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sumé des moyens présentés contre la cassation. Dans le sens de l'arrêt de cassation, citons encore la Belgique judiciaire, du 16 janvier 1862 (p. 77 et suiv.).

370. Revenons maintenant à la question que nous nous sommes posée plus haut: Le juge de paix, comme juge civil, est-il compétent pour prononcer des dommages-intérêts contre les auteurs des rixes et voies de fait, dans le sens du code de brumaire an iv; ou bien est-il compétent pour prononcer de pareils dommages-intérêts, quelle que soit la gravité des coups et blessures survenus dans des rixes, ou par suite de voies de fait?

Plusieurs opinions se sont fait jour sur cette question.

La première attribue au juge de paix le droit de prononcer sur tous dommages-intérêts chaque fois qu'il y a voie de fait, et elle comprend par ces mots les coups et blessures, mais seulement lorsqu'ils constituent un simple délit. Les coups qui auraient entraîné la mort, ou une incapacité de travail de plus de vingt jours, ne sont plus | des voies de fait dans le sens usuel du mot. Telle est l'opinion exprimée par Benech (Just. de paix, t. 1, p. 222). Elle trouve son appui dans plusieurs documents de la jurisprudence belge. Ainsi le tribunal de Tournai a jugé en ce sens le 13 avril 1844 (Belg. jud, t. 2, p. 812), et son jugement a été confirmé par la cour de Bruxelles le 20 juillet 1844 (Pas., 1850, 2, p. 261; Belg. jud., t. 5, p. 402). Le tribunal de Mons a adopté la même opinion dans un jugement du 13 avril 1844 (Belg. jud., t. 2, p. 812). Il en est de même du tribunal de Tongres dans deux jugements des 11 février et 25 juin 1851 (Belg. jud, t. 9, p. 328 et 1304) et du tribunal d'Arlon dans un jugement du 27 mai 1858 (Cloes et Bonjean, t. 7, p. 957). Le tribunal de Diekirch (grandduché de Luxembourg) se range au même avis le 13 juin 1851 (Belg. jud, t. 8, p. 747). V. aussi Carré (Comp. civ., t. 2, no 317, § 6), et Foucher, no 236.

Carou (t. 1, no 396) repousse l'opinion de Benech en ce qui concerne les voies de fait. Mais il estime cependant que, lorsqu'il s'agit de voies de fait commises dans des rixes, le juge de paix est toujours compétent pour prononcer sur les dommages-intérêts réclamés, quelle que soit d'ailleurs la gravité des coups portés et des blessures faites. D'après Carou, la loi a employé le mot rixes conjointement avec les termes voies de fait, parce qu'elle voulait conférer au juge de paix la connaissance des réparations pécuniaires en ce qui concerne toutes les rixes. La fréquence des rixes, leur peu de gravité d'ordinaire, l'utilité pour le juge de s'informer promptement des faits, telles sont les raisons qui ont fait attribuer au juge de paix, c'est-àdire au juge presque toujours le plus rapproché, la connaissance des actions en dommages intérêts qui s'élèvent à la suite des rixes. Les mêmes raisons ne se présentent pas en ce qui concerne les voies de fait prises dans le sens de

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coups et blessures. Il y a donc lieu de restreindre ce dernier terme à l'acception dans laquelle le code de brumaire an iv l'a entendu.

Une troisième opinion enfin repousse l'opinion de Benech et la distinction imaginée par Carou. Elle estime que, dans tous les cas, les termes rixes et voies de fait doivent s'entendre dans le sens de la loi de l'an iv. Cette opinion est la nôtre.

Et d'abord la distinction que fait Carou ne repose sur aucun fondement juridique Ni la loi des 16-24 août 1790, ni le code des délits et des peines de l'an iv, ne séparent les termes rixes et voies de fait. En vertu de quel principe pourrait-on déclarer que la loi de 1790 se rapporte au sens des termes voies de fait dans le code de l'aniv, mais ne se rapporte plus à ce code en ce qui concerne les rixes? Evidemment si la loi de 1790 doit être commentée à l'aide du code de l'an iv, elle doit l'être en comprenant comme ce code lui-même tous les termes qu'il emploie Or, il n'y a aucun doute que le mot rixe n'a d'autre sens dans le code de brumaire que celui de querelle dans laquelle des injures sont proférées, ou de légères violences exercées. Telle est d'ailleurs la signification que le mot rixe n'a pas cessé d'avoir en français, lorsqu'il est employé seul (1).

