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et indépendamment de toute autre demande. Ils auraient pour base, dans ce cas, un préjudice éprouvé par le demandeur, préjudice dont on ne pourrait lui refuser réparation. L'opinion qui fait compter les dommages-intérêts dans le taux de l'action quand ils ont une cause antérieure à l'instance est aussi celle de Boncenne (Introduction, chap. 13) et de Benech (Traité des just. de paix, p. 73.)

Un grand nombre d'arrêts français se sont prononcés dans le sens de cette opinion, qui est adoptée aujourd'hui par la cour suprême.

Il a été jugé par la cour de cassation de France que, quand une partie demande la résolution d'une convention et en même temps des dommages-intérêts pour une cause antérieure à l'action, ceux-ci entrent en ligne de compte pour déterminer le ressort. Cass., 7 janvier 1806 (Dalloz, Répert., v° Degrés de jurid., no 203); cass., 9 septembre 1806 (S.-V., 7, 2, 899); cass., 7 mai 1829 (Jurisp. du XIXe sièccle, 29, 1, 179; - Id., 29 janvier 1844 (Pas., 44, 1, 371.)

Ce principe est confirmé par des décisions de la plupart des cours de France (Dalloz, Répert., vo Degrés de jurid., nos 203 et suiv.), et dans le même sens Besançon, 1er août 1856 (S.-V., 56, 2, 554).

La jurisprudence belge adopte la même opinion. Elle a décidé en ce sens que les dommages-intérêts réclamés par un saisi, dans la demande en nullité de la saisie, doivent concourir à établir la limite du premier ou dernier ressort. Bruxelles, 30 décembre 1834 (Pas., 34, 2, 289).

Un arrêt de cassation du 5 août 1835 (Pas., 35, 1, 122) déclare dans le même sens que le pourvoi était non recevable, parce qu'il y avait lieu à appel d'une demande en nullité de saisie, demande à laquelle était jointe une réclamation de dommages-intérêts dépassant 1,000 fr.

La cour de Liége a aussi décidé que tous dommages-intérêts ayant une cause antérieure à l'instance devaient être comptés pour la fixation du ressort. 16 février 1842 (Pas., 42, 2, 148).

avait réclamé des dommages-intérêts, en réparation de faits prétendûment exercés par le défendeur avant la demande. La cour casse, par le motif que, pour fixer le ressort, il fallait joindre le chiffre des dommages-intérêts au chiffre de la demande primitive (S.-V., 24, 1, 33). La cour de Bordeaux se prononce dans le même sens, 6 août 1838 (Pas., à sa date).

La cour de cassation a décidé, sous l'empire de la loi de 1838, que les dommages-intérêts réclamés incidemment par le demandeur comptent pour la détermination du ressort, alors qu'ils sont fondés sur un fait distinct de la demande principale, par exemple sur les procédés vexatoires du défendeur. Cass., 12 novembre 1855 (Pas., 55, 2, 566).

Bien que cette question n'ait pas été décidée expressément en Belgique, il nous paraît impossible de la résoudre autrement sous l'empire de notre loi de 1841. Du moment que les dommages-intérêts ne prennent pas leur source dans la demande elle-même, du moment qu'ils trouvent un appui dans des faits antérieurs à cette demande, il n'y a plus aucune raison pour les considérer comme accessoires. Ils existent indépendamment de la demande primitivement produite, et viennent se joindre à celle-ci. Leur chiffre doit donc concourir avec elle à la fixation du ressort.

Ce que nous disons des dommages-intérêts, nous pouvons le dire d'ailleurs de toutes les réclamations dont nous avons parlé.

Les intérêts, fruits, dépens qui ont une cause antérieure à la demande viennent augmenter le chiffre du ressort, alors même qu'ils ne sont réclamés que pendant l'instance judiciaire.

