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mercuriales. Or les mercuriales fixent le prix des denrées seulement, et ne concernent aucunement les fonds publics.

de l'instance, ce sont celles au contraire sur lesquelles le juge doit se prononcer.

Si le demandeur est obligé de préciser l'objet de sa demande dans l'exploit introductif d'instance (code de procédure, art. 61), rien ne le force à s'en tenir au chiffre primitil de sa réclamation. Il peut soit l'augmenter, soit le diminuer. La compétence se règle alors, non pas d'après la somme primitivement demandée, mais d'après celle à laquelle la réclamation a été définitivement fixée, et sur laquelle le juge a eu à se prononcer.

Nous ne pensons pas que ce raisonnement soit exact. Si la loi se sert du mot hercuriales, c'est parce que celles-ci constatent d'une manière certaine le prix des denrées et que les réclamations de ce genre forment le cas le plus ordinaire. Mais le terme ne doit pas être entendu dans un sens restrictif. Chaque fois qu'il sera possible au juge de connaître d'après une donnée certaine et incontestable la valeur de la demande, le demandeur n'aura plus à faire une C'est là un principe admis aujourd'hui sans évaluation qui serait sans raison d'être. C'est ce contestation par la doctrine et la jurisprudence. qui a lieu notamment pour les fonds publics. Il est consacré spécialement par Carré (CompéÖn lit dans la loi du 28 ventôse an ix sur l'éta-tence, art. 280, t. 5, p. 5, no289); par la cour d'Örblissement des bourses de commerce: Dans léans, 11 juin 1840 (Pas., à sa date), et par celle de toutes les villes où il y aura une bourse, il y aura Douai, 8 mai 1855 (S.-V., 56, 2, 25), et 25 avril des agents de change et des courtiers de com- 1855 (S.-V., 55,2, 783). On peut voir sur l'applimerce nommés par le gouvernement (art. 6). cation de ce principe les autorités citées dans Les agents de change et courtiers qui seront une note de la Pasicrisie française de 1844, t. 2, nommés en vertu de l'article précédent auront p. 570. La cour de Liége a admis le même prinseuls le droit d'en exercer la profession, de cipe sous l'empire de la loi de 1841, par arrêt constater le cours du change, celui des effets publics, du 7 février 1844 (Pas., 1844, 2,116). La cour marchandises, matières d'or et d'argent, et de jus- de Bruxelles a décidé de même que ce n'est tifier devant les tribunaux et arbitres la vérité pas la somme demandée in limine litis, mais et le taux des négociations, ventes et achats celle sur laquelle le juge a eu à se prononcer en (art. 7). Il résulte de cette loi que le taux des définitive, qui doit servir de base à la fixation effets publics et des diverses valeurs qu'elle du ressort. La loi du 25 mars 1841 n'a rien énumère est constaté officiellement par certai- changé à ce principe.» 11 août 1847 (Pas., 1847, nes personnes. Dès lors il y a lieu d'appliquer à 2, 282). La jurisprudence est citée en note de ce cette cote officielle des valeurs ce que nous dernier arrêt. V. aussi Gand, 4 novembre 1855 avons dit des mercuriales. (Pas., 55, 2, 149); Bruxelles, 27 décembre 1857 (Pas., 1859, 2, 92); et 21 octobre 1859 Pas., 1860, 2, 125). D'autres documents de jurisprudence sont encore rapportés dans Dalloz (Répert., vo Degré de juridiction, no 95).

L'arrêt de Liége du 9 juin 1831 (Pas., 31, 2, 154), tout en n'ayant à appliquer le principe qu'à l'évaluation de denrées, semble lui donner une portée générale en constatant que dans l'espèce l'objet de la demande avait une valeur légale en argent, et qu'il fallait s'en tenir à cette valeur. »

La valeur légale de l'objet réclamé peut elle être constatée? Telle est la seule question que le juge doit se poser pour savoir s'il est obligé de s'arrêter à l'évaluation du litige par le demandeur, ou bien de faire lui-même cette évaluation, d'après les éléments certains que la loi autorise.