L'opinion de Carou étant écartée, quelles sont les raisons qui nous font repousser celle de Benech?

En premier lieu, le système préconisé par cet auteur a pour effet de donner au juge de paix un pouvoir véritablement illimité en ce qui concerne les dommages-intérêts pour tous délits commis à la suite de voies de fait, c'est-à-dire pour des cas extrêmement graves. Nous n'hésitons pas à dire qu'une telle compétence n'est pas en harmonie avec les modestes fonctions du juge de paix.

Comme le remarque un arrêt de la cour de Bruxelles, qui repousse la doctrine de Benech, s'il fallait prendre dans leur acception générale les mots voies de fait des articles des lois de 1790 et 1841, les juges de paix connaîtraient de tous les proces pour voies de fait, et, par conséquent, de litiges très-nombreux, souvent d'une solution fort difficile en droit ou en fait, quelquefois de haute importance sous le rapport de l'intérêt pécuniaire un tel résultat serait contraire aux vues du législateur sur la compétence et l'organisation des juges de paix; il répuguerait à la saine raison et aux garanties judiciaires que nos lois assurent aux citoyens ; en effet, dans ce système, un juge de paix se'rait compétent au sujet d'une demande de 100,000 fr., basée sur une voie de fait, sur le dommage causé par un assassinat, et il ne le serait pas au sujet d'une action ayant pour objet

(1) Dictionnaire de l'Académie, édit, de 1833 : Rixe, querelle entre deux ou plusieurs personnes, accompaguée d injures, de menaces et quelquefois de coups.

une réclamation de 201 francs à titre de répara- | rapporteur de la loi à la chambre des représention d'un dommage causé par négligence; dans tants, a déclaré que la législation de 1790 ne se ce système, un tribunal civil d'arrondissement trouvait modifiée en rien dans l'art. 7 de la loi déciderait en dernier ressort l'appel d'une sen- de 1841 (supra, no 151). M. de Haussy, rapportence de juge de paix, sur une prétention s'éle- teur au sénat, a tenu un langage analogue dans vant à 100,000 francs, tandis que, d'après la son rapport (Loi sur la Compétence, p. 146, règle écrite dans la loi, il ne peut juger qu'en séance du 12 décembre 1840). Et cependant, premier ressort toute action personnelle d'une dans le cours de la discussion, le même M. de valeur de plus de 2,000 francs. » Cour de Haussy revenait sur l'opinion exprimée dans son Bruxelles, 24 novembre 1847 (Pas., 1848, 2, rapport. Voici quel était son langage à propos p. 75.) de la suppression dans l'art. 7, 5o, des mots : actions pour lesquelles les parties ne se sont pas pourvues par la voie criminelle, suppression qui avait été réclamée par les Archives de droit et de législation.

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Mais le siége de la question se trouve dans le sens des termes voies de fait. Que signifient ces termes? Ils n'ont d'autre sens que celui d'actes de violence, et sont opposés aux termes voies de droit. Pris dans leur acception générale, les mots « Cette suppression, dit M. de Haussy à la fin voies de fait signifient donc des actes de violence de son argumentation, aurait encore un autre quelconques donnant lieu, soit à un procès inconvénient : c'est qu'elle ferait supposer, fort civil, soit à un procès correctionnel ou criminel. à tort, que toutes les actions dont s'occupe ce Il est incontestable que, dans la loi des paragraphe sont nécessairement de la compé16-24 août 1790, on n'a pu employer les mots tence des tribunaux de simple police; or, comme voies de fait avec l'intention de leur conserver nous l'avons déjà dit, il s'en faut de beaucoup cette signification générale. Et en effet, la gé-qu'il en soit ainsi. Très-souvent ces sortes d'acnéralité des termes voies de fait convient mal à une loi comme celle de 1790, qui, s'occupant de l'organisation judiciaire, s'attache à spécifier soigneusement les cas où le juge de paix se trouve compétent, et qui dans tous ses autres articles est un modèle de précision. D'ailleurs dans aucune autre loi nous ne trouvons les termes voies de fait destinés à désigner les coups et blessures. Si l'expression dans son sens gé- | néral est usitée dans le langage juridique, c'est par opposition à voies de droit. Mais l'expression n'a cependant passé dans aucun texte de loi avec ce même sens général, et la raison en est toute simple. On n'a pas voulu ouvrir la porte à l'arbitraire, en se servant d'une expression sans signification restreinte et précise.

