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307. Nous avons traité plus haut (no 301 et la note 1, sub no 303) la question de savoir si les apprentis sont des gens de travail, et nous avons vu qu'elle devait être résolue négativement. Les débats relatifs aux engagements res

à un manufacturier, fabricant ou artisan; que, d'un autre côté, les cochers qu'il emploie ne sont pas des ouvriers, mais plutôt des hommes de service à gage, auxquels évidemment ne s'appliquent pas la loi précitée de germinal an xi et l'arrêté du 9 frimaire an xii; que, quand le lé-pectifs des maîtres et des apprentis ne pourgislateur a voulu étendre ces dispositions, il l'a fait par des arrêtés spéciaux, comme cela résulte du décret du 3 janvier 1813, pour les ou vriers mineurs ;

raient donc pas appartenir aux juges de paix d'une manière spéciale. Mais ils appartiendraient à ces magistrats si la somme réclamée n'excédait pas 200 fr. Nous déterminerons plus tard << Attendu que l'arrêté de la régence du dans quelle limite et pour quels cas la juridic10 mars 1838 ne contient que des mesures de tion des prud'hommes est applicable aux engapolice propres à assurer la régularité du service gements résultant du contrat d'apprentissage des voitures publiques; que si, dans l'art. 8 du- | (infra, nos 341, 345 et suiv.). dit arrêté, elle a ordonné que tout cocher ou conducteur se pourvût d'un livret, elle n'a eu pour but que de s'assurer qu'il était d'une bonne moralité et qu'il avait l'aptitude nécessaire pour son service, mais qu'elle n'a pas inséré dans son arrêté les dispositions des art. 12 et 13 de la loi du 22 germinal an xi. »

Remarquons d'abord que ce jugement concerne une réclamation faite par le nouveau maître contre l'ancien, genre de contestation qui n'appartient pas spécialement au juge de paix. (Supra, note 1, in fine, sub no 303.)

Si la réclamation de l'ancien maître avait dépassé 200 fr., elle aurait donc dû être repoussée. Mais la demande n'étant que de 50 fr., le juge de paix était compétent, aux termes de l'art. 1er de la loi de 1841. La question se réduisait donc à savoir si au fond la demande était fondée. Pour la décider, il fallait examiner si, aux termes de la loi de germinal an xi, un cocher était un ouvrier. Le tribunal a jugé la négative.

308. Remarquons encore que, dans l'hypothèse même où l'on considérerait les apprentis comme gens de travail, il n'y aurait aucune raison d'attribuer une juridiction spéciale aux juges de paix pour décider les contestations entre un maître et les parents d'un apprenti.

La loi de 1790 et celle de 1841 attribuent aux juges de paix la connaissance de l'exécution des engagements respectifs des maîtres et des gens de travail. Elles ne parlent que des relations personnelles des maîtres avec les gens de travail, et non des contestations qui pourraient surgir avec d'autres personnes à l'occasion de ces engagements. Cette doctrine est implicitement cousacrée par un arrêt de la cour de cassation de France du 11 mai 1841 (Dalloz, Comp. civ. des tribunaux de paix, sub no 176). Elle est approuvée par Curasson, t. 1, p. 469, no 21.

309. Nous venons de voir que les contestations entre maîtres et gens de travail sont de la compétence des juges de paix; mais n'oublions pas que, pour qu'il en soit ainsi, il faut que ces contestations se rapportent aux enga

La cour de cassation de France s'est prononcée dans le même sens quant à la portée restric-gements respectifs du maître et de l'homme de tive des dispositions de l'an xi et de l'an XII.

