Page images
PDF
EPUB

tions faites à la chambre des représentants par MM. de Garcia et Raikem (L. sur la Compétence, p. 93 à 95', et sur la demande de M. le ministre de l'intérieur l'article fut renvoyé à la commission.

Celle-ci, sans rien changer au principe de la nécessité générale de l'évaluation pour toutes les actions immobilières, et par suite pour les servitudes, modifia cependant la manière dont l'évaluation devait en être faite. Elle créa à cet égard l'art. 14, qui est devenu l'art. 18 de la loi après une nouvelle modification. (Rapport de M. de Behr sur les amendements et les articles renvoyés à la commission, 7 mai 1840. L. sur la Compétence, p. 107 et suiv.)

Aujourd'hui c'est donc d'après le mode consacré dans l'art. 18 que la servitude doit être évaluée, et non plus uniquement par le demandeur, comme le disait le projet primitif.

Tout en admettant avec nous que les servitudes doivent toujours être évaluées, M. Raikem siguale les inconvénients qu'entraine souvent une pareille évaluation. «Il dépendra, dit-il, de l'une ou de l'autre des parties de rendre l'appel recevable au moyen d'une évaluation laissée à son libre arbitre. Ce sont cependant ces sortes de contestations qui engendrent, la plupart du temps, de très-grands frais, et souvent pour des objets de peu d'importance. On doit fréquemment recourir à des enquêtes, à des descentes sur les lieux, à des rapports d'experts, à des levées de plans. Il est vrai qu'ordinairement ces instructions ont lieu en première instance, et il n'est pas sans exemple que ces causes, parvenues en instance d'appel, offrent plus d'intérêt pour les frais que pour le foud même du procès. Mais, on doit le dire, il n'était guère possible de remédier à ces inconvénients. Le préliminaire de la conciliation, lorsqu'un bon juge de paix y emploie tous ses efforts, est de nature à couper dans leur racine des procès qui peuvent avoir des résultats désastreux, surtout pour les plaideurs de la classe peu aisée. »

Quoi qu'il en soit des inconvénients attachés à l'évaluation de la servitude par les parties, inconvénients qui se reproduisent d'ailleurs chaque fois que l'action ne porte pas sa valeur en elle-même, toujours est-il vrai que l'évaluation imposée par l'art. 18 est de beaucoup préférable à l'indétermination complète de la valeur de la servitude. Cette indétermination donnait en effet toujours lieu à la faculté d'appeler, quelque minime que fût la valeur de la servitude. Aujourd'hui du moins le droit d'appel est restreint par l'évaluation des parties.

692. Les actions mixtes ne peuvent en aucun cas appartenir à la décision des juges de paix. C'est ce que nous avons vu (art. 1er, supra, n°20;. Aux termes de l'art. 4, titre 4 de la loi de 1790, les juges de district connaissent en première instance de toutes les affaires personnelles, réelles et mixtes, excepté celles qui sont de la compétence du juge de paix. Ces derniers n'ont compétence en général que pour les actions mobilières.

L'art. 5 du même titre ne parle plus des actious mixtes, mais déclare que les juges de district connaîtront en premier et dernier ressort de toutes les affaires personnelles et mobilières jusqu'à la valeur de 1,000 livres de principal, et des affaires réelles dont l'objet principal sera de 50 livres de revenu déterminé soit en rente, soit par prix de bail. Cette disposition ne fixe donc pas le ressort en ce qui concerne les actions mixtes.

La loi de 1841, dans son art. 14 qui remplace l'art. 5, titre 4 de la loi de 1790, ne parle pas davantage des actions mixtes.

Que faut-il conclure de cette abstention? La loi de 1790 et après elle celle de 1841, en ne mentionnant pas les cas où le jugement serait en dernier ressort par rapport aux actions mixtes, ont-elles voulu que les actions fussent toujours sujettes à appel, ou bien existe-t-il des cas où l'action mixte ne donne pas lieu à appel?

Avant d'aborder cette question, rappelons que l'existence des actions mixtes a été contestée, mais que la doctrine et la jurisprudence semblent aujourd'hui d'accord pour les admettre (art. 1er, supra, no 20, 21, 22, 23 et suiv.). Nous avons sigualé plus haut le caractère et la nature de ces actions; et il nous paraît inutile de revenir sur ce point.

