Page images
PDF
EPUB

458. Après avoir attribué les actions en bornage au juge de paix, l'art. 9 lui donne compétence pour celles relatives à la distance prescrite par la loi, les règlements particuliers et l'usage des lieux pour les plantations d'arbres et de haies, lorsque la propriété n'est pas contestée. » Enfin le dernier paragraphe de l'art. 9 ajoute à ces actions celles relatives aux constructions et travaux énoncés dans l'art. 674 du code civil, lorsque la propriété ou la mitoyenneté du mur ne sont pas contestées. Nous avons vu comment ces dispositions ont été ajoutées au projet du gouvernement (supra, nos 396 et 440).

Voici comment M. Liedts justifiait l'innovation. Après avoir exposé l'utilité de l'attribution au juge de paix des actions en bornage, dans lesquelles le magistrat en se transportant sur les lieux, et en se faisant au besoin assister d'un expert, peut finir la contestation à peu de frais, le rapport continue en ces termes: Il en est de même des actions résultant des art. 671 et 672 du code civil, c'est-à-dire de celles relatives à la distance prescrite par la loi, les règlements particuliers et l'usage des lieux pour les plantations d'arbres et de haies. Lorsque la propriété n'est pas mise en doute, ces actions ont si peu d'importance que très-souvent on sacrifiait le bon droit à la crainte d'une action judiciaire devant les tribunaux.

« Ces nouvelles attributions données au juge de paix constituent donc un véritable bienfait pour les propriétaires ruraux. Une innovation non moins utile consiste à attribuer au juge de paix la connaissance des actions relatives aux constructions et travaux énoncés dans l'art. 674 du code civil. L'intérêt des justiciables veut en effet que cette magistrature de famille ait le pouvoir d'aplanir, sans grands frais, les difficultés qui peuvent s'élever entre les voisins au sujet de ces constructions lorsque la mitoyenneté ou la propriété du mur ne sont pas contestés. »

Nous avons vu que la loi française de 1838 a adopté quant aux plantations et aux constructions une disposition qui a, pour ainsi dire, servi de modèle à celle de la loi belge (supra, n° 241).

459. Quelle est la portée de l'attribution au juge de paix des actions relatives aux plantations?

Le rapport de M. Liedts l'indique clairement. La compétence du juge de paix ne s'étend qu'aux contestations résultant de l'inobservation des art. 671 et 672 du code civil.

Il n'est permis, dit le premier de ces articles, de planter des arbres de haute tige qu'à la distance prescrite par les règlements particuliers actuellement existants ou par les usages constants et reconnus; et à défaut de règlements et d'usages; qu'à la distance de deux mètres de la ligne séparative des deux héritages pour les arbres à haute tige, et à la distance d'un demimètre pour les autres arbres et haies vives. L'art. 672 donne au voisin le droit d'exiger que

les arbres et les haies plantés à une moindre distance soient arrachés.

La défense de planter des arbres à une distance plus rapprochée que celle indiquée par l'article 671 trouve sa justification dans l'intérêt de l'agriculture. Il ne faut pas que des plantations faites contre le fonds voisin puissent nuire à ce fonds, soit par leur ombrage, soit par leurs racines. Le code permet donc de demander l'arrachement des arbres et des haies plantés à une distance moindre que celle exigée par l'art. 671. Indépendamment de ce droit, le code permet aussi au voisin de faire élaguer les branches qui s'avancent sur sa propriété, et de couper luimême les racines qui pénètrent dans son terrain (art. 672, §§ 2 et 3).

Quant au droit d'arrachement, il est complétement indépendant de tout tort actuel causé à la propriété voisine, et il peut s'exercer par cela seul que les distances prescrites pour les plantations n'ont pas été observées. La faculté donnée au propriétaire voisin de faire ordonner l'arrachement des arbres conformément à l'article 672 est l'exercice d'un droit existant sans qu'aucun préjudice ait été subi.

460. Sous l'empire de la loi de 1790, le propriétaire voisin ne pouvait recourir à la juridiction du juge de paix que dans le cas où l'action basée sur l'art. 671 réunissait les conditions de l'action possessoire.

