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qui rejettent ces exceptions. La disposition du projet avec l'amendement de l'honorable M. de Behr me semble seule pouvoir conduire à ce but; le retranchement des mots jugement interlocutoire n'est pas possible; l'appel des jugements interlocutoires étant autorisé par une disposition formelle du code de procédure, du moment où vous permettez d'appeler de ces jugements, vous ne pouvez pas interdire d'appeler d'un jugement sur la compétence; il est évident, d'ailleurs, que quand on appelle d'un jugement interlocutoire, l'appel du jugement sur la compétence ne peut pas faire trainer l'affaire en longueur.

Maintenant est-il vrai que l'amendement de M. de Garcia peut conduire au but que nous nous proposons? Je ne le pense pas, messieurs; si cet amendement était adopté, on pourrait encore arriver au résultat que nous voulons éviter par l'art. 9 du projet, c'est-à-dire, faire traîner l'affaire à l'aide d'une exception d'incompétence et de l'appel.

En effet, d'après l'amendement de M. de Garcia, les juges de paix peuvent prononcer par un même jugement sur la compétence et sur le fond, mais seulement lorsque la matière est disposée à recevoir une décision définitive; mais quand il en est autrement, ils ne peuvent statuer sur le foud, et alors il faut continuer I instruction; mais alors le jugement sur la compétence pourra toujours être attaqué par l'appel, et celui qui aura opposé l'incompétence, aura ainsi un moyen sûr de suspendre l'instruction et de trainer l'allaire en longueur, en appelant du jugement sur la compétence; et même lorsque l'affaire sera susceptible de recevoir une décision définitive, s'il ne convient pas au défendeur de conclure au fond, s'il n'a d'autre but que de gagner du temps, il ne conclura pas au fond; dans ce cas le juge de paix statuera par défaut, et alors le défendeur appellera aussi du jugement sur la compétence, ce qui lui permet tra encore d'atteindre le but que nous voulons éviter par l'art. 9.

D'après ces considérations, je pense, messieurs, que l'art. 9, tel qu'il se trouve dans le projet et tel que M. de Behr propose de l'amender, peut seul nous conduire au résultat que nous voulons atteindre. » (L. sur la compétence, p. 83 à 86).

Nous avons vu (supra, no 480) que ces considérations furent accueillies par la chambre et que l'art. 10 fut voté avec l'amendement de M. de Bebr.

482. Revenons aux principes qui ont pris place dans l'art. 10. En résume le dernier paragraphe de cette disposition prévoit deux cas où l'appel sur la compétence est recevable: 1° celui où il intervient une décision définitive; 2° celui où il intervient un jugement interlocutoire. Afin de nous rendre un compte exact de la valeur de la loi, envisageons séparément ces deux hypothèses.

La décision définitive est celle qui se pro

nonce sur le fond de la contestation portée devant le juge de paix, et qui par conséquent met fin à cette contestation eu premier ressort.

Il y a aussi jugement définitif quand le juge décide une question préalable qui se présente à juger, ou bien condamne formellement, mais en laissant à fixer le chiffre de la condamnation.

Une première question se présente. Faut-il former appel du jugement sur la compétence conjointement avec l'appel sur la décision définitive, ou bien peut-on s'en dispenser?

(

Le texte du paragraphe 3 de l'art. 10 ne semble pas faire une obligation expresse de la jonction des deux appels dont nous parlons. Néanmoins, dit la loi, si le juge de paix s'est déclaré compétent, l'appel ne pourra être interjeté qu'après la décision définitive, ou qu'après un jugement interlocutoire et conjointement avec l'appel de ce jugement. D'après ce texte interprété judaïquement, l'obligation de faire appel conjointement avec un autre jugement paraît n'exister que pour le cas où cet autre jugement est un interlocutoire. Si la loi, pourrait-on dire, avait voulu établir la même obligation pour le cas de décision définitive, elle aurait dû nécessairement porter : « conjointement avec l'appel de ces jugements. » Or la loi se borne à exiger que l'appel du jugement sur la compétence soit interjeté après la décision définitive.

