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La demande en distraction est réglée actuellement en Belgique par les art. 61 et 62 de la loi du 15 août 1854, qui ont remplacé les art. 725 et 727 du code de procédure civile. Ces dispositions n'ont rien changé au caractère de la demande. Il est donc toujours vrai de dire que c'est, non pas la valeur des causes de la saisie, mais celle des immeubles qui détermine la compétence.

Toutefois, ce n'est pas la valeur des immeubles poursuivis par la saisie immobilière qui règle le ressort quant à la demande en distraction, mais bien la valeur particulière de cette demande en même. Cette dernière est toute différente de la valeur des immeubles saisis, dans le cas où la distraction ne s'adresse qu'à une portion des immeubles.

la saisie a été opérée qui fixe le ressort, et que par suite l'appel n'est pas recevable. La cour n'a pas égard à la valeur de la rente.

Cette décision ne pourrait pas être suivie en Belgique, sous l'empire de la loi du 15 août 1854 sur la saisie des rentes constituées sur particuliers.

L'art. 20 de cette loi porte en effet:

L'appel de tous autres jugements sera réglé conformément aux dispositions des art. 70 ct 71 du titre de la saisie immobilière. Sera, de plus, observée la disposition de l'art. 72 du niême titre, si la rente, déterminée par le capital on par les mercuriales, lorsqu'il s'agira d'objets appréciables de cette manière et, à défaut de ces éléments, par le saisissant, n'excède pas la va| leur de deux mille francs. ›

Il résulte de cette disposition combinée avec l'art. 72 de la loi sur l'expropriation forcée, article cité au numéro précédent, qu'il n'y aura pas lieu au double ressort en matière de saisie de rente, à moins que la valeur de cette rente ne dépasse 2,000 fr.

C'est donc à la valeur de la rente qu'il faut s'en référer pour savoir si la contestation qui surgit sur la saisie de rente est, oui ou non, susceptible d'appel. Si la loi belge de 1854 a réglé le droit d'appel sur la valeur de la rente, et non sur le chiffre de la dette pour laquelle la saisie était opérée, nous en trouvons la raison dans l'importance exceptionnelle reconnue à la saisie des rentes par le législateur.

Les règles prescrites pour la saisie immobilière sont applicables à la saisie des rentes sur particuliers (articles 9, 10, 15, 14, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27 et 28 de la loi du 15 août 1854, sur la saisie des rentes constituées sur particuliers). Cette importance de la saisie des rentes ne permettait pas que la valeur de la rente en elle-même restât sans influence sur le ressort, comme dans le cas où il s'agit d'une simple saisie mobilière ordinaire.

Tel est le motif qui a donné lieu à l'art. 20 de la loi du 15 août 1854.

658. En matière d'ordre et de distribution par contribution, quelle est la somme qui déter

La demande en distraction a par elle-même une valeur propre qui fixe le ressort, indépendamment de toute autre demande. Il en est de ce cas comme de celui de revendication mobilière. La cour de cassation de France a jugé en ce sens que, dans le cas d'opposition à la saisie d'un immeuble dont la valeur n'est pas déterminée, formée par un tiers qui s'en pré-mine le ressort? tend propriétaire, le jugement est en premier ressort, bien que la saisie n'ait pour objet qu'une somme inférieure à 1,000 fr. 21 brumaire an ix (S.-V., 1, 2, 274).

657. Dans le cas de saisie de rente constituée faut-il déterminer le ressort d'après les causes de la saisie ou bien d'après le capital de la rente?

La cour de cassation de France s'est prononrée pour la première opinion par arrêt de rejet du 21 avril 1830 (Dalloz, Répert., vo Degrés de jurid., no 323). Après saisie d'une rente constituée, saisie opérée pour une somme inférieure au taux du dernier ressort, le débiteur s'était rendu opposant, et avait fait des offres inférieures aux causes de la saisie. La cour de cassation déclare que c'est la somme pour laquelle

Une controverse assez vive s'est élevée à ce sujet.

