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des députés, de proposer une disposition qui, impérative à l'égard des huissiers, laissera au juge de paix toute liberté pour, dans tous les cas où il jugera convenable de le faire, avertir dans la forme et selon le mode qu'il croira devoir employer ces magistrats n'oublieront pas que la conciliation est le plus grand bienfait de leur institution; le bien opéré jusqu'à ce moment doit exciter leur émulation et leur faire concevoir de nobles espérances pour ce qu'ils peuvent faire encore.» (Séance du 6 avril 1838.) L'art. 17 de la loi française ayant servi de modèle à l'art. 13 de la loi belge, il était utile de déterminer exactement la portée de la première de ces dispositions.

528 bis. Afin de mettre le jurisconsulte en garde contre l'application en Belgique des solutions récentes de la jurisprudence française, remarquons que la loi des 2-5 mai 1855 a modifié en ces termes l'art. 17 de la loi des 25 mai6 juin 1838: Dans toutes les causes, excepté celles qui requièrent célérité, et celles dans lesquelles le défendeur serait domicilié hors du canton ou des cantons de la même ville, il est interdit aux huissiers de donner aucune citation en justice sans qu'au préalable le juge de paix, ait appelé les parties devant lui, au moyen d'un avertissement sur papier non timbré, rédigé et délivré par le greffier au nom et sous la surveillance du juge de paix, et expédié par la poste sous bande simple, scellé du sceau de la justice de paix avec affranchissement.

« A cet effet, il sera tenu par le greffier un registre sur papier non timbré, constatant l'envoi et le résultat des avertissements; ce registre sera coté et parafé par le juge de paix. Le greffier recevra, pour tout droit et pour chaque avertissement, une rétribution de 25 cent., y compris l'affranchissement, qui sera dans tous les cas de 10 cent.

S'il y a conciliation, le juge de paix, sur la demande de l'une des parties, peut dresser procès-verbal des conditions de l'arrangement; ce procès-verbal aura force d'obligation privée. Dans les cas qui requièrent célérité, il ne sera remis de citation non précédée d'avertissement qu'en vertu d'une permission donnée, sans frais, par le juge de paix sur l'original de l'exploit.

En cas d'infraction aux dispositions ci-dessus de la part de l'huissier, il supportera, sans répétition, les frais de l'exploit.

On est donc revenu, en France, à la règle de l'avertissement obligatoire pour le juge de paix. Toutefois la loi de 1855 a maintenu les deux exceptions consacrées par la loi de 1858 pour le cas où la cause requiert célérité, et pour celui où le défendeur est domicilié hors du canton ou des cantons de la même ville. Quand la cause requiert célérité, c'est au juge de paix qu'il appartient de permettre la citation immédiate.

Les motifs qui ont déterminé l'adoption de ces modifications à l'art. 17 de la loi de 1838 sont exposés dans le rapport de M. Brisson au

corps législatif. (Dalloz, Périod. 1855, 4o part., p. 55 et suiv.)

529. Remarquons que la loi française, comme la loi belge, laisse au juge de paix la faculté d'user comme il l'entend du droit de citation sans frais. C'est en s'en rapportant au bon vouloir et à l'intelligence des juges qu'on pouvait seulement espérer d'heureux résultats. L'obligation d'avertir à l'amiable dans tous les cas n'aurait eu d'autre effet que d'ajouter à la citation une formalité le plus souvent inutile.

530. — La faculté pour le juge de paix de faire comparaitre les parties devant lui, préalablement à la citation, reste soumise en Belgique à deux exceptions. Elle cesse d'exister 1° lorsqu'il ya péril en la demeure; 2° lorsque le défendeur est domicilié hors du canton où des cantons de la même ville.

La seconde de ces exceptions ne peut guère donner lieu à des difficultés. Il s'agit d'une simple vérification de la situation du domicile du défendeur. Quant au domicile du demandeur, quel que soit son éloignement, il ne met pas absolument obstacle à la comparution sans frais.