Un arrêt du 30 frimaire an xi rendu par le tribunal de cassation de France peut être appliqué par analogie à l'opinion que nous défendons (Dalloz Répert., vo Degrés de jurid., no 90). Cet arrêt déclare que le jugement prononçant sur une demande de 1,900 francs est en dernier ressort si la somme était payable en assignats et qu'au moment de l'échéance, d'après l'échelle de dépréciation, la valeur en assignats était inférieure à 1,000 fr.

558. Ce sont les conclusions prises par le demandeur qui déterminent la compétence. Ce principe est général, sauf l'application de l'article 22 qui concerne les demandes reconventionnelles.

Mais quelles sont les conclusions dont il s'agit?
Ce ne sont pas celles qui sont prises au début

Remarquons que dans le cas où le débat porte en réalité sur un titre déterminé, il n'appartient pas au demandeur de réduire le chiffre de sa réclamation au-dessous de 2,000 francs. C'est le titre qui fixe la compétence. Arrêt de Bruxelles. 15 janvier 1855 (Pas., 56, 2, 10). V. infra, no 575.

559. Quand le demandeur modifie ses conclusions et que le défendeur fait défaut, cette modification peut-elle influer sur le ressort?

Carré (Compétence, t. 1, p. 129, no 37, et t. 3. p. 23, n° 290) se prononce pour la négative, en s'appuyant sur un arrêt de la cour de cassation de France du 6 juillet 1814 (S.-D., 1815, 1, 40), qui dénie au demandeur le droit de réduire ses conclusions en l'absence du défendeur.

Carré ajoute, en généralisant le principe, que la compétence reste fixée par les conclusions originaires toutes les fois que des conclusions nouvelles, additionnelles ou restrictives n'auraient été prises qu'en l'absence ou à l'insu du défendeur. »

Contre ce principe on pourrait objecter que le droit de modifier les conclusions jusqu'à la clôture des débats estabsolu. Le défendeur, pourrait-on dire, ne peut mettre obstacle à ce droit lorsqu'il se trouve présent à l'audience. Pourquoi aurait-il le moyen d'y mettre obstacle en faisant

défaut? Ce serait là accorder au défaillant un privilége sur lequel la loi est muette et que rien ne viendrait justifier.

D'ailleurs, la voie de l'opposition ne donnet-elle pas au défendeur le moyen de faire rectifier l'erreur du juge si elle existe?

C'est en ce sens que se prononcent Rodière, (Lois de la compétence, t. 1, p. 175) et Carou, (Just. de paix, no 108).

Voici comment s'exprime le premier de ces

auteurs:

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l'espèce, d'un défaut faute de comparaître. Attendu, dit la cour, que nul ne peut être condamné sans avoir été entendu ou appelé pour se défendre; que c'est pour ce motif que l'art. 61 du code de procéd. civ. ordonne que l'exploit d'ajournement contiendra l'objet de la demande et l'exposé sommaire des moyens ;attendu que l'ajournement en fixant l'objet de la demande indique, par une conséquence naturelle, les degrés de juridiction qui doivent en connaître ; attendu que si cette demande, On peut dire, en faveur de l'opinion de telle qu'elle est libellée, laisse au défendeur la Carré, que le défendeur a dû compter, en pareil faculté d'interjeter appel dans le cas où il viencas, n'être jugé qu'à charge d'appel, et que des drait à être condamné par le tribunal inférieur, conclusions dont il n'a pu avoir connaissance il a l'option, ou de se présenter sur l'assignation n'ont pu le priver de ce droit. Mais il nous pour faire rendre un jugement contradictoire, semble plus vrai de dire qu'en thèse générale ou de laisser rendre un jugement par défaut l'ignorance de ces conclusions ne peut pas cau- soumis à l'appel et de se présenter devant le ser au débiteur de préjudice réel, puisque s'il tribunal supérieur; attendu que dans ce cas ne s'est pas présenté, la voie de l'opposition lui limiter la demande de manière à la faire juger reste ouverte, et qu'il serait inexcusable de ne en dernier ressort, c'est lui donner des consél'avoir pas employée en temps utile. Mais l'ob-quences autres que celles qui ont été annoncées jection subsisterait pour le cas où le jugement par défaut ne serait pas susceptible d'opposition, parce qu'il aurait été rendu après un premier jugement de défaut joint, et dans ce cas elle nous semblerait décisive. »