Un grand nombre d'auteurs et d'arrêts soutiennent que c'est la somme à distribuer entre tous les créanciers qui doit servir à déterminer s'il y aura ou s'il n'y aura pas appel.

C'est cette somme en effet, dit-on, qui fait l'objet des différentes contestations qui peuvent s'élever entre les créanciers, puisque c'est sur elle que doivent se payer les différentes dettes. Les instances d'ordre diffèrent complétement des instances ordinaires. On n'agit, pas en effet, directement contre le débiteur, mais on réclame simplement le prix de la chose vendue contre l'acheteur. C'est donc ce prix qui devient l'objet de la demande.

D'ailleurs, ajoute-t-on, le juge ne peut pro

DES TRIBUNAUX DE PREMIÈRE INSTANCE.

noncer sur une collocation particulière, sans régler en même temps la distribution du prix d'adjudication. C'est sur le chiffre de ce prix que porte la contestation, et non pas sur le chiffre de telle ou telle créance particulière. Un jugement de distribution, soit par contribution, soit par ordre, quoique réglant des intérêts particuliers, statue nécessairement sur toute la somme à distribuer. Ce jugement, étant indivisible dans son ensemble, ne peut être rendu qu'en dernier ressort si la somme à distribuer dépasse 2,000 fr.

Cette manière de voir est adoptée par Merlin (Répert., vo Dern. ressort, § 7, no 2), par Persil, (Quest. sur les hypothèques, sect. 10, § 12), par Bioche et Goujet (Dict. de proc., vo Ordre, no 187), par Thomine-Desmazures (Procédure, no 879). Mais nous croyons que ces auteurs ont trop facilement sacrifié à l'influence d'une jurisprudence à peu près unanime à l'époque où ils ont écrit. Leur opinion s'appuyait en effet sur plusieurs arrêts belges et sur la grande majorité des arrêts français. Ainsi la cour de Bruxelles avait décidé à diverses reprises que c'était la somme à distribuer qui scule fixait le ressort. Bruxelles, 11 septembre 1809 (Pas., à sa date); Id., 21 août 1810 (Pas. franç., 15, 2, 192); Id., 28 juillet 1828 (Pas., 28, 275).

La cour de Liége s'était prononcée dans le même sens par arrêts du 25 avril 1812 (Pas., à sa date) et du 28 juillet 1825 (Pas.. 25, 478). Un grand nombre d'arrêts français ont adopté la même opinion. Citons les arrêts de Besançon, du 15 juillet 1812 (Pas., à sa date), de Bourges, du 25 mars 1817 (Pas., à sa date), de Limoges, du 5 juin 1817 (S.-V., 18, 2, 307), d'Aix, du 9 février 1825 (Jurisp. au xixe siècle, 25, 2,313), de Lyon, du 27 avril 1825 (Jurisp. du xix° siècle, 25, 2, 314), de Rouen, da 17 juin 1826 (Jurisp., 27, 2, 5), de Grenoble, du 5 mai 1850 (Jurisp., 30, 2, 310) et du 25 avril 1855 (Pas., à sa date), d'Agen, du 25 janvier 1834 (Jurisp., 34, 2, 344), de Bordeaux, du 15 août 1854 (Jurisp., 35, 2, 37), de Nancy, 4 décembre 1838 (Pas., à sa date), de Limoges, 9 juin 1842 (Pas., 45, 2, 10), de Nimes, du 9 novembre 1847 (Pas., 48, 2, 65) et de Colmar, du 4 mars 1844 (Pas., 48, 2, 65). Mais, malgré ces autorités imposantes, nous croyons que, pas plus en matière d'ordre qu'en toute autre matière, il n'y a lieu de se départir de la règle générale, que c'est la valeur du litige qui détermine le ressort. Semper quantum petatur quærendum est, non quantum debeatur, dit la législation romaine. Cette règle est applicable à tous les cas. Or quelle est la véritable valeur de la contestation quand un créancier réclame son admission à une distribution de deniers dont on veut l'écarter? Il nous parait que l'intérêt du litige se borne pour lui, comme pour les autres créanciers, à la hauteur de la créance pour laquelle il demande à être colJoqué. Comme l'exprime fort bien Carré (Lois de l'organis. et de la comp., t. 3, p. 65 et 66): Il nous semble qu'il n'est pas exact de dire

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que ce soit sur le montant de la somme à distribuer que repose le droit du créancier; son droit ne repose que sur son titre.

