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DES JUSTICES DE PAIX.

sur toutes les causes en général, les juges extraordinaires n'avaient de juridiction que pour les cas particuliers, où un droit de juger leur était spécialement confié. C'est ce qui faisait dire à Domat:

juridiction, on peut invoquer cependant divers documents judiciaires. Bruxelles, 14 juin 1843 (Pas., 1843, 2, 333 et la note; Belg. jud., t. 1, p. 1117 et les réflexions qui l'accompagnent).Dalloz, Répert., vo Compétence civile, n° 217; Bruxelles (2o arrêt en ce sens), 8 juin 1844 (dé- « La première distinction (3) à faire est celle cision implicite. Belg. jud., t. 2, p. 977); tri- des officiers qui connaissent de toutes matières bunal d'Anvers, trois jugements; deux à la date civiles, criminelles et de toutes autres indisdu 27 mai 1848; un troisième à la date du tinctement, à l'exception de quelques-unes qui 15 juillet 1848 (rapportés tous trois Belg. jud., ont été attribuées à d'autres juges; et c'est par t. 7, p. 919 etsuiv.); tribunal de Termonde, deux cette raison que l'on appelle cette juridiction jugements à la date du 4 mars 1859 (rapportés ordinaire, pour la distinguer de celle de ces audans la Belg. jud., t. 17, p. 473, avec une note tres juges que l'on appelle par cette raison exdétaillée, et dans le recueil de Cloes et Bon-traordinaires. Ainsi les parlements, les baillifs, jean, t. 8, p. 61 et 231 v. aussi les notes qui accompagnent ces jugements dans ce recueil); Bruxelles (3 arrêt), 12 juillet 1854 (Belg. jud., t. 13, p. 1308); tribunal de Bruxelles, 12 janvier 1856 (Belg. jud., t. 14, p. 355). Citons enfin l'arrêt de la cour de cassation du 17 novembre 1853 (Pas., 1854, p. 33; Belg. jud., t. 12, p. 352 et la note) (1).

Un certain nombre d'auteurs fort estimables viennent se ranger à cette opinion. Ainsi Boncenne, Théorie de la procédure, édit. belge, t. 1, p. 23 et 207; Laferrière, Histoire du droit français, t. 2, p. 71; Boitard, Commentaire, art. 170, t. 1, p. 455; Foucher de Rennes, Revue de législation, t. 2, p. 401 (1835), et Commentaire des lois des 26 mai et 11 avril 1838, p. 23; Rodière, Lois de la compétence, t. 1, p. 138; Benech, dissertation (Revue des revues de droit, t. 3, p. 61) (1840); Carou, Juridiction des juges de paix, t. 1, p. 41; Jay, Dictionnaire des justices de paix, 1-0 Compétence civile, t. 1, p. 380 (1859).

Henrion de Pansey, sans se prononcer nettement, semble pencher en faveur de cette dernière opinion (Compétence des juges de paix, chap. IV). C'est celle aussi que nous croyons devoir adopter.

Certaines doctrines de l'ancien droit semblent cependant donner raison à nos adversaires. | Avant la révolution de 1789, la France comprenait d'une part des tribunaux ordinaires, «juges des lieux et du territoire : ubi, tanquam magisratus jus terrendi habent,» selon les expressions de Loiseau (2) et d'autre part des tribunaux extraordinaires: trésoriers, maîtres des eaux et forêts, grènetiers (juges du sel), prévôts des maréchaux, (juges des vagabonds), juges consulaires, etc., etc. Tandis que les tribunaux ordinaires avaient droit de prononcer

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les sénéchaux et les autres officiers semblables exercent la juridiction ordinaire; et les autres qui connaissent de finances, des tailles, des aides, des gabelles, des monnaies, et d'autres matières distraites de la juridiction ordinaire, sont censés des juridictions extraordinaires. »

Telle était la doctrine de l'ancien droit, mais la pratique ne l'avait pas laissée intacte, comme le dit Henrion de Pansey, si remarquable par ses profondes connaissances historiques en matière de juridiction.

