c'est-à-dire une rupture on une lésion subie par cette chose (supra, no 261). Un simple dommage résultant pour le propriétaire d'un acte posé par son fermier ne serait pas une dégradation (supra, no 267). Or, dans le cas de l'art. 1768, il y a, il est vrai, une responsabilité qui incombe au fermier; mais la dégradation ne résulte pas de son fait. La responsabilité dont il est chargé n'a pas pour base un acte posé par lui, mais l'absence d'avertissement donné au propriétaire, à la suite d'une usurpation commise par un tiers. La responsa bilité du fermier dérive donc, non pas d'une dégradation qu'il aurait commise, mais bien d'une négligence dommageable au propriétaire. C'est précisément le cas d'appliquer ce que nous avous dit à notre n° 267.

Remarquons, en second lieu, que le fait du tiers qui a commis l'usurpation n'est pas nécessairement une dégradation. Comme le disent Duvergier (t. 2, no 113) et Troplong (Louage, t. 2, no 690), l'art. 1768 s'applique même au cas de simples troubles ou entreprises. C'est ce que décide aussi un arrêt de cassation de France du 12 octobre 1814 (Sir.-Dev., 1815,2, p. 124). II en résulte que, quand le tiers lui-même n'a pas commis une dégradation à l'immeuble, il est impossible de soutenir que le fermier, qui n'est responsable qu'à raison du fait de ce tiers, peut être actionué pour dégradations par le propriétaire.

Cette dernière hypothèse se confond d'ailleurs avec celle prévue dans notre no 225 quand il s'agit de faire dresser un état des lieux : c'est Vaudoré, qui consacre plusieurs pages à l'exale même état qui sert en effet à déterminer men des dégradations qui peuvent être comsi des réparations locatives sont dues, et simises, ne parle aucunement de celle qui résuldes dégradations ont été faites aux lieux loués.

Nous savons aussi que le propriétaire peut

(1) En France la compétence du juge de paix est restreinte au chiffre de l'article fer lorsqu'il s'agit de pertes occasionnées par incendie ou inondation supra,

terait de l'art. 1768. Nous en pouvons conclure qu'il ne voit pas une action pour dégradations dans l'hypothèse que prévoit cette disposition.

notre no 256). Dalloz (Rép, vo Comp. civile des trib. de paix, no 248) trouve trop absolue la dispo-ition de la loi française en ce qui concorne l'inondation.

(Droit rural, t. 2, p. 14 et suiv., n's 35, 36, 37, 38 et p. 252, no 561.)

271. Le juge de paix peut-il être appelé à se prononcer sur des dégradations, avant que le bail ait pris fin?

En général, le propriétaire ne peut demander la réparation des dégradations qu'au moiment où le preneur doit lui restituer la chose louée; mais cette règle souffre une exception lorsque les dégradations sont de telle nature qu'elles peuvent comprometre la chose ellemême. Ainsi, lorsque le locataire a abusé de la chose louée, soit en la faisant servir à un usage auquel elle n'était pas destinée, et qui la détériore complétement, soit en négligeant les précautions d'un bon père de famille, le locateur peut agir immédiatement contre lui. C'est à cette solution que s'arrêtent MM. Curasson (p. 352, no 19); Carré (Compétence des juges de paix, t. 2, p. 379); Lepage (Lois des bâtiments, 2e partie, chap. 3, p. 179) et Troplong (Louage, n° 346).

On peut voir à cet égard ce que nous avons dit à propos du droit pour le propriétaire de faire constater pendant le bail, et même de réclamer des réparations locatives (supra, no 226 et 227).

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pétent pour le tout, à raison de la connexité des deux demandes. La cour adopta ses motifs sur ce point. Si cette condition de connexité ne se rencontrait pas, il faudrait décider que l'action en résolution du bail appartenait au juge de première instance, mais que celle en dégradations devait être renvoyée au juge de paix. C'est ce que nous avons vu plus haut (n° 230) et ce qu'a décidé un arrêt de la cour de Bruxelles, du 2 juillet 1849 (Pas., 1850, 2, p. 15).