Il s'agit ou d'une distribution par contribution, ou d'une distribution par ordre.

Dans le premier cas, la collocation ne peut être un objet de litige qu'autant que le titre du créancier est contesté, ou que l'on prétend qu'il a encouru une forclusion qui s'oppose à ce qu'il soit compris dans l'état de collocation.

Dans le second cas, la collocation peut être contestée pour ces deux motifs ou pour un troisième que n'admet pas la distribution, celui où l'on maintiendrait que le créancier ne doit être colloqué que dans un rang inférieur à celui qu'il réclame.

Mais dans tous ces cas, nulle contestation ne s'élève sur le montant de la somme à distribuer. Elle n'est en litige sous aucun rapport; personne ne prétend qu'elle doit être ou plus ou moins considérable qu'elle ne l'est.

Quel serait donc le motif pour la prendre en considération, afin de déterminer la compétence en premier ressort, lorsque le débat sur la collocation n'a trait qu'à une créance au-dessous du taux que la loi fixe pour ce ressort?

Nous n'en apercevons aucun.

Pour qu'il fût vrai de dire que le jugement sur une contestation qui s'élèverait dans les trois cas que nous venons d'indiquer statuât sur la totalité de la somme à distribuer, il faudrait qu'une autre contestation quelconque s'élevât aussi sur la quotité de cette somme: alors on pourrait concevoir l'indivisibilité du jugement qui, statuant sur cette contestation, prononcerait en même temps sur celle relative à la collocation.

Mais sur quoi porte le litige entre une partie qui réclame cette collocation et les parties qui la contestent?

Il porte uniquement sur la demande de collocation, et dès lors que cette demande n'a pour objet qu'une créance au-dessous du taux fixé pour le dernier ressort, il y a lieu à l'application du principe si fréquemment invoqué et appliqué sur les questions précedentes, savoir, que c'est la valeur de l'objet en litige qui fixe la compétence en premier ou en dernier ressort. »

La créance pour laquelle on demande à être colloqué, tel est en effet l'intérêt du litige. Mais il faut se garder de confondre la créance, c'est-à-dire la somme pour laquelle la collocation est demandée, avec le titre primitif de créance. Ce dernier n'a de valeur que contre le débiteur et demeure sans importance au point de vue de l'ordre qui s'est ouvert. En matière d'ordre, ce n'est pas à proprement parler la créance qui forme le titre, mais bien la créance produite, laquelle peut se trouver de beaucoup inférieure à la créance primitive ou complète. Dans son Traité des présidiaux (1re partie, chap. 1er, 2), Jousse s'occupe de la question, et lui donne la même solution.

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Lorsque, dit-il, dans une instance de discussion ou de partage, il s'agit de régler les droits des créanciers ou des copartageants, et que ces droits sont contestés, on ne doit point fixer la compétence des présidiaux, avoir égard à la valeur ou montant des effets saisis, mais seulement à la valeur des créances ou prétentions des opposants. D

Sous l'empire de la législation moderne, Benech, p. 175 à 199, Dalloz (Répert., v° Degrés de jurid., nos 356 et suiv.) et Lepage (Quest. de procéd., p. 432 et suiv.) se rallient à l'avis de Carré.

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Une partie de la jurisprudence belge a admis cette opinion. Ainsi la cour de Liége, par arrêt du 5 juillet 1811, décide que c'est la créance dont on demande la collocation qui seule forme l'objet de la contestation. Quand cette créance est supérieure au taux du dernier ressort, il y a lieu à appel (Dalloz, Répert., vo Degrés de jurid., no 344). La même cour consacre le même principe par arrêt du 14 avril 1825, en décidant que la valeur de la demande règle le ressort, sans qu'il faille s'occuper de la somme à distribuer (Pas., 23, 385).