Un arrêt du 30 juin 1836 (Jurisp. du XIXe siècle, 1836, p. 554) décide que la disposition de la loi du 22 germinal an xi portant interdiction de recevoir un ouvrier s'il n'est porteur d'un livret qui constate qu'il a satisfait à ses engagements envers le maître de chez qui il sort, n'est pas applicable au simple cultivateur. Elle ne concerne que les manufacturiers, fabricants et autres personnes se livrant à des opérations industrielles. Un autre arrêt de la cour, en date du 22 février 1839 (Jurisp. du XIXe siècle, 1839, p. 891) confirme cette interprétation restrictive, en décidant que l'obligation d'être pourvu d'un livret ne s'étend ni aux apprentis, ni aux journaliers, ni aux contre-maîtres.

travail. Une contestation ne portant pas sur ces engagements rentrerait dans la compétence ordinaire. Ainsi la cour de Douai a décidé, avec raison, que l'action en dommages-intérêts dirigée par un homme de travail contre son maître n'est pas de la compétence du juge de paix, lorsque l'ouvrier se plaint de faits qui auraient été posés à son préjudice par son patron, mais que ces faits n'ont pas rapport à l'engagement. Considérant, dit la cour, que les faits sur lesquels se fonde la demande en dommagesintérêts de Lyndeberg, tels qu'ils sont articulés dans ses conclusions, notamment la suppression d'une lettre à lui adressée, la violation du secret de cette lettre par le sieur Chapuis et l'inscription fausse sur le livret de Lyndeberg, M. Defuisseaux, dans son Contrat d'apprentis- | et, en son absence, d'un renouvellement d'engasage, adopte la même opinion relativement à l'ap-gement qui n'avait été ni convenu ni consenti; prenti (no 175, p. 71; V., supra, notre no 301). L'art. 1er (titre Ier) de l'arrêté royal du 10 novembre 1845 semble confirmer cette manière de voir, en n'imposant pas l'obligation du livret aux << ouvriers travaillant pour leur propre compte ou exerçant chez eux un métier quelconque pour le compte de fabricants, chefs ou maîtres ouvriers. »

que ces faits ne peuvent rentrer dans la juridiction des prud'hommes qui, aux termes du décret législatif, en date du 11 juin 1809 (art. 10), ne peuvent connaître que des contestations relatives aux conventions dont l'industrie spéciale des parties aura été l'objet, ni dans celle des juges de paix que la loi de 1838 (art. 5, no 9) ne rend juges que des contesta

tions relatives aux engagements respectifs des maîtres et des ouvriers.» Douai, 15 octobre 1843 (Dalloz, Comp. civ. des tribunaux de paix, sub no 172).

La compétence exceptionnelle de l'art. 7, n° 4, a pour but d'amener la prompte décision des débats qui surgissent entre les patrons et les ouvriers, mais seulement à raison des rapports particuliers de subordination qui existent entre eux. Si la réclamation dirigée par le maître contre son ouvrier, ou par celui-ci contre son maître, ne se borne plus à une simple réclamation de salaire ou à une demande d'exécution d'engagements, le procès perd son caractère d'urgence, et en même temps son caractère de simplicité. Quelle raison existerait, dans cette hypothèse, pour donner au juge de paix une compétence exceptionnelle?

Le mot engagement doit donc être compris dans le sens restrictif d'engagement contracté à raison des rapports de maître à homme de travail. V., infra, nos 330, 331 et 332, ce que nous disons de la compétence, lorsqu'il s'agit des relations du maître avec son domestique. 310. Il n'y a pas non plus de motif pour attribuer au juge de paix la connaissance d'une réclamation faite par un homme de travail, à raison d'un ouvrage exécuté par lui, lorsque cette réclamation est dirigée contre une personne autre que son maître.

L'art. 7, n° 4, parle des engagements respectifs des mares et gens de travail. Ces expressions sont restrictives. L'action dirigée contre une autre personne que le maître n'est plus de la compétence du juge de paix lorsqu'elle dépasse 200 fr.

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le juge de paix, en se basant sur l'art. 7, no 4. Les héritiers représentent la personne du défunt, et répondent de ses dettes par cela seul qu'ils sont héritiers. De plus, l'art. 7, n° 4, donne compétence au juge de paix pour le payement des salaires, et l'exécution des engagements. Du moment que ce payement ou cette exécution peut être exigée, on ne peut refuser compétence au juge de paix.