L'existence des actions mixtes étant admise, comment se détermine le ressort en ce qui les concerne?

La question parait douteuse.

Carré, qui repousse en général le nom d'actions mixtes (supra, sur l'art. 1or, no 25), pense que les actions auxquelles on donne cette qualification ne sont autre chose que des actions réelles, auxquelles viennent se joindre des prestations personnelles.

Les actious mixtes, dit Carré (Lois de l'org. et de la comp., t. 4, p. 256, no 463), sont réelles sous un rapport, personnelles sous un autre, et la loi a fixé la valeur d'après laquelle elles doivent être jugées, avec ou sans appel. C'en est assez, croyons-nous, pour décider, que ces actions doivent être évaluées en cumulant la valeur du droit réel avec celle du droit personnel, formant le double objet duquel résulte leur caractère d'actions mixtes.

La raison répugne à ce que l'on admette qu'une action mixte, dont la valeur, quant à ce qu'elle renfermerait de réel, serait au-dessous du taux du dernier ressort, comme en ce qu'elle renfermerait de personnel, ne fût pas jugée sans appel, si, par leur réunion, ces deux valeurs n'excédaient pas ce même taux.

«Il est vrai que la loi de 1790 ne parle pas expressément des actions mixtes dans l'art. 5 du titre 3; mais elle en a parlé virtuellement, dès lors qu'elle s'est expliquée sur les actions personnelles et réelles, dont le mélange constitue cette troisième espèce d'actions.

«Nous croyons donc le système d'après lequel les actions mixtes ne pourraient recevoir qu'un jugement en dernier ressort, absolument

contraire à l'esprit de la loi, qui, par cela même qu'elle reconnaît des actions de cette nature, dans lesquelles le droit réel est, quant à la compétence, indivisible du droit personnel, déclare suffisamment que la valeur totale d'une pareille action se compose de la valeur partielle de ce qui tient, d'une part, à l'action réelle, de l'autre, à l'action personnelle : d'où la conséquence naturelle que la compétence doit être déterminée soit en premier et dernier ressort, soit en premier ressort seulement, suivant que ces deux valeurs réunies excèdent ou n'excèdent pas le taux fixé par la loi pour le dernier ressort. En résumé, Carré veut que la valeur de l'action mixte soit toujours fixée par la réunion de l'élément réel et de l'élément personnel qu'elle contient.

En opposition avec cette théorie se présente une opinion toute contraire adoptée par une partie de la jurisprudence belge.

La loi de 1790 pas plus que celle de 1841, dit-on, n'a eu en vue les actions mixtes. L'appel n'étant pas limité quant à ces actions, il n'y a lieu de le refuser en aucun cas.

L'application de la règle générale des deux degrés de juridiction doit être faite, à moins que la loi ne spécifie clairement qu'il n'y aura lieu qu'à un seul degré de juridiction, ce qui n'existe jamais pour les actions mixtes.

MM. Raikem et Cloes combattent de même l'opinion de Carré, comme nous le verrons en traitant de l'évaluation des actions mixtes (infra, no 697).

693. Les deux opinions que nous venons d'exposer nous paraissent l'une et l'autre trop absolues.

Repoussons d'abord le théorie de la cour de Liége.

Rien dans le caractère de l'action mixte ne justifie la règle que l'appel doit toujours lui être applicable. Si l'action personnelle et l'action réelle n'ont droit à l'appel qu'au delà d'une certaine valeur, il n'existe aucune raison pour que | l'action mixte qui emprunte son caractère à toutes deux ne soit au contraire limitée par aucun chiffre, au point de vue de l'appel.

L'argument tiré du texte des lois de 1790 et de 1841 ne peut pas prévaloir contre leur esprit. Si ces lois n'ont pas spécialement mentionné l'action mixte, c'est parce qu'elles ont jugé cette mention inutile, et ont voulu qu'à l'égard de ces actions on combinât la valeur de la partie réelle de l'action avec celle de la partie personnelle.

