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Une telle demande a donc un effet indéterminé pour le demandeur. Il fixe sa position d'une manière définitive en ce que, s'il est reconnu héritier, il ne peut plus être qu'héritier acceptant. Le jugement, d'autre part, qu'il rejette ou qu'il accueille la demande, constate nécessairement qu'elle était faite par une personne qui a pris la qualité d'héritier. Il faut donc décider qu'une pareille demande donne toujours lieu à appel, comme ayant pour l'avenir des effets indéterminés.

La cour de Gand s'est cependant prononcée en sens contraire, par arrêt du 17 avril 1837, rendu dans les circonstances suivantes : Le sieur J.-B. Vandenborn réclamait du sieur Vermeulen une somme de 725 fr. 62 c., pour cinq années de fermages d'une maison et d'un terrain situés à Audenarde. Il fondait cette demande sur ce que le sieur Louis Rosier, propriétaire de ladite maison, et dont il était légataire universel, l'avait donnée à ferme au sieur Vermeulen il donnait en même temps congé de bail au fermier. En réponse à cette demande, le sieur Vermeulen somma son prétendu propriétaire d'expliquer en vertu de quel titre il se prétendait légataire universel du sieur Rosier. Vandenborn produisit alors un testament sous seing privé en date du 3 mai 1834. Vermeulen déclara ne point reconnaître que ce testament fût écrit, daté et signé par le sieur Rosier, ajoutant que le terrain et la maison en question lui avaient été légués par testament public du même sieur Rosier, en date du 15 mars 1854. Une enquête fut ordonnée et faite pour vérifier l'écriture et la signature du sieur Rosier. Par suite de cette enquête, jugement du tribunal d'Audenarde qui, faisant droit en premier ressort, condamne Vermeulen à payer les fermages échus (725 francs 62 cent.): sur l'appel interjeté par Vermeulen, une fin de non-recevoir fut produite, fondée sur ce que la demande, ne s'élevant pas à la somme de 1,000 francs, n'était pas susceptible d'appel.

La cour de Gand, par arrêt du 7 avril 1837, admet le bien fondé de cette fin de non-recevoir.

ce

« Considérant, dit la cour, que l'objet de la demande sur laquelle le juge a quo a eu à statuer était une somme inférieure à 1,000 fr., et ainsi inférieure au taux du dernier ressort; que si le juge a eu à apprécier la validité d'un testament qui institue l'intimé légataire universel, n'était point principalement et par suite des conclusions renversaires de l'appelant, tendantes à ce que lui fût déclaré héritier ou légataire, mais incidemment sur des exceptions de nullité proposées par l'appelant dans le seul intérêt et aux seules fins de se soustraire à la condamnation de la somme demandée; qu'ainsi ces questions sur la validité du prédit testament, décidées incidentellement et en tant seulement qu'elles out trait à la demande principale, n'ont pu avoir plus d'importance, ni de portée autre que la demande principale elle-même, avec laquelle

elles se confondent; qu'il suit de là que le jugement dont appel est rendu en dernier ressort, et que l'appel en interjeté n'est pas recevable.» (Pas., 37, 1, 202.)

Un pourvoi fut dirigé contre cet arrêt, pour fausse application et par suite violation de l'article 5, titre 4 de la loi des 16-24 août 1790.

Les circonstances de fait dans lesquelles l'arrêt avait été prononcé décidèrent M. le procureur général Leclercq à conclure au rejet du pourvoi:

En effet, disait-il, cet arrêt contient deux parties bien distinctes, d'abord l'appréciation de la valeur de l'affaire, que par diverses considérations il fixe à une somme inférieure à 1,000 fr., puis l'application à cette affaire, ainsi appréciée quant à sa valeur, des dispositious de la loi sur le premier et le dernier ressort.