La cour de Gand s'est ralliée à cette opinion par deux arrêts en date du 27 février 1843 (Pas., 49, 2, 86, Belg. judic., t. 2, p. 553 et la note) et du 19 janvier 1849 (Pas., 49, 2, 87). Dans le second de ces arrêts, la cour de Gand répond fort bien à l'argument produit en faveur de la thèse contraire, argument qui consiste à prétendre que le jugement de distribution formant un tout indivisible, c'est la somme à partager qui doit seule régler le ressort : « Attendu, dit la cour, que les contestations entre les créanciers, derniers colloqués, laissent entiers, intacts et sans aucune modification possible, tant la somme à partager que la collocation des créanciers premiers colloqués; que le sort de ces derniers est tellement définitif et immuable que l'art. 758 du code de procédure civile, ordonne au juge-commissaire, en renvoyant les contestants à l'audience, d'arrêter l'ordre pour les créances antérieures à celles contestées, avec délivrance des bordereaux, et que dès lors il ne peut exister de motifs qui empêcheraient le juge de statuer en dernier ressort sur des contestations qui par elles-mêmes ne seraient pas susceptibles d'appel;... »

Par son arrêt du 27 février 1843, la cour de Gand s'est prononcée dans une espèce fort délicate Par acte passé devant le notaire Palens, à Moerkerke, le 18 avril 1839, le sieur Tant et sa femme, Thérèse-Isabelle Dalle, s'étaient reconnus débiteurs envers la veuve Dalle et Cécile Dalle, respectivement belle-mère et sœur de l'épouse Tant, d'une somme de 2,200 fr., à titre de prêt, somme dont chacune des prêteuses avait fourni la moitié. Les emprunteurs avaient en même temps consenti hypothèque sur un immeuble situé à Maldegem.

Cet immeuble ayant été exproprié, la veuve Dalle et Cécile Dalle furent colloquées sur le

prix dans l'ordre qui leur était assigné par la date de l'inscription, c'est-à-dire immédiatement après la veuve Canon, première inscrite. Cette collocation fut contestée par la dame Thérèse-Henriette 't Kint, veuve de J.-B. Lammens et consorts, créanciers postérieurs. Voici comment la cour décide la question du ressort :

En ce qui touche la deuxième fin de nonrecevoir fondée sur ce que le jugement dont appel serait en dernier ressort:

Attendu que c'est la valeur de l'objet en litige qui seule détermine la compétence en premier ou dernier ressort;

Que les contestations qui s'élèvent en matière d'ordre ont uniquement pour objet le droit d'être payé par préférence à d'autres créanciers sur la somme qui forme le prix de l'immeuble adjugé;

Que c'est donc le taux des créances auxquelles on conteste ce droit de préférence, qui doit être pris en considération pour la fixation de la valeur de l'objet en litige;

«Que s'il est vrai que le résultat de la contestation doit avoir de l'influence sur l'ordre entier, et affecter la distribution de tout le prix de l'adjudication, ce n'est que jusqu'à concurrence de la somme totale des collocations contestées que cette influence peut se faire sentir, de sorte que le montant total de ces collocations est véritablement le seul intérêt qui se débat dans l'instance;

Attendu, en fait, que la collocation contestée a pour objet une créance de 2,200 fr., qui dépasse ainsi le taux du dernier ressort;

Que peu importe que cette créance appartienne pour moitié à Angéline Debruyker, veuve Dalle, et pour l'autre moitié à Cécile Dalle (aujourd'hui ses héritières) et qu'ainsi il y aurait en réalité deux créances et partant deux contestations distinctes, ayant chacune pour objet une somme de 1,100 fr., parce que ce ne sont pas tant les créances contestées, prises chacune isolément, que la somme faisant partie de celle à distribuer, correspondante à ces sommes réunies, qui forme l'objet de la dispute entre la généralité des intéressées dans la contestation, et dont tous les créanciers postérieurs cherchent à profiter;