Cette opinion ne nous paraît pas susceptible d'être adoptée. Ici le texte de la loi est, à n'en pas douter, mal d'accord avec la portée véritable. La rédaction vicieuse du paragraphe 5 de l'art. 10, est une preuve certaine du danger de l'adoption de certains amendements dont le texte concorde mal avec celui de la disposition primitive.

Le projet de la commission spéciale de la chambre des représentants portait simplement (art. 9) que l'appel, quand le juge de paix s'était déclaré compétent, ne pourrait être interjeté

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qu'après un jugement interlocutoire ou définitif sur le fond. » Par l'amendement de M. de Behr, cette disposition fut convertie en celle qui forme aujourd'hui le paragraphe 3 de l'art. 10. Mais la pensée de l'auteur de l'amendement n'est pas un instant douteuse. M. de Behr a soin de dire que la modification qu'il veut introduire à l'article a pour but d'empêcher qu'on n'appelle du jugement de compétence sans appeler conjointement de la décision interlocutoire ou définitive. (V. supra, no 480.)

L'art. 10 fut adopté au sénat sans aucune observation (L. sur la compétence, p. 195). Toutefois le rapport de M. de Haussy s'exprime sur le sens du paragraphe 5 de cette disposition d'une manière qui concorde complétement avec les explications de M. de Behr.

Nous ferons observer, dit l'honorable rapporteur, qu'il a été introduit dans cet article un changement qui le rend plus complet et meilleur que celui de la loi française: Ce chan gement consiste à n'autoriser l'appel du jugement de compétence que conjointement avec

l'appel du jugement interlocutoire ou définitif; le défendeur ne peut interjeter appel du or, la loi française autorise l'appel du jugement jugement définitif qui ne lui a pas infligé grief. de compétence, même isolément, puisqu'elle Il ne peut davantage interjeter appel de la dén'exige pas qu'il soit interjeté en même temps cision sur compétence. La première condition que celui des jugements définitifs, et elle ne pour avoir droit à appel d'une décision judiparle pas des jugements interlocutoires, quoi- ciaire, c'est incontestablement d'y avoir intérêt qu'une disposition formelle de la loi autorise (Dalloz, v° Appel civil, nos 451 et 437). Le dél'appel séparé de ces jugements. fendeur ayant gagné son procès au fond n'a pas Votre commission se rallie donc entière-intérêt à faire décider conformément à son opiment à l'article 10 du projet qui vous est soumis. (Rapport au sénat, séance du 12 déc. 1840, L. sur la compétence, p. 150.)

En présence de ces observations si claires de l'auteur de l'amendement et du rapporteur de la loi au sénat, il nous semble impossible de nous laisser arrêter par le sens restrictif du texte de l'article. Il faut lire son dernier paragraphe comme s'il portait: L'appel ne pourra être interjeté qu'après la décision définitive ou qu'après un jugement interlocutoire, et conjointement avec l'appel de l'un de ces jugements. Quant au sens du mot conjointement, nous devons ajouter une dernière explication. L'expression employée dans l'art. 10, § 2, ne fait pas obstacle à ce que l'appel sur la compétence soit interjeté par un autre acte que celui qui contient l'appel au fond. C'est en ce sens que le mot conjointement a été pris dans l'art. 451 du code de procédure civile. Cet article ordonne que l'appel d'un jugement préparatoire ne soit interjeté qu'après et conjointement avec l'appel du jugeinent définitif. Mais cette prohibition de la loi n'empêche pas que les deux appels soient interjetés par actes séparés. (Rivoire, de l'Appel, n° 198; Dalloz, Répert., vo Appel civil, no 1117.) D'ailleurs nous verrons plus loin qu'il est un cas où nécessairement l'appel sur compétence doit être interjeté par acte séparé (infra, n° 485).

nion la question de compétence, qui nécessairement est subordonnée à celle du fond.

