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la demande; mais cette proposition ne serait exacte qu'autant que le défendeur aurait formé de son côté quelque demande qui aurait donné au litige, de son chef, un intérêt dépassant la limite du dernier ressort.» (Dalloz, Répert., vo Degré de juridiction, no 112.)

Ce que nous avons dit plus haut montre par quelles raisons nous ne pouvons admettre cette opinion de Dalloz, et pourquoi nous croyons bien fondée celle de la cour d'Amiens.

Un arrêt de Liége adopte toutefois l'opinion de Dalloz en déclarant que, quand, sur une demande supérieure à 2,000 francs, le défendeur reconnaît devoir et offre de payer une somme telle que l'intérêt du débat sur lequel | le premier juge a définitivement à statuer se trouve réduit à une somme inférieure à 2,000 fr., l'appel du jugement intervenu, et qui adjuge la demande entière, est non recevable, peu importe que les offres faites n'aient pas été acceptées. Liége, 24 mai 1845 (Pas., 1846, 2, 130).

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était réduite à la différence entre la somme demandée et la somme proposée.

Mais si, au contraire, le défendeur avait avoué devoir certains chefs de la demande, certains postes d'un compte qui lui aurait été présenté pour les objets composant le fonds de boutique cédé, le débat se serait réduit à savoir s'il devait le surplus des objets compris dans le compte, et l'action n'aurait plus eu d'autre valeur que celle de ces objets.

La doctrine de l'arrêt d'Amiens, critiquée par Dalloz, est adoptée, par la cour de Colmar dans un arrêt du 2 mars 1815 (Dalloz, loc. cit.) par la cour de Toulouse, 12 juillet 1828 (Jurisp. du XIXe siècle, 29, 2, 280); par celle de Bourges, 16 août 1831 (Jurisp. du XIXe siècle, 32, 2, 39); par celle de Douai, 9 avril 1840 (Pas., à sa date); et par celle de Pau, 27 janvier 1855 (S.-V., 1855, 2, 515).

La cour de cassation de France a adopté le même principe par arrêt du 26 février 1858. II s'agissait dans cette dernière espèce d'une demande d'une somme de 1,549 francs 90 c. pour solde de compte. A cette demande le défendeur répondait qu'il se reconnaissait débiteur d'un billet de commerce d'un import de 650 francs, lequel billet avait, d'après lui, opéré novation dans sa dette. La cour de Poitiers, par arrêt du 50 mai 1854, décide que la valeur du litige est la différence entre la demande de 1,349 fr. 90 cent. et la somme de 650 fr. reconnue par le défendeur. Mais la cour de cassation casse l'arrêt de Poitiers, eu déclarant le litige supérieur à 1,000 francs, c'est-à-dire en s'arrêtant uniquement à la demande. La cour de cassation de France a consacré de nouveau ce principe par arrêt du 22 avril 1856 (S.-V., 56, 849).

Voici sur quels considérants se base cet arrêt: « Attendu que ce sont les dernières conclusions des parties qui déterminent l'objet de la contestation qui est soumise à l'appréciation du juge; que si le demandeur se désiste d'une partie de ses prétentions ou si le défendeur accède à une partie de la demande, c'est ce qui reste en litige qui doit être pris en considération pour fixer la nature et l'importance du débat, et, par suite, pour décider si la cause est susceptible d'appel que c'est dans ce sens que la loi du 24 août a été généralement entendue, et que cette interprétation a été admise par la loi du 25 mars 1841; qu'il résulte en effet de l'ensemble de ces dispositions, et notamment des articles 8, 15 et 18, que la compétence des tribu-1, naux doit être réglée par l'intérêt et la nature des contestations, telles que les parties les ont arrêtées par leurs dernières conclusions;

En matière d'offres non acceptées, la jurisprudence française est plus divisée que la nôtre. Diverses cours ont décidé que ces offres réduisaient la demande, quoiqu'elles n'eussent pas été acceptées (V. Dalloz, vo Dernier ressort, no 114, et Table de la Pasic. fr., vo Dernier ressort, no 252).