Attendu que les intimés ont contesté et contestent encore la collocation des appelants, nonsculement du chef de simulation de la créance qui en est l'objet, mais encore et subsidairement parce que l'hypothèque ne frappe que sur un bien d'une contenance de 8 ares 15 centiares, tandis que la vente dont le prix est à distribuer comprend 13 ares 50 centiares, et que ce point subsidiaire de contestation est indivisible, tellement qu'il affecte forcément la totalité de la créance des appelants de 2,200 fr.;

Attendu que si, d'un autre côté, l'on s'en tient à la demande des intimés, formulée tant par leurs contredits sur le procès-verbal d'ordre que par leurs conclusions devant le premier juge,

et telle que ce juge les a accueillies, il n'est pas davantage possible de considérer le jugement a quo comme rendu en dernier ressort;

Qu'en effet cette demande avait pour objet, non-seulement le rejet de la créance de 2,200 fr. des appelants comme simulée, etc, mais encore (ce qui était d'ailleurs dans la nature des choses) la collocation de la créance des intimés, s'élevant à plus de 3,000 fr., au rang qu'occupait la créance contestée des appelants: d'où la conséquence que le rang de la créance des intimés était engagé dans le débat et formait un chef de contestation au moins jusqu'à concurrence des 2,200 fr. dont ils poursuivaient le rejet;

Attendu que si, dans une telle position, les intimés eussent succombé, le jugement qui leur refusait la collocation par eux demandée pour leur créance de 3,000 fr. était évidemment en premier ressort;

Attendu que le droit d'appel existant dans ce cas au profit des intimés, on ne peut le refuser aux appelants dans le cas de l'espèce où ce ne sont point les intimés, mais les appelants qui succombent, d'après la règle de la loi 41, ff., de regulis juris non debet actori licere quod reo non permittitur. »

Deux difficultés se présentaient à résoudre. La première consistait dans la détermination du chiffre qui devait influer sur le ressort. La cour de Gand ne s'arrête pas à la théorie qui en matière d'ordre règle le ressort d'après la hauteur de la somme à partager. Elle admet que c'est la valeur de la collocation contestée qui fixe le ressort,

Toutefois, dans la seconde partie de son arrêt, la cour examine si, à un autre point de vue, l'appel était recevable dans l'espèce. La cour, après avoir considéré la valeur de la créance contestée, s'arrête à apprécier la hauteur de celle du contestant. Nous ne pouvons nous rallier à cette partie de l'arrêt. La demande de collocation de la part du créancier contestant ne constituait pas un objet en litige. Le créancier contesté n'avait dirigé aucune action contre le contestant. Il ne déniait pas sa créance. Si l'admission de la créance contestée devait donner le second rang à toute autre, c'était là, comme la cour le dit elle-même, une conséquence résultant de la nature des choses. Comment dès lors pouvait-on attribuer à la priorité d'une créance sur une autre une valeur spéciale, alors que cette priorité n'était qu'une suite de l'action principale ? Quand au contraire la priorité de la créance est le véritable objet de la contestation, nous verrons plus loin comment cette priorité influe sur le ressort. Mais, nous le répétons, ce n'était pas là l'objet soumis à l'appréciation de la cour. C'était donc la valeur de la collocation contestée qui seule devait servir à la fixation du ressort, nullement la valeur de la créance du contestant. Nous reviendrons sur ce principe au numéro suivant.

La seconde difficulté qui se présentait dans

l'espèce soumise à l'appréciation de la cour consistait dans l'appréciation de la créance dont la collocation était contestée.

Dans son ensemble, cette créance dépassait le taux du dernier ressort, mais elle se trouvait appartenir à deux personnes différentes. Fallait-il considérer la créance dans son entier, ou bien fallait-il la séparer en deux portions et par suite refuser l'appel parce que chacune des parties de la créance restait en ce cas inférieure à 2,000 fr.? La cour se rallie à bon droit à la première opinion. L'intérêt du litige résidait en effet dans l'importance de la dette contractée et par suite dans la valeur de la créance réclamée.

Il importait peu que deux créanciers se présentassent pour obtenir payemeut. Leurs demandes réunies dans une même demande de collocation formaient l'unique objet de la contestation.