La première partie, celle qui concerne la valeur de l'objet en litige, est absolument étrangère à ces dispositions, car celles-ci se bornent à déterminer le taux du premier et du dernier ressort, mais elles ne posent nullement les caractères auxquels nous devons reconnaître qu'une affaire a une valeur inférieure ou supérieure à 1,000 fr., qui est la limite des deux ressorts lors donc qu'un juge apprécie cette valeur, il ne peut violer les dispositions de la loi des 16-24 août; il peut bien se tromper dans ses raisonnements et ses calculs; il peut bien contrevenir à toute autre disposition légale, si, pour faire cette appréciation, il a dù argumenter de principes de droit formulés en loi. » La cour de cassation ne s'arrête pas à ces considérations. Elle casse par les motifs suivants:

Faisant droit sur le moyen unique présenté par le demandeur et tiré de ce que l'arrêt attaqué, en déclarant l'appel non recevable, a violé la disposition de l'art. 5 du titre 4 de la loi des 16-24 août 1790, ainsi conçu :

« Les juges de district connaîtront, en premier et dernier ressort, de toutes affaires personnelles et mobilières jusqu'à la valeur de mille livres de principal, et des affaires réelles dont l'objet principal sera de cinquante livres de revenu déterminé, soit en rente, soit par bail; »

Considérant qu'on lit à la vérité dans les motifs de l'arrêt attaqué « que l'objet de la demande sur laquelle le juge (de première instance) a eu à statuer était une somme inférieure à 1,000 fr. et ainsi inférieure au taux du dernier ressort, › mais que le jugement dont appel, non contredit en ces points par l'arrêt attaqué, constate que le débat soulevé entre les parties avait pour objet non-seulement les loyers demandés par l'exploit introductif d'instance, et la qualité de légataire universel que revendiquait Vandenborn, défendeur en cassation (en vertu d'un testament olographe attribué à Louis Rosier dont l'écriture et la signature étaient formellement méconnues par Vermeulen, demandeur en cas

sation), mais encore, et par suite, la propriété de la maison et du terrain dont les fermages étaient demandés par l'exploit introductif d'instance et desquels immeubles Vermeulen se pré. tendait lui-même propriétaire en vertu du testament notarié dicté par le même Louis Rosier, le 15 mars 1834;

«Que l'arrêt attaqué, loin de dénier ces faits, les admet au contraire, en reconnaissant que le juge a eu à apprécier la validité d'un testament qui institue l'intimé (Vaudenborn) légataire universel;

Considérant que ces faits qui forment la base du litige étant reconnus constants, ils ne peuvent être détruits, quant aux effets qu'ils doivent produire en droit, par des faits secondaires ou accessoires tels que la circonstance que Vermeulen n'a pas pris devant le juge a quo de conclusions reconventionnelles (en vertu du testament authentique du 14 mars 1834) aux fins de se faire déclarer lui-même héritier ou légataire de Louis Rosier, et que ce n'est qu'incidemment et pour repousser la demande de loyer qu'il a argué de nullité le testament olographe dont se prévaut Vandenborn;

« Considérant qu'en tirant de ces circonstances accessoires ou irrelevantes la conséquence juridique que les questions sur la validité du prédit testament (olographe) décidées incidentellement et en tant seulement qu'elles ont trait à la demande principale, n'ont pu avoir plus d'importance, ni de portée autre que la demande principale elle-même, l'arrêt attaqué a méconnu l'influence légale des véritables éléments du procès qui sont, dans l'espèce, la qualité de légataire universel que s'attribuait Vandenborn pour revendiquer indirectement, par l'action locati, un immeuble dont Vermeulen se prétendait propriétaire en vertu d'un testament authentique ;

Considérant que l'objet de ces contestations est d'une valeur indéterminée et excède évidemment le taux du dernier ressort; d'où il suit qu'en déclarant l'appel non recevable l'arrêt attaqué a expressément coutrevenu à la disposition de l'art. 5 du titre 4 de la loi des 16-24 août 1790;

Par ces motifs, casse et annule. » 18 décembre 1837 (Pas., 37, 1, 201).

La cour de cassation se base sur ce que la demande était d'une valeur indéterminée, et en effet la demande était faite par un légataire universel en cette qualité, ce qui lui donnait le caractère de l'indétermination.