Attendu que, par exploit du 9 décembre 1843, l'appelant a intenté son action pour avoir payement de 2,468 francs, que l'intimé a reconnu devoir 1,726 fr. 26 ceut., qu'il a même Mais la cour de cassation de France et le plus offert de payer; que, par cette reconnaissance grand nombre des cours d'appel ont adopté et cette offre de payement, le droit de l'appelant l'opinion contraire, qui est celle de Benech (p. 90) à cette dernière somme est devenu incontesta- et la nôtre (Dalloz, Répert., v° Dernier ressort, ble; que par suite l'intérêt de l'action sur la- nos 114, 115, 116; Table de la Pasicrisie franquelle le premier juge a eu définitivement à sta-çaise, vo Dernier ressort, no 251 et 251 bis). tuer s'est trouvé réduit à beaucoup moins que 2,000 francs: d'où la conséquence que l'appelant n'est pas recevable;

Par ces motifs, déclare l'appel non recevable defectu summe; condamne l'appelant à l'amende et aux dépens. ›

Il est à remarquer que la demande de 2,468 francs était faite pour payement du prix de cession d'un fonds de boutique.

De la teneur de l'arrêt, il appert que le défendeur avait proposé transactionnellement de payer une somme de 1,726 fr. 26 cent. pour la totalité de la demande. Dans ce cas, la cour de Liége ne pouvait pas décider que la demande

Des offres conditionnelles ne peuvent non plus concourir à diminuer la valeur de l'action, à moins que le demandeur ne les accepte purement et simplement (Dalloz, Répert., v° Dernier ressort, no 117).

573. Nous avons vu plus haut que l'acquiescement par le défendeur à un ou plusieurs chefs de la demande a pour effet de réduire cette demande de toutes les sommes dont le défendeur convient être débiteur.

Pour que la réduction de la demande s'opère par l'acquiescement partiel du défendeur, est-il nécessaire que cet acquiescement soit constaté par le jugement prononçant sur la demande?

Dalloz répond' affirmativement à cette question :

Pour que le défaut de contestation sur une partie de la demande produise l'effet de réduire les conclusions du demandeur, et de rendre le litige susceptible du dernier ressort, il est nécessaire que l'adhésion du défendeur, son aveu ou sa reconnaissance de partie de la demande se trouvent établis par le jugement, car souvent la demande n'est formée qu'en vue d'avoir un titre exécutoire. Vainement produirait-on des conclusions signifiées dans lesquelles cet aveu serait constaté; si le jugement est muet sur ce point et s'il contient une condamnation pure et simple au payement de la totalité de la somme demandée, on doit croire que des circonstances survenues depuis ont rétabli le débat dans les termes de la demande originaire.» (Répert., vo Degré de juridiction, no 128.)

Nous ne pouvons admettre cette opinion. Nous avons dit plus haut que le jugement n'a véritablement aucune influence sur la valeur de l'action. Si le jugement condamne simplement le défendeur à payer toute la somme ré- | clamée par le demandeur, ce n'est pas là une raison suffisante pour supposer que des circonstances ont rétabli le débat dans les termes de la demande originaire. Il suffit que des conclusions aient été prises par le défendeur et aient modifié le litige, pour que la demande originaire ne puisse plus reparaître, à moins d'une autre modification formelle de la valeur du litige. A l'appui de son opinion Dalloz invoque cependant un arrêt de la cour de cassation de France rendu dans les circonstances suivantes : En 1806, Fesquet père et fils, négociants, se reconnaissent débiteurs au profit de la veuve Molinier d'une somme de 2,000 francs, provenant d'une somme plus forte en assignats, réduite d'après l'échelle de dépréciation. En 1821, après le décès de la créancière, ses héritiers (Saint-Martin) assignent Fesquet en payement de l'obligation échue depuis longtemps, avec les intérêts de droit. - L'obligation principale n'étant pas déniée, la contestation roulait sur la quotité des intérêts dus, Le 15 déc. 1821 intervient un jugement qui condamne Fesquet au payement de 2,000 francs et des intérêts pendant les cinq dernières années (500 francs), à la charge par le sieur Saint-Martin d'affirmer par serment que des intérêts avaient été stipulés, etc.