Comme le remarque fort bien une note de la Pasicrisie française (1844-2-570), la question de savoir si le demandeur peut, oui ou non, modifier ses conclusions quand le défendeur fait défaut, cette question ne peut dépendre de la faculté laissée au condamné par défaut de faire opposition au jugement qui le frappe. Et, en effet, l'opposition est un moyen de revenir sur le défaut, mais n'a aucune importance si l'on considere, non plus le maintien du jugement par défaut; mais la valeur de la décision au point de vue du droit des parties de modifier leurs conclusions jusqu'au jugement. La même note de la Pasicrisie établit une distinction entre le cas où il s'agit d'un jugement par défaut faute de plaider ou conclure et celui où il s'agit d'un jugement par défaut faute de comparaître. Dans le premier cas, le défendeur qui a constitué un avoué pour le représenter ne peut se plaindre de n'avoir pas été informé de la réduction des conclusions du demandeur, et alors il est justement condamné en dernier ressort. Dans le second cas, au contraire, la réduction des conclusions du demandeur est véritablement une demande nouvelle formée contre lui, et il ne peut y avoir de jugement en dernier ressort, même de jugement valable, qu'autant que cette demande nouvelle ou les conclusions qui la contiennent ont été l'objet d'un nouvel ajournement au défendeur, ou du moins lui ont été notifiées à personne ou à domicile. »

Cette distinction nous parait fondée. Elle a reçu la sanction de la jurisprudence française et belge. Un arrêt de la cour de Bordeaux du 29 lévrier 1844 décide que la réduction de la demande ne peut dans ce cas avoir pour résultat d'enlever le droit d'appel. Il s'agissait, dans

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au défendeur par l'exploit; c'est modifier l'objet de la contestation; attendu qu'il est vrai que les conclusions peuvent être modifiées en tout état de cause; que le demandeur peut réduire sa demande, et que si la demande est réduite au-dessous du taux fixé par la loi, le jugement peut être rendu en dernier ressort, alors qu'il eût été sujet à l'appel avant la réduction des conclusions, mais que cela est toujours subordonné à la connaissance qu'a le défendeur de la modification faite par le demandeur; que cette modification doit être connue du premier par cela seul qu'il y est intéressé; que, faute de lui en donner connaissance, la demande reste fixée telle qu'elle est dans l'exploit d'ajournement; que dès lors le jugement qui intervient doit être sujet à l'appel parce qu'il a statué sur une contestation qui excède le taux du dernier ressort.» (Pas., 1844, 2, 570.)

Un arrêt de la cour de Metz, du 4 décembre 1844, décide au contraire que dans le cas où le défendeur fait simplement défaut faute de plaider, le demandeur peut modifier ses conclusions à l'audience. C'est là un droit absolu dans le chef du demandeur (Pas., 1845, 2, 525).

Un arrêt de Bruxelles, du 12 mars 1838 (Pas., 1838,2,72), admet la distinction que nous avons indiquée. Cet arrêt permet la modification des conclusions jusqu'au jugement quand il y a défaut faute de plaider:

Attendu, dit la cour, que, bien que la demande introductive d'instance telle qu'elle est formée ait pour objet le payement d'une somme supérieure à 1,000 fr., il était au pouvoir de l'intimée, demanderesse originaire, de modifier ses conclusions;

«Attendu que l'intimée, usant de cette faculté, a réduit la demande au payement d'une somme de 600 fr. 29 centimes; qu'ainsi le premier juge a été en définitive saisi d'une contestation inférieure à 1,000 fr., et que partant sa décision a été rendue en dernier ressort;

Attendu que le défaut de plaider de la part de l'appelant, défendeur originaire, n'a pu priver l'intimée du droit de restreindre sa conclusion primitive, et ne peut enlever au jugement dont appel le caractère d'un jugement en dernier ressort;

«Par ces motifs, M. l'avocat général d'Anethan entendu, déclare l'appel non recevable. » Pour comprendre la valeur de la distinction établie plus haut, il faut définir rapidement les deux espèces de défaut dont parle l'art. 149 du code de procédure: «Si le défendeur ne constitue pas avoué, ou si l'avoué constitué ne se présente pas au jour fixé pour l'audience, il sera donné défaut. »