Aujourd'hui peu importe que ces conditions viennent à manquer, la demande est toujours recevable devant le juge de paix. Il suffit pour établir la compétence de ce magistrat que l'article 671 du code civil ait été violé. De plus cette compétence cesse immédiatement si le droit de propriété est mis en contestation. Faisons observer que la compétence du juge de paix se restreint rigoureusement aux cas prévus par l'article 671. Toute autre action dirigée contre le propriétaire voisin ne serait recevable devant le juge de paix que dans les conditions ordinaires exigées par la loi. Ainsi certains usages locaux défendent d'ouvrir des fossés immédiatement contre la propriété du voisin. En admettant que ces usages aient force de loi, le juge de paix ne serait cependant pas compétent pour en ordonner l'application. Benech, p. 283, et Dalloz (v° Comp. civ. des trib. de paix, no 277) expriment cet avis. Nous avons vu dans quelles conditions l'action en élagage et celle en curage appartiennent à la juridiction du juge de paix (supra, nos 175 et suiv. sur l'art. 7, no 1). Nous n'avons donc plus à y revenir.

461. Examinons maintenant ce qu'il faut entendre par contestation de la propriété dans l'hypothèse prévue par l'art. 671?

La propriété est contestée si le voisin prétend que celui qui l'assigne n'est pas propriétaire du fonds au profit duquel existe la servitude. Ce point ne peut faire doute.

La propriété est aussi contestée si le voisin assigné pour ne pas avoir observé dans ses plantations la distance prescrite par la loi ou

les usages, répond en contestant la limite invoquée par son adversaire pour mesurer cette distance. Du moment que les voisins ne sont pas d'accord sur la ligne ́séparative de leurs héritages respectifs, l'action se complique d'une question de propriété et le juge de paix ne peut plus vider le litige. Quant aux divers cas où cette contestation se présente, nous renvoyons par analogie à ce que nous avons dit plus haut sur la contestation de propriété en matière de bornage (supra, nos 443 à 457).

Pour enlever compétence au juge de paix, la loi belge exige que ce soit la propriété même, qui soit contestée. La contestation sur le titre de propriété si elle n'entraînait pas celle la propriété, serait donc insuffisante. Sur ce point, la loi française diffère de la loi belge par son texte, mais non par le sens véritable qui lui appartient (supra, no 441).

462. Une controverse s'est élevée sur le point de savoir si le juge de paix cesse d'être compétent quand, à une action basée sur l'article 671 du code civil, le défendeur répond en soutenant avoir acquis par la prescription trentenaire le droit d'avoir des arbres plantés à une distance moindre que celle exigée par la loi.

Curasson soutient que dans ce cas il n'y a pas de motif pour enlever au juge de paix sa compétence.

En traitant de l'élagage, dit cet auteur, nous avons dit qu'il y aurait incompétence, si la question de prescription était élevée; mais il faut observer que, d'après le texte de l'art. 5, | no 1, de la loi, le juge de paix n'est compétent que dans le cas où les droits de propriété ou de SERVITUDE ne sont pas contestés, tandis que l'article 6 ne parle que de la contestation sur le droit de propriété ou les titres qui l'établissent. Cet article pe doit donc s'entendre que des contestations qui s'élèveraient sur la propriété même des fonds à délimiter, ou de ceux à l'égard desquels la distance pour les plantations doit être observée. Ainsi, à défaut de contestation sur la propriété de ces héritages, le juge de paix compétent pour connaître de la demande en arrachement de l'arbre planté à moindre distance, l'est également pour statuer sur toutes les exceptions qui peuvent y être opposées, et notamment sur celle que l'on prétendrait faire résulter de la prescription.» (Curasson, t. 2, p. 364, no 11.)