Quoi qu'il en soit de la compétence du juge de première instance pour le litige en entier, il est certain que jamais le juge de paix ne peut être déclaré compétent pour prononcer sur la résolution du bail, si ce n'est dans les limites et dans les cas prévus par l'art. 5 de la loi de 1841. Il est bien entendu d'ailleurs que le cas où la demande en résolution de bail ne serait présen tée que pour éviter la compétence du juge de paix doit être excepté de cette règle. C'est ce que décide implicitement la cour de Liége dans l'arrêt du 30 juin 1860. Nul ne peut en effet obtenir par fraude ce que la loi lui refuse de faire directement.

273. La loi parlant des dégradations alléguées par le propriétaire, il est incontestable que les dégradations qui seraient alléguées par le locataire contre le propriétaire ne tombent pas sous la juridiction du juge de paix. C'est ce qui a été décidé par la cour de Bour

Ce qui est vrai pour les réparations locatives l'est a fortiori pour les dégradations. Celles-ci peuvent en effet mettre l'immeuble en danger beaucoup plus facilement puisqu'elles ont en gé-ges, le 3 fructidor an viii (Pas., à sa date). néral un caractère de gravité plus considérable. 272. Le juge de paix est-il compétent pour * prononcer sur la résiliation du bail demandée par suite de dégradations?

Nous ne le pensons pas. La loi, en donnant au juge de paix le droit de connaître des dégradations n'a voulu parler que de la réparation des dégradations, et des dommages-intérêts qui en sont la suite. La juridiction exceptionnelle du juge de paix ne peut être étendue à un cas qui n'est pas mentionné.

On peut appliquer à l'hypothèse où nous nous trouvons les raisons que nous avons développées plus haut (no 243) pour démontrer l'incompétence du juge de paix lorsque la résiliation de bail est demandée par le locataire pour nonjouissance.

Remarquons seulement qu'à l'égard du propriétaire qui réclame la résolution du bail, la question est directement tranchée par l'art. 5 de la loi de 1841, qui ne donne compétence au juge de paix, dans ce cas, que dans les limites de sa juridiction ordinaire (supra, nos 98 et s.). La cour de Liége a décidé en ce sens que, lorsqu'une demande en dommages-intérêts réclamée du locataire se complique d'une demande en résolution de bail, le juge de paix est incompétent, lorsque bien entendu il n'est pas prouvé que cette dernière demande ait eu uniquement pour objet de soustraire la demande en dommages-intérêts à la compétence du juge de paix. -- Liége, 30 juin 1860 (Pas., 1860, 2, p.354). Le tribunal de Liége s'était déclaré com

Il n'est pas possible, en effet, d'étendre par analogie, et sous prétexte de réciprocité, un texte qui spécifie un seul cas, celui de dégradations alléguées par le propriétaire. Les raisons qui ont fait accorder au propriétaire le bénéfice d'une compétence exceptionnelle n'existent d'ailleurs pas avec la même force au profit du locataire. La conservation de l'immeuble pour le propriétaire a seule fait établir une compétence d'exception.

374. Les dégradations alléguées par le souslocataire ou le sous-fermier contre le locataire ou le fermier principal ne sont pas davantage de la compétence du juge de paix. Les raisons que nous venons d'énoncer conservent toute leur force dans cette hypothèse. C'est ce que décident Masson (Comm. sur la loi du 25 mai 1838, no 112) et Foucher (Comm. de la même loi, no 165).

275. Les dégradations alléguées par un propriétaire contre un usufruitier tombent-elles sous l'application de l'art. 7, no 3?

Une raison péremptoire tirée du texte de l'art. 7, n° 3, nous semble s'opposer à ce que l'usufruitier soit mis sur la même ligne que le locataire. La disposition, après avoir parlé des indemnités prétendues par le fermier ou locataire pour non-jouissance, s'occupe des dégradations alléguées par le propriétaire. C'est évidemment dans l'ordre d'idées de la première partie du paragraphe, c'est-à-dire contre le fermier ou locataire.