C'est au juge de paix qu'il appartient de décider si l'éloignement du domicile du demandeur ne rend pas sa comparution personnelle extrêmement onéreuse pour lui. Dans ce cas, le magistrat permettra de passer immédiatement à la citation. L'espoir de la conciliation ne vaudrait pas la certitude d'un désagrément très-sérieux pour le demandeur.

Examinons maintenant quand la première exception se présente.

Qui déterminera s'il y a péril en la demcure? Cette question n'est pas résolue par le texte de la loi; mais elle a été en France l'objet d'une observation de M. Barthe dans la circulaire sur l'exécution de la loi de 1838.

Beaucoup de juges de paix, dit ce document, ont introduit dans leurs cantons l'usage des avertissements antérieurs aux citations en justice. Je ne vois que de l'avantage à ce que cet usage soit maintenu là où il existe, et à ce qu'il soit introduit dans les cantons où il n'a pas encore été établi. C'est afin de laisser à cet égard aux juges de paix tout le mérite de l'initiative, et de leur permettre d'apprécier les circonstances dans lesquelles la remise de ces avis serait utile ou superflue, que la loi n'en fait pas une obligation générale. Il était toutefois indispensable de leur conférer le pouvoir de défendre aux huissiers qu'aucune assignation ne fût donnée sans ce préalable, et telle est la disposition de l'art. 17.

« Lorsqu'une pareille défense aura été faite, deux exceptions seulement dispenseront de l'observer: la loi a dû encore les expliquer; c'est d'abord l'éloignement du domicile du défendeur, afin de lui épargner les dépenses du déplacement; ce sont ensuite les cas d'urgence. Tantôt le magistrat lui-même en sera juge, si l'huissier a eu le temps de le consulter; tantôt, si ce temps lui a manqué, sa justification sera dans

les faits mêmes qui caractériseront l'urgence, ce sera à lui de bien les apprécier et de n'engager qu'avec discernement sa responsabilité. » (Circulaire du 6 juin 1858.)

Cette circulaire prouve que, sous l'empire de la loi française de 1858, c'est en définitive au juge de paix seul qu'il appartient de décider si l'urgence existe ou non dans chaque cas particulier. Lorsque l'huissier prend sur lui la responsabilité de l'urgence et donne la citation malgré la défense du juge de paix ou sans le consulter, il s'expose à la suspension momentanée prononcée par ce magistrat (article 19, loi du 25 mai 1838.)

En Belgique,il en est autrement. Comme aucune peine contre l'huissier ne peut être prononcée que par le tribunal de première instance (supra, no 525), c'est ce tribunal qui, sur la plainte du juge de paix, décidera si l'huissier a contrevenu à la loi et doit être puni.

Toutefois, il n'est pas douteux que, si le juge de paix a ordonné la comparation sans frais et interdit la citation, l'huissier agira prudemment en consultant le magistrat sur la question de savoir si l'urgence existe. L'extrême urgence devra seule l'engager à citer à l'instant, et en agissant ainsi, l'huissier s'exposera toujours à une peine disciplinaire s'il s'est trompé

531. D'après le texte de la loi, dans toutes les causes... le juge de paix pourra interdire aux huissiers de sa résidence de donner aucune citation en justice sans qu'au préalable il ait appelé sans frais les parties devant lui.

L'interdiction dont parle la disposition peut elle être générale ou bien doit-elle être particulière pour chaque cas qui se présente?

Le texte ne lève pas la difficulté. L'article débute, il est vrai, par une expression générale: Dans toutes les causes; mais la fin de la disposition semble au contraire restreindre le pouvoir du juge à une suite de cas particuliers.

Le rapport de M. de Haussy au Sénat semble admettre cette dernière manière de voir, et en tire argument contre la disposition admise par la chambre des représentants.