Mais à un autre point de vue encore, la demande formée par Vandenborn devait, parait-il, donner lieu à appel. Comme le dit la cour de cassation, cette demande tendait non-seulement au payement de fermages échus, mais encore à la reconnaissance du droit de propriété du demandeur sur le bien tenu en location par le défendeur. Ce n'était pas le montant des loyers qui seul formait l'objet de la contestation; le titre du demandeur était contesté. Dès lors, la valeur de ce

titre devait entrer en ligne de compte pour la fixation du ressort. La valeur du titre n'est pas expressément constatée au procès. Mais comme les fermages du bien loué équivalaient à 725 fr. 62 cent. pour cinq années, il est certain que l'immeuble revendiqué donnait un revenu supérieur à 50 livres (art. 5, titre 4, loi des 16-24 août 1790), et que par conséquent l'appel était encore recevable à ce point de vue, abstraction faite de la qualité du légataire universel que se donnait le demandeur.

632. Nous avons vu qu'en général les exceptions ou incidents qui viennent à naître dans le cours d'une action ne peuvent avoir aucune influence sur le ressort.

Cette règle cependant n'est pas applicable en ce qui concerne les exceptions qui touchent à la compétence. Ce genre d'exceptions donne toujours lieu à appel. Telle est la prescription formelle de l'art. 454 du code de procédure civile: « Lorsqu'il s'agira d'incompétence, l'appel sera recevable, encore que le jugement ait été qualifié en dernier ressort. »

Avant cette disposition et sous l'empire de la loi du 24 août 1790 (titre 12, art. 10) il était, au contraire, décidé que lorsqu'il s'agissait d'une affaire inférieure à 1,000 fr., les tribunaux de première instance jugeaient la compétence et le fond en dernier ressort. Cass., rejet, 5 vendémiaire an x (Pas., à sa date); Bruxelles, 26 brumaire an x1(Pas., à sa date); Cass., 9 vendémiaire an XIII (S.-V., 5, 1, 78). Les tribunaux de commerce devaient de même prononcer en dernier ressort sur leur compétence quand le litige n'excédait pas 1,000 fr. Cass., 4 ventôse an i (Pas., à sa date). Dalloz (Répert., vo Appel, n° 170 et suiv., vo Degrés de jurid., nos 262 et suiv., et v° Acte de commerce, no 371 ) énonce le même principe.

Depuis l'adoption de l'art. 454 du code de procédure, cette doctrine nous paraît insoutenable, et il faut attribuer à l'inattention du juge un arrêt de la cour de Rennes, du 26 septembre 1818 (ch. des vacations), décidant que le tribunal de première instance prononce saus appel sur une demande en payement d'une somme inférieure à 1,000 fr., alors même que le défendeur a demandé le renvoi devant arbitres. (Dalloz, Répert., v° Degrés de jurid., no 262.)

Ainsi sous l'empire du code de procédure, il faut décider qu'il y a appel de tout jugement statuant sur la compétence. Mais l'appel n'est recevable que pour la partie du jugement qui concerne la compétence. Il ne s'étend pas au fond du litige lorsque la valeur de celui-ci a été fixée à une somme inférieure au taux d'appel.

C'est en ce sens que se prononcent la jurisprudence et la doctrine.

Un arrêt de Bruxelles du 8 juin 1822 (Pas., 22, 2, 168) décide qu'il y a appel du jugement d'un tribunal civil, en ce qu'il s'est déclaré incompétent pour statuer sur une contestation de

tions ne pouvant être soumises qu'aux juges ordinaires et non aux tribunaux de commerce, celui-ci a dû se déclarer incompétent de ce chef;

Par ces motifs, statuant d'office, déclare non recevable, defectu summa, l'appel du jugement a quo, en ce qui concerne la condamnation en payement de 542 fr. 9 cent., prouoncée contre l'appelant; déclare recevable l'appel, en ce qui concerne l'incompétence sur la demande reconventionnelle, et statuant sur icelui, met l'appellation à néant, etc.