Enfin ce qui vient fixer d'une manière bien nette le sens des termes rixes et voies de fait, c'est la manière dont les lois pénales s'en sont servies, et la portée qu'elles leur ont attribuée. A cet égard, nous avons vu plus haut (no 369) que le code de brumaire an iv a désigné par ces mots, des querelles, des violences légères qui peuvent exister, sans qu'aucun crime ou délit prévu par le code pénal ait été commis. Le décret des 19-22 juillet 1791 sur l'organisation d'une police municipale et correctionnelle renvoie devant la police municipale les auteurs des voies de fait ou violences légères. Les termes violences légères donnés comme synonyme de voies de fait, le juge même qui doit connaître de ces violences indiquent le peu d'importance qu'elles ont. Ces lois de 1791 et de l'an iv qui, par la date de leur publication, remontent à l'époque de celle des 16-24 août 1790, nous montrent clairement comment il faut entendre les termes rixes et voies de fait dans cette dernière loi.

371. Le sens des mots rixes et voies de fait a-t-il changé depuis notre loi de 1841?

Il n'y a aucune raison de le croire. M. Liedts,

tions doivent être portées devant les tribunaux correctionnels, par exemple, en matières d'injures verbales, si elles ont été proférées dans des lieux publics, et en matière de rixes et voies de fait, s'il y a lieu à prononcer une peine de plus de cinq jours d'emprisonnement. » (Loi sur la Compétence, p. 191.)

Si l'opinion de M. de Haussy avait passé dans la loi de 1841, nul doute que le sens des mots rixes et voies de fait aurait été étendu tout au moins dans la limite de l'opinion de Benech, c'est-à-dire aux coups et blessures dont connaît le tribunal correctionnel. Mais, en l'absence de toute disposition en ce sens, il faut nous en tenir à la déclaration des rapports, et regarder l'opinion personnelle de M. de Haussy comme impuissante à changer la loi de 1790, dont nous nous sommes attaché à préciser le sens.

372. L'opinion que nous venons de défendre reçoit dans la doctrine l'appui de Curasson (t. 1, p. 636), d'Henrion de Pansey (1) (ch. 19, p. 114) de Dalloz (Répert., vo Compét. civ. des tribunaux de paix, uo 197), et de Cloes (Commentaire, n° 87, p. 111). Elle est consacrée par une nombreuse jurisprudence belge et française.

On peut citer en ce sens les arrêts de la cour de Liége des 2 mars 1824, 14 février 1855 et 11 juin 1859 (Pas., 1824, p. 56; Cloes et Boujean, t. 3, p. 1032; Pas., 1859, p. 381. V. aussi ce dernier arrêt, Cloes et Bonjean, t. 8, p. 139 et Belg. jud., t. 18, p. 1332 avec les notes qui l'accompagnent dans ces divers recueils). La cour de Bruxelles, par un arrêt longuement motivé du 24 novembre 1847 (Pas., 1848, 2, 75; Belg. jud, t. 6, p. 41), revient sur sa jurisprudence antérieure, et décide, contrairement à son

(1) Dans une note de la Pasicrisie, 1824, p. 56, cet auteur est indiqué erronément comme étant d'opinion contraire.