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Pourvoi par ce dernier pour fausse application de l'art. 1367, code civil. Il cherche à établir que le pourvoi est recevable, en ce que les intérêts seuls étant contestés, le jugement s'est trouvé rendu en dernier ressort; que, dès lors, c'est par la voie de cassation et non par celle de l'appel qu'il a dû se pourvoir pour faire annuler une délation illégale de serment. Sur ce pourvoi intervient l'arrêt suivant: «Attendu que l'intérêt d'une contestation se règle par la citation; que dans l'hypothèse actuelle, la citation a été donnée pour le payement d'une somme de

2,000 francs et des intérêts de cette somme depuis 1806; qu'ainsi le jugement était sujet à l'appel; » — rejette. 6 novembre 1823.-C. cass. (Dalloz, Répert., vo Dernier ressort, sub no 111).

Mais cet arrêt ne consacre nullement le principe que le jugement doit nécessairement mentionner l'acquiescement du défendeur. L'arrêt dit, il est vrai, fort justement que l'intérêt du litige se règle par la citation, et il en est ainsi en effet, à moins que le demandeur ou le défendeur n'ait modifié la valeur de l'action par des conclusions formelles. Mais dans l'espèce jugée par la cour de cassation, non-seulement le jugement dénoncé à la censure de la cour ne parlait pas d'acquiescement ou d'aveu de la part du défendeur sur un point déterminé du procès, mais il n'apparaît pas que des conclusions formelles eussent été prises en ce sens par le défendeur. Telle est la raison qui avait laissé subsister la citation dans toute sa force. La reconnaissance de la dette de 2,000 francs faite en 1806 par les sieurs Fresquet longtemps avant l'intentement d'un procès, commencé en 1821 seulement, n'avait évidemment pu avoir pour effet de modifier la valeur du litige, laquelle est réglée en généra! par la citation.

D'autre part, les explications fournies par les parties lors du débat n'ont pas la puissance de restreindre ce débat, à moins qu'elles ne soient constatées par des conclusions expresses. C'est ce que la cour de Metz a décidé spécialement dans un arrêt du 20 août 1812 (Dalloz, Répert., vo Degrés de juridiction, sub no 101).

Nous pensons donc en résumé qu'il n'est pas absolument nécessaire que le jugement mentionne l'acquiescement à une partie de la demande, s'il est constaté par des conclusions formelles que cet acquiescement a eu lieu. Mais cette constatation est indispensable pour réduire la demande.

574. Les tribunaux de première instance connaissent, nous le savons, des actions personnelles ou mobilières jusqu'à la valeur de 2,000 francs en principal, et des actions réelles immobilières jusqu'à 75 francs de revenu.

Mais y a-t-il lieu à deux degrés de juridiction lorsqu'un titre d'une valeur supérieure à ce double taux est invoqué devant un tribunal?

L'action réelle de 75 francs de revenu étant assimilée à l'action personnelle de 2,000 francs, les solutions qui se rapportent à cette dernière conservent toute leur valeur pour la première.

Nous avons à distinguer diverses hypothèses. Si le titre n'est produit que pour servir d'appui à une demande inférieure à 2,000 francs, et si cette demande est un reliquat, l'invocation du titre n'aura pas pour effet de donner ouverture à l'appel. Et en effet, sur quoi porte la demande en ce cas? Uniquement sur une valeur inférieure à 2,000 fr. Le titre invoqué et reconnu valable par le juge n'aura plus aucune importance après le litige actuel, puisque la somme demandée en vertu de ce titre est un reliquat,

c'est-à-dire la dernière somme qui puisse être réclamée à l'aide du titre.

C'est ce qui a été décidé par la doctrine et par la jurisprudence: Merlin (Répert., v° Conclusions, sect. I); Carré, (Compétence, art. 281, n° 298, t. 3, p. 45).

Telle est aussi la solution adoptée par un arrêt de Bruxelles du 23 janvier 1810 (Dalloz, Répert., vo Dernier ressort, no 121), par un arrêt de Liége du 13 juillet 1826 (Pas., 26, 2, 229), rendu en matière de commerce; par un autre arrêt de Liége du 28 juillet 1832 (Pas., 32, 2, 252), et par un arrêt de Bruxelles du 26 août 1833 (Pas., 33, 2, 228).

Ce principe réunit aujourd'hui en sa faveur l'unanimité de la jurisprudence française. Nous croyons donc inutile de nous y arrêter plus longtemps. Bornons-nous à renvoyer quant à cette jurisprudence à la Table de la Pasicrisie française, v° Dernier ressort, no 152 et suiv.; et au Répertoire de Dalloz, vo Dernier ressort, nos 121 et suiv.