Nous devons dire de même que c'est devant le juge de paix que le maître pourrait, en se basant sur l'art. 870 du code civil, assigner les héritiers de l'ouvrier prédécédé. Cette contestation rentrerait dans les termes de l'art. 7, no 4, de la loi de 1841.

310 bis. Nous savons maintenant dans quel cas l'art. 7, n° 4, est applicable aux gens de travail.

Mais avant de terminer sur ce point, faisons remarquer que la compétence quant au lieu d'assignation diffère ici de la règle ordinaire.

En général en matière personnelle le lieu d'assignation se règle d'après le domicile du défendeur. Tel est le principe de l'art. 2 du code de procédure civile.

Mais lorsqu'il s'agit d'ouvriers appartenant à des manufactures ou ateliers, il en est tout autrement.

C'est la loi du 22 germinal an xi qui établit pour ce cas une compétence exceptionnelle. Nous voyons, à l'art. 19, titre V de cette loi, que toutes les affaires de simple police entre. les ouvriers et apprentis, les manufacturiers, fabricants et artisans, seront portées, à Paris devant le préfet de police, devant les commisLa cour de cassation de France s'est pro- saires généraux de police dans les villes où il y noncée en ce sens dans son arrêt du 7 juinen a d'établis, et dans les autres lieux devant le 1848 (Pas., 1848, 1, p. 477). «Attendu, porte maire ou un des adjoints... cet arrêt, que le mot engagement a dans la loi «Les autres contestations, dit l'art. 20, sedu 25 mai 1838, art. 5, no 3, un sens précis et ront portées devant les tribunaux auxquels la limité; qu'il suppose que l'ouvrier a reçu une connaissance en est attribuée par les lois. » commande et qu'il a travaillé pour quelqu'un La juridiction administrative dont parle l'arqui a loué son travail et l'a employé par suite ticle 19 n'était donc établie que pour les afd'une convention; que, dans l'espèce, la de-faires de police et non pour les contestations manderesse (en cassation) n'a pas employé les ouvriers, qu'elle n'a fait avec eux aucun traité et qu'elle ne serait aucunement tenue de leur salaire si leur ouvrage n'avait tourné à son profit; que c'est, dès lors, par l'action de in rem verso seule, et non par une action dérivant d'une commande, qu'elle a été poursuivie et assignée; qu'une telle action rentre dans le droit commun, et qu'on ne saurait aucunement invoquer la loi du 25 mai 1838 pour la soumettre à la compétence du juge de paix. »

Nous remarquons que cet arrêt ne parle que de l'action de in rem verso dirigée contre la femme du maître décédé, action indépendante de tout engagement.

Mais si le payement des salaires ou l'exécution des engagements du maître décédé se poursuivait contre ses héritiers, il n'y aurait plus aucune raison pour ne pas les réclamer devant

civiles entre maîtres et ouvriers. Nous savons du reste que cette juridiction administrative a disparu en Belgique. (Supra, no 305.)

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Mais ce qui subsiste, c'est l'art. 21 qui termine le titre V: En quelque lieu que réside l'ouvrier, la juridiction sera déterminée par le lieu de la situation des manufactures cu ateliers dans lesquels l'ouvrier aura pris du travail. »

De cette disposition il résulte que c'est, non plus le lieu du domicile du défendeur, mais celui de la situation de la manufacture ou de l'atelier, qui détermine la compétence du juge, peu importe que la contestation puisse être rangée dans des matières de police, ou dans les matières civiles. L'art. 21 se rapporte tout à la fois à l'art. 19 et à l'art. 20 qui le précèdent.

Un arrêt de la cour de cassation de France, en déclarant que les parents de l'apprenti ne

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peuvent être assignés devant le juge de la situation de la fabrique, ne se prononce aucunement sur la question de savoir où l'apprenti lui-même devrait être assigné. 22 décembre 1835 (S.-D., 36, 1, 23, infra, no 347). Bien que l'apprenti ne soit pas un homme de travail, aux termes de l'art. 9 de la loi du 24 août 1790, ce que l'arrêt du 22 décembre 1835 a décidé et ce que nous admettons nous-même (supra, no 301), il nous paraît certain que, quant au lieu d'assignation, l'apprenti doit être considéré comme un ouvrier, et qu'ainsi il faut lui appliquer l'art. 21 de la loi du 22 germinal

an XI.