612. Arrivons maintenant aux dommagesintérêts réclamés par le défendeur.

Lorsque ces dommages-intérêts ont une cause antérieure à l'action. ils se présentent, à n'en pas douter, sous forme de demande reconventionnelle. Que le défendeur réclame une somme d'argent en basant sa demande sur un engagemeut du demandeur, ou qu'il la réclame en soutenant que le demandeur la lui doit pour un fait dommageable posé à son égard, c'est toujours là une demande reconventionnelle. Il y a lieu, dans ce cas, à l'application de l'art. 22, § 1er, de la loi de 1841. Lorsque à la demande principale, dit cette disposition, il est opposé une 611. Remarquons que, pour l'application de demande reconventionnelle ou en compensala règle que nous venons de poser, il importe peu tion, et que chacune d'elles est susceptible d'être que la demande de dommages-intérêts se pro- jugée en dernier ressort, le juge de paix ou le duise au moment de l'exploit introductif d'in-tribunal de première instance prononcent sur stance, ou prenne naissance seulement dans le cours de l'instance. Du moment que les dommages-intérêts ont une cause antérieure à l'instance, ils concourent à fixer le ressort.

Enfin, la cour de Bruxelles a de nouvean admis le même principe en ajoutant que la loi de 1841 n'a pas dérogé sur ce point à celle de 1790. 3 décembre 1845 (Pas., 47, 2, 557).

Et, en effet, il est de règle que la demande peut être amplifiée pendant l'instance jusqu'à la clôture des débats.

C'est en ce sens que s'est prononcée la cour de cassation de France, le 1er avril 1823. Par des conclusions additionnelles, le demandeur

toutes sans appel. Si l'une des demandes n'est susceptible d'être jugée qu'à charge d'appel, il ne sera prononcé sur toutes qu'en premier res

sort. >

Il pourra donc se faire que la demande en dommages-intérêts produite par le défendeur ait pour effet de donner lieu à appel sur la contestation entière, alors même que la demande prin cipale resterait inférieure au taux d'appel. II suffira pour cela que la demande reconvention

nelle de dommages-intérêts dépasse 2,000 fr. (Infra, no 843.)

Les deux derniers paragraphes de cet article ont pour but de faciliter l'appel en ce qui concerne la contrainte par corps.

Le premier paragraphe déclare que la contrainte par corps ne peut jamais être prononcée en dernier ressort par un tribunal. La hauteur de la contestation sur le fond importe done fort peu aujourd'hui. L'accessoire suffit pour donner lieu à appel, nonobstant la valeur du principal.

613. Supposons maintenant que la demande en dommages-intérêts produite par le défendeur n'ait pas une cause antérieure à l'action intentée, mais tire son origine de cette action elle-même. Ce cas se présentera, par exemple, si le défendeur réclame des dommages-intérêts comme indemnité du tort que lui cause le demandeuren lui intentant l'action. Dans cette hypothèse, y a-t-il C'est là une exception formelle à la règle gélieu d'appliquer le principe posé par l'art. 22 nérale que l'accessoire n'augmente pas la valeur en matière de demandes reconventionnelles, ou du litige. Cette exception a été introduite en bien faut-il déclarer que la réclamation du dé- | faveur du débiteur malheureux atteint par la fendeur est accessoire et ne compte pas dans le rigueur de l'exécution par corps. Elle est une chiffre de la contestation? Cette question est conséquence naturelle de l'humanité qui doit controversée. Nous aurons occasion de la traiter | présider à l'exécution des lois. en commentant l'art. 22.

Disous cependant dès maintenant que nous ne croyons pas possible de considérer comme influant sur le ressort une réclamation du défendeur ne prenant sa source que dans l'action intentée.

614. Sous l'empire de la loi de 1790 sur l'organisation judiciaire et de la loi du 15 germinal an vi sur la contrainte par corps, il a été décidé à diverses reprises, tant par la jurisprudence française que par la jurisprudence belge, que la contrainte par corps était un accessoire de la demande.

Il n'y avait donc pas lieu d'accorder l'appel pour la contrainte par corps quand la demande principale ne donnait pas lieu au double res

sort.

Ce point avait été jugé en Belgique par divers arrêts dont les plus récents sont ceux de Bruxelles, du 7 mai et du 2 juillet 1856 (Pas., 57, 2, p. 44). V. aussi table de la Pasicrisie belge, vo Dern. ressort, nos 201 à 203, 204 à 208.