La cour de cassation belge a décidé de même, que le jugement qui statue sur une exception d'incompétence est sujet à appel alors même que l'objet principal de la contestation n'excède pas le taux du dernier ressort.

nature commerciale. Il est à remarquer que dans l'espèce l'exception d'incompétence n'avait pas été soulevée par le défendeur en première instance. La cour, tout en admettant la recevabilité de l'appel sur la compétence, déclare cet appel non fondé. Et, en effet, aux termes des articles 168 et 169 du code de procédure, la partie appelée devant un tribunal autre que celui qui doit connaître de la contestation doit demander son renvoi préalablement à toutes autres exceptions et défenses. Ce renvoi n'ayant pas été demandé en première instance, la cour devait nécessairement se prononcer comme elle le fait, si elle admettait que le juge civil n'était pas incompétent à raison de la matière pour prononcer sur une contestation commerciale. Nous avons dit plus haut que l'incompétence ratione materiæc nous paraît au L'administration de l'enregistrement avait contraire exister dans cette hypothèse (n° 14 décerné une contrainte tendant au payement de et 15). A notre avis, la cour était donc non- deux rentes domaniales. Devant le tribunal de seulement obligée d'admettre la recevabilité de Charleroi, l'administration demanda le renvoi l'appel au point de vue de la compétence, mais de l'affaire devant le tribunal de Liége. Le triencore de le déclarer fondé. bunal ayant rejeté ce déclinatoire, l'administration se pourvut en cassation. Une fin de nonrecevoir fut opposée au pourvoi. Elle était fondée sur ce que l'appel était recevable dans l'espèce. Quoique les arrérages des rentes ne s'élevassent pas à 1,000 fr., il y avait, disait-on, lieu à appel sur la question de compétence. La cour a admis ce système en déclarant l'administration non recevable. Arrêt du 15 juin 1855 (Pas., 35, 1, 102). L'article 454 du code de procédure, dit la cour, « est applicable au cas particulier où il n'a été statué que sur une exception d'incompétence. »

La cour de Liége admet de même le principe de la recevabilité de l'appel, quant à la compétence, par arrêt du 25 mars 1835 (Pas., 35, 2, 116). Un tribunal de commerce avait statué sur un litige inférieur à 1,000 fr. Devant le juge d'appel, le défendeur excipa de deux fins de non-recevoir. Il soutint que le tribunal de commerce était incompétent à raison de la personne et à raison de la matière. La cour de Liége décide que l'appel est recevable du chef d'incompétence.

La même cour admet encore le même principe par arrêt du 6 juillet 1855 (Pas., 35, 2, 277).

Cette dernière décision établit avec une grande netteté la non-recevabilité de l'appel sur le fond, quand celui-ci n'est pas supérieur au taux du dernier ressort.

Attendu, dit la cour, que la demande des intimées n'avait pour objet qu'une somme de 542 fr. 9 cent.; qu'ainsi le tribunal de commerce a dû statuer sur icelle en premier et dernier ressort; que la conclusion reconventionnelle de l'appelante ne peut, dans l'espèce, rendre l'appel recevable, parce que l'objet de cette conclusion consistait en des prétentions illiquides et basées sur la validité et sur le résultat d'actes civils dont l'appréciation échappait à la juridiction consulaire; qu'ainsi la cour est incompétente ratione materiæ;

Attendu que le tribunal de commerce s'étant déclaré incompétent pour connaître de la demande reconventionnelle, l'appel est recevable de ce chef aux termes de l'art. 454 du code de procédure civile;

«Attendu que pour statuer sur ladite demande reconventionnelle il faut connaître de l'existence légale, des effets et des résultats, 1° d'un acte de cession de créance et 2° d'un autre acte de remboursement d'une rente viagère; que la connaissance et l'appréciation de pareilles conven

La cour de Bruxelles a de nouveau admis ce principe sous l'empire de la loi du 25 mars 1841 qui n'a d'ailleurs rien changé à l'article 454 du code de procédure. Bruxelles, 17 mai 1851 (Belg. Jud., t. 9, p. 673).

Les cours de France se sont prononcées dans le même sens, qu'il s'agisse de l'appel d'une décision sur compétence rendue par un tribunal civil ou par un tribunal de commerce. Trèves, 14 mars 1808 (S.-V., 9, 2, 897); Turin, 18 juin 1810 (Pas., à sa date); Paris, 20 février 1812 (S.-V., 14, 2, 385); Rennes, 19 août 1819 (Pas., à sa date); Metz, 8 mai 1824 (Pas., à sa date); Cass., 28 novembre 1831 (Dalloz, Répert., v° Compétence, no 50); Caen, 3 juin 1845 (Dalloz, Rec. pér., 46, 4, 147).