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nécessaire de la réfuter ici, parce qu'elle a été faite dans un recueil assez répandu, et qui jouit d'une juste considération.

arrêt du 20 juillet 1844 (Pas., 1850, 2, 261), que les juges de paix sont incompétents quant à l'action en dommages-intérêts basée sur des coups et blessures. Les jugements des tribunaux de Turnhout du 23 janvier 1851 (Cloes et Bonjean, t. 1, p. 22; Belg. jud., t. 10, p. 1344), et de Huy du 16 mars 1853. (Belg. jud., t. 12, p. 714, avec une discussion intéressante), adoptent la même opinion. Divers arrêts français, ceux de la cour de Nancy des 4 avril 1840, 6 août 1842, 13 juin 1846 (Dalloz, v° Compét. civ. des tribunaux de paix, sub no 197; Dalloz, périodique, 1847, quatrième partie, p. 95), et l'arrêt de la cour de Limoges du 26 août 1842 (Dalloz, périodique, 1846, deuxième partie, p. 143) adoption du dommage causé. Il est facultatif à la tent le même principe.

Remarquons que la jurisprudence comme la doctrine française ont dans cette question la inême force après la loi de 1838 que sous l'empire de la loi de 1790. L'art. 5, no 5, de la loi du 25 mai 1838, qui modifie profondément la loi de 1790 pour ce qui touche aux injures, ne change rien à la législation antérieure quant aux rixes et voies de fait (supra, no 353).

373. Il est à peine nécessaire d'ajouter que les actions pour rixes et voies de fait sont de la compétence des juges de paix jusqu'à concurrence de 200 fr., en vertu de l'art. 1er de la loi de 1841, alors même qu'elles ont engendré des blessures. Ce sont, en effet des actions personnelles et mobilières, puisqu'elles constituent des demandes de sommes d'argent contre une personne, à raison du fait qu'elle a posé.

374. L'art. 7, no 5, restreint la compétence du juge de paix aux actions pour lesquelles les parties ne se sont pas pourvues par la voie criminelle. Cette dernière partie de la disposition avait été déclarée inutile.

M. de Haussy répondit à cette critique, en déterminant du même coup le caractère du dernier paragraphe de l'art. 7: Les éditeurs des Archives de droit et de législation, dit M. de Haussy au sénat, qui ont inséré dans leur recueil le rapport de votre commission sur la loi de compétence civile, ont accompagné cet article d'une observation critique qui tendrait à faire supprimer les mots du dernier paragraphe pour lesquelles les parties ne se sont pas pourvues par la voie criminelle. Suivant eux, cette exception, qui était nécessaire sous la loi du 24 août 1790, parce qu'à cette époque la simple police n'était pas encore confiée aux juges de paix, serait devenue inutile depuis que cette attribution leur a été conférée par le code des délits et des peines du 3 brumaire an iv, et ensuite par le code d'instruction criminelle et le code pénal qui leur donnent la connaissance des contraventions mentionnées dans ce paragraphe.

Je pense, messieurs, que cette observation est complétement erronée, et il m'a paru

(1) L. sur la compétence, p. 190.

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Non-seulement le maintien des mots que l'on veut supprimer est nécessaire, mais cette suppression altérerait même le caractère de la loi et entrainerait de graves inconvénients. ( En effet, la loi dont nous nous occupons n'a d'autre but que de régler et d'étendre la compétence en matière civile, sans toucher en rien à nos lois de compétence en matière criminelle. Or, tout délit, toute contravention engendre deux actions, l'action publique pour l'application des peines, l'action civile pour la répara

partie lésée de poursuivre sou action civile en même temps devant les mêmes juges que l'action publique, ou de la poursuivre séparément; et, dans ce cas, c'est devant les juges ordinaires qu'il doit porter cette action.

Le § 5 de l'art. 7 du projet de loi que nous discutons ne s'occupe que de l'action civile séparée de l'action publique; il suppose que la partie lésée par des délits y mentionnés se borne à réclamer devant la justice ordinaire la réparation du dommage qu'il a essuyé; dans ce cas, le juge de paix, comme juge civil, connaîtra de la demande jusqu'à la valeur de 100 francs sans appel, et à charge d'appel, à quelque valeur que la demande puisse monter.