Il n'importe pas davantage, à notre avis, qu'il s'agisse d'un ouvrier proprement dit, ou bien d'un artisan. L'art. 21 emploie le mot ouvrier comme terme générique, mais cette dénomination s'applique, dans la pensée du législateur, aux diverses personnes de la même classe qui sont mentionnées à l'art. 19, c'est-à-dire aux ouvriers, aux apprentis et aux artisans. D'autre part, l'art. 15 de la même loi comprenant aussi parmi les ouvriers les contre-maîtres ou conducleurs des autres ouvriers, nous pensons que ces diverses personnes devraient de même être assignées au lieu de la situation des manufactures ou ateliers, conformément à l'art. 21 de la loi de germinal.

311. Nous avons examiné le sens de l'art. 7, no4, de la loi de 1841, en ce qui concerne les demandes en payement de salaires faites par des gens de travail, et les demandes d'exécution d'engagements dirigées soit par un maître contre son ouvrier, soit par ce dernier contre son patron.

Continuons l'analyse de notre disposition. Elle attribue au juge de paix jusqu'à la valeur de 100 fr. sans appel, et à charge d'appel, à l'infini, les demandes ayant pour objet le payement des gages des domestiques, et celles concernant l'exécution des engagements respectifs des maîtres et de leurs domestiques.

312. La première question qui se présente est celle-ci :

Que faut-il entendre par gages des domestiques?

La question de savoir quel sens il convient d'assigner au mot domestiques dans la loi de 1841 peut soulever un doute sérieux.

La discussion de la loi belge ne nous fournit aucune lumière sur ce point.

La loi française de 1838 attribue aux juges de paix les contestations relatives aux engagements des maîtres ou domestiques ou gens de service à gage, ajoutant ainsi quelques mots à ceux de la loi de 1790. Mais le rapport de M. Amilhau à la chambre des députés (séance du 6 avril 1838) prend soin de restreindre la généralité apparente de ces expressions.

cette préoccupation qui confondait dans la classe des domestiques ou gens de service les secrétaires, les précepteurs, les bibliothécaires et les commis; mais il n'y a rien de comparable dans ces situations et dans celles qui tiennent au service proprement dit. Les commis reçoivent, presque toujours, un traitement qui excède la compétence des juges de paix; ces procès se compliquent souvent de redditions de comptes et de prétentions à une part dans les bénéfices. C'est le peu d'intérêt d'une affaire ou l'impossibilité de certains justiciables de parer aux frais, qui ont déterminé à fixer la juridiction; on ne retrouve ici aucun des motifs, et, par suite, il n'y a pas lieu d'adopter la proposition.

De ce langage, il résulte que, dans l'opinion du rapporteur à la chambre française, l'adjonction des mots gens de servicé à gages, à ceux de domestiques qui se trouvaient dans la loi de 1790, ne devait avoir d'autre effet que de compléter une expression, mais sans rien changer au sens qu'on devait lui attribuer.

Ce qui confirme encore cette manière de voir, c'est le rejet par la chambre des pairs d'uu amendement qui étendait la juridiction des juges de paix aux contestations entre les maîtres et les commis. Dalloz (Répert., v° Comp. civile des tribunaux de paix, n° 158) rapporte la discussion fort significative qui a eu lieu à cet égard.

Ainsi, sous l'empire de la loi française, les mots gens de service à gages ne désignent pas toutes les personnes qui reçoivent des appointements, mais seulement les gens qui font un service de domesticité, un service principalement manuel, et, pour ce, reçoivent des gages.

Telle est l'interprétation que Foucher, Commentaire sur la loi de 1838, no 218; Benech, n° 191; Augier, Encyclop. des juges de paix, t. 2, p. 378; Dalloz, Rép., v° Compétence civile des juges de paix, no 157, et Jay, Dictionnaire des justices de paix, Paris, 1859 donnent aux mots gens de service à gages dans la loi de 1838.