Si l'article avait voulu s'occuper des rapports du propriétaire et de l'usufruitier, il aurait ajouté à son texte le terme nu-propriétaire qui

sert à spécifier la position d'un propriétaire dont le fonds est grevé d'un usufruit, ou aurait du moins employé toute autre expression qui aurait manifesté sa volonté.

le juge de paix cette action en dégradations, soit contre un mandataire, soit contre un dépositaire qui aurait été en possession de la chose dégradée.

Il existait d'ailleurs des raisons fort sérieuses pour que le législateur s'abstint d'assimiler l'usufruitier au locataire quant à la compétence. Ces raisons sont développés dans un arrêt de la cour de cassation de France du 10 janvier 1810 (et non 1808) (Sir.-Devill., 1810, 1, p. 97). « Attendu, dit la cour, que la jouissance de l'usufruitier ne se régit pas par les mêmes règles que celle des fermiers et locataires; que, dans le cas de dégradations alléguées par le propriétaire contre ses fermiers ou locataires, il n'y a qu'un seul point de fait à examiner et à juger, qui est celui de savoir si les dégradations alléguées existent réellement ou si elles n'existent pas; qu'il n'en est pas de même, lorsqu'il y a demande de cette nature formée par le propriétaire contre l'usufruitier ou ses héritiers; que l'usufruitier peut prétendre qu'en cette qualité il a eu le droit de jouir comme il l'a fait, ce qui donne nécessairement lieu à l'examen et au jugement d'une question de droit qui sort du domaine de la justice de paix, et qui rentre de droit dans la compétence des tribunaux civils ordinaires; que, d'autre part, l'usufruitier peut avoir des demandes reconventionnelles à former pour cause d'améliorations ou autres quelconques, sur lesquelles le tribunal de paix n'aurait aucune compétence pour statuer de sorte que, s'il pouvait se retenir la connaissance de la demande formée sous le rapport de prétendues dégradations alléguées, il en résulterait que les parties, pour raison du même fait, devraient aller plaider simultanément dans deux tribunaux différents; attendu que les lois citées n'ont pas, sans de puissants motifs, restreint la compétence des tribunaux de paix aux demandes formées par le propriétaire contre ses fermiers et locataires, au lieu de l'avoir étendue aux usufruitiers et à Si le tribunal de cassation admet la compétous autres, qui auraient pu avoir joui de l'im-tence du juge de paix, c'est, pensons-nous, parce meuble prétendu dégradé; que ces motifs, quels qu'ils soient d'ailleurs, doivent être respectés. » Henrion de Pansey approuve cette solution (Compétence des juges de paix, ch. 29, p. 238 et 239). Carré (Droit français, no 1674) et Favard de Langlade (Rep., vo Juge de paix, § 7) partagent cette manière de voir.

Le juge de paix ne serait pas davantage compétent pour statuer sur l'action en dégradation intentée contre l'acheteur d'une récolte sur pied, si le propriétaire soutenait, par exemple, qu'à la suite de l'enlèvement de cette récolte sa propriété a été dégradée. La vente d'une récolte croissant sur un terrain ne peut en aucune façon être assimilée à la location d'un terrain.

Un jugement du tribunal de cassation du 21 pluviose an x admet cependant la compétence du juge de paix dans un cas de vente des herbes d'un pré. Le propriétaire se plaignait d'un dommage causé par l'acheteur qui aurait fait pâturer ses bestiaux sur le terrain dont les herbes lui avaient été vendues. (Dalloz, Compétence civile des tribunaux de paix, sub no 308.) Le tribunal de cassation, tout en cassant la décision du juge de paix à un double point de vue, ne lui refuse cependant pas compétence pour statuer sur le dommage éprouvé par le propriétaire. Ce serait là une erreur incontestable, si le tribunal déclarait que c'est à raison de demande d'indemnité pour dégradations, cas prévu par l'art. 10 no 4 de la loi de 1790, que le juge de paix est compétent. Evidemment la vente d'une récolte ne peut être assimilée à la location d'un terrain, et les dégradations commises dans le premier cas ue le sont pas par un locataire. Tel est le raisonnement produit par Carou (no 258). et par Dalloz (Rép., loc. cit., no 241).