Mais si la partie lésée, au contraire, veut se pourvoir, ainsi qu'elle en a le droit par la voie criminelle, afin de donner ouverture à l'action publique, alors la loi actuelle sera sans effet, et l'on rentrera sous l'application des dispositions du code d'instruction criminelle et du code pénal, c'est-à-dire que l'action devra être portée devant le juge de paix comme tribunal de simple police, ou devant le tribunal correctionnel, suivant que le fait incriminé constituera une contravention ou délit.

Car veuillez le remarquer, messieurs, les actions pour injures verbales, rixes et voies de fait, lorsqu'elles sont poursuivies par la voie criminelle, ne tombent pas toujours et nécessairement sous la juridiction des tribunaux de simple police; très-souvent, au contraire, elles rentrent sous la compétence des tribunaux correctionnels, suivant la nature et l'étendue des peines qui sont applicables; or, qu'il s'agisse d'un délit ou d'une contravention, l'action civile, lorsqu'elle sera formée séparément de l'action publique, devra toujours être portée devant le juge de paix dans les cas déterminés par ce paragraphe.

Si l'on supprimait les mots dont nous venons de parler, il en résulterait que le juge de paix, même comme juge de simple police, connaîtrait sans appel, jusqu'à la valeur de 100 fr., des actions pour injures verbales, rixes et voies de fait; or, ce serait abroger l'art. 172 du code d'instruction criminelle, qui autorise l'appel en matière de simple police, lorsque la peine d'emprisonnement est prononcée, ou lorsque les

DES JUSTICES DE PAIX. ART. 7, N° 5. amendes, restitutions ou autres réparations civiles | excèdent la somme de 5 fr. outre les dépens; et certes, il n'a été nullement dans l'intention de la législature d'abroger ou de modifier cet article.

même juge, en procédant constamment comme en matière civile;

Cette suppression aurait encore cet autre inconvénient c'est qu'elle ferait supposer, fort à tort, que toutes les actions dont s'occupe ce paragraphe sont nécessairement de la compétence des tribunaux de simple police; or, comme nous l'avons déjà dit, il s'en faut de beaucoup qu'il en soit ainsi. Très-souvent ces sortes d'actions doivent être portées devant les tribunaux correctionnels, par exemple en matières d'injures verbales, si elles ont été proférées dans des lieux publics, et en matière de rixes et voies de fait, s'il y a lieu à prononcer une peine de plus de cinq jours d'emprisonnement.

Je ne ferai plus qu'une seule observation, c'est qu'en France où les mêmes motifs, s'ils avaient été fondés, auraient pû entraîner la suppression de ces mots : pour lesquelles les parties | ne se sont pas pourvues par la voie criminelle, ils ont été formellement maintenus dans le dernier paragraphe de l'art. 5 de la loi du 25 mars 1838. D

M. de Haussy établissait ainsi parfaitement la démarcation entre le juge de paix comme juge civil, et le même magistrat comme juge pénal. Mais, comme nous l'avons déjà dit, il étendait outre mesure la portée des mots rixes et voies de fail (supra, no 371).

Le paragraphe final de l'art. 7, n° 5, n'est qu'une application de l'axiome de droit : Electa una via non datur recursus ad alteram.

375. Un principe incontestable qui découle de celui-ci, c'est l'incompétence absolue d'un juge de paix pour prononcer uniquement au point de vue civil, alors que l'assignation a été donnée devant lui comme juge pénal.

« Qu'il s'ensuit que le juge de paix était compétent, puisqu'il ne s'agissait que de réparation civile, et que l'appelant n'a demandé ni le sursis ni le renvoi de la cause;

Le tribunal déclare que le juge de paix a jugé compétemment, etc. »

Le tribunal de Liége part du point de vue que les termes de l'assignation présentaient du doute sur la question de savoir en quelle qualité le juge de paix avait été saisi. Il résout le doute en faveur de la qualité de juge civil, par suite de la manière dont les parties avaient procédé en justice. Ce jugement laisse parfaitement debout le principe que nous avons énoncé.