485. Mais supposons que, dans l'hypothèse que nous venons de signaler, le demandeur, repoussé au fond, interjette appel de la décision du premier juge, nous ne voyons plus alors aucun obstacle à ce que l'appel du jugement qui a prononcé sur la compétence soit pareillement interjeté par le défendeur primitif. L'appel du demandeur remet le litige entier en contestation. L'intérêt du défendeur à contester sur la compétence renaît ainsi avec l'appel de son adversaire. Seulement dans ce cas, l'appel sur la compétence ne pourra avoir lieu conjointement avec celui sur la décision définitive, en ce sens que ce serait la même personne qui interjetterait les deux appels. Quand c'est la partie gagnante au fond qui interjette appel sur la compétence, il y a de toute nécessité deux appels successifs et non plus deux appels simultanés.

La loi de 1841 n'exige aucunement que ce soit la même personne qui interjette appel sur les deux points. La pensée du législateur ne peut faire doute en présence des explications de M. de Behr, auteur de l'amendement qui a donné naissance au paragraphe 3 de l'art. 10.

ne faut pas, disait-il, laisser appeler du jugement de compétence sans appeler du jugement interlocutoire ou définitif.» (L. sur la compétence, p. 84.) Du moment que l'appel du jugement définitif est interjeté, celui sur la compétence peut donc l'être de même. Ce que le législateur n'a pas voulu, c'est que l'appel sur la compétence fût interjeté seul. Tel est le seus véritable du mot conjointement inséré dans la disposition.

486. Arrivons à la seconde hypothèse dans laquelle l'appel peut être interjeté d'une déci sion sur la compétence, c'est-à-dire au cas où un jugement interlocutoire a été obtenu.

483. L'appel de la décision sur compétence devant avoir lieu conjointement avec le jugement définitif, il s'ensuit qu'aussi longtemps que l'appel de ce dernier jugement sera suspendu, il en sera de même de celui sur compétence. Ainsi quand le jugement au fond est rendu par défaut, l'appel n'en est recevable que du jour où l'opposition n'est plus permise. Telle est la disposition de l'art. 443, § 2, du code de procédure civile. Cette règle est applicable aux jugements rendus par les juges de paix comme La loi exige que l'appel sur la compétence ne à ceux émanant des tribunaux de première soit interjete que conjointement avec celui du instance. Pendant les délais d'opposition ré-jugement interlocutoire. La règle est la même glés pour les justices de paix par les articles 19 à 21 du code de procédure civile, l'appel ne peut donc être interjeté du jugement sur compétence, pas plus que de la décision au fond. (V. infra, notre no 513.)

484. Il est un cas spécialement où l'appel sur la compétence ne peut être interjeté avec celui sur la décision définitive.

Supposons que le défendeur qui a été repoussé sur la question de compétence, et qui a été contraint de plaider devant le juge de paix, gagne au contraire son procès au fond. Dans ce cas,

ici que pour le cas où l'appel sur la compétence suit le jugement définitif.

Les motifs de la loi sont analogues dans les deux cas (supra, nos 478 et 480).

487. La loi de 1841 ne change rien d'ailleurs à la distinction que fait le code de procédure civile entre les jugements interlocutoires et les jugements simplement préparatoires.

Ces derniers sont rendus pour l'instruction de la cause et tendent à mettre le procès en état de recevoir jugement définitif. Tels sont, par exemple, le jugement autorisant la femme à ester

en justice à défaut d'autorisation maritale, celui qui ordonne aux parties de fournir leurs moyens dans un temps donné, celui qui ordonne de préciser la demande. Les jugements interlocutoires, au contraire, sont ceux qui, avant dire droit, exigent une preuve, une vérification ou une instruction qui préjuge le fond (art. 452, code de procédure civile). Le jugement interlocutoire décide un point qui influe sur le fond et laisse entrevoir directement ou indirectement quelle sera la solution définitive. Ainsi une enquête, une vérification contestée par l'une des parties est ordonnée, il y a interlocutoire.