Cet argument, tiré du texte de la loi française, se reproduit avec la même force sous l'empire de la loi belge de 1841. L'art. 7, no 1, relatif à l'élagage, parle de contestation sur les droits de propriété et de SERVITUDE. L'art. 9, § 2, au contraire n'enlève compétence au juge de paix que quand le droit de propriété est contesté. L'opinion de Curasson est adoptée par Dalloz (Répert., v° Comp. civ. des trib. de paix, infra, no 471), par Delebecque (no 132), et par Cloes (no 148), dans leurs Commentaires sur la loi de 1841. Ce dernier auteur cepen

[ocr errors]

dant regrette l'anomalie qui, selon lui, existe entre l'article 7, n° 1, concernant l'élagage et l'art. 9, § 2, qui parle des distances relatives aux plantations. Il faut avouer, dit-il en appréciant la portée de ce dernier article, que l'on a étendu outre mesure, la compétence du juge de paix qui, par cette attribution, pourra connaître de la question de savoir si le défendeur a prescrit la servitude légale et négative imposée à son fonds. Cette exception étant réelle, comme toutes les actions relatives aux servitudes, ne devrait pas être de la compétence du juge de paix au pétitoire. On a donc lieu de s'étonner que le législateur n'ait pas obvié à cette inconséquence, car les mêmes raisons existent ici que dans l'action en élagage des arbres. » Mais Cloes n'hésite pas cependant à admettre l'opinion de Curasson. En se fondant sur le texte de la loi belge, il critique vivement un jugement du tribunal de Dinant du 18 janvier 1845 (Belg. jud., t. 3, p. 444), qui refusait compétence au juge de paix dans un cas où la prescription trentenaire avait été opposée à la demande d'arrachement.

La cour de cassation de France, par arrêt du 13 mars 1850 (Pas., 50, 1, 385) se rallie à l'opinion de Curasson.

Malgré ces autorités si respectables, cette opinion ne nous paraît pas pouvoir être admise.

Le seul argument qu'elle invoque est tiré du texte de l'art. 9 et de sa comparaison avec celui de l'art. 7, n° 1. Or, cet argument perd toute sa force devant un examen attentif des discus sions qui ont précédé la loi de 1841.

La partie de l'art. 7, n° 1, relative à l'élagage des arbres, a été introduite dans le cours de la discussion par un amendement de M. Metz. Le peu d'importance des contestations sur l'élagage était le motif allégué par l'auteur de l'amendement pour le faire passer dans la loi. A cette considération, M. Raikem en ajoutait une autre très-puissante. Il faisait remarquer que, d'après le projet, l'art. 9 attribuait au juge de paix la décision des contestations relatives à la plantation des arbres, et que l'action en élagage était une action de même espèce, mais bien moins importante. (V. supra, no 174.) Ces considérations triomphèrent devant la chambre, et les actions en élagage furent attribuées au juge de paix.

Que résulte-t-il de cette discussion?

En premier lieu, qu'il n'y a pas à tirer argument de la comparaison du texte de l'art. 9 avec celui de l'art. 7, no 1. La différence entre les deux textes s'explique par cette circonstance que l'action en élagage a été introduite sans préparation dans l'art. 7, n° 1, et que l'art. 9, au contraire, existait déjà dans le projet tel qu'il a passé dans la loi.

En second lieu, la discussion relative à l'attribution de l'action en élagage au juge de paix nous prouve que cette action ne lui a été abandonnée que comme corollaire de l'action rela

f

tive aux distances exigées pour les plantations. | tir; il soutient que pour ces arbres le droit de Si pour les actions en élagage le juge de paix jouir et de disposer de sa chose subsiste dans devient incompétent quand une question de toute sa liberté, qu'aucune prohibition n'en a servitude est soulevée, et c'est ce que déclare détaché la moindre portion; et de là il suit que expressément l'art. 7, n° 1, il est certain qu'il l'action n'a plus pour objet une action relative le sera de même dans le cas où une question de à des distances; elle ne soumet plus au juge la servitude sera soulevée à propos d'une contes-question de savoir si elles ont été conservées ou tation sur la distance à observer dans les plan- non; elle lui soumet une question de droit réel tations. Le législateur ne peut avoir voulu acquis à un immeuble sur un immeuble voisin et restreindre la compétence du juge dans le cas restreignant ainsi les droits du propriétaire de le moins important, en la laissant subsister au ce second immeuble; elle lui soumet en consécontraire pour celui qui a la plus grande impor-quence une véritable question de propriété, quoique née d'une servitude; elle sort des termes L'intention du législateur n'est donc pas dou-mêmes dans lesquels la compétence du juge de teuse d'après les discussions. Elle le devient | paix est établie; elle rentre par suite nécessai moins encore si l'on se pénètre du sens exact rement dans l'exception expresse jointe à cette des termes de l'art. 9. compétence dans l'exception de propriété contestée; elle explique comment ce mot propriété a suffi pour donner à cette exception toute l'étendue que nous y voyons, et tout en expliquant l'inutilité du mot servitude, elle explique pourquoi la loi a pu croire utile d'insérer ce mot dans la disposition analogue de l'art. 7; elle prouve qu'il n'y a rien à induire de la différence de rédaction des deux articles contre notre

tance.