D'après le rapporteur, la loi n'imposant pas à Thuissier l'obligation de soumettre au juge le projet de citation, cette obligation n'existait pas pour l'officier ministériel. S'il en était ainsi, comment le juge de paix pouvait-il être averti de l'action que l'on se proposait d'intenter?« Ce sera au hasard, disait le rapporteur, et sur des renseignements plus ou moins équivoques, que le juge appellera devant lui les parties, qui quelquefois n'auront jamais eu l'idée de plaider F'une contre l'autre. M. de Haussy ne voyait de moyen d'échapper à ce défaut de la loi, qu'en exigeant, pour tous les cas, l'envoi obligatoire d'une cédule avant la citation. Or, nous savons par les discussions de la loi française que ce moyen avait été primitivement proposé et a été repoussé par le législateur français (supra, no 528). Quant à la loi belge, son texte est ici complétement le même que celui de la loi fran

çaise. Le même sens doit évidemment lui être attribué.

Faut-il donc, comme le disait M. de Haussy, s'en rapporter au hasard pour l'exécution de l'art. 13 de la loi belge, faut-il que le juge de paix attende d'être instruit, soit par l'une des parties, soit par un tiers qu'une citation va être lancée, et prévienue alors toute procédure en faisant défense à l'huissier de donner suite à la demande avant que les parties aient été convoquées sans frais?

Nous ne pensons pas que cette interprétation de la loi puisse être admise.

M. de Garcia, auteur de la proposition qui est devenue l'art. 13, déclarait la faire parce qu'un arrêt de cassation avait décidé que les juges de paix ne pouvaient prendre connaissance des assignations. Cet arrêt du 7 juillet 1817 déclare, en effet, illégal un règlement par lequel le juge de paix de Saint-Pierre-Église ordonnait aux huissiers de lui communiquer toutes les assignations avant de les faire (supra, no 524 et la note.) La proposition de M. de Garcia avait done pour but, d'après son auteur même, de permettre un semblable règlement. L'interdiction de citer peut donc être générale de la part du juge de paix.

Dans le cours de la discussion au sénat, M. le ministre de la justice interprétait l'article de la même manière. On pense, dit M. Leclercq, que le juge de paix aura quelques difficultés; je ne le crois pas, car du jour où il aura fait connaître aux huissiers instrumentant près de lui qu'il entend qu'aucune action ne soit lancée avant que les parties aient comparu devant lui en conciliation, les huissiers en préviendront ceux qui voudront faire faire des assignations (supra, no 525).

L'interprétation que M. de Haussy voulait donner à la loi est donc repoussée par les dis

cussions.

Remarquons enfin que, dans le système de M. de Haussy, l'adresse des parties à cacher leurs prétentions antérieurement à la poursuite, et la promptitude qu'elles mettraient à citer leurs adversaires en justice, auraient pour effet de rendre impossible pour le juge de paix l'exercice du droit que lui accorde notre disposition. Admettre que la loi doive être comprise en ce sens, c'est aller à l'encontre de ses intentions manifestes. Au lieu de mettre obstacle à l'intentement des procès, l'article 13 aurait alors nécessairement pour effet de précipiter les actions judiciaires. Pour éviter le retard et la gêne de la comparution sans frais, le demandeur lancerait dans tous les cas une citation avant que le juge de paix puisse être prévenu de ses intentions. Le magistrat se trouverait alors dans l'impossibilité d'user de l'article 13. Mais le but de la loi serait-il atteint? Loin d'empêcher la multiplicité des actions irréfléchies ou de mince valeur, la loi hâterait au contraire les réclamations des plaideurs.

Le sens de l'art. 13 ne peut donc sembler douteux. Cette disposition autorise le magistrat à défendre par un règlement général toutes les citations en justice dont l'huissier ne lui aurait pas d'abord donné connaissance.