Nous savons que l'usufruitier ne pourrait pas davantage réclamer devant le juge de paix une indemnité pour non-jouissance, comme peuvent le faire le locataire et le fermier (supra, no 245); sous ce rapport les deux parties du no 3 de l'art. 7 ont exactement la même portée.

276. Pour que la réclamation pour dégradations puisse se produire devant le juge de paix, il faut qu'elle soit dirigée contre un véritable locataire ou fermier. Ainsi une réclamation en dégradations dirigée contre un détenteur de la chose à tout autre titre qu'à titre de bail ne tomberait pas sous l'application de l'art. 7, no 3. On ne pourrait donc pas intenter devant

Mais il est à remarquer que, dans aucune partie de son jugement, le tribunal de cassation ne spécifie qu'il s'agit, d'après lui, de dégradation commise par un locataire. Il parle tout simplement d'un dommage causé par les bestiaux, et spécifie au contraire qu'il s'agit de vente verbale, ce qui exclut l'idée de location.

qu'il estime que dans l'espèce il y avait dommage aux champs, fruits et récoltes. A cette application de l'art. 10, no 17 (no 1 de la loi de 1841) nous ne voyons, à vrai dire, aucun obstacle. Le droit de propriété n'était pas mis en contestation dans le chef du vendeur, et toutes les conditions du dommage aux champs nous paraissent se rencontrer dans l'espèce dont il s'agit. (V. supra, no 153 à 172.)

Nous croyons donc que le tribunal de cassation n'a aucunement porté atteinte aux véritables principes par son jugement du 21 pluviôse an x, et que c'est à tort que Dalloz le critique.

277. L'action en dégradation peut-elle s'exercer contre le locataire lorsque celui-ci a cédé son bail? Cette question dépend de celle de savoir si la cession du bail implique nécessairement novation. Nous croyons que la novation n'existe pas s'il n'a pas été stipulé que le remplacement du locataire par le sous-locataire emporterait novation.

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pothèse, le fermier principal est sans intérêt né et actuel pour agir contre le sous-fermier, tant que le propriétaire ne se plaint pas. Lorsque, au contraire, le propriétaire se plaint, le fermier principal peut agir récursoirement contre le sous-fermier. Le juge de paix est compétent pour statuer sur cette action en garantie, d'abord par suite du principe que la juridiction du juge est légalement prorogée par la demande en garantie formée dans le cours d'une instance principale (Carré, Compétence, t. 2, p. 406), ensuite parce que le code de procédure, lorsqu'il traite des justices de paix, prévoit spécialement la mise en cause des garants.

Nous ne pouvons admettre complétement cette opinion de Carré, et nous pensous que, poursuivi ou hon par le propriétaire, le locataire peut actionner le sous-locataire.

En premier lieu, Carré lui-même convient que le locataire principal se trouve vis-à-vis du sous-locataire dans la même position que le propriétaire vis-à-vis du fermier. Et en effet cet auteur déclare que l'indemnité pour non-jouissance peut s'exercer devant le juge de paix lors même que c'est un sous-locataire qui la réclame d'un locataire principal. (V. supra, no 247.)