« Devant un tribunal de première instance (1), dit Carré, il y a deux espèces de jugements par défaut : « 1o Le défaut de constitution d'avoué, que l'on appelle aussi défaut faute de comparoir, attendu que la constitution d'avoué équivant, par fiction, à une comparution de la partie; et défaut contre partie, attendu qu'il est donné directement contre elle, puisqu'elle ne s'est point fait représenter par l'officier que lui indiquait la loi;

2o Le défaut faute de conclure, que l'on appelle également défaut faute de plaider, parce que la plaidoirie suppose nécessairement des conclusions, et défaut contre avoué, parce qu'il est prononcé par la partie dans la personne de son avoué, qui ne se présente pas pour conclure. » Carré-Chauveau (Lois de la procéd. civ., t. 2, p. 3).

Quels sont maintenant les motifs de la distinction que nous avons établie? Pourquoi le demandeur ne peut-il pas faire descendre ses conclusions au-dessous du taux de l'appel en demandant un défaut faute de comparaître?

Parce que le défendeur qui n'a pas constitué avoué n'est pas un véritable adversaire vis-à-vis du demandeur. Le code de procédure exige que les parties soient représentées par des avoués (art. 75 du code de proc. civ.). Le demandeur ne peut alors faire sortir sa réclamation des termes de la citation qui a déterminé l'objet du débat. Admettre un principe différent, serait permettre au demandeur de surprendre le défendeur en soustrayant à l'appel une demande que la citation en rendait susceptible.

Dans le cas, au contraire, où le défaut est requis faute de plaider, le défendeur est représenté au débat. Dès lors le demandeur a un adversaire, et s'il ne plaît pas à cet adversaire de conclure devant le tribunal, il n'a pas cependant le droit de se plaindre de la modification que le demandeur fait subir au chiffre de sa réclamation. Le défendeur représenté par l'avoué est réputé présent. La différence entre la position de la partie qui a un avoué, et celle de la par

(1) Devant les justices de paix le défaut faute de conclure n'existe pas, art. 19 c. de proc. civ.; Carré, Lois de la proc., t. 2, p. 3. Jay, Dict. des juges de paix, vo Jugement par défaut. Sur la question de savoir si, devant les

tie qui n'en a pas, est d'ailleurs parfaitement indiquée par plusieurs articles du code de procédure (art. 154, 155, 156, 157, 158, 160 et 162).

560. Mais la distinction que nous venons d'établir doit évidemment disparaître quand il s'agit d'un jugement rendu par défaut sur opposition à un premier jugement par défaut. Et, en effet, le jugement sur opposition ne peut être prononcé contre une partie n'ayant pas d'avoué. Lorsque le jugement par défaut est rendu contre une partie ayant un avoué, l'opposition doit se faire par requête d'avoué à avoué (art. 160, code de procédure civile). Lorsque la partie contre laquelle le jugement par défaut a été prononcé n'a pas d'avoué, l'opposition n'est valable qu'à charge de certaines formalités et, en premier lieu, la constitution d'avoué (art. 162, code de procéd. civ.).

Le défaut sur opposition n'étant jamais qu'un défaut faute de conclure, il en résulte que le demandeur peut toujours modifier ses conclusions, même au-dessous du taux d'appel.

Nous avons vu, au numéro précédent, que dans le cas de défaut sur opposition, M. Rodière admet que jamais le demandeur ne peut modifier ses conclusions quant au ressort, et cela par la raison qu'on ne peut faire opposition à un jugement sur opposition. Opposition sur opposition ne vaut. Mais nous avons démontré que la faculté de faire opposition laissée au défendeur n'a pas d'influence sur la valeur intrinsèque du jugement par défaut.