Il résulte de ces documents que la nécessité d'un avertissement préalable à toute citation a été écartée par la loi. Douner à chaque juge de paix le droit d'édicter cette obligation, ce serait supposer que la loi a voulu confier à chaque Le juge de paix pourra alors permettre de magistrat en particulier le pouvoir d'établir citer à l'instant dans le cas où l'une des excep- l'avertissement obligatoire, tandis qu'elle réputions prévues par l'art. 13 se rencontrera daus diait cet avertissement comme règle générale. l'espèce (supra, no 530), ou bien dans l'hypothèse Le législateur aurait ainsi permis indirecteoù la conciliation des parties ne semblera pas ment ce qu'il ne voulait pas faire directement. possible. Dans l'hypothèse contraire, le juge Telle ne peut avoir été sa volonté, puisque pourra retarder la citation en justice jusqu'a ce l'avertissement obligatoire établi par le juge de que les parties aient été appelées sans frais de- paix aurait tous les inconvénients de celui étavant lui. bli par la loi. L'opinion contraire nous parait d'ailleurs insoutenable vis-à-vis du rapport de M. Amilhau et de la circulaire de M. Barthe. D'après ces deux documents, qui résument l'esprit de la loi, il est certain que le législateur a voulu que le juge de paix, pour refuser ou accorder le droit de citation immédiate, se réglát toujours d'après les circonstances. La loi répu die douc le règlement général d'un juge de paix instituant les avertissements comme obligatoires en tous cas, c'est-à-dire se refusant à tenir compte des circonstances particulières dans chaque affaire.

Tel est la véritable portée de l'article. 532. On s'est demandé si le juge de paix pouvait par un règlement général déclarer que, sauf les exceptions spécialement mentionnées daus l'art. 13, toute citation devait être précédée d'un avertissement préalable?

La différence de ce cas avec celui dont nous avons parlé dans notre précédent numéro consiste en ce que dans l'hypothèse actuelle le juge de paix ne se réserverait pas le droit de permettre la citation immédiate sur l'exposé de l'affaire, mais exigerait toujours l'avertissement sans frais des parties.

Il faut l'avouer, le texte de la loi est général et ne met pas formellement obstacle à ce que le juge de paix établisse pour tous les cas l'obligation de l'avertissement des parties avant la citation. Mais en édictant un pareil règlement, il nous parait que le juge de paix sortirait de l'esprit de la loi.

Ne l'oublions pas, l'avertissement obligatoire avant la citation avait pris place dans le projet primitif présenté par la commission de la chambre des députés de France. Mais ce projet fut repoussé par la chambre des pairs (supra, 528), par ce motif surtout que rendre les avertissements obligatoires, c'était les dénaturer, et compromettre leur efficacité en leur enlevant le caractère paternel et spontané qui exerçait sur les parties litigantes uue influence bienfaisante. A la suite du rejet de la disposi tion par la chambre des pairs, la commission de la chambre des députés proposa la disposition qui forme aujourd'hui l'article 17 de la loi française. Le rapport de M. Amilhau caractérisait ainsi cette disposition: Elle laissera au juge de paix toute liberté pour, dans les cas où il jugera convenable de le faire, avertir dans la forme et selon le mode qu'il croira devoir employer. »

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La circulaire de M. Barthe, ministre de la justice, sert encore à préciser le sens de la loi. Après avoir loué l'usage des avertissements, M. Barthe s'exprime en ces termes: C'est afin de laisser aux juges de paix tout le mérite de l'initiative, et de leur permettre d'apprécier les circonstances dans lesquelles la remise de ces avis serait utile ou superflue que la loi n'en fait pas une obligation générale.» (Circulaire du 6 juin 1838 sur l'exécution de la loi du 25 mai 1858.)

Telle est l'opinion de Benech, p. 452 et celle de Foucher (art. 17, loi du 25 mai 1858).

Voici comment s'exprime ce dernier: «Quant aux cas généraux prévus par l'article, le juge est autorisé, par sa lettre, à défendre d'une manière absolue aux huissiers de son canton de donner aucune citation eu justice, sans qu'au préalable il ait fait son avertissement; mais s'il agissait ainsi, il retomberait dans l'inconvénient des avertissements obligés, et irait contre le but même que s'est proposé le législateur. Aussi, pour entrer dans l'esprit de la loi, qu'en général le texte de notre article rend si mal, le juge de paix doit se contenter d'ordonner aux huissiers du canton de ne délivrer de citation qu'après qu'ils se seront enquis près de lui s'il est dans l'intention de douuer un avertissement préalable; alors le juge verra s'il y a lieu d'euvoyer cet avertissement, ou si telle est la nature de la contestation et ses circonstances que cet avertissement soit inutile; mais si le juge de paix veut que l'avertissement ne soit pas une vaine formalité, il ne doit pas le faire remettre par l'huissier, mais bien directement à la partie. »