En fait, il décide que les termes de l'assignation étaient douteux, et que ce doute pouvait être éclairci par une circonstance particulière. Du doute le juge arrive ainsi à la certitude sur la portée des termes de l'assignation. Il dit donc en réalité que ce sont ces termes qui déterminent la qualité de juge civil ou de juge pénal, et que dans l'espèce le juge avait été saisi uniquement comme juge civil.

Quant à la question de savoir si le fait sur lequel s'appuie le tribunal de Liége était conforme à la vérité, M. Cloes affirme qu'il ne l'était pas. Mais en tous cas, l'appréciation du tribunal serait alors une mauvaise interprétation de l'assignation; il ne constituerait pas une atteinte au principe que nous avons posé, et à l'incapacité pour un juge pénal de statuer seulement sur des dommages-intérêts, en ne prononçant aucune peine.

376. Toutefois il n'est pas douteux que le juge de paix comme juge de police pourrait, en prononçant une peine, ajouter des dommagesintérêts au profit de la partie civile.

377. Un autre principe mentionné au code d'instruction criminelle est celui-ci :

Le magistrat devant lequel le demandeur a Tel est le principe formel de l'art. 3 du code assigné le défendeur ne peut pas se transformer d'instruction criminelle: L'action civile peut subitement de juge pénal en juge civil. Il im-être poursuivie en même temps et devant les porte peu à cet égard que, pour les mêmes mêmes juges que l'action publique. » faits, il ait une compétence pénale. La seule qualité dans laquelle le juge puisse se prononcer est celle de laquelle il a été saisi par la partie. Ces principes sont unanimement consacrés. Cass. de France, 2 thermidor an xi (S.-D., 7, 2, p. 845) et 1er avril 1813 (S.-D., 13, 1, p. 318), Carré, Droit français (t. 2, no 1748 et Lois de la Compétence, t. 2, p. 446 et 447) et Cloes (Commentaire, no 88).

Un jugement du tribunal de Liége, du 30 novembre 1826, vivement critiqué par M. Cloes, u'est pas contraire à ce principe:

Dans le droit, dit ce jugement, le juge de paix est-il compétent?

Considérant que si les conclusions contenues dans l'exploit introductif d'instance présentaient quelque doute sur la qualité dans laquelle le juge de paix a été saisi de la contestation par les parties, ce doute est levé par la marche que les parties ont suivie devant le

Lorsque l'action civile est intentée sans l'action publique, et que d'autre part l'action publique a pris naissance avant ou pendant la poursuite de l'action civile, l'exercice de cette dernière est suspendu jusqu'après la prononciation définitive sur l'action publique (art. 2, § 2, code inst. crim.).

Ainsi supposons une demande en dommagesintérêts pour injures verbales intentée contre X..., devant le juge de paix. D'autre part le commissaire de police poursuit X... pour injures, devant le même juge comme juge de police. Le juge de paix devra surseoir à statuer sur la demande de dommages-intérêts jusqu'après la solution pénale de la poursuite par le commissaire de police. Le même sursis devrait être admis dans le cas où l'action publique se poursuivrait devant le juge correctionnel, par exemple dans

le cas de calomnies verbales, action qui au civil doit être poursuivie devant le juge de paix (supra, nos 355 et 356).

378. L'art. 7, n° 5, ne donne compétence au juge de paix qu'à l'égard des actions pour lesquelles les parties ne se sont pas pourvues par la voie criminelle.

Mais ce principe ne doit s'entendre que du cas où la partie qui s'est pourvue par la voie criminelle persiste dans sa poursuite. Ainsi supposons que la partie poursuivante renonce à sa plainte, il n'y aura plus de raison pour lui interdire l'accès du juge civil. La plainte sera comme non avenue, et le juge pénal se trouvera dessaisi.

C'est ce que décident unanimement les auteurs. Merlin, Quest. de droit, vo Option, § 1, no 4; Curasson, t. 1, p. 479; Cloes, no 89.

Nous ne confondons pas ce cas avec celui de l'art. 3 du code d'instruction criminelle (supra, no 377), dans lequel l'action publique existe indépendamment de la plainte de la partie

lésée.