Quant à l'appel, les deux espèces de jugements diffèrent essentiellement l'une de l'autre. L'appel d'un jugement préparatoire ne peut être interjeté qu'après le jugement définitif et conjointement avec l'appel de ce jugement. L'appel d'un jugement interlocutoire au contraire peut être interjeté avant le jugement définitif (article 451, code de procédure civile). Ces principes sont consacrés spécialement pour les justices de paix par l'art. 31 du code de procédure.

En empêchant l'appel des jugements préparatoires, la loi a voulu mettre obstacle au grand nombre d'appels qui auraient pu surgir si avant le jugement définitif on avait pu recourir au juge supérieur à propos de chaque mesure d'instruction. Il en doit être autrement, disait l'orateur du gouvernement dans son exposé des motifs, lorsque les premiers juges prononcent un interlocutoire qui préjuge le fond. La partie qui, dans ce cas, se croit lésée par un jugement dont elle a les suites à redouter, ne doit point être obligée d'attendre le jugement définitif (Bigot-Préameneu, Disc. des oraleurs, no 13).

La loi de 1841 n'a rien changé à ces principes. S'il intervient un jugement purement préparatoire, l'appel ne pourra en être interjeté que conjointement avec celui du jugement défiuitif. Le jugement préparatoire ne peut avoir pour effet de permettre l'appel immédiat sur la compétence; celui-ci n'a lieu que dans les deux cas spécialement énoncés par l'art. 10, $3.

488. Dans son art. 451, § 2, le code de procédure déclare que l'appel des jugements qui ont accordé une provision peut, comme celui des jugements interlocutoires, être interjeté avant le jugement définitif.

L'art. 10 de la loi de 1841 ne fait pas mention de cette espèce particulière de jugements. Faut-il en conclure que l'appel sur compétence ne peut avoir lieu conjointement avec un jugement accordant provision, et que dans ce cas il faille attendre soit l'interlocutoire, soit, à son défaut, le jugement définitif sur le fond?

Nous ne le pensons pas. Le but de l'art. 10, § 3, nous l'avons dit, est de mettre obstacle à un appel sur compétence alors que la procédure pourrait s'en trouver retardée. Mais comme l'appel est permis pour le jugement sur provision, l'appel sur compétence qui serait interjeté

en même temps ne nuit en rien à la prompte expédition de l'affaire.

Si l'art. 10, § 3, ne mentionne pas le jugement sur provision, c'est que ce jugement a véritablement un caractère définitif et que dès lors il n'était pas nécessaire de le mentionner expressément, puisqu'il rentre dans les termes de la disposition. Le jugement définitif est nonseulement celui qui termine complétement une contestation, mais encore celui qui, sans mettre fin au procès, décide quelques-unes des questions préalables qu'il présente à juger. La provision accordée par le juge est un secours immédiat pendant la durée du procès. Il a le caractère d'une décision définitive pour cette durée.

Un arrêt de Montpellier du 4 thermidor an xi a même décidé en ce sens qu'il échoit appel du jugement qui joint au fond une demande en provision alimentaire. « Considérant, dit la cour, que la jonction du provisoire au fond vaut refus; qu'elle est un modus negand: qui constitue un véritable jugement définitif, et nullement un jugement de simple instruction, puisqu'il refuse les aliments jusqu'au jugement du fond sans qu'on puisse dire que le sauf à dénier annonce que le tribunal de Limoux avait l'intention d'accorder la provision si on l'eût mis à portée d'y statuer avant le jugement du fond; — qu'il n'est pas douteux que si le jugement avait accordé la provision il eût été définitif, et la demande n'en aurait pu arrêter l'effet que par la voie d'appel; qu'ainsi et par parité de raison le tuteur a pu en appeler et que cet appel est recevable.» (S.-V., 4, 2, 179.)

489. La loi accorde le droit d'appeler du jugement sur la compétence conjointement avec l'appel sur l'interlocutoire.

Il s'ensuit que si l'appel sur l'interlocutoire ne peut avoir lieu, celui sur la compétence est également entravé.