Dans l'ancien régime, les justices des seigueurs étaient patrimoniales, et dans les siéges royaux, les émoluments de la justice étaient, à raison de la nalité des offices, considérés comme formant pour les juges une espèce de propriété.

« Cet ordre de choses avait altéré la nature primitive des juridictions. L'obligation de recourir au juge du domicile, qui n'avait d'abord été imposée qu'au demandeur, était devenue commune aux deux parties. Il était rigourensement vrai que les juges ne sont établis que pour l'avantage des justiciables, et l'on avait modifié ce grand principe par la règle qui dit que, les juridictions appartenant au droit public, les particuliers ne peuvent pas y déroger.

En conséquence, les seigneurs ayant droit de justice, les siéges royaux étaient autorisés à revendiquer leurs justiciables, lors même que le tribunal auquel ils avaient déféré le jugement de leur contestation, habile à connaître de l'objet litigieux, n'était incompétent qu'à raison du domicile des parties (4). »

Telles étaient les institutions judiciaires quand éclata la révolution. Le régime nouveau les a-t-il seulement modifiées en ce qu'elles

même de l'objet litigieux, que parce qu'aux termes de
l'art. 7 initio de la loi du 25 mars 1841, les tribunaux de
première instance ne peuvent être appelés à statuer sur
la matière que comme juges d'appel dans les cas où la
valeur excède la somme de 100 francs... »
(2) Traité des offices, liv. Ier, chap. VI.
(3) Domat, liv. II, titre [er, sect. 2, 2e partie.
(4) Henrion de Pansey, De la compétence des juges de
paix, chap. IV, p. 30.

et enfin le contentieux de la police municipale. L'arrêté du 2 frimaire an iv prend soin d'ajouter, afin d'éviter toute ambiguïté possible, que les

pouvaient avoir de contraire à ses principes, ou bien les a-t-il renversées brusquement, afin de les remplacer dans le nouvel édifice social? Voilà la véritable question qui se présente à ré-juges des tribunaux civils seront compétents sur soudre. Nous en trouvons la solution non douteuse dans les lois de la première période républicaine. Dans ses art. 16 et 17, la loi du 16-24 août 1790 abolit formellement tout privilége en matière de juridiction, soit à l'égard de certaines personnes, soit par rapport à certains tribunaux :

ART. 16. Tout privilége en matière de juridiction est aboli; tous les citoyens, sans distinction, plaideront en la même forme et devant les mêmes juges, dans les mêmes

cas. D

ART. 17. « L'ordre constitutionnel des juridictions ne pourra être troublé, ni les justiciables distraits de leurs juges naturels, par aucune commission, ni par d'autres attributions ou évocations que celles qui seront déterminées par la loi. »