Les auteurs qui se sont occupés de la compétence distinguent de même entre la partie de la décision qui prononce sur ce point et la partie qui prononce sur le fond. La première seulement donne toujours lieu à appel. Carré (Loi de la comp., introd., p. 57 et suiv., no 81); Carré annoté par Chauveau, no 1636; Le Praticien français, t. 3, p. 93; Thomine - Desmazures (Procédure civ., p. 191, no 504); Delaporte, t.2, p. 15.

633. Nous avons vu que la jurisprudence belge admet l'applicabilité de l'art. 424 du code

DES JUSTICES DE PAIX.

de procédure, alors que l'incompétence ratione materiæ est même alléguée pour la première fois en appel (arrêts de Bruxelles du 8 juin 1822 et de Liége du 25 mars 1835 au numéro précédent).

La jurisprudence française s'est aujourd'hui ralliée à la même opinion. Et, en effet, l'incompétence ratione materiæ n'a pas besoin d'être proposée par la partie, elle peut être suppléée par le juge (art. 424 du code de procédure). II en résulte que l'incompétence peut être admise, alors même que l'exception n'a pas été soulevée en première instance. L'appel sera d'autant mieux recevable qu'il aura pour base une incompétence que les parties ne pouvaient pas couvrir et qui résulte de la volonté expresse de la loi.

La cour de Grenoble, se fondant sur une interprétation restrictive de l'art. 454 du code de procédure, a cependant décidé, en sens contraire, que l'appel n'est pas recevable, même pour cause d'incompétence ratione materiæ, si cette exception n'a pas été proposée devant le premier juge. 13 décembre 1823 et 12 avril 1826 (Jurisprud. du xixe siècle, 1826, 2, 302).

Mais ces décisions sont restées isolées, et les cours françaises décident aujourd'hui généralement que l'exception d'incompétence ratione materiæ donne lieu à appel, alors même qu'elle n'a pas été proposée en première instance. En ce sens se sont prononcées les cours de Turin, 18 juin 1810 (Pas. à sa date; Dalloz, Rép., v° Appel civil, n° 183); Rennes, 19 août 1819 (Dalloz, Rép., vo Degrés de juridict., no 263); Grenoble, 15 août 1852 (Pas., 54, 1, 586); Paris, 29 août 1855 (Pas., 56, 1, 516). Telle est aussi l'opinion de Chauveau sur Carré, quest. 1635.

634. Mais il faut se garder d'étendre l'article 454 du code de procédure à des cas où il ne s'agirait pas véritablement de contestation sur la compétence.

Ainsi, par exemple, il n'échoit pas appel du jugement qui statue sur une demande en renvoi pour cause de connexité, lorsque l'objet de la contestation dans laquelle cette demande est formée n'excède pas le taux du dernier ressort. C'est ce que la cour de Bruxelles a décidé avec raison, le 15 avril 1830 (Pas., 30, 102).

La demande en renvoi pour cause de connexité est autorisée par l'art. 171 du code de procédure; mais le juge n'est pas obligé de se dessaisir de l'action quand la connexité est invoquée. Il ne devient pas incompétent pour prononcer sur cette action, et l'art. 434 du code de procédure est inapplicable.

Il ne faut pas davantage confondre avec la décision sur compétence le jugement qui déclare un demandeur non recevable par la raison que le tribunal s'est dessaisi jusqu'après jugement définitif sur une question de faux, soulevée incidemment et renvoyée devant un autre tribunal (art. 427 du code de proc.). Ce dessaisissement momentané établit au contraire que le tribunal s'est déclaré compétent. Quand le de

mandeur est repoussé par une fin de non-recevoir, ce n'est donc pas parce que le tribunal refuse d'accueillir son action; mais parce que pour le moment il ne peut se prononcer. Il n'y a aucune raison de recevoir l'appel d'une pareille décision, qui n'intéresse en rien la compétence.