La loi française du 17 avril 1832 sur la contrainte par corps a inauguré sous ce rapport un principe nouveau. Son art. 20 porte: ‹ Dans les affaires où les tribunaux civils et de commerce statuent en dernier ressort, la disposition de leurs jugements relative à la contrainte par corps sera sujette à appel. »

De cette disposition il résulte qu'en France, depuis 1832, la contrainte par corps prononcée par un tribunal rend toujours le jugement susceptible d'appel à ce point de vue, alors même que le chiffre de la demande reste inférieur au taux du dernier ressort.

Notre loi nouvelle sur la contrainte par corps contient une disposition analogue.

L'art. 22 de la loi du 21 mars 1859 (Moniteur du 22) porte en effet Tous jugements statuant sur la contrainte par corps seront rendus en premier ressort quant à la disposition relave à ce mode d'exécution.

L'appel sera toujours suspensif en ce qui concerne la contrainte par corps, à moins que le jugement n'ait ordonné l'exécution provisoire. «Le débiteur pourra même appeler dans les trois jours de son incarcération; il restera en état. »

Sous l'empire de la législation de 1790 et de celle de l'an vi, on admettait le recours en appel pour une somme supérieure à 1,000 fr.; mais l'appel restait interdit quand il s'agissait de la liberté, c'est-à-dire d'un bien d'une valeur incalculable.

615. Remarquons d'ailleurs que la question de savoir un débiteur peut être arrêté ou doit être retenu prisonnier se présente parfois devant un tribunal, non plus comme accessoire, mais comme objet principal d'une action.

Dans ce cas, même sous l'empire de la loi de germinal an vi, il y avait lieu à appel. C'est ce qui a été jugé par la cour de Bruxelles par arrêt du 22 juin 1858.

Attendu, dit la cour, qu'un jugement du tribunal de commerce de Bruxelles, en date du 9 février 1857, produit au procès en expédition enregistrée, a condamné l'intimé Collier, par corps, à payer à Salom, appelant, la somme de 2,000 fr., import d'un billet souscrit à Bruxelles par Collier à l'ordre de Salom;

Attendu qu'en exécution de ce jugement l'appelant a fait incarcérer son débiteur à Anvers, le 25 mai 1858;

Attendu que l'intimé Collier a demandé, devant le tribunal de première instance d'Anvers, la nullité de cette incarcération, avec dommages-intérêts, par le motif qu'il avait atteint sa soixante et dixième année; qu'aux termes de la loi française du 17 avril 1832, l'emprisonnement pour cause commerciale ne peut être exercé, qu'il cesse même de plein droit, lorsque le débiteur à commencé sa soixante et dixième année, et que l'appelant, citoyen français, ne saurait avoir en Belgique des droits dont un Belge ne jouirait pas en France;

Attendu, quant à la fin de non-recevoir opposée par l'intimé, que la demande portée devant le tribunal d'Anvers est fondée sur un fait postérieur au jugement de Bruxelles du 9 février 1857, fait qui constituerait, de la part de l'appelant, l'abus du droit que ce jugement lui confère;

Attendu que cette demande, au double point de vue de sa cause et de son objet, est complétement différente de l'action vidée par le jugement susdit, et qu'elle n'en peut dès lors

être considérée comme la conséquence néces- | ployés par les parties. C'est au litige en luisaire et l'accessoire ; même qu'il faut s'arrêter pour déterminer le ressort.

‹ Attendu que l'intimé, dans son exploit d'ajournement, a lui-même évalué sa demande à la somme de 10,000 fr.;

Que si cette estimation a été réduite à 3,000 fr., in decursu litis, elle n'en reste pas moins supérieure au taux du dernier ressort, et réserve par conséquent le droit d'appel aux parties engagées dans l'instance;

« Qu'il suit de là que la fin de non-recevoir n'est pas justifiée... » (Pas., 58, 2, 341.)