[ocr errors]

dont parle l'art. 7, n'est pas définie en termes
qui la restreignent, comme celle dont parle l'ar-
ticle 9, à un simple fait antérieur du défendeur
qu'il s'agit de vérifier, à une question de dis-
tance, et la rendent étrangère à toute question
de droit mettant toujours la propriété en cou-
testation; elle est relative à l'élagage; ces termes,
dans lesquels elle est conçue, touchent directe-
ment à la chose d'autrui, non pour la lui enlever
et l'approprier au demandeur, mais pour en
modifier la libre disposition et ce dans l'intérêt
de la chose de celui-ci ; ils impliquent donc un
droit de servitude d'une chose à l'autre, et par
conséquent une exception de prescription, ou de
tout autre titre contraire à une servitude, aurait
pu paraître ne pas en changer la nature non
plus que l'enlever à la compétence des juges de
paix; de là l'utilité, sinon la nécessité d'ajouter
au mot propriété le mot servitude; de là aussi
l'impossibilité de rien induire de la rédaction
de cet article pour expliquer celle de l'art. 9. ›
(Pas., 52, 1, 404).

Comme le remarque, avec beaucoup de raison, M. le procureur général Leclercq dans un de ses remarquables réquisitoires: La loi ne qualifie pas l'action dont elle appelle ici les juges de paix à connaître, du titre d'action en maintenue ou en revendication de la servitude prévue par l'article 671 du code civil, ou bien du titre d'action tendante à l'enlèvement des arbres ou des haies plantés contraire-interprétation de l'art. 9; l'action, en effet, ment à cette servitude, ou aux distances prescrites par l'article qui l'établit; si elle s'était ainsi exprimée, l'exception de prescription, la prétention qu'aucune servitude n'est due, ne changerait pas l'objet du litige tel que l'action l'avait fixé dès l'origine; et la limite apportée à la compétence des juges de paix, si elle devait en exclure les questions de servitude, ne serait peut-être pas indiquée assez clairement par les mots propriété contestée; on pourrait répondre que l'action, telle qu'elle est dénommée par la loi, est en elle-même et de sa nature une action de servitude que ne dénature par conséquent pas la dénégation d'une servitude; mais Ja loi ne s'exprime pas ainsi; elle ne parle pas d'action en maintenue ou en revendication de servitude, ou ce qui revient au même, en enlèvement d'arbres; elle parle d'actions relatives à la distance prescrite pour les plantations et les haies; et ces mots indiquent un débat portant essentiellement sur un fait antérieur du défendeur, une action étrangère au droit; relative à la distance prescrite, ces mots signifient un débat dans lequel, d'une part, on prétend que la distance prescrite n'est pas observée, et d'autre part qu'elle l'est; or, est-ce là le débat que le juge doit vider par son jugement, lorsque à une action ainsi qualifiée par la loi le défendeur oppose un moyen de prescription? Il suffit de traduire cette exception par ses effets ou son but pour répondre celui qui se défend à l'aide d'un pareil moyen soutient que, soit que la distance requise ait été conservée par lui dans ses plantations, soit qu'elle ne l'ait pas été, l'action doit être écartée; il soutient que la servitude établie par la loi et dont peut résulter un débat sur les distances, n'existe pas à charge de sa propriété pour les arbres qu'on veut y assujet

[ocr errors]

Le juge de paix ne peut donc d'après l'art. 9 connaître d'une contestation sur le droit, et par conséquent il est incompétent pour statuer sur l'acquisition du droit de planter à une distance moindre que celle prévue par l'art. 671 du code civil.