Si, au contraire, deux créanciers avaient réuni dans une seule demande de collocation deux créances ayant chacune une origine différente, il n'aurait pas fallu cumuler les deux créances pour la détermination du dernier ressort.

La dernière jurisprudence des cours françaises s'est aujourd'hui ralliée à l'opinion qui fait dépendre le ressort uniquement de la valeur de la créance contestée.

La cour d'Agen décide ce principe par arrêt du 17 novembre 1812 (Pas., à sa date). La cour de Caen se prononce dans le même sens le 8 mai 1827 (Jurisp. du XIXe siècle, 28, 2, 208); celle d'Angers, le 50 avril 1841 (Pas., 41,2, 576); celle de Bourges, le 3 mai 1844 (Pas., 43, 2, 596); celle de Grenoble, le 24 janvier 1850 (S.-V., 51, 2, 92); celle de Montpellier, le 5 novembre 1853 (S.-V., 53, 2, 671); celle d'Agen, le 29 mars 1854 (S.-V., 54, 2, 359) et enfin celle de Paris, le 16 août 1855 (S.-V., 55, 2, 550). La cour de cassation de France s'est prononcée tout récemment dans le même sens à deux reprises différentes. Cass., 19 avril 1858 (S.-V., 58, 1, 343) et 9 août 1859 (S.-V., 59, 1, 785).

659. Quelques arrêts cependant ont déterminé le ressort non pas seulement d'après la créance contestée, mais encore d'après la créance du contestant.

La cour de Lyon a jugé en ce sens que, pour déterminer le premier ou le dernier ressort d'un jugement sur contredit de collocation, il faut considérer non-seulement la valeur de la créance contestée, mais encore celle de la créance du contestant. Lyon, 6 mai 1842 (Pas., 42,2, 405). La cour de Grenoble a décidé aussi que, si la créance du contestant est inférieure au taux d'appel, il n'y a pas lieu au double ressort, alors même que la créance contestée dépasserait 1,500 fr. Grenoble, 24 janvier 1850 (Pas., 51, 2, 92).

Mais cette manière de fixer le ressort en matière de collocation nous paraît contraire à la loi. Peu importe la hauteur de la créance du contestant. L'intérêt du litige se concentre

dans la valeur de la dette pour laquelle le créancier demande à être colloqué. C'est là, en effet, le chiffre de la demande. Si un seul créancier conteste la collocation, et que sa créance soit inférieure au taux d'appel, c'est là une circonstance fortuite qui doit demeurer sans influence sur le ressort. La collocation d'un créancier a un effet non seulement à l'égard du créancier contestant, mais aussi à l'égard de tous les autres créanciers colloqués après lui.

Aussi, comme nous l'avons dit au numéro précédent, la jurisprudence s'accorde aujourd'hui à considérer uniquement la valeur de la créance contestée pour déterminer s'il y a lieu au double

ressort.

Ce principe a été formellement consacré en France par la loi du 21 mai 1858 modifiant l'article 762 du code de procédure.

660. Nous venons de voir que, si la créance est contestée en elle-même, c'est le chiffre de cette créance qui détermine le ressort à l'exclusion de toute autre circonstance.

Mais supposons, au contraire, que la créance en elle-même n'ait pas été contestée et que le débat ait porté uniquement sur la question de savoir si une créance serait préférée à une autre créance pour l'obtention d'une somme à distribuer. Dans ce cas, quel est l'objet du litige? Uniquement la question de priorité de rang des créances. Cette question de priorité n'a de valeur que jusqu'à concurrence de la somme à distribuer. Si celle-ci est inférieure au taux du dernier ressort, il n'y aura donc pas lieu à appel.

Il y a entre le cas où nous nous trouvons et celui que nous avons considéré dans les numéros précédents cette différence essentielle que la créance n'est plus en jeu maintenant. Elle est au contraire reconnue exister. Le débat ne subsiste que par rapport à la somme à partager.