Nous avons déjà établi un principe analogue quant à la juridiction du juge de paix, en donnant compétence à ce magistrat quand une somme inférieure à 200 francs seulement est réclamée devant lui, mais qu'on invoque un titre pour justifier la demande (supra, sur l'art. 4er, n° 63).

575. Lorsque le titre invoqué devant le tribunal présente pour l'avenir une valeur supérieure à 2,000 francs, ou que la demande présente un intérêt supérieur à 2,000 francs, y a-t-il lieu à deux degrés de juridiction?

Incontestablement oui.

C'est le titre qui doit ici régler le ressort. Et en effet, la demande n'étant pas un reliquat, le titre conserve toute sa valeur après le procès actuellement en instance. Ce n'est donc pas uniquement la demande présente qu'il faut envisager pour déterminer le ressort, mais c'est la valeur du titre dont la validité doit être reconnue à l'occasion de cette demande. C'est la contestation sur ce titre qui forme le véritable litige.

Divers arrêts ont consacré ce principe.

Ainsi les arrêts de Liége du 25 janvier 1809 (Rec., t. 3, p. 142), et du 24 mai 1814 (Pas., 14, 2, 78); de La Haye du 2 janvier 1820 (Pus., 20, 2, 6); de Liége du 4 juin 1842 (Pas., 42, 2, 217); et du 1er février 1843 (Pas., 43, 2, 104); et de Bruxelles du 15 avril 1845 (Pas., 1845, 2, 187).

La cour de Bruxelles a décidé dans le même sens que la réduction que le demandeur fait du litige au-dessous de 2,000 francs ne forme pas obstacle à l'appel quand la base de l'action n'est autre qu'une convention emportant un chiffre supérieur à 2,000 francs. 15 janvier 1855 (Pus., 1856, 2, 10; Journal de procédure, de Martens, 1855, p. 185).

La cour de Gand a de même décidé qu'il y avait lieu au double degré de juridiction dans le cas où une demande introductive d'instance

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tendait non-seulement au payement de sommes déterminées ne s'élevant pas à 1,000 francs, mais encore à l'obtention d'un titre nouvel d'une constitution de rente. — Gand, 16 nov. 1835 (Pas., 35, 2, 338).

La demande en titre nouvel avait dans l'espèce une valeur indéterminée, parce qu'elle tendait à l'obtention d'une plus ample hypotheque. La demande entière ne se bornait donc pas à une somme inférieure à 1,000 francs pour arrérages, mais elle était indéterminée et par suite sujette à appel.

La cour de Bruxelles a enfin décidé que le jugement qui statue sur la demande en payement d'une redevance en grains, que le défendeur prétend être abolie comme féodale, est susceptible d'appel, même alors que la somme nécessaire pour la racheter au taux fixé par la loi des 18-29 déc. 1790, et la valeur des arrérages réclamés ne s'élèveraient pas à 1,000 fr. - 12 nov. 1825 (Pas., 1825, 2, 515).

L'existence ou la non-existence de la rente foncière, tel était le véritable objet du litige. L'appel ne pouvait être refusé sur une pareille contestation, parce qu'il n'était pas possible de déterminer la valeur de la rente dans l'avenir. L'objet du litige était donc indéterminé et par suite l'appel recevable. Quant au prix de rachat de la rente, il ne pouvait servir de base à l'appréciation de la valeur de cette rente puisque ce rachat u'était pas en question. On demandait non le rachat, mais l'abolition de la rente.

Il y a de même lieu à appel lorsque sur une demande d'une somme inférieure à 2,000 fr. formée par une autorité provinciale contre le riverain d'une rivière pour sa part dans des travaux de curage, celui-ci met en question la légitimité de la charge qu'on veut lui imposer et qui est de nature à se renouveler périodiquement. Bruxelles, 4 juin 1856 (Pas., 57, 2, p. 14).

Le jugement déterminant l'étendue de l'obligation du riverain s'était prononcé sur une valeur indéterminée. Il est à remarquer que, dans cette dernière espèce, la cour constate que le litige aurait dû être évalué; mais cette évaluation n'ayant pas été faite, l'appel était de droit commun. La radiation du rôle ne pouvait être prononcée par la cour (V., infra, art. 15 de la loi de 1841).