Nous ne voyons d'ailleurs aucun motif sérieux pour restreindre les expressions contestation sur la propriété au cas où la propriété du terrain lui-même est contestée. La prescription tend à contester un des droits inhérents à la propriété du fonds, c'est-à-dire le droit d'empêcher des plantations à une distance moindre que celle prévue par le code civil. Il est certain dès lors que la propriété est contestée, sinon complétement, du moins dans une de ses parties essentielles.

Cette opinion a reçu l'approbation de plusieurs auteurs français. Elle est défendue par Massou (Commentaire de la loi de 1838, no 136) et par Bélime (Possession, no 213).

La jurisprudence belge l'a adoptée à plusieurs reprises. Nous avons cité plus haut le jugement du tribunal de Dinaut confirmatif d'une sentence du juge de paix de Rochefort, 28 janvier 1845 (Belg. jud., t. 3, p. 444). Le tribunal d'Anvers décide dans le même sens que l'art. 9 de la loi de 1841 est applicable à des plantations faites depuis moins de trente ans. Le tribunal déclare ainsi implicitement, que, après trente ans, l'exception de prescription vient changer la compétence du juge de paix. 28 février 1845 (Belg. jud., t. 4, p. 1456).

Par jugement en date du 27 janvier 1848, le tribunal de Huy adopte une opinion contraire. Mais la cour de Liége, par arrêt du 14 août 1850, réforme cette décision en se fondant sur ce que l'exception de prescription fait naître entre voisins une véritable contestation de propriété (Pas., 1851, 2, p. 100). L'arrêt de la cour de Liége, déféré à la censure de la cour suprême, fut maintenu par arrêt du 12 juillet 1851 rendu | sur les conclusions conformes de M. le procureur général Leclercq (Pas., 52, 1, 403; Belg. jud., t. 9, p. 443 et 998).

des travaux qui puissent nuire au fonds voisin, on est tenu d'observer les distances et de prendre les précautions exigées par les règlements et usages locaux. Si les distances et les précautions à observer ne sont pas indiquées dans la loi, comme pour les plantations (art. 671), c'est parce que la nature des travaux, celle du sol et la qualité des matériaux à portée des habitants sont si diverses, selon les différentes localités, que le législateur aurait eu beaucoup de peine à établir des règles fixes justificiables en raison. Tels sont les motifs allégués par Treilhard et Berlier pour justifier le défaut d'uniformité dans la règle formulée par l'article 674 (séance du conseil d'Etat du 4 brumaire an XII).

465. L'art. 674 n'a rien de limitatif. Ainsi toutes constructions ou travaux non mentionnés par cette disposition, et qui cependant seraient de nature à nuire à la propriété voisine, pourront donner lieu à des précautions indiquées par les règlements ou les usages. Au cas où ces précautions auraient été négligées, les tribunaux pourront les ordonner. Quels que soient les travaux faits sur un fonds, dit Zachariæ, quelles que soient les parties de l'héritage voisin qui en souffrent, les tribunaux sont toujours autorisés à prescrire l'emploi des précautions nécessaires pour empêcher la continuation 463. L'article 9 se termine par l'attribution du dommage qui serait la suite de ces travaux au juge de paix des actions relatives aux con- | (Dr. civ., t. 1, § 243). Duranton (t. 5, no 402); structions et travaux énoncés dans l'art. 674 du | Solon (Servitudes, nos 262 et s.); Demolombe code civil lorsque la propriété ou la mitoyenneté | (Servitudes, t. 1, no 520), pensent de même que du mur ne sont pas contestées. le sens de l'art. 674 n'est pas limitatif.

Nous avons vu (supra, no 458) comment M. le rapporteur de la commission spéciale justifiait l'innovation dont il s'agit.

Sous l'empire de la loi de 1790, les actions fondées sur l'art. 674 du code civil n'étaient de la compétence du juge de paix que quand elles étaient intentées au possessoire. La loi française de 1838, et après elle, la loi belge de 1841 ont étendu la compétence du juge de paix à ces demandes même au pétitoire, mais sous la réserve expresse que les droits de propriété et de servitude ne soient pas contestés.