Un arrêt de Bruxelles, du 11 septembre 1809, se prononce en ce sens, et déclare l'appel non recevable, parce qu'il s'agissait dans l'espèce de la distribution entre les parties d'une somme inférieure à 1,000 fr., et ce, d'après les droits compétents à l'une et à l'autre d'elles, et non de la valeur et de l'étendue mème de ces droits. » La cour de Bruxelles s'est encore prononcée en ce sens par arrêt du 29 juin 1831. Elle déclare l'appel non recevable parce que la somme à distribuer était inférieure au taux d'appel. Ilimporte peu, dit-elle, que les créances soient l'une et l'autre supérieures à ce taux, puisque ni l'existence, ni la quotité de ces créances n'out été contestées et que ni l'une ni l'autre n'a fait l'objet du procès.» (Pas., 31, 2, 178.) Cet arrêt fut déféré à la censure de la cour de cassation, mais celle-ci rejeta le pourvoi en se fondant uniquement sur ce que l'arrêt avait apprécié la valeur du litige à 1,000 fr., 8 avril 1833 (Pas., 35, 1, 76).

La cour de Liége a décidé, conformément au même principe, que l'appel n'est pas recevable

quand les titres des créanciers n'ont pas été contestés mais que le débat a porté uniquement sur la priorité de rang qu'ils réclamaient, et que d'ailleurs la somme à distribuer était inférieure à 2,000 fr.; arrêt du 11 mars 1843 confirmé sur opposition le 1er juin 1843 (Pas., 43, 2, 350).

661. Supposons maintenant que, le débat portant toujours sur la priorité de rang entre les créances, la somme à distribuer dépasse le taux du dernier ressort, y aura-t-il nécessairement lieu à appel? Nous ne le croyons pas. Nous ne pouvons admettre ici un principe analogue à celui que nous venons de développer. Si la somme à distribuer a quelque influence sur le ressort, c'est, comme nous l'avons dit au numéro précédent, quand cette somme est inférieure au taux du dernier ressort. Cette somme étant la limite supérieure de l'intérêt des parties, il est en effet certain que son infériorité au taux du dernier ressort doit empêcher l'appeł. Mais la somme à distribuer n'est pas la mesure de l'intérêt des partics. Quand cette somme dépasse 2,000 fr., l'intérêt des parties peut lui demeurer inférieur.

Supposons, par exemple, qu'il y ait à distribuer une somme de 2,500 fr. entre deux créanciers, A. et B. La créance de A. est de 1,500 fr., celle de B. de 2,000 fr. Chacun des deux créanciers prétend devoir être préféré à l'autre. Quel est l'intérêt du litige pour chacun de ces créanciers? Est-ce la somme à distribuer?-Non, puisque la créance la plus élevée n'atteint pas cette somme et que par conséquent aucune des deux parties ne peut y prétendre. La valeur du litige nous parait se concentrer dans la valeur de la créance la moins élevée.

La priorité de l'une des deux créances impliquant de toute nécessité le rejet de l'autre créance au second rang, c'est l'intérêt de chaque créancier à obtenir la priorité qui doit être envi sagé successivement.

Dans l'hypothèse où nous nous sommes placé, quel est l'intérêt de A., premier créancier? Il réclame la priorité pour sa créance de 1,500 fr.

Le seul intérêt qu'il ait à la contestation, c'est le payement intégral de sa réclamation. Le chiffre de sa demande étant inférieur à 2,000 fr., il n'y a pas lieu à appel.

Quel est maintenant l'intérêt de B., second créancier? Obtenir la priorité pour sa créance de 2,000 fr. Est-ce à dire que l'intérêt du litige soit de 2,000 fr. pour ce second créancier? En aucune façon. Cela serait vrai s'il s'agissait pour lui d'une contestation sur la réalité de sa créance, si on lui contestait le droit de participer à la distribution. Mais n'oublions pas que c'est le rang seul de la créance qui est l'objet d'un débat. Sila présentation du second créancier est écartée, si sa créance est rejetée au second rang, de quoi pourra-t-il se plaindre? Uniquement de ce que la créance de A. aura été préférée à la sienne. Quelle perte pourra-t-il subir par suite de cette préférence? Une perte tout au plus

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