Ainsi supposons que le défendeur ait contesté la compétence du juge de paix et que le magistrat se soit déclaré compétent. L'appel de la décision ne sera pas recevable immédiatement; le § 3 de l'art. 10 s'y oppose. Mais il intervient un jugement interlocutoire; si ce jugement inflige grief au défendeur, l'appel pourra en étre interjeté, et conjointement avec lui, l'appel sur le jugement de compétence. Mais si au contraire le jugement sur interlocutoire donne raison au défendeur, celui-ci ne pourra en interjeter appel parce qu'il sera sans intérêt pour agir. Dès lors la décision sur compétence ne pourra davantage être attaquée par la voie d'appel. La loi exige que l'appel sur compétence soit interjeté conjointement avec celui sur l'interlocutoire. Ce dernier ne pouvant s'exercer, l'autre appel est nécessairement arrêté.

Nous nous trouvons ici dans un cas analogue à celui que nous avons signalé plus haut à propos du jugement définitif (no 484).

490. Supposons maintenant que le défendeur qui a triomphé sur l'interlocutoire triomphe encore sur le fond, il n'aura plus alors

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491. Le raisonnement que nous venons de faire dans les deux numéros précédents cesse de recevoir son application, si le demandeur repoussé dans son action interjette appel, soit de l'interlocutoire, soit du fond.

L'appel par le demandeur recommence le débat. Dès lors le défendeur qui a contesté la compétence du juge de paix a intérêt à reproduire son exception en appcl. D'autre part, l'appel étant interjeté par le demandeur, la procédure ne peut être retardée par l'appel que le défendeur interjette sur la question de compé- | tence. Il n'y a donc aucune raison d'interdire ce recours au défendeur. En exigeant que l'appel du jugement sur compétence soit interjeté après et conjointement avec celui sur l'interlocutoire ou celui sur le fond, la loi de 1841 ne demande pas que ce soit nécessairement la même personne qui interjette les deux appels. C'est ce que nous avons exposé déjà (supra, no 485) à propos du recours contre le jugement de compétence se produisant après le jugement définitif.

492. Il est une hypothèse où l'art. 10, § 3, de la loi de 1841 est évidemment non applicable et où l'appel du jugement sur la compétence peut être interjeté seul.

Cette hypothèse se réalise quand l'appel sur l'interlocutoire et sur le fond sont impossibles à cause du chiffre du litige. Alors même que le juge de paix a décidé une contestation en dernier ressort, l'appel sur la question de compétence n'en est pas moins ouvert. C'est ce que déclare expressément le § 1er de l'art. 10. Mais dans ce cas le juge supérieur ne statue que sur la compétence, comme nous l'avons dit plus haut (no 476). Mais il devient impossible de joindre l'appel sur la compétence à celui, soit de l'interlocutoire, soit du jugement définitif, puisque ceux-ci ne pourraient utilement s'exercer.

493. Il est donc certain que l'appel du jugement sur la compétence peut dans certains cas étre interjeté séparément.

Mais cet appel peut-il être fait après le jugement interlocutoire, ou bien doit-il se produire seulement après le jugement définitif?

(1) Les derniers mots doivent évidemment être compris en ce sens : « Je ne vois pas pourquoi l'on n'appellerait pas du jugement sur la compétence en même temps que de l'interlocutoire. Compris autrement, ils ne répondraient pas à l'observation de M. Raikem. De plus, si M. de Behr avait pu dire que dans le cas où les juges de paix prononcent en premier ressort seulement, l'appel

Lors de la discussion de la loi à la chambre des représentants, M. Raikem pensait que cette dernière opinion était seule admissible en présence de l'amendement de M. de Behr. Cetamendement, comme nous le savons, exigeait l'appel du jugement de compétence conjointement avec celui du jugement interlocutoire (supra, no 480). Il fait aujourd'ui partie de la loi. Je suppose, dit M. Raikem, une cause portée devant un juge de paix qui doit décider en dernier ressort; il intervient un jugement interlocutoire; d'après M. de Behr, on ne pourrait interjeter appel du jugement de compétence que conjointement avec le jugement interlocutoire. Mais, dans le cas dont je parle, on ne peut appeler de l'interlocutoire. Ainsi, la faculté d'appeler des deux jugements d'une manière simultanée ne s'appliquerait qu'aux affaires dont le juge de paix connait en premier ressort. Pour celles dont il connait en dernier ressort, il faudrait attendre le jugement définitif.