appel des juges de paix, des arbitres et des tribunaux de commerce. Il importait en effet de corriger pour le cas d'appel la généralité de la règle de l'art. 4 de la loi des 16-24 août 1790. On le voit, ce n'est pas dans la loi de 1790 qu'il est possible de trouver la confirmation des anciennes règles en matière de juridiction. Et cependant, si la volonté du législateur avait été de s'en référer à ces anciens principes, n'était-il pas urgent pour lui d'exprimer nettement son opinion sur un point d'une si majeure importance? Mais, objectent nos adversaires, le langage de la loi de 1790 nous donne raison. Nous trouvons dans l'article 4 le mot excepté qui précède la partie de la disposition qui se rapporte aux tribunaux de paix et aux juges de commerce. Ce mot prouve que ces tribunaux sont restés des tribunaux d'exception. - S'il faut D'après ce dernier article, c'est la loi qui doit dé- combattre cette argumentation à propos d'un terminer les attributions ou évocations des juges. II seul mot dont on torture le sens, nous dirons est difficile de dire plus clairement que la révolu- que l'art. 4 doit être mis en rapport avec les tion entendait faire bon marché de toutes les dis- règles de compétence édictées dans la même loi tinctions judiciaires établies par le droit anté- de 1790 quant aux justices de paix, et quant rieur. Quelle est maintenant la nouvelle règle aux juges consulaires. Les dispositions qui conlégislative qui va déterminers rapports des tiennent ces principes ont-elles en effet une tribunaux d'arrondissement avec les justices de forme qui permette de croire qu'ils ne doivent paix et les tribunaux consulaires? C'est la être appliqués que d'une manière exceptionmême loi de 1790. Dans son titre III, elle éta- nelle? Il suffit d'y jeter les yeux pour se conblit les justices de paix et arrête leurs attribu- vaincre qu'il n'en est rien. Les art. 9 et 10 du tions et leur compétence. Dans son titre XII, titre XII de la loi de 1790 se servent de termes elle s'occupe des juges de commerce, et déter- impératifs. « Le juge de paix connaîtra de toutes mine pareillement leurs attributions. Puis au les causes, etc. Le tribunal de commerce contitre IV, consacré aux tribunaux de district, naîtra de toutes les affaires, tant de terre que de nous trouvons un article ainsi conçu: « Les mer sans distinction. » Ajoutons qu'il nous pajuges de district connaîtront en première in-rait fort inutile de chercher au mot excepté de stance de toutes les affaires personnelles, réelles et mixtes en toutes matières, excepté seulement celles qui ont été déclarées ci-dessus être de la compétence des juges de paix; les affaires de commerce, dans les districts où il y aura des tribunaux de commerce établis, et le contentieux de la police municipale (1). » L'arrêté du 2 frimaire an iv, § 7, en publiant en Belgique la loi de 1790, ajoute à l'article que nous venons de citer un aliuéa qui porte: «Les juges des tribunaux civils prononceront en dernier res sort sur les appels des juges de paix, des arbitres et des tribunaux de commerce, dans les cas déterminés par la loi. » La pensée du législateur se manifeste clairement par son langage. Désormais la compétence du tribunal de district est bornée dans sa généralité par une exception positive; cette exception concerne les contestations qui ressortissent aux tribunaux de paix, celles qui sont jugées par les juges consulaires,

(1) Art. 4, titre IV, loi des 16-24 août 1790.

(2) Art. 442 et 553 du code de procédure. Table de la Pasicrisie française, 1791-1850, vo Exécution, nis 78 à 89

l'art. 4 une signification forcée, quand ce mot est universellement employé et compris dans le sens adverbial de hormis.

Autre objection: les tribunaux d'arrondissement sont les seuls qui aient droit de prononcer sur l'exécution de leurs propres jugements. Les tribunaux de paix ou de commerce n'ont pas cette faculté (2). Les questions qui s'élèvent sur l'exécution des jugements de ces tribunaux extraordinaires appartiennent à la juridiction des tribunaux ordinaires. C'est là une preuve certaine de la supériorité de ces derniers sur tous les autres. L'ancien droit a donc été maintenu par la législation moderne.

C'est là une argumentation qui paraît assez sérieuse. Il n'est cependant pas impossible d'y répondre. L'art. 17, titre 11 de la loi de 1790 donnait à la loi la mission de déterminer les attributious des juges. L'art. 4, titre IV, accordant au tribunal de district une juridiction gé

en ce qui concerne les tribunaux de commerce, nis 90 à 96 en ce qui concerne les justices de paix. Voy., sur ce point, notre no 16.

ont été institués; leurs juridictions ne constituent pas un bénéfice privé, auquel chacun doive rester libre de renoncer. Elles forment un caractère essentiel de la justice du pays, une règle générale constituée dans l'intérêt de tous, ou si l'on veut, dans l'intérêt de la société et de

de dire qu'une règle basée sur de pareils motifs ne peut demeurer soumise aux modifications qu'il plaît à chaque plaideur d'y introduire. Citons à ce sujet quelques-unes des observations que les sections réunies du tribunat faisaient à propos du caractère du code de commerce (2 juillet 1807):