Contre notre opinion, on pourrait invoquer un arrêt de la cour de Bruxelles qui a admis que lors d'un jugement par défaut sur opposition, le demandeur ne pouvait modifier ses conclusions. Voici comment la cour s'exprime dans cet arrêt du 19 janvier 1833 (Pas., 1833, 2, 24):

Attendu que, par exploit du 24 mai 1832, l'intimé a assigné l'appelant devant le tribunal de commerce séant à Mons, pour voir ramener et plaider la cause entre les parties, mue par exploit introductif du 14 mai et, sur opposition, du 17 juin précédent, par suite pour s'entendre condamner par corps au payement de ce qu'il redevait à lui intimé, par suite de la liquidation amiable et verbale faite entre lui et l'appelant, avec intérêts et dépens;

Attendu que par suite de cet exploit, l'instance sur opposition s'est trouvée liée devant le premier juge;

Attendu que le second jugement par défaut, rendu sur cette dernière assignation, à charge de l'appelant, par le tribunal de commerce séant à Mons, le 3 avril 1831, constate: 1° que les conclusions de l'intimé n'ont été modifiées qu'à l'instant où le défaut a été requis et ainsi dans l'absence et à l'insu de l'appelant; 2° que

tribunaux de commerce, la distinction entre le défaul faute de comparaître et celui faute de conclure peut être admise, on peut voir Carré-Chanveau, t. 3, p. 303 et suiv., no 1546.

DES TRIBUNAUX DE PREMIÈRE INSTANCE.

malgré une rédaction très-fautive et trèsinexacte, le jugement est, quoiqu'il ne l'exprime point, un véritable débouté d'opposition qui, en résultat, réduit à 403 fl. 27 cents la première condamnation prononcée sur une demande primitive de 945 fl. ;

conclusions primitives, si le juge agissait de cette façon, il adjugerait au demandeur ultra petita. C'est en ce sens que s'est prononcée la cour de Bruxelles, par arrêt du 13 janvier 1847.

«Attendu, dit la cour, que ce n'est pas l'action, telle qu'elle est libellée dans l'exploit d'assignation, qui détermine la compétence du juge en premier ou en dernier ressort, mais bien la valeur de l'objet sur lequel frappe la contestation, et sur lequel le juge est appelé à prononcer par suite des conclusions prises contradictoi

« Attendu que les conclusions adjugées par défaut ne peuvent servir à fixer l'état de la contestation, parce qu'aucun débat n'a pu préciser la véritable hauteur de la somme contestée, évaluation qui ne peut résulter que de la contradiction à la demande par le défendeur;

Attendu qu'il est de principe que la compétence, sous le rapport du premier et dernier ressort, ne se règle point d'après la somme adjugée, mais d'après la somme demandée, et que l'on objecterait en vain que la somme demandée a été réduite à celle inférieure en der-rement devant lui; nier ressort, puisqu'il y avait demande et condamnation à une somme supérieure au dernier ressort, contrat judiciaire lié sur cette condamnation au moyen de l'opposition du 19 juin 1831 et de l'assignation sur opposition en date du 24 mars suivant; que ce contrat ou quasi-contrat n'a été modifié ou restreint par l'intimé qu'en l'absence et à l'insu de l'appelant et sans son concours, et qu'enfin l'appelant a interjeté appel tant de la condamnation primitive du 31 mars 1831, qui excédait le dernier ressort, que de celle du 3 avril 1832; qu'il résulte de ce qui précède, que le juge d'appel a pu être valablement saisi;

Par ces motifs, ouï M. l'avocat général Fernelmont et de son avis, déclare l'appel recevable. >

En résumé, l'argumentation de la cour consiste à dire que le demandeur n'avait pas pu modifier ses conclusions au moment du jugement par défaut sur opposition et cela parce que le contrat judiciaire était lié entre les parties lors du premier jugement par défaut, par le moyen de l'opposition, et que l'intimé n'avait pu modifier ce contrat en l'absence et à l'insu de l'appelant.

L'appel était donc recevable puisque les premières conclusions portaient une somme supérieure à 1,000 fr.

Cet arrêt nous paraît ne pas avoir distingué le caractère du jugement qui intervient sur l'opposition.

Il n'est pas douteux que l'opposition n'a pas pour conséquence de détruire le jugement par défaut contre lequel elle se produit, et qu'elle ne fait qu'en suspendre l'exécution.

C'est un principe développé par Carré (Procédure, no 661) et mis en pratique par la cour de Metz, le 21 novembre 1817 (Pas., à sa date). La cour de Rouen a décidé de même que le jugement par défaut reprend toute sa force s'il y a débouté d'opposition. 27 mai 1834 (Jurisprudence du XIXe siècle, 1834, 2, 579).