Ce n'est pas dire pour cela que l'on devra interjeter appel du jugement définitif en même temps que du jugement rendu sur la compétence, car si la contestation est de la nature de celles qui doivent être décidées en dernier ressort par le juge de paix, on ne peut pas appeler du jugement sur le fond, mais seulement du jugement sur la compétence. »

Ainsi, tout en admettant que l'appel sur la compétence pouvait être interjeté quand celui sur le fond n'était pas possible à raison du chiffre du litige, M. Raikem pensait cependant que, dans ce cas, l'appel sur la compétence ne pouvait jamais être interjeté après le jugement interlocutoire.

Dans la suite de la discussion, M. de Behr semble ne pas contester l'opinion de M. Raikem. Il se borne à faire valoir lesavantages de son amendement dans l'hypothèse où le juge de paix ne prononce qu'en premier ressort quant au fond.

L'honorable M. Raikem, dit l'orateur, a raisonné dans l'hypothèse où les juges de paix décideut sans appel, et alors il y a peut-être nécessité d'attendre le jugement sur le fond avant de se pourvoir en appel contre le jugement sur la compétence; mais il y a aussi beaucoup d'affaires où les juges de paix ne prononcent que sauf appel, et, dans ce cas, je ne vois pas pourquoi l'on n'appellerait pas du jugement sur la compétence saus appeler en même temps du jugement sur le fond (1). »

Nous ne pouvons nous dissimuler l'importance de ces observations, les seules qui aient été faites sur la question qui nous occupe. I semble en résulter que, dans le cas où l'appel du jugement interlocutoire ne peut avoir lieu à cause

sur la compétence peut être interjeté seul, et non pas conjointement avec celui sur le fond, il aurait dit le contraire de ce qu'il disait quelques moments auparavant (voy. supra, nos 480 et 482), ce qui est inadmissible.

Cette observation nous a paru nécessaire, parce que les termes dont se sert M. de Behr manquent certainement de précision.

du peu d'élévation du litige, l'appel sur la com- Mais en quel sens peut s'interpréter la dispopétence doit être retardé jusqu'au jugement dé-sition? Seulement dans celui où son application finitif. est possible.

Nous ne pensons pas cependant que l'intention de la loi ait été de restreindre dans cette limite l'appel du jugement sur la compétence. D'après nous, cet appel peut avoir lieu après l'interlocutoire.

Démontrons d'abord l'impossibilité absolue de cette dernière hypothèse. La loi, disons-nous, n'a pas voulu interdire complétement l'appel du chef de compétence lorsque le chiffre du litige ne permettrait ni l'appel sur l'interlocutoire, ni celui sur le fond.

Il ne peut s'agir d'appel sur compétence interjeté conjointement avec l'appel sur l'interlocutoire ou avec celui sur le jugement définitif que si ces deux derniers appels sont autorisés par le chiffre du litige en contestation. Dans le cas D'abord l'opinion de M. Raikem n'a pas, contraire, l'appel sur compétence devra nécesdans les circonstances où elle a été émise, l'im-sairement s'exercer seul, à moins pourtant qu'il portance qu'elle aurait partout ailleurs. L'orateur ne puisse pas s'exercer du tout. désirait l'adoption d'un amendement de M. de Garcia (supra, notre n°481), et, dans son analyse de la proposition défendue par M. de Behr, cherchait surtout à faire éclater le peu de logique du système. Voici en résumé le sens des observations de M. Raikem: L'orateur reproche au système de M. de Behr de permettre l'appel du jugement de compétence dans le cas où le jugement interlocutoire peut être frappé d'appel et de ne pas permettre de recours contre le jugement de compétence quand l'interlocutoire est en premier ressort seulement. L'intention évidente de M. Raikem de chercher les défauts de la proposition, peut faire supposer qu'il se plaisait à en déduire les inconvénients, plutôt qu'à l'expliquer froidement. Quant à M. de Behr, on peut dire qu'il ne s'explique pas sur la question. Sans l'examiner, il se borne à signaler l'hypothèse inverse de celle dont avait parlé M. Raikem.