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533. Mais nous ne verrions aucun obstacle à ce que le juge de paix, sans interdire d'une manière absolue toute citation qui ne serait pas précédée d'un avertissement, déclarât cependant dans son règlement que, pour des sommes modiques ou pour certaines catégories d'actions, il exige toujours l'appel sans frais des parties préalablement à la citation.

Restreinte en ce sens, la règle établie par le juge de paix peut se justifier parfaitement.

Ainsi il est certain que, quand il s'agit de sommes très modiques, une citation est en général superflue. Les parties préfèrent même

faire le sacrifice d'une partie de leurs droits, plutôt que de subir le désagrément et la perte de temps d'une comparution en justice. Ainsi encore, quand le juge de paix remarque qu'une certaine catégorie d'actions tend à se multiplier dans son ressort, il peut déclarer que, pour cette espèce d'actions, l'appel sans frais des parties devra toujours précéder la citation, et ainsi mettre obstacle à l'ardeur procédurière des habitants. Le règlement qui ordonne l'avertissement saus frais des parties dans certains cas spéciaux, bien loin de sortir de l'esprit de la loi, rentre au contraire dans ses intentions manifestes. C'est en effet d'après les circonstances que le juge de paix rend son règlement. Seulement au lieu de s'en rapporter à celles qui se présentent spécialement dans chaque cause, il pose quelques règles générales qu'il se propose de suivre. Il fait ainsi d'avance connaitre aux parties dans quels cas il croit nécessaire d'ordonner toujours l'avertissement préalable à la citation. Un règlement rédigé en ces termes ne rétablit pas les cédules obligatoires pour tous les cas; il n'a donc rien de contraire à l'esprit de la loi. Tel est aussi l'avis de Benech (p. 452 et suiv.), sur l'application de l'article 17 de la loi française. 534. Lorsque le juge de paix suspend la citation, soit dans une cause déterminée, soit dans le cas de certaines actions spéciales, l'huissier ne peut agir qu'après que les parties ont été appelées, sans frais, devant le magistrat.

Mais le juge ne peut exiger que les parties aient comparu devant lui. La loi ne lui donne pas ce droit. S'il en était autrement, la citation pourrait être retardée à l'infini par suite de la mauvaise volonté du défendeur, qui aurait ainsi un moyen facile d'échapper à l'action.

535. Quand le juge de paix aura fait défense à l'huissier de donner aucune citation avant que les parties aient été appelées, à quel moment l'officier ministériel pourra-t-il citer?

Il est certain que, si les parties ont comparu sur l'avertissement du juge de paix, et si celui-ci n'a pu les concilier, l'huissier peut citer immédiatement après la comparution. Le juge de paix a usé du droit que lui donne l'art. 13 de la loi; la conciliation des parties n'a pas réussi; dès lors on retombe sous l'empire du droit commun et la justice doit reprendre son cours ordinaire. Mais si l'huissier n'a pas la certitude que la comparution a eu lieu et est restée inefficace, il agira prudemment en s'enquérant auprès du juge de paix de l'état de l'affaire, et en réclamant de lui de lever l'interdiction de citer. En se fiant aveuglément aux allégations de la partie poursuivante, l'huissier engagerait sa responsabilité personnelle.

536. Quant à la sanction de la loi, elle existe pour le juge de paix comme pour l'huissier. Les discussions l'ont établi clairement (supra, n'525). En effet, si le juge de paix tentait de retarder l'action de la justice en interdisant la citation, et en s'abstenant d'appeler les parties devant lui dans un délai très-rapproché, il s'exposerait

d'abord aux peines disciplinaires édictées par la loi du 20 avril 1810 sur l'organisation judiciaire.

Voici les articles de cette loi dont l'application pourrait être faite.