379. Du moment que la poursuite par voie criminelle n'a pas reçu de solution, la demande civile en dommages-intérêts peut se faire jour. Une seconde conséquence de ce principe est celle-ci : Si le juge de paix saisi par la plainte de la partie, s'est déclaré incompétent, rien ne fait obstacle à ce que la partie plaignante assigne civilement devant le même juge celui à qui elle

croit avoir à réclamer des dommages-intérêts par suite d'injures verbales, rixes et voies de fait. L'assignation devant un juge incompétent n'est pas la preuve du mal-fondé de la plainte. D'autre part le plaignant a cessé de poursuivre au point de vue pénal. C'est comme s'il n'avait pas demandé de répression pénale. La réparation civile peut avoir lieu alors, indépendamment de toute solution quant à la peine. (Dalloz, v° Comp. civ. des trib. de paix, n° 187.)

La partie plaignante se trouve dans la même position que si elle n'avait pas poursuivi par voie criminelle. Elle peut donc user du bénéfice de l'art. 7, no 5, de la loi de 1841.

380. Rien non plus ne ferait obstacle à ce que le juge de paix, après rejet de l'action pénale, fût appelé à statuer sur une action en dommages-intérêts ayant pour but non pas la réparation civile pour injures, rixes ou voies de fait, mais celle en réparation d'un préjudice causé indépendamment de tout fait rentrant dans les qualifications pénales.

Mais cette action ne serait de la compétence du juge de paix que jusqu'à 200 fr., par application de l'art. 1er de la loi de 1841. Elle n'aurait pas pour base, l'injure, la rixe ou la voie de fait, mais tout simplement un préjudice résultant du fait d'autrui (art. 1382 du code civil). Ce serait donc une action toute différente de la première.

ARTICLE 8.

La compétence, s'il s'agit d'une somme d'argent ou d'un objet appréciable d'après les mercuriales, sera déterminée par les conclusions du demandeur, et dans tous les autres cas, par l'évaluation qu'il sera tenu de donner, à peine de se voir refuser toute audience.

Le défendeur pourra se libérer en acquittant le prix de cette évaluation, sans préjudice aux interêts et aux dépens, s'il y a lieu.

SOMMAIRE.

381. Portée et utilité du principe de l'art. 8; obligation

d'évaluer le litige.

Rachat par le défendeur. —

la valeur du litige. Renvoi aux art. 15 et suiv.

382 Faculté accordée au défendeur par la même dispo- 388. Double importance de l'évaluation du litige. sition.

383. Tentatives infructueuses faites en France pour in

troduire dans la loi sur la compétence des juges
de paix une disposition exigeant l'évaluation du
litige.

389. Le juge de paix est-il compétent quand la citation porte une somme supérieure à sa compétence, mais que cette somme est réduite au taux de sa compétence par des conclusions postérieu

res

384. L'action produite reconventionnellement par le dé- 390. Quid dans le cas où le défendeur fait défaut? — Renfendeur doit-elle être évaluée comme l'action originaire ?

385. L'évaluation prescrite par l'article 8 et la faculté de rachat accordée au défendeur s'étendent-elles aux actions immobilières dont s'occupe l'article 9 de la loi ?

386. L'évaluation prescrite par l'art. 8 doit-elle être faite par l'exploit introductif d'instance, ou seulement par les conclusions?

387. L'obligation d'évaluer est commune à toutes les demandes. Exception à ce principe. — Fixation de

391.

voi à l'art. 14.

Inefficacité de la réduction de la demande primitive eu égard à l'admission de la preuve testimoniale. Art. 1343 du code civil.

392. Sanction de la loi à l'obligation d'évaluer. 393. A défaut d'évaluation par le demandeur, le défendeur peut-il faire lui-même l'évaluation?-Comparaison avec l'art. 18 de la loi de 1841. 394. Si, nonobstant l'absence d'évaluation, le juge de paix décide la contestation, y a-t-il lieu à appel? Que doit faire le juge d'appel? - Renvoi.

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