nérale, excepté dans les causes attribuées à certains tribunaux spéciaux, réservait implicitement au tribunal de district l'exécution des sentences rendues par ces tribunaux. En dehors de leurs fonctions strictement déterminées par la loi, ces derniers n'avaient en effet aucun droit de juger. Mais quel principe nous autori-la fortune publique. Nous n'avons pas besoin serait à dépasser ici la volonté de la loi? Du droit de connaître de l'exécution de certains jugements en matière de justice de paix ou de commerce, comment le tribunal d'arrondissement passerait-il, sans délégation législative, à la faculté de prononcer sur des litiges appartenant en propre à une autre juridiction? Assurément rien de pareil n'est autorisé par les principes de la matière. Si d'ailleurs nous nous rendons compte de la valeur de la faculté qui appartient aux tribunaux civils de prononcer sur l'exécution de tous les jugements, nous nous apercevons que cette faculté n'attaque en aucune manière le droit exclusif appartenant à d'autres tribunaux de prononcer sur certaines matières déterminées. L'exécution du jugement | n'a en effet aucun rapport avec la décision intervenue sur le fond du procès. Le jugement étant prononcé par le juge de commerce, par exemple, tout est fini pour lui. Ce qui peut rester à décider quant à l'exécution de sa sentence n'a plus rien de commercial. Il est donc naturel que le juge de commerce cesse d'être saisi, et que le juge civil soit saisi en son lieu et place.

Répondons enfin à une dernière objection. En quoi importe-t-il à l'ordre public, dit Dalloz (1), que, dans une contestation où ne se débattent que des intérêts privés, il soit interdit aux parties de renoncer au bénéfice d'une procédure plus expéditive et d'un jugement moins coûteux? N'est-ce pas plutôt le cas d'appliquer ici la maxime: Omnes licentiam habere his quæ pro se introducta sunt renuntiare? » — Est-il vrai, comme le dit Dalloz, que l'ordre des juridictions soit un objet indifférent à l'ordre public? Nous ne saurions l'admettre un instant. A propos de chaque contestation où de simples intérêts privés se débattent, s'agit-il simplement de savoir quelle sera la préférence des parties pour tel ou tel tribunal particulier? Mais alors l'incompétence ratione materiæ ne se réalisera jamais, et l'article 170 du code de procédure deviendra inutile. — Ou bien l'ordre des juridictions a-t-il quelque chose de sérieux, est-il fondé sur des règles supérieures qu'il n'appartient pas aux parties de modifier? Dans ce cas, pourquoi enlever à la juridiction de certains juges un caractère qui appartient à la compétence d'autres magistrats? Non, ce n'est pas dans l'intérêt de tel ou tel possesseur, de tel ou tel négociant, que les justices de paix et les tribunaux consulaires

(1) Dalloz, Rép., vo Compétence civile des tribunaux d'arrondissement, no 216. Voy., dans le même sens, Dalloz, v° Compétence civile des tribunaux de paix, no 131.

Les juridictions sont d'ordre public, et cet ordre ne saurait admettre pour principe de ses distributions les variations qui naissent de la pure volonté des parties. La nature des affaires, et le rapport plus ou moins direct qu'elles ont avec l'une ou l'autre juridiction, paraît une mesure plus sûre à consulter. »

Le rapport de Beugnot au conseil d'Etat prenait pour point de départ le même ordre d'idées. V. dans Locré, les Discussions sur le code de commerce, t. 12, p. 303 et 311.

Ce n'est donc ni dans les principes généraux de nos lois, ni dans quelque texte spécial, qu'il est possible de trouver le droit pour les tribunaux d'arrondissement de se conserver la décision des contestations que les parties voudraient leur attribuer à l'encontre de la loi.

Terminons en disant avec la cour de Bruxelles:

Les juridictions sont d'ordre public, de manière que ni les parties ni les juges ne peuvent s'écarter des règles tracées à cet égard que quand la loi elle-même les y autorise.

C'est sur ce principe que sont basées les dispositions des art. 170 et 424 du code de procédure, qui ordonnent aux juges de se déclarer d'office incompétents, quand la matière qui leur est soumise n'est pas au nombre de celles que la loi place dans leurs attributions.