Art. 49. Les présidents des cours impériales et des tribunaux de première instance avertiront d'office, ou sur la réquisition du ministère public, tout juge qui compromettra la dignité de son caractère.

Art. 50. Si l'avertissement reste sans effet, le juge sera soumis, par forme de discipline, à l'une des peines suivantes, savoir: «La censure simple;

La censure avec réprimande;
La suspension provisoire;

Le censure avec réprimande emportera de droit privation de traitement pendant un mois; la suspension provisoire emportera privation de traitement pendant sa durée. »

D'après l'art. 52 de la même loi, l'application de ces peines, s'il s'agit d'un membre de justice de paix, sera faite en chambre du conseil par les tribunaux de première instance.

La généralité des termes de l'art. 49 nous permet de croire qu'on pourrait faire application de la loi au juge de paix qui compromettrait la dignité de son caractère par des ajournements non sérieusement motivés.

D'ailleurs la prise à partie serait ouverte au plaideur dans le cas dont il s'agit. Il y aurait eu effet dans ce cas, soit dol, fraude ou concussion, soit tout au moins déni de justice (art. 505, code de procédure civile). Dans le cours de la discussion au sénat, M. Leclercq, ministre de la justice, a exprimé à deux reprises différentes l'opinion que dans l'hypothèse où le juge de paix retarderait l'action de la justice par des ajournements non fondés, il y aurait lieu à prise à partie (supra, no 525).

L'action disciplinaire que les tribunaux exercent sur les juges de paix et le droit de prise à partie donnent donc au demandeur toutes les garanties possibles contre les retards que le juge pourrait apporter à l'exercice du droit d'appeler, sans frais, des parties. Le législateur a trouvé ces garanties suffisantes, et n'a pas voulu limiter à un délai fixe le temps pendant lequel la citation pourrait être retardée (supra, no 526). La meilleure de toutes les garanties pour le plaideur se trouve d'ailleurs dans l'honorabilité généralement reconnue des juges de paix et dans le zèle qu'ils déploient dans leurs délicates fonctions.

537. D'autre part, il n'est pas douteux que, si le juge de paix interdit aux huissiers de sa résidence de donner une citation en justice, cette interdiction doit être respectée par les officiers ministériels.

La sanction de la loi de 1841 se trouve à cet égard dans les règles disciplinaires qui concernent les officiers ministériels (art. 102 et 103 du décret du 30 mars 1808). Dans le cours de la discussion au sénat, M. le ministre de la justice

trouvait dans ces règles générales une sanction suffisante pour assurer l'exécution de la loi. Nous partageons complétement son avis. La loi belge n'a pas jugé à propos de conférer au juge de paix le pouvoir de suspendre l'huissier pendant un certain temps, en cas d'infraction à la défense de citer. La loi française de 1838 a admis à cet égard une règle différente (art. 9, loi du 25 mai 1838, V. supra, no 525). Une seconde sanction de la loi est l'amende prononcée par l'art. 1030 du code de procédure civile, en cas de contravention de l'huissier (V. infra, no 558).

538. Mais l'exploit de citation que l'huissier donnerait nonobstant la défense du juge de paix serait-il frappé de nullité?

Nous ne le pensons pas. Dans l'hypothèse où le juge de paix fait défense à son huissier de donner citation, l'officier ministériel ne cesse pas d'avoir qualité pour agir.

Ce droit de faire les citations devant la justice de paix, il le tient de sa nomination comme huissier par le juge de paix lui-même (supra, n° 523). Tant que l'huissier n'est pas révoqué, il agit compétemment. Nous ne pouvons pas appliquer à notre hypothèse le raisonnement que nous avons fait à propos de la citation donnée par un huissier étranger à la justice de paix, lequel n'a pas qualité (supra, no 522 bis). Pour que l'exploit fût nul, il faudrait que la loi en prononçat la nullité (art. 1030, code de procédure civile). Nous ne trouvons rien de pareil dans l'art. 13 de la loi de 1841.

Quelle est dès lors la conséquence de l'infraction à la défense de donner citation?