464. Examinons d'abord rapidement quelle est la portée de l'art. 874 du code civil.

Cette disposition est ainsi conçue :

Celui qui fait creuser un puits ou une fosse d'aisances près d'un mur, mitoyen ou non; celui qui veut y construire cheminée ou âtre, forge, four ou fourneau; y adosser une étable; ou établir contre ce mur un magasin de sel ou amas de matières corrosives.

Est obligé à laisser la distance prescrite par les règlements et usages particuliers sur ces objets, ou à faire les ouvrages prescrits par les mêmes règlements et usages, pour éviter de nuire au voisin.▸

Cet article se justifie par cette règle, qu'on ne peut user de sa propriété que pour autant qu'on ne nuise pas à celle de son voisin. Ainsi chaque fois qu'on élève une construction de la nature de celles indiquées à l'art. 674, ou qu'on fait

[ocr errors][merged small]

Comme l'art. 9 de la loi de 1841 se borne à renvoyer à l'article du code civil, il faut en conclure que le juge de paix est compétent chaque fois qu'il s'agit d'une demande tendant à faire observer les distances ou à faire respecter les précautions exigées pour la conservation de la propriété voisine. Il importe peu que ces distances ou précautions ne soient pas ordonnées par des règlements ou par des usages précis. La sagesse du juge doit au besoin suppléer à l'absence de documents propres à établir des règles fixes.

Le tribunal de Huy a décidé en ce sens qu'une action en dommages-intérêts causés par l'établissement d'un amas de fumier et la construction d'une étable, occasionnant de l'humidité au mur et à la maison du voisin, est une action relative aux constructions et travaux énoncés dans l'art. 674 du code civil, dans le sens de l'art. 9 de la loi du 25 mars 1841. Le juge de paix est donc exclusivement compétent pour en connaître, quoique les dommages-intérêts réclamés excèdent 200 fr. et que le demandeur conclue à ce que le défendeur soit condamné à faire les travaux nécessaires pour faire disparaître la cause du dommage. — Tribunal de Huy, 40 juill. 1856 (Recueil de Cloes et Bonjean, t. 6, 136, et les observations publiées à la suite du jugement). La demande sur laquelle a statué le tribunal tendait : 1° à faire ordonner des précautions pour empêcher le dommage dans l'avenir; 2o à

obtenir une somme d'argent pour le dommage causé dans le passé par l'absence de précautions nécessaires.

Le tribunal décide que les travaux entrepris contre la propriété voisine étant nuisibles, il y a lieu d'ordonner certains travaux, pour garantir la propriété voisine. Le juge ne s'arrête donc pas à ce que les travaux n'étaient pas spécialement prévus par l'art. 674 du code civil. Il ne s'arrête pas davantage à ce qu'une demande de dommages-intérêts avait été jointe à l'action. Quant à ce dernier point, nous reviendrons plus loin sur la portée du jugement du tribunal de Huy. (Infra, no 467)

466. Remarquons que si la compétence du juge de paix ne se limite pas rigoureusement aux termes de l'art. 674, il faut cependant se garder de l'étendre à des cas où il s'agirait de travaux ne rentrant pas dans l'esprit de l'article 674. Ainsi, par exemple, les travaux faits dans un mur mitoyen exigent parfois l'interven- | tion de la justice (art. 662 du code civil) mais le tribunal civil sera compétent. Rien n'autorise à ⚫ attribuer par analogie au juge de paix la décision d'une action qui ne lui est pas donnée par la loi et a une nature toute différente de celle des actions de l'art. 674 du code civil.

C'est en ce sens que s'est prononcée la cour de Bastia par arrêt du 8 février 1840. Une che- | miuée avait été pratiquée dans l'épaisseur d'un mur mitoyen. On soutenait que la question de savoir si ce travail nuisait au voisin appartenait à la décision du juge de paix aux termes de l'article 6, 8, 3 de la loi de 1858. Le tribunal d'Ajaccio et, après lui, la cour de Bastia décident que l'action appartenait au tribunal ordinaire comme basée sur l'art. 662 du code civil et entraînait une décision quant à l'étendue des droits du propriétaire mitoyen. Dalloz, en citant l'arrêt, en approuve la doctrine (Répert., v° Comp. civ. des trib. de paix, n° 281).