Mais il nous paraît certain, d'autre part, que la valeur de la contestation n'est pas irrévocablement fixée lors du jugement par défaut, et que si la demande est réduite postérieurement sur opposition, c'est le chiffre de la réclamation ainsi modifiée qui fixe le ressort. Et en effet, si le juge s'en tenait au chiffre fixé lors du jugement par défaut et refusait de tenir compte de la diminution apportée par le demandeur à ses

Attendu que si l'appel porte et sur le jugement par défaut et sur le jugement sur opposition, il n'en est pas moins vrai que le maintien du premier ne peut avoir lieu que dans les limites de la litiscontestation fixées par les conclusions contradictoires; qu'ainsi il n'a pas d'autre valeur et ne peut être considéré comme portant une autre condamnation que celui sur l'opposition;

Attendu que, par sa demande originaire, l'intimé a réclamé de l'appelant une somme de 5,280 fr. 1 c.; que plus tard à la suite d'un jugement interlocutoire, et après communication réciproque de comptes et d'explications, il a réduit cette somme à celle de 1,399 fr. 84 c.; que c'est cette somme qui lui a été adjugée; qu'ainsi l'objet du litige était en définitive inférieur au taux fixé par la loi du 25 mars 1841, et que par suite l'appel est non recevable;

Par ces motifs, ouï M. Cloquette, premier avocat général, en son avis conforme, déclare l'appel non recevable; condamne l'appelant à l'amende et aux dépens, etc.» (Pas., 1848, 2, p. 317.)

Cet arrêt tient compte de la réduction de la demande lors des débats sur opposition. Citons encore dans le sens de l'arrêt de Bruxelles du 13 janvier 1847, un arrêt de la cour de Metz, du 22 août 1821 (Dalloz, Répert., vo Degré de judiction, n° 96).

Mais, comme nous l'avons fait observer, dans le cas prévu par l'arrêt de Bruxelles de 1833, le jugement sur opposition avait été rendu luimême par défaut. Une telle circonstance peutelle priver le demandeur du droit de réduire sa demande?

Nous n'en voyons pas la raison.

La réduction de la demande est un droit absolu pour le demandeur, à moins que le défendeur ne soit pas représenté au débat. Or, nous avons vu que dans le cas de jugement par opposition, il n'est pas possible que le défendeur ne soit pas représenté, et qu'il a nécessairement un avoué.

Ainsi, quand il s'agit d'un jugement par défaut rendu sur opposition, le demandeur peut

toujours modifier ses conclusions même audessous du dernier ressort. Peu importe que l'opposant conclue ou ne conclue pas.

561. Remarquons cependant que le demandeur, en modifiant le chiffre de ses conclusions, ne pourrait modifier le fond même de la réclamation, c'est-à-dire cette demande en ellemême. L'art. 61 du code de procédure y ferait obstacle. Il faut en effet que l'exploit d'ajournement contienne l'objet de la demande ainsi que l'exposé sommaire des moyens. »

L'art. 1er du même code exige pareilles conditions pour la citation devant le juge de paix. Il faudrait donc un nouvel exploit d'ajournement pour pouvoir modifier la demande ellemême (Benech, no 81).

562. Les conclusions peuvent être modifiées par le demandeur jusqu'à la clôture des débats en première instance; mais le changement qui serait apporté aux conclusions en appel seulement ne pourrait avoir aucune influence sur la recevabilité de cet appel.

C'est là un principe incontestable qui a encore été consacré récemment par la cour de Liége, par arrêt du 12 janvier 1856 (Pas., 57, 2, 42), par la cour de Bruxelles, par arrêt du 28 avril 1858 (Pas., 1858, 2, 281), et par la cour de cassation, par arrêt du 14 mai 1859 (Pas., 1859, 1, 204). Voici en quels termes cette dernière cour établit la règle dont nous parlons:

«Attendu que d'après l'art. 14 de la loi du 25 mars 1841, les tribunaux de première instance ne connaissent, en dernier ressort, que des actions dont l'objet est d'une valeur déterminée et circonscrite dans les limites tracées par cet article; que si cet objet est d'une valeur indéterminée et si, nonobstant ce qui est prescrit par les art. 15, 16 et 18 de la même loi, le tribunal de première instance connaît de l'action sans que cette valeur ait été préalablement déterminée par les parties, il n'y statue qu'en premier ressort et l'appel est ouvert contre son jugement; qu'ainsi c'est avec fondement que l'arrêt attaqué admet, en principe, qu'au point de vue de la recevabilité de l'appel, l'importance du litige se détermine par les conclusions prises en première instance, et par le jugement rendu sur ces conclusions, abstraction faite des explications, évaluations ou réductions résultant des conclusions prises en instance d'appel. »

Le même principe avait été consacré déjà par la cour de Poitiers, le 6 juillet 1824 et par celle de Metz, le 5 juillet 1838 (Dalloz, Rép., v° Degré de juridiction, no 113.)

La règle que les conclusions prises en appel restent sans influence sur le ressort est générale et s'applique au cas où la valeur du litige est fixée par elle-même (art. 14), comme à celui où c'est le demandeur ou les parties qui sont forcés de la déterminer (art. 15 et 18).

563. Il est possible, enfin, qu'à raison de certaines circonstances, les conclusions du demandeur, même présentées utilement en pre

mière instance, ne puissent pas servir à déterminer le ressort.

Ainsi, par exemple, s'il est évident que la somme demandée a été exagérée à dessein dans le cours du procès, afin d'éviter le dernier ressort, il n'y a pas lieu d'accueillir l'appel. La fraude ne peut en aucun cas faire naître un droit. Elle est toujours en dehors des hypothèses prévues par le législateur.

C'est en ce sens que s'est prononcée la cour de Rennes dans un arrêt du 28 janvier 1819 (Dalloz, Rép., vo Dern. ressort, no 94). « Attendu, dit la cour, que c'est par la nature et la quotité des demandes que l'on peut décider de la compétence des tribunaux; que la demande formée, fixée et déterminée par Dupasquier, appelant, devant la justice de paix, et répétée devant le tribunal de Redon, ne s'élève qu'à 150 fr.; que si, postérieurement et dans le cours de l'instance, il a plu à Dupasquier de la porter, sans nouveaux motifs fondés sur des faits antérieurs, à la somme excessive de 1,200 francs, c'est évidemment pour parvenir à éviter un jugement en dernier ressort.

Attendu que la compétence des tribunaux et la fixation des sommes auxquelles il leur est attribué de juger sans appel, étant d'ordre public, l'on ne peut sans inconvénient laisser aux parties le pouvoir de se soustraire aux règles tracées par la loi sur cette compétence et cette fixation; que les plaideurs auraient manifestement la faculté d'éluder ces règles, s'ils pouvaient, à leur volonté, impunément et sans motifs plausibles, changer leurs demandes primitives, et en outrer arbitrairement le montant, dans l'unique but de se ménager, contre le vœu de la loi, le droit d'appeler et de fatiguer par ce moyen leurs adversaires, en les traduisant successivement devant plusieurs tribunaux pour des contestations du plus modique intérêt;

«Attendu enfin que, dans l'espèce actuelle, il est hors de toute vraisemblance et de toute probabilité que l'objet du litige puisse, dans aucun cas, excéder la somme de 1,000 francs, somme presque six fois supérieure à celle demandée originairement par l'appelant; - déclare l'appel non recevable.»

Ce principe que l'exagération frauduleuse de la réclamation est inefficace pour procurer le droit d'appel au demandeur a été admis de même par la cour de Gand dans les motifs de son arrêt du 27 mars 1857 (Pas., 1858, 2, 200, et la note sous cet arrêt) et par la cour de Bruxelles dans les motifs de son arrêt du 28 avril 1858 (Pas., 1858, 2, 281): « L'importance du litige, dit la cour, au point de vue de la recevabilité de l'appel, se détermine par les conclusions prises en première instance et par le jugement intervenu sur les conclusions, à moins que la demande n'ait été frauduleusement exagérée pour se procurer le droit d'appel, ce qui n'est pas le cas de l'espèce.

564. Il est certain aussi que si le chiffre de la demande avait été le résultat d'une erreur

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