L'article 15 se borne à mentionner le droit pour le juge de paix de suspendre la citation. Quand l'huissier transgresse cet ordre, il contrevient à la loi. Dès lors, il est punissable d'une amende aux termes de l'art. 1030 du code de procédure civile.

539. Aux termes de l'art. 13, «le juge de paix peut interdire aux huissiers de sa résidence de donner aucune citation en justice... »

Le terme résidence doit-il être compris d'une manière restrictive?

La question ne nous paraît pas faire doute en Belgique. Les huissiers de la résidence du juge de paix sont ceux attachés à son siége, ceux qui ont pouvoir pour faire les citations devant lui. Il n'y a donc pas lieu de distinguer à cet égard entre les huissiers qui résideraient dans le même lieu que le juge de paix et ceux qui résideraient dans une localité voisine. Les uns et les autres sont véritablement huissiers de la résidence du juge de paix, puisqu'ils appartiennent spécialement à la justice de paix par la nomination du magistrat (supra, no 522 bis et 523).

La question paraît plus douteuse en France sous l'empire de la loi de 1838.

Nous savons que l'art. 16 de cette loi donne à tous les huissiers du canton le droit de donner les citations et de faire tous les actes devant la justice de paix.

Dès lors, on s'est demandé si l'art. 17 de la même loi, en autorisant le juge de paix à interdire aux huissiers de sa résidence de donner citation, avait voulu restreindre cette interdiction aux huissiers résidant dans le même endroit que le juge, ou bien si l'article devait être compris comme s'il portait aux huissiers du canton.

Cette dernière interprétation nous paraît préférable.

L'art. 16 de la loi de 1838 n'a été admis qu'après une longue opposition et par suite du renvoi à la chambre des députés (supra, no 504). La chambre des pairs, suivant en cela l'opinion de sa commission, s'était d'abord refusée à admettre un droit égal pour tous les huissiers du canton à instrumenter devant la justice de paix. (Rapport de M. de Gasparin à la chambre des pairs, séance du 19 juin 1837.)

Le principe contenu dans l'art. 16 de la loi de 1858 n'ayant pas figuré dans les projets primitifs de la loi, il n'y a rien d'étonnant que l'article 17 n'ait pas tenu compte de l'extension qu'il apportait au droit des huissiers, et ait omis, dans son texte, de tenir compte de ce changement.

comme

Sous l'empire de la loi belge de 1841, sous celui de la loi française de 1838, il faut d'ailleurs remarquer que la défense faite par le juge de paix doit, pour avoir une valeur, pouvoir s'étendre à tous les huissiers ayant pouvoir d'instrumenter devant lui. Entendue autrement, à quoi servirait la défense de citer faite par le magistrat? Cette défense observée par certains huissiers serait complétement inefficace pour d'autres, et la citation aurait lieu impunément nonobstant l'empêchement que le juge de paix aurait voulu y apporter. Tel ne peut être le sens de la loi. Foucher, no 483, adopte cette opinion sous l'empire de l'article 17 de la loi de 1838.

« Daprès l'article, dit cet auteur, ce ne serait qu'aux huissiers de sa résidence que le juge de paix pourrait interdire le droit de citation sans avertissement préalable, lorsqu'il ressort de toute l'économie de la loi, qu'il faut entendre par ce mot résidence celui de juridiction, c'est-àdire de canton, puisque l'article précédent établit le principe de libre concurrence entre tous les huissiers du même canton. C'est au surplus ce que portaient les rédactions primitives, qu'il n'a pas été dans l'intention des auteurs de la loi de modifier sous ce rapport. »

Benech, p. 452 et suiv., donne le même sens à la disposition.

Remarquons que la loi française du 2 mai 1855, modifiant cet article 17, a fait disparaître en France tout doute sur la question en interdisant aux huissiers en général de donner citation sans qu'il y ait en avertissement préalable aux parties (supra, no 528 bis).

540. Le juge de paix peut interdire aux huissiers de donner aucune citation en justice. Ces mots doivent-ils se comprendre en ce sens que

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