467. L'action en dommages-intérêts, fondée sur l'inobservation de l'art. 674 du code civil et jointe à une demande basée sur cet article, rentre-t-elle dans la compétence du juge de paix, alors même qu'elle dépasse 200 fr., chiffre ordinaire de cette compétence?

L'affirmative ne nous semble pas douteuse. Les dommages-intérêts, accessoires de la demande principale, restent sans influence sur le ressort et constituent une demande connexe. Il serait d'ailleurs contraire au but de la loi de 1841, qui est la célérité et l'économie, de forcer un demandeur à saisir d'abord le juge de paix de l'action principale fondée sur l'art. 674, et à intenter ensuite pour le même objet une seconde action en dommages-intérêts devant le tribunal civil, dans le cas où la somme réclamée excèderait 200 fr. Une pareille exigence amènerait inévitablement le sacrifice des droits les plus légitimes à la crainte d'une double action devant des tribunaux différents. Telle est aussi l'opinion de Carou (Juridiction des juges de paix, t. 1, no 529); celle de Curasson (t. 2, p. 500); et

|

celle de Masson (Commentaire de la loi de 1838, n° 260) Cette opinion a, comme nous l'avons vu, été consacrée par un jugement du tribunal de Huy (supra, no 465).

Un jugement du tribunal de Bruxelles du 18 mars 1861 embrasse l'opinion contraire. Il refuse au juge de paix la faculté de se prononcer sur autre chose que sur l'observation de l'art. 674, et lui enlève le droit de statuer sur des dommages-intérêts.

Voici les raisons principales dont le tribunal de Bruxelles étaye son opinion: «Attendu qu'il suffit de comparer la rédaction de l'art. 9 précité avec les dispositions qui le précèdent, pour être convaincu que le législateur n'a voulu soumettre à la juridiction du juge de paix que les actions ayant directement pour objet l'observation des mesures prescrites par l'art. 674 du code civil, sans comprendre dans cette limite les actions en dommages-intérêts qui peuvent résulter de l'inobservation de ces mesures; Attendu, en effet, que si telle n'avait été l'intention du législateur, il aurait compris cette disposition dans la nomenclature des actions réservées au juge de paix par l'art. 7, nomenclature qui comprend toute la série d'actions en dommages intérêts qui rentrent dans la compétence du juge de paix et qui toutes ont pour objet des obligations de donner, tandis que dans l'art. 9 il ne s'agit que d'une série d'obligations de faire ou de ne pas faire, obligations qui n'ont et ne peuvent avoir rien de commun avec une somme d'argent déterminée d'où cette autre différence dans la rédaction des deux articles, que l'art. 7 commence par dire que le juge de paix connaît sans appel jusqu'à la valeur de 100 fr. et, à charge d'appel, à quelque valeur que la demande puisse monter, tandis que dans l'art. 9 il n'est point fait mention de la valeur, et qu'il n'y est point dit que le juge de paix serait encore compétent si la valeur du litige sortait de la limite ordinaire de ses attributions... 19 mars 1861 (Recueil de Cloes et Bonjean, t. 11, p. 253).

L'observation tirée des caractères différents de l'art. 7 et de l'art. 9 ne manque pas de justesse ; mais rien cependant n'autorise à croire que le législateur ait voulu exclure de la compétence du juge de paix tous les dommages-intérêts qui viennent à naître dans les cas prévus par l'article 9. Seulement dans ce cas les dommagesintérêts sont l'accessoire au lieu d'être le principal, comme dans le cas de l'art. 7, no 1.

Les considérations que nous avons exposées au commencement de ce numéro nous paraissent donc devoir prévaloir sur la théorie du tribunal de Bruxelles.

468. L'action en dommages-intérêts fondée sur l'inobservation de l'art. 674 du code civil est-elle de la compétence du juge de paix, alors même qu'elle se présente isolément?

Nous n'y voyons pas d'obstacle. L'art. 9, § 3, donne au juge de paix la reconnaissance des demandes relatives à l'art. 674. Une demande eu dommages-intérêts fondée sur l'inobservation de

« PreviousContinue »