« Il est vrai que, selon le paragraphe de l'article 169, comme selon le prescrit de l'art. 424, aussi au paragraphe, l'incompétence non proposée in limine litis se couvre par toute exception ou défense au fond; mais, pour que cette prorogation de juridiction ait lieu, il faut que l'incompétence ne soit relative qu'au domicile de la personne assignée ou à la situation de l'objet litigieux, c'est-à-dire, il faut, comme disent les jurisconsultes, que l'incompétence ne soit qu'une incompétence ratione personæ vel loci. Dans tous les autres cas où l'incompétence résulte de la matière même dont les juges ont à connaître, il ne leur est pas permis de s'immiscer dans la connaissance d'une affaire que la loi a attribuée à des juges d'une autre catégorie (2). »

(2) 14 juin 1843, cour de Bruxelles, 3e chambre (Pas., 1843, 2, 333).

vent est assez peu concluant, nous paraît ici absolument sans valeur. Comment en effet serait-il possible d'expliquer raisonnablement cette bizarrerie de la loi, qui aurait voulu retirer au juge de commerce l'exécution de ses

Les juges d'arrondissement n'ont pas, nous voir dans cette abstention, la volonté du légisvenons de le voir, le droit de juger les contes-lateur de laisser à la juridiction inférieure le tations appartenant à d'autres juridictions. Mais droit de prononcer sur l'exécution de ses jugeeussent-ils ce droit, y aurait-il là une raison suf-ments. Mais l'argument a contrario, qui soufisante pour le faire partager aux juges de paix, en donnant à ceux-ci la faculté de juger les contestations commerciales? Un doute sérieux subsisterait sur ce point. Si le tribunal d'arrondissement trouve dans le droit ancien une sorte de justification au privilége de juger tous les li-jugements, en laissant au contraire cette exécutiges, il n'en est pas de même pour la justice de tion au juge de paix? Il est en effet impossible de paix, qui n'est venue à naitre que par l'effet de séparer la position de ces deux espèces de magisla loi de 1790. D'autre part, le droit du ma- trats. Juges de paix et juges de commerce sont gistrat de première instance, qui sous notre lé-juges d'exception. Ni les uns ni les autres ne gislation moderne lui permet de rester le juge de l'exécution des jugements, ce droit n'appartient pas non plus au juge de paix.

jouissent de ce qu'on est convenu d'appeler la plénitude de juridiction. Le résultat pratique de leur qualité de juges exceptionnels est celui-ci : ils ne possèdent d'autres attributions que celles que la loi leur a formellement dévolues. Or nous chercherions en vain un article de nos codes qui attribue au juge de paix la faculté de prononcer sur l'exécution de ses jugements. Il importe donc assez peu qu'aucune disposition positive ne lui enlève cette connaissance. A cet égard l'oubli du législateur ne peut impliquer une volonté contraire (1).

Remarquons enfin que dans la discussion de 1841, nos chambres se sont longuement occupées de la question de savoir si une juridiction commerciale serait conférée au juge de paix. Dans aucune partie de cette discussion, il n'a été | dit que le juge de paix aurait tout au moins cette juridiction lorsqu'il plairait aux parties de la lui conférer. Bien au contraire, les adversaires de l'extension de la compétence chez le juge de paix cherchaient la justification Ajoutons que sous l'empire de la loi de 1841 de leur opinion dans des motifs qui étaient cet oubli du législateur ne pourrait même plus tous puisés dans des considérations d'ordre être invoqué. L'article 4 du projet de loi prépublic. C'est assez dire qu'en rejetant la juri-senté en 1835 par M. Ernst portait : « Sauf les diction commerciale du juge de paix, la législature de 1841 ne doit pas être soupçonnée avoir voulu que cette juridiction pût cependant exister lorsqu'il plairait aux parties de la faire naître.

16. Nous avons déjà énoncé le principe que le juge de paix est incompétent pour connaître de l'exécution de ses jugements.