Carou, Juridiction des juges de paix, t. I, nos 337 et suiv., et Curasson, Comp. des juges de paix, t. 1, p. 541, adoptent une opinion contraire en se fondant sur la généralité des mots gens de service à gages introduits dans la loi à la suite du mot domestique. D'après ces derniers auteurs, ce ne sont pas seulement les domestiques proprement dits, et les gens qui font un service manuel, soit dans la maison, soit dans les champs, qui sont réputés tomber sous l'application de l'article 5, no 3; les commis, les élèves de notaire, les clercs d'huissier, les portiers, etc., doivent être rangés dans la même catégorie que les premiers.

On s'est demandé, dit ce rapport, si les Il nous paraît difficile de trouver dans l'adcontestations entre les commis et ceux qui les jonction des mots, gens de service à gages, l'inemploient devaient être déférées à la compétention d'étendre la compétence du juge de tence des juges de paix. Ce système tenait à paix aux commis et autres personnes de la même

catégorie. Le rapport d'Amilhau marque une intention toute contraire, contre laquelle ne peut prévaloir le sens assez vague des quelques mots nouveaux insérés dans la loi.

313. Ainsi la véritable question qui subsiste, sous la loi française comme sous la loi belge, est celle de savoir quel est le sens précis du mot domestiques.

Les uns interprètent ce mot d'après le sens vulgaire qu'on y attache. D'après eux, il sert à désigner les personnes dont les fonctions sont d'une nature peu relevée, et qui se livrent à des travaux particulièrement manuels.

Les autres donnent au mot domestique un sens beaucoup plus général. Ils l'appliquent à tous ceux qui sont au service d'autrui, alors même que les services rendus par eux sont d'une nature relevée, et nécessitent un travail d'intelligence.

Voici comment Heurion de Pansey s'exprime dans le sens de cette dernière opinion:

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A la première classe appartiennent les bibliothécaires, les précepteurs, les secrétaires, les intendants de maison. Le sieur Raudot, intendant des classes de la marine, ayant fait par son testament des legs à ses domestiques en général, et sans en désigner aucun, s'est élevée la question de savoir si un prêtre bibliothécaire du testateur, avec 300 livres de gages, devait être compris dans le nombre des domestiques, et comme tel avoir part aux legs. Par arrêt du 12 mai 1739, le parlement de Paris a jugé que le bibliothécaire partagerait les legs avec les autres domestiques.

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Dans la seconde classe sont compris tous ceux que l'on nomme valets, serviteurs, servantes, et désignés dans les lois sous la dénomination de serviteurs-domestiques.

Ces derniers sont encore de deux sortes: ceux qui ne sont attachés qu'à la personne du maître, tels que les cuisiniers, valets de chambre et laquais; et ceux qui sont principalement occupés aux travaux de la campagne. (Comp. des juges de paix, ch. XXX.)

314. La question de savoir quel sens il convient de donner au mot domestique se présente non-seulement à propos de la loi sur la compétence, mais encore à l'occasion de certaines dispositions du code civil, du code de procédure et du code pénal.

Ainsi l'art. 1023 du code civil déclare que le legs fait au créancier ne sera pas censé en compensation de sa créance, ni le legs fait au domestique en compensation de ses gages.

Dans son art. 1384, le code civil impose aux maîtres et commettants la responsabilité du

dommage causé par leurs domestiques et préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés.

En parlant du louage des domestiques et ouvriers, l'art. 1781 du code civil dispose: Le maitre est cru sur son affirmation pour la quotité des gages; pour le payement du salaire de l'année échue; et pour les à-compte donnés pour l'année courante. »

L'art. 2272 du code civil dispose que l'action des domestiques qui se louent à l'année pour le payement de leur salaire est l'une de celles qui se prescrivent par un an.

Le code de procédure civile, de son côté, déclare que des reproches pourront être dirigés contre les serviteurs et domestiques (art. 283, voir aussi, même code, art. 35, 39 et suiv., et 262).