Le bailleur répondait à cette demande, que le bail n'était pas expiré et que par conséquent il n'y avait pas lieu de régler l'indemnité. La cour d'Orléans rejeta cette fin de non-recevoir par la raison que le fermier ayant été remplacé dans son exploitation par son gendre, du consentement du bailleur, il n'y avait pas lieu d'attendre l'événement des récoltes qui restaient à faire. La cour de cassation rejeta en ces termes cette doctrine: «Attendu qu'en jugeant ainsi, l'arrêt viole formellement l'art. 1273, portant que la novation ne se présume point; qu'il faut que la volonté de l'opérer résulte clairement de l'acte; qu'en effet de ce que le fermier a été remplacé par son gendre du consentement du bailleur, il ne résulte pas nécessairement que le bailleur se soit soumis à supporter intégralement les pertes éprouvées par le fermier, et ait renoncé à la compensation des récoltes postérieures dévolues au gendre; - qu'il s'ensuit seulement que le On peut donc dire, en raisonnant dans le bailleur a consenti à ce remplacement pour fa- même sens, que quand l'art. 7, no 3, parle de ciliter un arrangement de famille, sans préju- dégradations alléguées par le propriétaire, ces dice de ses droits; - que par conséquent, à son termes n'ont rien de restrictif et peuvent s'apégard, le bail est resté en son entier et sans no-pliquer à celui qui tient la place du propriétaire vation quant au règlement de ses droits et ex- vis-à-vis du sous-locataire, c'est-à-dire au locaceptions contre le preneur; attendu, enfin, taire principal. qu'il suit de là que le fermier ne pouvait exiger la remise des pertes dont il s'agit, que compensation faite, le cas échéant, de l'événement des récoltes postérieures... Le bail du locataire et celui du sous-locataire forment donc un seul tout, et le fermier ne peut exiger le payement d'une indemnité pour pertes résultant de mauvaises récoltes, que si à l'expiration du bail en entier cette perte subsiste toujours. Telle est la prescription de l'article 1769, § 2, du code civil. Appliquons cette doctrine au cas de dégradation.

En second lieu, il ne nous paraît pas exister de raison sérieuse pour refuser au locataire non poursuivi par son propriétaire le droit de réclamer contre le sous-locataire une indemnité pour dégradations.

Est-il vrai, comme l'affirme Carré, que le locataire non encore poursuivi n'ait pas d'intérêt à réclamer cette indemnité?

Nous ne le pensons pas. Le locataire est incontestablement obligé de payer au propriétaire une indemnité proportionnée aux dégradations faites aux lieux loués (art. 1735 du code civil). L'action en dégradations peut de même s'exer- L'obligation de restituer la chose louée en bon cer contre le locataire, nonobstant la cession de état constitue pour le locataire une nécessité à bail faite à un sous-locataire. La responsabilité laquelle il ne peut se soustraire. Qu'importe que du bail n'est pas finie pour le locataire parcele propriétaire ait déjà intenté une action de qu'il a cédé son bail à un tiers. ce chef? L'intérêt du locataire à poursuivre le 278. Nous avons vu que, dans le cas où il sous-locataire réside dans l'obligation où le pres'agit de demande pour indemnité de non-jouis-mier se trouve de payer indemnité, et non dans la sance, le juge de paix est compétent pour sta-poursuite déjà exercée par le propriétaire pour tuer sur la réclamation élevée par le sous-locataire contre le locataire principal (supra, no 247). Mais en est-il de même quand c'est le locataire principal qui réclame de son sous-locataire une indemnité pour dégradations?

lui faire payer une somme quelconque. Toute obligation à laquelle nous nous trouvons soumis, soit par notre fait, soit par celui d'autrui, fait naitre pour nous un intérêt dont la réalité et l'actualité ne peuvent être mis en doute que si l'on confond la poursuite, c'est-à-dire la réclamation d'un droit en justice avec l'existence de ce droit lui-même.

D'après Carré (Compétence, t. 4, p. 149, quest. 442), il faut distinguer entre le cas où le fermier intente l'action sans attendre la réclamation du propriétaire, et le cas où l'action du Concluons donc que, dans tous les cas, la réfermier ne se produit qu'à la suite de cette ré- clamation d'indemnité du locataire contre le clamation du propriétaire. Dans la première hy-sous-locataire doit être accueillie devant le juge

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