Sous l'empire de la loi du 21 mars 1859, la doctrine de cet arrêt n'a pas perdu son utilité. Il suit de cette doctrine que la question de l'exercice de la contrainte par corps peut être complétement dégagée de celle de l'exécution du jugement qui autorise cette voie de rigueur. Il suffira pour cela que l'on prétende que la contrainte par corps ne peut plus s'exercer par suite d'une circonstance survenue depuis la prononciation du jugement. Ainsi par exemple si, depuis la prononciation du jugement, le débiteur a atteint sa soixante et dixième année, il est évident qu'il cesse d'être soumis à la contrainte par corps et ne peut plus être détenu, puisque, d'après l'article 26 de la loi du 21 mars 1859, la contrainte par corps cesse contre les septuagénaires.

Une action introduite par un septuagénaire à fin d'élargissement sera donc toujours recevable, alors même que le débiteur aurait appelé précédemment du jugement qui le condamnait par corps, et aurait été repoussé dans sa prétention. La demande d'élargissement est une action nouvelle tout à fait indépendante de l'exécution du jugement prononçant la contrainte par corps.

L'action principale du chef d'élargissement ne nous paraît d'ailleurs pas susceptible d'évaluation, et donne toujours lieu à appel (infra, n° 714).

Mais si la demande produite incidemment, soit par le demandeur, soit par le défendeur, est de telle espèce qu'elle acquière une valeur propre, elle change alors la valeur même du litige, et il y a lieu d'en tenir compte pour la détermination du ressort.

Nous avons vu que si une contestation s'élève à propos d'arrérages, par exemple, et que le titre de la rente soit contesté, ce ne sont plus seulement les arrérages demandés pour une ou plusieurs années qui forment l'objet du litige; le véritable objet du débat entre le demandeur et le défendeur est alors l'existence de la rente. Pour déterminer le ressort, il faudra donc s'arrêter à la valeur du titre en son entier. Il en sera ainsi spécialement quand le défendeur opposera une exception tirée de la prescription contre le titre même de la rente dont on demande des arrérages. Il en sera de même encore quand le défendeur s'inscrira en faux contre ce | titre.

Nous pouvons étendre ce principe, et nous disons, en général, qu'il y a lieu à appel quand il se présente une exception ayant pour effet de soumettre au juge non-seulement la demande actuelle et directe, laquelle est inférieure au taux du dernier ressort, mais encore un intérêt supérieur au taux du ressort. Telle est l'opinion exprimée par Merlin (Répert., vo Dern. ressort, p. 447) par Benech (p. 107 à 111), et par Rodière (t. 1, p. 185).

617. Arrivons maintenant aux diverses applications du double principe que nous venons de poser.

Il nous paraît certain d'abord que les fins de non-recevoir opposées à la demande n'ont pas d'influence sur le ressort.

La fin de non-recevoir est une exception qui a pour effet de rendre inutile l'examen du fond du litige. Tantôt cette exception est tirée d'une question de forme: oubli ou retard dans une formalité de procédure. Tantôt elle est opposée

616. Nous avons à examiner maintenant diverses demandes d'une nature particulière, à analyser leur caractère et à déterminer leur importance au point de vue du ressort. Les demandes incidentes influent-elles sur le à la demande en elle-même. La fin de nonressort?

Nous avons vu plus haut qu'un titre produit incidemment à l'appui d'une action reste forcément sans influence sur le ressort, parce que dans ce cas le titre, alors même qu'il a une grande importance par lui-même, ne sert qu'à justifier les conclusions principales. C'est en effet dans le chiffre fixé par ces conclusions, et non dans les moyens qui les justifient, que se concentre l'importance du litige (supra, n° 578.)

C'est du même point de vue qu'il faut partir quelles que soient les demandes incidentes qui se présentent. Peu importe d'ailleurs qu'elles soient produites par le demandeur pour justifier sa réclamation, ou par le défendeur pour repousser l'action intentée. Le but de l'action ne change pas d'après les moyens qui sont em

recevoir est, dans ce dernier cas, un moyen péremptoire qui rend la demande inacceptable. Ainsi, par exemple, le moyen tiré de la prescription, ou celui résultant de la chose jugée. Quelque bien fondée que soit l'action en ellemême, elle ne peut triompher, si l'un de ces moyens se trouve être justifié.