Par un jugement en date du 16 novembre 1850 (Belg. jud., t. 8, p. 1507), le tribunal de Bruxelles a décidé que le tribunal de justice de paix étant tribunal d'exception ne pouvait connaître de l'exécution de ses jugements. Cette attribution n'est en effet dévolue au juge de paix par aucune loi.

cas de poursuite par expropriation forcée, de contrainte par corps et autres, dans lesquels la loi attribue juridiction, la connaissance de l'exécution des jugements des juges de paix appartient à celui du lieu de l'exécution, qui statue en dernier ressort s'il s'agit d'un jugement dont il n'échoit pas appel.

« Néanmoins en cas de revendication d'objets saisis, le juge de paix renvoie les parties à se pourvoir en référé devant le président du tribunal de première instance. »

Dans son rapport, M. Liedts combattait cet article en ces termes :

« ART. 4 du projet du gouvernement. De toutes les innovations que renferme le projet du gouLa cour de Bruxelles a décidé dans le même vernement, celle qui a paru la plus inadmissisens le 27 janvier 1855, en déclarant que le ble, c'est celle qui consiste à attribuer aux juges juge de paix statuant au possessoire ne peut de paix la connaissance de l'exécution de leurs connaître de la question de savoir si son juge-jugements. Jusqu'ici les législateurs avaient ment a été exécuté par la partie succombante (Belg. jud., t. 13, p. 425).

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enlevé cette connaissance à cette juridiction exceptionnelle, parce qu'on ne peut pas attendre d'un juge placé au dernier échelon de la hiérarchie judiciaire, assez d'aptitude et de lu4,mières pour résoudre seul toutes les difficultés que l'exécution des jugements peut faire naître. «Il s'ensuivrait, dit Loiseau (Traité des offices),

L'exécution de ses jugements est de même refusée au juge de paix par la plupart des auteurs: Locré, 1. 9, p. 196; Carré, Compétence civile, t. p. 302 et 303; Chauveau sur Carré, t. 1, no 131; Favard de Langlade, Rép., vo Justice de paix.

L'opinion contraire se base sur un argument a contrario tiré des art. 442 et 555 du code de procédure. Ces articles enlèvent au juge de commerce la connaissance de l'exécution de ses jugements et défèrent cette connaissance au tribunal d'arrondissement. On en a conclu que si des articles conçus dans le même esprit n'existaient pas pour les justices de paix, il fallait

deux absurdités fort apparentes : l'une que par le moyen des oppositions et autres inci

(1) Voy., plus haut, ce que nous avons dit au sujet du même principe à notre no 15.

Voy. aussi Table de la Pasicrisie française, 1791-1850, vo Exécution, nis 90 à 96.

‹ naire, étant même un chef-d'œuvre de justice de faire bien un décret et une sentence d'or‹dre; l'autre, que les créanciers et autres ayant intérêt au décret, ne se défiant pas qu'on vendit les biens de leur débiteur en ces justices borgnes, seraient bien souvent surpris et privés de leurs droits. »

dents qui surviennent aux décrets de justice, même que leurs demandes seraient inférieures les juges extraordinaires, non lettrés pour la à 200 francs, assigner leurs clients devant le plupart, auraient la connaissance d'infinies juge de paix. C'est ce qui a été décidé par le matières les plus difficiles de la justice ordi-tribunal de Civray, le 24 avril 1841 (en note de Dalloz, Rép. génér., vo Compétence civile des tribunaux de paix, n° 25), par la cour de Poitiers le 27 janvier 1846 (Pas., 46, 2, 461), et par la cour de cassation de France, le 7 décembre 1847 (Pas. 48, 1, 129). La cour de cassation de France a, de plus, par son arrêt de rejet du 21 avril 1845 (Pas., 45, 1, 337), déclaré que la demande formée par un notaire en payement d'un billet causé pour honoraires était également de la compétence du tribunal civil, et non du ressort du juge de paix, bien que le montant de ce billet fût inférieur à 200 francs. Un dernier arrêt de la cour de cassation de France, en date du 25 janvier 1859, admet les mêmes principes (Maertens, Journ. de proc., 1859, p. 186, juin).