La cour de Bruxelles a encore déclaré recevable l'appel d'un actionnaire d'une société anonyme qui, bien que porteur seulement de deux actions d'une valeur nominale de 1,000 francs, conclut à la nullité de la société pour inobservation des formalités prescrites par la loi et à des dommages-intérêts de ce chef contre les administrateurs. Ce dernier objet du litige était évalué à 3,000 fr. 23 janvier 1856 (Pas., 1856, 2, 253).

-

L'intérêt du litige ne se limitait pas à la restitution du prix des actions, c'est-à-dire à 1,000 francs. Le porteur des actions réclamait

DES TRIBUNAUX DE PREMIÈRE INSTANCE.

des dommages-intérêts et concluait à la nullité de la société. De ce chef, le litige dépassait le taux du dernier ressort.

Dans ces divers cas, la demande qui faisait l'objet du litige se compliquait d'une contestation d'une valeur supérieure à 2,000 francs. Il en est de même lorsque, à l'occasion d'une demande d'arrérages d'une rente, demande inférieure au taux du dernier ressort, l'existence de la rente elle-même est mise en question. La jurisprudence a unanimement décidé que dans ce cas c'est la valeur des arrérages pour l'avenir, aussi bien que pour le présent, qui doit servir à déterminer la valeur du litige. Citons en ce sens les arrêts de Bruxelles du 1er mars 1828 (Pas., 28, 2, 84) et du 23 novembre 1831 (Pas., 31, 2, 315), et l'arrêt de La Haye du 3 avril 1829 (Pas., 29, 2, 132).

Un arrêt de Bruxelles du 22 mars 1825 a décidé dans le même sens que dans le cas où celui qui réclame plusieurs années d'intérêts, ne s'élevant pas ensemble à 1,000 fr., d'une rente dont l'existence est contestée, a cédé et transporté le capital de cette rente à un tiers, on doit encore avoir égard à la hauteur de ce capital pour fixer la compétence du juge en premier ou dernier ressort (Pas., 25, 2, 355).

Et en effet la cession du capital de la rente à un tiers ne limitait pas la valeur du litige aux arrérages réclamés. Le vendeur, étant responsable de la cession de la créance, avait intérêt à faire reconnaître par le juge l'existence de la rente contestée par le debiteur. Voici comment la cour réfute la théorie contraire exposée par le défendeur. Le défendeur, ici intimé, dit la cour, oppose en vain que les demandeurs, appelants en cause, ayant, par acte passé devant le notaire Gleizes le 20 avril 1819, transporté aux époux Mertens la rente prémentionnée, ainsi que les intérêts échus depuis le 25 décembre 1818, et ayant ainsi cessé depuis cette époque d'être propriétaires de cette rente, son capital ne peut plus être pris en considération pour fixer le dernier ressort, puisqu'il parait incontestable que les demandeurs étant d'après les principes du droit et spécialement d'après l'art. 1693, code civil, tenus de garantir l'existence de la créance par eux transportée, au temps du transport, ont intérêt dans la contestation sur le capital, et peuvent faire valoir tous leurs droits et moyens à cet égard; de tout quoi il résulte que l'appel est recevable dans l'espèce, vu que la somme excède 1,000 francs;

«Par ces motifs, ouï M. Deguchteneere et de son avis, reçoit l'appel, etc.

Notons encore dans le même sens les arrêts de Bruxelles du 14 août 1854 (Pas., 34, 2, 229), et de Liége du 4 février 1835 (Pas., 35, 2, 46), qui décident tous deux dans leurs motifs que la contestation sur la rente elle-même venant s'ajouter à une demande d'arrérages rend l'appel recevable (V., supra, notre no 598). Le capital de la rente sert alors à la détermination

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du ressort et au besoin se joint aux arrérages antérieurs à la demande.

Quant aux applications que la jurisprudence française a faites de ce même principe (V. Dalloz, vo Dernier ressort, nos 127 et suiv., et Table de la Pasicrisie française, vo Dernier ressort, § 3; et supra, nos nos 64 et 65).