D'autre part, en parlant des procédures relatives à l'ouverture d'une succession (liv. II, tit. Ier), le même code donne aux serviteurs et domestiques le droit de requérir l'apposition des scellés, mais seulement en cas d'absence, soit du conjoint, soit des héritiers ou de l'un d'eux. Les personnes qui demeureraient avec le défunt ont le même droit de réquisition (art. 909, n° 3, code proc. civ.).

Enfin le code pénal (art. 386, no 3) punit le vol de la reclusion, si le voleur est un domestique ou un homme de service à gages, même lorsqu'il aura commis le vol envers des personnes qu'il ne servait pas, mais qui se trouvaient soit dans la maison de son maître, soit dans celle où il l'accompagnait; ou, si c'est un ouvrier, compagnon ou apprenti, dans la maison, l'atelier ou le magasin de son maître, ou un individu travaillant habituellement dans l'habitation où il aura volé.

315. Quel est le caractère de ces différentes dispositions?

Le cadre de notre ouvrage ne nous permet pas de le rechercher. Remarquons cependant qu'elles sont loin d'avoir une portée identique.

Dans son art. 1023 le législateur civil ne fait autre chose que donner une règle pour l'interprétation des testaments, règle qui n'a rien de restrictif, ni rien d'absolu. L'art. 1023 est tout simplement une application de cette règle, déjà en vigueur sous le droit romain, que la faveur est due au légataire. Voy. L. 12,et 24, Dig., de rebus dubiis (34, 5); L. 10 Dig., de inofficioso testamento (5, 2). Un arrêt de Paris du 18 juillet 1809 (Sir.-Devill., 10, 2, 78) et un autre arrêt de Bordeaux du 10 juin 1838 (Id., 33, 2, 504) établissent la même doctrine.

Dans l'art. 1384, l'idée de généraliser la responsabilité du maître se trouve exprimée par le mot préposé ajouté au mot domestique. Peu importe donc le sens strict de cette dernière expression. La responsabilité n'est limitée que par l'étendue et la nature des fonctions auxquelles le domestique était employé. Merlin, Répert., vo Délit, § 9; Duranton, t. 13, 724; Toullier, t. 11, 286 et suiv.; Zachariæ, t. 2,

p. 96 et 97. V. aussi la jurisprudence belge et française aux tables de la Pasicrisie, vo Responsabilité et dommages-intérêts.

Nous retrouvons la même idée de généralisation dans les termes de l'art. 386, no 3, du code pénal. Le sens précis du mot domestique n'est guère important à déterminer, puisque le crime, pour être punissable aux termes de l'art. 386, n° 3, doit simplement avoir été commis par un individu travaillant habituellement dans la maison où il a volé », et ce alors même qu'il ne serait pas domestique.

Nous pouvons renvoyer sur ce point à Merlin, Répert., vo Vol, sect. 2, § 3: à Chauveau et Hélie, t. 7, p. 14 et suiv., ainsi qu'à la trèsnombreuse jurisprudence consignée aux tables des Pasicrisies française et belge, vo Vol domeslique.

Elle est combattue à tort, selon nous, par Duranton, t. 17, no 227 (note), et par Delvincourt, t. 3, p. 221.

La jurisprudence est divisée sur la question. La cour de Rouen a jugé, en adoptant l'opinion de Duranton, que le directeur ou facteur d'un établissement pour compte d'autrui est compris dans la catégorie des domestiques ou hommes de service à gages, quant aux difficultés relatives à ses appointements ou salaires. Dès lors, le maître doit en être cru sur son affirmation touchant la nature et les conditions de ces appointements ou salaires, Rouen, 10 juillet 1843 (Pas., 1844, 2, 34).