C'est en ce sens que la cour de Gand s'est prononcée le 20 novembre 1837 (Pas., 37, 2, 241).

635. Le principe de l'art. 454 du code de procédure a été étendu par la jurisprudence au cas où il s'agit de la compétence du président du tribunal de 1re instance jugeant en référé. Une décision sur cette compétence sera toujours sujette à appel, quel que soit l'objet sur lequel il y aurait décision quant au fond. Cette extension de l'art. 454 se justifie par la teneur de l'art. 809 du code de procédure, qui semble admettre l'appel contre les ordonnances de référé dans les cas où, en général, cet appel existe contre les jugements.

C'est en ce sens que s'est prononcée la cour de Bruxelles par arrêt du 27 juin 1807 (Dalloz, Répert., v° Degrés de juridict., no 264), et la cour de Paris par arrêt du 13 octobre 1841 (Dalloz, ib., n° 410). Deux arrêts récents de la cour de Bruxelles confirment cette opinion. Celui du 8 juillet 1847 (Pas., 1849, 2, 144) admet l'appel d'une ordonnance de référé sur la question de compétence, et le déclare non fondé; mais repousse au contraire l'appel au fond comme non recevable defectu summæ. L'arrêt du 29 décembre 1849 (Pas., 1850, 2, 168) admet de même l'appel sur la question de compétence du juge de référé, et faisant droit sur l'appel, met à néant l'ordonnance du président du tribunal.

Cette doctrine reçoit l'approbation de Thomine-Desmazures, n°947, et celle de Taillandier (Traité de l'Appel, no 30).

636. Nous venons de voir que le principe qui accorde appel des décisions sur compétence est général puisqu'il s'applique aux jugements des tribunaux de première instance, à ceux des tribunaux de commerce, et aux ordonnances rendues en référé.

Rappelons que cette même règle a été appliquée aux justices de paix par l'art. 10 de la loi du 25 mars 1841.

637. Au point de vue du ressort, des doutes peuvent surgir sur la valeur véritable de certaines actions d'une nature spéciale.

Ainsi en premier lieu quelle est la valeur d'une action en garantie? Une action de ce genre influe-t-elle sur le ressort, ou bien suitelle le sort de l'action principale à l'occasion de laquelle elle a été intentée?

Rodière pense que l'action en garantie doit être considérée séparément au point de vue du ressort. D'après lui, quand l'action principale sera inférieure au taux d'appel, et que l'action en garantie dépassera ce taux, il y aura appel du chef seulement de cette dernière. La demande en garantie sera au contraire jugée en

dernier ressort, si elle reste au-dessous du taux d'appel, alors même que la demande principale, étant au-dessus de ce taux, donnerait lieu à appel. Rodière ajoute que, dans ce dernier cas, si la demande principale vient à être déclarée non fondée en appel, cette décision devra nécessairement profiter au garant. Et, en effet, on ne pourrait comprendre comment le garant serait tenu d'une obligation qui n'existerait pas à charge du débiteur principal (Comp. et procédure civile, t. 1, p. 197). Benech (Comp. des tribunaux de première instance, p. 495 et suiv.), adopte la même opinion. Enfin, Pigeau estime que, quand la denande en garantie est supérieure au taux du dernier ressort, l'appel doit être admis sur l'ensemble de l'action, alors même que la demande principale serait inférieure au taux d'appel (Procéd. civ., t. 1, p. 517).

Nous pensons que ni l'une ni l'autre de ces manières de voir n'est fondée.

Il est vrai que l'action en garantie est principale entre le garant et le garanti, de telle sorte que la demande en garantie ne peut être portée de plano devant le juge d'appel et doit toujours subir les deux degrés de juridiction.

C'est là un point de doctrine qui nous paraît incontestable, et qui est d'ailleurs aujourd'hui généralement admis par la jurisprudence. La cour de Bruxelles l'a décidé par arrêts du 8 juillet 1818 (Pas., 18, 2, 140), du 28 janvier 1831 (Pas., 31, 2, 11) et du 10 août 1844 (Pas., 44, 2, 51); la cour de Liége a admis le même principe par arrêts du 10 novembre 1818 (Pas., 18, 2, 244) et du 19 mai 1824 (Pas., 24, 2, 126); et la cour de Gand par arrêts du 26 avril 1835 (Pas., 35, 2, 174) et du 10 août 1855 (Pas.. 56, 2, 112 et la note). Ce point est admis de même par la jurisprudence française (V. Dalloz, Répert., vo Degrés de juridiction, nos 629 et suiv.).