Ce qui nous détermine à adopter l'opinion contraire à celle de M. Raikem, c'est l'existence dans la législation d'un principe général, permettant l'appel sur les questions de compétence. Il est certain que ce principe ne doit être restreint que dans les limites où le législateur l'a expressément voulu.

Avant la loi de 1841, l'appel du chef d'incompétence était autorisé sans aucune restriction. Il pouvait toujours se produire aussitôt après le jugement statuant sur l'exception.

Le législateur belge a modifié sur ce point les principes reçus antérieurement. Il a cru inutile de permettre l'appel immédiat dans le cas où le juge de paix se déclare compétent. Le recours au juge supérieur n'est permis alors qu'après le jugement interlocutoire ou définitif. Le projet de la commission spéciale se bornait à cette restriction (supra, no 478).

Un amendement de M. de Bebr ajouta une seconde restriction à celle du projet. Voici comment l'auteur de l'amendement s'en expliquait: Il ne faut pas laisser appeler du jugement de compétence sans appeler du jugement interlocutoire ou définitif» (supra, no 480).

L'appel sur la compétence faisait partie du droit antérieur à la loi de 1841, et cette loi n'a eu la pensée de le détruire dans aucun cas. Le texte de l'art. 10 en fait foi. Il permet en général l'appel des jugements qualitiés en dernier ressort s'ils ont statué sur des questions de compétence. Tel est le principe. Le paragraphe 2 de l'article n'a d'autre but que de régler le moment où l'appel du chef d'incompétence pourra avoir lieu, et nullement d'empêcher cet appel, dans aucune hypothèse.

Ainsi il n'est pas douteux qu'en tous cas l'appel sur la compétence doit être ouvert. Il faut donc, comme nous l'avons dit plus haut, que dans certains cas il puisse avoir lieu séparément, et non pas conjointement avec le jugement interlocutoire ou définitif. Concluons donc que la restriction imposée par l'amendement de M. de Behr n'opère son effet que quand elle est possible, c'est-à-dire quand l'appel sur l'interlocutoire ou sur le fond est ouvert à raison du chiffre et de la nature du litige. Dans les autres cas, l'appel sur la compétence reste seul ouvert. Observons seulement qu'en exécution de l'article 10, § 5, il ne pourra jamais avoir lieu qu'après le jugement interlocutoire ou définitif.

Quant à la distinction que M. Raikem croit voir dans la loi, nous ne lui trouvons aucune raison d'être.

M. Raikem se refuse à interdire complétement l'appel du chef de compétence. I admet que l'appel du jugement statuant sur un pareil chef pourra toujours avoir lieu après le jugement définitif, s'il ne peut avoir lieu après l'interlocutoire. Mais où trouver la raison de cette distinction? L'interlocutoire est mis par la loi au même rang que le jugement définitif quant au moment où l'appel du jugement de compéTelle est aujourd'hui la portée du § 3 de l'ar-tence est recevable. La loi ne fait entre eux ticle 10. aucune distinction. De quel droit ajouterait-on à une restriction contraire aux principes géné raux?

Quant au moment où l'appel du jugement de compétence est possible, la loi ne fait pas de distinction entre le jugement interlocutoire et le jugement définitif. L'appel peut avoir lieu après l'un ou l'autre de ces jugements et conjointement avec l'un d'eux.

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Après le jugement interlocutoire, l'appel du jugement de compétence est donc recevable aussi bien qu'après le jugement définitif.

MM. Cloes (Compétence, no 161) et Delebecque

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