Nous pensons que ces fins de non-recevoir ne peuvent exercer aucune influence sur le ressort. Elles n'ont, à vrai dire, d'autre effet que de rendre la demande inacceptable par le juge. Leur importance ne dépasse donc jamais l'importance du litige en lui-même.

La valeur de l'action ne s'accroît pas en effet parce que, au lieu d'examiner le fondement de la demande au fond, le juge est obligé de repousser celle-ci sans examiner si elle est justifiée.

Toutefois un arrêt de Bruxelles a adopté une

doctrine contraire. Voici comment la cour justifie son opinion:

a Attendu que s'il n'échoit point d'appel des décisions portées sur des questions incidentes ou accessoires à une demande dont l'objet n'est pas soumis à l'appel, et qu'à cet égard les contestations accessoires ou incidentes suivent le sort de la demande au fond, il n'en est pas de même lorsqu'il s'élève une contestation sur une exception ou fin de non-recevoir, qui est préalable à tout examen au fond et est parfaitement indépendante de la nature et des mérites de la contestation au principal; que dans ce cas l'appel de la décision sur pareille exception ou fin de non-recevoir ne peut être rejeté sur le motif que la demande au fond ne serait pas appelable, mais que, dans cette circonstance, l'appel est recevable, si d'ailleurs la matière n'est pas de l'espèce de celles dont la connaissance est attribuée au premier juge avec exclusion d'appel; «Attendu que l'appelant a opposé à la demande de l'intimé, en première instance, une exception ou fin de non-recevoir motivée sur ce que lui, appelant, n'avait pas été cité au bureau de conciliation par-devant le juge de paix de son domicile;

Que la contestation à ce sujet, vidée par jugement porté en appel, n'est pas incidente à la demande au principal, qu'elle ne touche en rien les mérites du fond de la demande de l'intimé, et ne peut avoir aucune influence pour la décision de ces prétentions; que partant le premier juge, en rejetant l'exception proposée par l'appelant, a porté une décision sur une contestation dont l'objet est indéterminé, et dont par conséquent il échoit appel; » 22 janvier 1818 (Pas., 18, p. 18).

Il est vrai, répondons-nous, que la fin de non-recevoir proposée dans l'espèce jugée par la cour de Bruxelles ne touchait en rien le fond de la demande ; mais était-ce bien là une raison pour déclarer que la décision quant à cette fin de non-recevoir portait sur un objet indéterminé, et dont par conséquent il échéait appel? Nous ne le croyons pas. La fin de non-recevoir, bien qu'étrangère au fond, avait pour unique effet de paralyser l'action. Dès lors ce moyen n'avait pas une valeur indéterminée. Sa valeur, se mesurant à l'effet que la fin de non-recevoir pouvait produire, se restreignait nécessairement à l'importance de l'action. Et comme celle-ci était inférieure au taux d'appel, la fin de nonrecevoir ne donnait pas davantage ouverture au double ressort.

La cour de Gand a adopté ces principes dans un arrêt du 7 juin 1839 (Pas., 39, 2, 105).

En réponse à une demande en validité de saisie-gagerie, pratiquée par Demeyer sur les meubles garnissant la maison louée, les locataires Thoen opposaient le défaut de réparations nécessaires au bien tenu en location. Par jugement du 11 juillet 1858, le tribunal de Gand tint la demande en validité de la saisie-gagerie en surséance jusqu'à décision sur l'exception

des défendeurs, tirée du défaut de réparations (Pas., 1839, p. 105).

Par un second jugement du 28 juillet, readu sur la demande des sieurs Thoen faite par exploit du 27 juin 1858, des experts furent nommés à l'effet de constater l'état de la maison louée. Le rapport des experts ayant été notifié aux défendeurs, le demandeur ramena la cause à l'audience et déclara persister dans ses conclusions, offrant au surplus de faire au bien loué les réparations qui pourraient être à sa charge.