Il importe peu d'ailleurs que la contestation du titre soit faite par l'une ou par l'autre des parties. Du moment que des conclusious produites dans une instance mettent le juge dans la nécessité de se prononcer sur la validité ou sur l'existence d'un titre, l'appel est recevable. Il n'en est ainsi, bien entendu, que quand la valeur du titre est supérieure à 2,000 francs, soit dans l'instance actuelle, soit pour l'avenir. Il en est de même encore lorsque la valeur du titre reste indéterminée. Dans ce dernier cas, l'appel est en effet toujours recevable, comme nous le verrons plus loin.

Remarquons enfin qu'on ne peut appliquer au cas dont nous parlons la règle édictée par l'art. 14 pour la rente immobilière, pour laquelle le ressort se détermine d'après le revenu. Tel est aussi l'avis de Dalloz (Répert., vo Dégré de juridiction, no 276 et suiv.) V. aussi, infra, notre no 666.

576. Il nous faut encore dire quelques mots du cas où la demande a pour objet une somme inférieure à 2,000 fr., mais où le litige a cependant une valeur supérieure à ce chiffre.

Ce cas se présente spécialement quand le juge est appelé à trancher la question de savoir si le débiteur assigné doit simplement sa part dans une obligation, ou bien s'il est obligé hypothécairement pour le tout.

Il nous paraît évident que si, à raison d'une obligation hypothécaire, le débiteur poursuivi peut être éventuellement contraint de payer une somme supérieure à 2,000 fr.; le litige a pour lui une valeur supérieure au dernier ressort, et l'appel est nécessairement recevable.

C'est en ce sens que s'est prononcée la cour de Liége en décidant que lorsqu'un créancier hypothécaire a formé contre plusieurs tiers détenteurs une demande en payement d'une somme inférieure à 1,000 fr., respectivement à chacun d'eux, et qu'un seul conteste, il y a lieu à appel du jugement qui a statué sur la demande contestée. Liége, 26 novembre 1829 (Pas., 29, 2, 302).

Attendu, dit la cour, que si la somme réclamée de l'intimé ne s'élevait pas à 1,000 fr., le titre en vertu duquel elle était demandée portait sur une somme excédant 1,000 fr., que ce n'est qu'en contestant et en écartant ce titre que l'intimé pouvait être dispensé de payer la somme réclamée à sa charge;

«Attendu, d'ailleurs, que l'action n'était pas purement personnelle, puisqu'elle ne pouvait être dirigée contre l'intimé qu'en qualité de tiers détenteur d'où il suit que l'appel est recevable.»

:

La seconde raison invoquée par la cour suffisait-elle à rendre l'appel recevable? Nous trai

terons cette question en parlant des actions mixtes.

La cour de Liége par un second arrêt déclare qu'il y a lieu à appel du jugement statuant sur la question de savoir si une personne qui se reconnaît redevable d'une quotité de rente peut contester la débition du surplus. Il n'importe que la partie contestée n'atteigne pas le chiffre de 1,000 fr., si la demande de divisibilité est fondée sur le soutènement que la rente n'était pas due hypothécairement. Liége, 30 janv. 1840 (Pas., 1841, 2, 14).

Attendu, dit cet arrêt, qu'en première instance comme en appel les conclusions des appelants ont eu principalement pour but d'obtenir un titre nouvel des capitaux dont il s'agit; que l'offre faite par la commune, qui n'a pas été acceptée, de reconnaître ces capitaux pour six septièmes seulement, suppose qu'ils sout divisibles et qu'ils ne sont pas dus hypothécairement; que c'est ce double élément qui a motivé le jugement qui déclare suffisante l'offre de la commune; que cette décision ne frappe pas seulement le septième contesté, mais encore les six septièmes offerts, de sorte qu'elle embrasse la totalité de ces créances relativement à leur nature et à leurs hypothèques; que le litige pris dans son ensemble excédait évidemment la compétence du tribunal de première instance jugeant en dernier ressort;

Qu'ainsi la fin de non-recevoir ne peut être accueillie. >>

577. Comme nous l'avons dit, la contestation du titre n'a pas pour effet de donner lieu au double degré de juridiction, lorsque la valeur de ce titre jointe aux sommes réclamées n'est pas supérieure à 2,000 fr. La contestation du titre n'a, en effet, aucune importance en elle-même. Elle n'a de valeur, au point de vue du ressort, que quand ce titre donne lieu à un débat d'une valeur supérieure à 2,000 fr.