Mais de ce que le garant ne peut être privé des deux degrés de juridiction qui appartiennent à tout plaideur, à moins d'exception formelle, on ne doit pas conclure que l'action en garantie soit indépendante de l'action principale. Le code de procédure prend soin, au contraire, de déclarer que, en matière de garantie, le défendeur sera assigné devant le juge où la demande originaire sera pendante (art. 59), et que ceux qui seront assignés en garantie seront tenus de procéder devant le tribunal où la demande originaire sera pendante, encore qu'ils dénient être garants > (art. 181). Ces dispositions nous paraissent avoir pour but de subordonner complétement la demande en garantie à la demande principale. Accorder l'appel pour l'une de ces demandes en le refusant pour l'autre, serait déroger à la règle de connexité des deux réclamations. D'ailleurs la demande en garantie n'existe véritablement que comme suite de la réclamation principale. Si la première ne s'était pas produite, la seconde n'aurait jamais vu le jour.

N'est-ce pas la preuve que celle-ci n'a pas une existence indépendante? Elle doit, quant au ressort, rester subordonnée à la première, comme elle y est soumise par rapport au lieu d'assignation d'après les termes formels des articles 59 et 81 du code de procédure.

Adoptant cette opinion, un arrêt de Bruxelles du 9 frimaire an xiv décide qu'il n'y a pas appel de la demande en garantie formée par un défendeur à deux demandes principales, inférieures chacune au taux du dernier ressort. La demande en garantie était, au contraire, supérieure à ce taux. Mais la cour décide qu'elle n'est qu'accessoire à la demande principale, et qu'ainsi l'appel n'est pas recevable. (Dalloz, Répert., vo Degrés de juridict., no 166.)

C'est en ce sens que s'est prononcé un arrêt de la cour de Bruxelles du 10 vendémiaire an xi (S.-V., à sa date).

Un arrêt de la même cour du 8 mars 1827 déclare expressément que, dans le cas où la demande principale n'excède pas 1,000 francs, il n'y a pas appel du jugement qui statue sur la demande en garantie à laquelle la demande principale a donné ouverture ( Pas., 28, 2, 87).

Un autre arrêt de Bruxelles du 18 juillet 1840 décide que, en matière de commerce comme en matière civile, le juge de l'action principale est celui de l'action en garantie et que, par conséquent, celui qui a promis garantie d'une action qui par sa nature appartient à la juridiction commerciale, peut, quoique son engagement n'ait rien de commercial, être attrait devant le juge consulaire (Pas., 42, 2, 338).

Cette décision se base sur les motifs suivants qui peuvent parfaitement s'adapter à la thèse que nous soutenons:

Attendu, dit la cour, qu'incidente et connexe à l'action principale et dépendante de son issue, la demande en garantie doit être décidée par le même tribunal pour éviter les longueurs qui prolongeraient la contestation et les contrariétés même du jugement sur l'objet principal du procès, contrariétés qui pourraient se présenter sans doute si ces deux demandes étaient livrées à l'appréciation de différentes juridictions;

Attendu que l'on sent plus évidemment encore la nécessité d'adopter ce principe, si l'on suppose plusieurs garants appelés par le défendeur originaire, et si l'on envisage les difficultés nombreuses et insurmontables, suite de l'obligation d'attraire chacun de ces garants en cause devant des tribunaux différents.

Les inconvénients signalés par l'arrêt de Bruxelles existeraient de même si le garant pouvait dans certains cas obtenir l'appel, alors que la contestation principale n'y donnerait pas lieu.

Un arrêt de la cour de Liége du 26 juillet 1843 (Pas., 44, 2, 63) admet avec la cour de Bruxelles que le juge commercial est compétent pour statuer sur l'action en garantie, alors même

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