Les défendeurs conclurent à ce que le demandeur fût déclaré non recevable, par le motif que la cause ne pouvait pas être poursuivie aussi longtemps que ce dernier n'avait pas levé ni notifié une expédition régulière du jugement du 11 juillet 1838, conformément à l'art. 142 du code de procédure. En réponse, le demandeur soutint que l'extrait de la feuille d'audience de ce jugement notifié par lui devait suffire, puisque le jugement en question n'était que préparatoire et ne contenait aucune condamnation, et que, dans tous les cas, les défendeurs étaient sans droit d'exiger la levée de cette expédition du jugement par suite de l'exécution par eux donnée audit jugement.

Par jugement du 13 octobre 1838, ces nou. velles conclusions tendantes à la levée d'une expédition régulière du jugement du 11 juillet 1838 furent adjugées: le tribunal de Gand condamna en même temps le demandeur à faire les réparations indiquées par les experts, et les défendeurs à payer leur loyer après l'achèvement de ces réparations. Devant la cour, la receva|bilité de l'appel fut contestée, parce que la demande principale n'excédait pas 1,000 fr. La cour adopta cette manière de voir en se fondant sur ce que l'irrégularité dans l'expédition du jugement n'était autre chose qu'une exception laissant intacte la valeur de la demande.

Il n'y a non plus aucune raison pour distinguer entre le cas où l'action est combattue par une fin de non-recevoir et celui où un autre incident est soulevé par l'une des parties.

La cour de cassation de France a appliqué ce principe à la péremption d'instance, par arrêt du 26 février 1823, cassant un arrêt de Limoges du 19 août 1820. La cour de cassation déclare dans son arrêt que la demande en péremption doit être assimilée, sous le rapport de la compétence, aux dépens, exceptions, incidents et autres suites de la demande principale, lesquels doivent toujours suivre le ressort de cette dernière demande. La cour d'Agen avait jugé de même que la demande en péremption d'instance n'est jamais que la suite et l'accessoire de la demande principale. 19 décembre 1812 (Dalloz, Répert., vo Degrés de juridict., no 248).

Remarquons au contraire que, sur le moyen tiré de l'incompétenee du juge, il y a toujours appel (infra, no 632).

618. Continuons à signaler les diverses hypothèses où la demande accessoire ou incidente reste sans influence sur le ressort.

La cour de Bruxelles a décidé par deux arrêts que, quand la contestation principale n'est pas susceptible de deux degrés de juridiction, il n'échoit pas appel du jugement qui statue sur un incident élevé entre parties dans le cours du procès, tel qu'une dénégation d'écriture. 14 mai 1806 (Pas., à sa date) et 12 avril 1827 ( Pas., 1827, 130 ).

considérer la réclamation dans son entier, et faire un ensemble des deux décisions intervenues, puisqu'il n'y avait qu'une seule demande. L'appel était donc recevable. Attendu, dit la cour, que d'après les principes admis sous la loi des 16-24 août 1790, la valeur du litige, pour savoir si un jugement est en premier ou dernier ressort, s'apprécie soit d'après les conclusions de l'exploit introductif d'instance, ou d'après celles qui ont été signifiées dans le cours de la procédure et telles qu'elles ont été contradictoirement soumises au premier juge; que ces principes n'ont pas été modifiés par la loi du 25 mars 1841, ainsi que cela résulte des articles 8, 15 et 18 de ladite loi; que la loi ne distingue pas entre le cas où le juge n'a été saisi que d'une seule et unique contestation, et celui où il a été saisi de plusieurs chefs de demande distincts et séparés, surtout lorsque le litige s'agite entre les mêmes parties;