Aussi les rédacteurs du projet ministériel, après avoir admis le principe, semblent avoir reculé devant son application et y apportent tant de restriction qu'il ne reste plus rien à la juridiction exceptionnelle que les saisies-exécutions et les saisies de rentes; et si l'on remarque que, même dans ces cas, le juge de paix ne peut connaitre des revendications, et que, si l'article était admis, il faudrait encore en excepter le cas où il y a plusieurs opposants, on sera forcé de convenir que l'article peut être supprimé sans inconvénient.

D'ailleurs on ne doit pas perdre de vue qu'aujourd'hui la plupart des obstacles apportés à l'exécution des jugements des juges de paix sont levés par le président du tribunal de première instance, siégeant en référé, et que cette procédure est aussi célère et moins dispendieuse que celle qu'on veut y substituer. »

L'opinion de la commission, formulée dans le rapport de M. Liedts, fut adoptée par M. Leclercq, ministre de la justice, dans la séance du 1er mai 1840, et l'art. 4 du projet primitif ne fut plus reproduit dans le cours de la discussion. Du retrait de l'art. 4, il est permis de conclure d'une manière certaine que le législateur de 1841 a refusé au juge de paix la connaissance de l'exécution de ses jugements.

17. En dehors des causes commerciales dont nous venons de parler, toutes les autres actions personnelles et mobilières sont-elles de la compétence du juge de paix?

Malgré les termes généraux dont se sert la loi de 1841, il y aurait erreur à le penser. Certaines catégories d'affaires sont, par leur nature même, enlevées à la compétence du juge de paix. Il en est ainsi, par exemple, des causes qui concernent l'enregistrement. La loi du 22 frimaire an vi en attribue la connaissance aux tribunaux civils, dans ses articles 64 et 65. Les différentes affaires qui sont abandonnées à la décision administrative échappent aussi nécessairement à la compétence du juge de paix (1).

Il en est de même des réclamations d'honoraires faites par un notaire contre un de ses clients. A cet égard les notaires sont obligés de porter leurs réclamations devant le tribunal civil de leur résidence (2). Ils ne peuvent, alors

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Les demandes formées pour frais par les officiers ministériels sont portées au tribunal où les frais ont été faits (art. 60, code de proc.). Il en est de même de l'action en restitution de frais dirigée contre un officier ministériel. Arrêt d'Orléans, 12 octobre 1844 (Dalloz, Rép. gén., v° Compétence civile des tribunaux de paix, rapporte cet arrêt sous le n° 26). S'il s'agissait de frais d'actes signifiés par un huissier dans une instance commerciale, le tribunal de commerce ne serait pas compétent pour prononcer sur une pareille question, qui sortirait des limites de ses attributions particulières. Ce serait le cas d'appliquer le principe contenu dans l'article 442 du code de procédure: « Les tribunaux de commerce ne connaîtront point de l'exécution de leurs jugements. » Le tribunal civil deviendrait le juge naturel d'une semblable contestation, à l'exclusion du juge de paix qui n'est lui-même qu'un juge exceptionnel. La cour de Bourges s'est prononcée en ce sens par arrêt du 21 août 1843 (Pas., 45, 2, p. 423). « Toutefois, nous ne voyons aucun obstacle à ce que le juge de paix prononce sur une réclamation au-dessous de 200 francs faite par un officier ministériel pour frais faits en dehors de leurs fonctions. Ces frais ne tombent pas sous le coup de l'article 60 du code de procédure. Justice de paix de Courtrai, 25 octobre 1858 (Praticien belge, 1861, p. 274).

a

18. Les réclamations d'honoraires faites par un avocat peuvent-elles être portées devant le juge de paix?

Rien ne nous paraît y faire obstacle. En vain nous opposerait-on la disposition de l'art. 43 du 14 décembre 1810, qui donne au client de l'avocat le droit de réclamer la taxation des honoraires par le conseil de discipline. Cette disposition n'empêche pas la citation du client par l'avocat devant le tribunal compétent d'après

pétence administrative. Voy. aussi les tables de la Belgique judiciaire, vo Compétence administrative.

(2) Art. 51, loi du 23 ventôse an x1 (16 mars 1803).

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