La cour de Bruxelles a adopté l'opinion contraire, en déclarant l'art. 1781 inapplicable à celui qui est constitué à l'effet de percevoir les droits de barrières au salaire d'un franc par Quant à l'art. 908, no 3, du code de procé-jour. L'art. 1781 est spécial et limitatif, d'après dure, qui accorde aux domestiques la permission cet arrêt. Bruxelles, 22 août 1820 (Pas., 1820, de faire apposer les scellés en certains cas, nous p. 206). pensons qu'on ne pourrait pas davantage le considérer comme restreint aux domestiques proprement dits. Il n'existe pas de raison pour empêcher une personne d'une condition supérieure de requérir l'apposition des scellés, et les mots domestiques et serviteurs doivent être considérés comme énonciatifs. (V. infra, notre no 318.) Il suffit qu'une personne demeure avec le défunt pour avoir le droit de requérir l'apposition des scellés. La question de savoir la qualité précise de cette personne est donc le plus souvent oiseuse dans la pratique.

316. Il est au contraire d'autres articles de nos codes où le mot domestique est employé seul.

Cette dernière solution, que nous croyons conforme à la loi, se renforce nécessairement de toutes les raisons générales qui peuvent être invoquées pour déterminer le sens restrictif du mot domestiques. (V. infra, nos 317 et suiv.)

317. La question de savoir si l'art. 2272 est restrictif quand il parle des domestiques n'est plus guère controversée. Il nous paraît certain que le mot doit s'entendre uniquement des personnes louées pour des travaux matériels. Aux raisons que nous avons données en faveur de l'interprétation restrictive de l'art. 1781, il faut ajouter ici l'obligation de n'admettre une prescription tout exceptionnelle que lorsqu'elle est bien clairement exprimée par la loi. La doctrine et la jurisprudence s'accordent à admettre l'interprétation restrictive de l'arti

Dans ces dispositions, comment faut-il entendre l'expression? La solution de cette question, on le comprend, doit avoir sur l'interpré-cle 2272. Troplong, Prescription, t. 2, no 938 tation de l'art. 7, no 5, de la loi de 1841 une importance majeure.

Le sens du mot domestique, dans la section première du chapitre III, du Louage (art. 1781) nous paraît être nécessairement restrictif.

L'affirmation du maître est réputée suffisante pour établir en justice la quotité des gages, le payement du salaire de l'année échue, et les à compte donnés pour l'année courante.

Quelle est ici la pensée du législateur? Evidemment d'attribuer à la parole du maître une influence décisive, mais seulement quand celui-ci se trouve en présence de son domestique, c'est-à-dire d'une personne dont la condition et la position sociale ne peuvent pas donner au juge une confiance entière.

Cette raison de préférence accordée à la parole du maître sur l'allégation du domestique disparaît complétement lorsque la personne qui réclame en justice le payement de ses services appartient à une condition sociale égale à celle qu'occupe le maître lui-même.

Cette doctrine est approuvée par Troplong, du Louage, t. 3, nos 848 et 887, et par Marcadé, sur l'art. 1781.

et 975; Zachariæ, t. 3, p. 382, t. 1, p. 235, note 10 et 11 et t. 2, p. 16, note 6; Marcadé, sur l'art. 2272, 5o, et Vazeille, nos 741 et 756, se prononcent en faveur de cette opinion.

La cour de Liége a jugé la question le 22 jan vier 1824 (Pas., 24, 16), en décidant que l'article 2272 ne s'applique pas au facteur qui est chargé de la direction d'une usine.

Quant aux arrêts de Liége du 9 avril 1824, (Pas., 1825, p. 529) et du 2 juin 1826 (Pas., 26, 2, 185) et à l'arrêt de cassation de Liége du 3 mars 1825 (Pas., 25, p. 329) souvent cités comme consacrant la même doctrine, ils se rapportent, non pas à l'interprétation du mot domestique (art. 2272, c. civ.), mais à celle des mots ouvriers et gens de travail (art. 2271, c. civ.).

On peut aussi consulter sur ce point l'arrêt de Paris du 7 janvier 1824 (Pas., à sa date), et celui de la même cour du 14 janvier 1825 (S.-D. 25, 2, 342) (1).

318. Disons enfin quelques mots de la ques

(1) Remarquons que la question de savoir dans quel cas peut s'exercer le principe de l'art. 19 de la loi hypo

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