Dans ce dernier arrêt, la cour décide que ce principe doit être pratiqué alors même que, d'après la nature de la contestation incidente, le juge qui y a statué est autre que celui saisi de la contestation principale. Sur une demande en payement d'une lettre de change de 1,000 fr., le défendeur avait dénié la signature du titre. Comme suite à cette dénégation, les parties furent renvoyées devant le juge civil. Appel fut interjeté par le défendeur, repoussé dans son exception. La cour de Bruxelles, sur les conclusions conformes de M. l'avocat général Baumhauer, déclare l'appel non recevable, par le motif que les procédures incidents, quel qu'en soit Que l'appel aurait été recevable, s'il n'avait l'objet, doivent suivre le sort de la demande été statué sur le tout que par un seul et même principale, parce que, s'il en était autrement, jugement; que s'il en a été porté deux dans la loi sur la compétence manquerait nécessaire-l'espèce, tout ce qui résulte de cette circonment son but, qui est d'abréger les procédures stance, c'est que ces deux jugements ont mis fin et de restreindre les frais en refusant l'appel à la contestation qui ne pouvait être jugée qu'en dans le cas où il n'est question au principal que premier ressort, et ne doivent être envisagés d'une légère somme d'argent. que comme un seul et même jugement, le second n'étant que l'exécution du premier. »

619. Le même principe trouve encore son application en matière de jugements préparatoires ou interlocutoires.

La cour d'Orléans a décidé dans le même sens que le ressort, en ce qui touche aux jugements La cour de Liége a décidé, en ce sens, qu'il y préparatoires ou interlocutoires, se détermine a appel d'un jugement qui a statué sur une va- par l'objet de la demande principale, et non par leur mobilière inférieure à 2,000 fr., si ce juge-l'objet propre et direct de ces jugements. Ainsi ment n'est que l'exécution d'un premier jugement préparatoire qui, par son objet et par les conclusions de l'exploit introductif d'instance, était susceptible d'appel. En conséquence, il importait peu que les deux jugements eussent été rendus séparément. Liége, 10 mai 1862 (Pas., 1862, 2, 405).

Sur une action en révocation de donation pour cause d'ingratitude et en revendication de meubles ayant appartenu au donateur et restés en la possession du défendeur, il était intervenu deux jugements du tribunal de Tongres.

Le premier prononçait la révocation de la donation, et ordonnait au défendeur de s'expliquer dans la huitaine sur le mobilier revendiqué contre lui. Le second jugement, sur le refus d'explications par le défendeur, le condamnait à restituer une portion du mobilier. Appel ayant été interjeté des deux jugements, l'intimé soutint que le second n'était pas recevable defectu summe, parce qu'il prononçait sur une valeur mobilière inférieure à 2,000 fr. La cour rejette à bon droit cette exception. Et, en effet, le premier jugement était préparatoire en ce qu'il ordonnait au défendeur de s'expliquer sur le mobilier. Quant au second jugement, il se prononçait seulement sur une portion de la demande, portion qu'il était impossible d'isoler au point de vue du ressort. Il fallait

le jugement qui ordonne une communication de pièces ne doit pas être réputé d'une valeur indéterminée, et par conséquent n'est pas susceptible d'appel lorsque la demande principale est inférieure à 1,500 francs. Orléans, 25 mars 1851 (Pas., 51, 1, 600).

Nous ne pouvons donc admettre le bien jugé d'un arrêt de la cour de Rouen, qui décide qu'il y a lieu à appel lorsque la demande n'était que de 500 fr. mais que le défendeur avait incidemment réclamé une communication de pièces, en réclamant cette communication sous une contrainte de plus de 1,500 francs. Rouen, 30 décembre 1840 (Pasicrisie, à sa date). La demande incidente, même accompagnée d'une demande accessoire de dommages-intérêts, ne pourrait avoir d'influence sur le ressort. Les dommages-intérêts, dans ce cas, ne sont pas une demande reconventionnelle, mais tout simplement un accessoire de la demande principale, puisque sans celle-ci la demande en dommages-intérêts n'aurait pu exister. (Voy. infra, art. 22.)

La cour de Rouen est d'ailleurs revenue depuis sur son opinion, puisqu'elle a décidé que le jugement statuant sur une provision alimentaire formée pendant une instance en séparation de corps par l'un des époux contre l'autre est susceptible d'appel, alors même que le montant de

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