Voyons quelques applications de ce principe. L'arrêt de Liége du 21 décembre 1826 déclare que, bien que l'on réclame les arrérages d'une rente foncière, l'appel n'est pas recevable, s'il est constant que les arrérages réclamés et le capital de la rente ne s'élèvent pas à 1,000 fr. (Pas., 1826, 2, 328.)

L'arrêt de Bruxelles du 29 avril 1830 décide dans le même seus que, lorsqu'il s'agit d'une de mande en payement d'une partie du capital d'une rente et des intérêts de cette partie, le jugement qui statue sur cette demande est en dernier ressort, si la somme qui en fait l'objet n'excède pas 472 fl. 50 cents, bien que, pour faire statuer sur cette demande, le fait de l'exis tence ou de la non-existence de la rente entière, qui excède cette somme, ait été soumis au juge (Pas., 1830, 118).

Il est à remarquer que, dans le cas de ce dernier arrêt, il n'était pas douteux que le jugement ne pouvait profiter aux autres créanciers de la même rente, lesquels ne se trouvaient pas en cause. L'intérêt du litige se limitait donc né

cessairement à la demande d'une partie de capital et des intérêts, lesquels réunis n'atteignaient pas le chiffre du dernier ressort.

Un arrêt de Liége a encore décidé que le jugement sur une demande tendante : 1° au payement d'arrérages d'une rente en grains montant à 118 fr. 71 cent. ; 2° à l'obtention d'un titre nouvel, sinon au remboursement de la rente consistant en vingt setiers et un tiers d'épeautre à évaluer au taux des mercuriales, n'est pas susceptible d'appel si, en joignant les arrérages demandés au montant du capital, la valeur du litige est inférieure au taux du dernier ressort. Liége, 30 janv. 1847 (Pas., 1848, 2, 6).

Cet arrêt prévoit un cas différent de celui dont il s'agit dans l'arrêt de Bruxelles du 12 nov. 1825 (Pas., 1825, 2, 515.) V. supra, no 574.

Nous avons vu plus haut que le litige ne peut se déterminer d'après l'évaluation d'une rente foncière en argent, lorsque le rachat n'est ni demandé ni offert. Ici nous nous trouvons dans un cas tout différent. Le rachat de la rente foncière était demandé, et le chiffre du rachat joint aux arrérages ne donnait pas une somme supérieure à 2,000 francs. La cour de Liége a donc décidé avec raison que, dans l'espèce, il n'y avait pas lieu à deux degrés de juridiction.

Lorsque la qualité de la rente n'est pas mise en question entre parties et que, le demandeur en réclame le rachat, il y a lieu d'évaluer cette rente en argent. Cette évaluation doit servir de base à la juridiction. C'est ce que la cour de Liége a décidé par arrêt du 9 juin 1831 (Pas., 31, 2, 154) contre l'opinion de Carré (Lois de la compét., t. 3, p. 73, no 307).

Notre cour de cassation a de même consacré le principe que c'est la valeur de la contestation qui seule détermine le ressort, quel que soit le titre sur lequel cette contestation s'appuie.

Elle a jugé qu'il n'y a pas lieu à appel du jugement qui statue sur une contestation entre deux créanciers hypothécaires, alors que la créance contestée est inférieure à 2,000 francs. Il n'importe que le prix de l'immeuble ou des deux créances réunies dépasse la somme de 2,000 francs. Cass. 17 déc. 1852 (Pas., 1853, 2. p. 63).

Sur le pourvoi dirigé contre un jugement du tribunal de Louvain une fin de non-recevoir avait été soulevée devant la cour de cassation.

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L'action formée par l'acquéreur, disait-on à l'appui du moyen, avait pour objet la distribution du prix principal s'élevant à 2,510 fr., plus les intérêts légaux. C'est sur cette action que le tribunal a statué par son jugement du 27 février 1851. Il est vrai que chacune des deux créances à colloquer était inférieure à 2,000 fr., mais réunies elles excédaient ce chiffre, et la somme à distribuer l'excédait également. Le jugement a donc été rendu enpremer ressort. Il n'y a pas eu de procédure d'ordre, vu qu'il n'y avait que deux créanciers inscrits; mais en supposant que, comme en matière

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