Mais, d'autre part, il ne nous paraît pas douteux que, nonobstant l'opinion de Carré, certaines actions mixtes ont un caractère de généralité qui ne permet pas l'évaluation à leur égard, et dans ce cas l'appel demeurera toujours ouvert. Nous pensons donc qu'il faut distinguer entre les diverses espèces d'actions mixtes.

Depuis la loi de 1841, cette opinion a reçu l'approbation de la cour de Liége. Par son arrêt du 8 février 1845, cette cour a décidé que l'ac- Ces actions sont universelles ou spéciales. tion mixte était de sa nature indéterminée, et Quand l'action mixte se rapporte à une unique l'évaluation du demandeur, inférieure au versalité, il nous paraît impossible de restreindre taux d'appel, ne rendait en aucun cas l'appel non le droit d'appel en ce qui la concerne. Une parecevable (Pas., 46, 2, 130). Il s'agissait dans reille universalité se compose de droits dont on l'espèce d'une demande en revendication d'une ne connaît pas la valeur même approximative, parcelle de terre usurpée par suite de l'enlève-au moment où l'on intente l'action. De plus la ment d'une haie et de dommages-intérêts pour fruits perçus.

Par arrêt du 30 août 1846 (Pas., 48, 2, 127), la cour de Liége applique le même principe à une action ayant pour objet une servitude de passage, plus des dommages-intérêts. La cour déclare que la loi de 1841 n'a en vue que les demandes purement réelles ou purement personnelles.

qualité qu'on demande par ces actions impose envers les tiers des obligations dont on ne peut prévoir l'étendue.

Les actions mixtes universelles sont celles qui ont pour objet la pétition d'hérédité, la demande en partage d'une succession ou de toute autre universalité. A l'égard de ces actions, non-seulement il n'y a pas lieu de fixer la valeur de la demande conformément à l'art. 14 de la loi de 1841, mais encore, il n'est pas possible de se conformer à l'obligation d'évaluer, imposée par les art. 15 et 18 de la même loi.

est de telle nature qu'elle ne doive pas nécessairement rester indéterminée. Mais quand, au contraire, le défaut de fixation provient du caractère essentiellement indéterminé de la demande, le plaideur ne pourra être forcé à une évaluation contre laquelle proteste la nature

Par un troisième arrêt en date du 29 janvier 1848, la cour développe le même principe en l'étayant des considérations suivantes : «Attendu que les bases d'évaluation de la valeur du litige, Cette obligation d'évaluer la demande n'est établies par la loi du 25 mars 1841, pour déter-imposée par la loi que pour le cas où l'action miner la compétence en premier ou dernier ressort, n'étant pas les mêmes pour l'action personnelle que pour l'action réelle, qui sont les seules dont s'occupe la loi, il s'ensuit que, lorsqu'il s'agit d'une action à la fois personnelle et réelle, on ne se trouve dans aucun des cas qu'elle prévoit pour la fixation du dernier res-même du litige. Les art. 15 et 18 imposent aux sort; qu'ainsi l'action dont il s'agit est restée indéterminée, nonobstant l'évaluation à 1,000 fr. faite par les demandeurs, laquelle d'ailleurs n'était relative qu'à l'objet primitif et personnel de la demande.» (Pas., 48, 2, 161.)

parties la nécessité d'évaluer leur demande et les parties suppléent ainsi à l'évaluation légale de l'art. 14, mais ces dispositions ne sont applicables qu'aux cas où l'art. 14 l'est lui-même.

M. Raikem (Discours, note 8, Rev. des rev. de

dr., t. 5, p. 134 et suiv.) fait remarquer que le appert clairement de la demande ainsi libellée, texte des art. 15 et 18 exclut l'évaluation d'une que l'objet du débat et le but des poursuites de universalité. L'art. 15, dit-il, n'impose l'obliga- l'administration appelante n'étaient pas limités tion d'évaluer que si la valeur de l'objet mobilier à la part proportionnelle du sieur Desmons est indéterminée. L'art. 18 dit de même que dans les immeubles dont le revenu cadastral est lorsque la valeur d'un objet mobilier ne peut être rappelé dans ledit exploit, mais que cette dedéterminée conformément à l'art. 14, l'évalua- mande embrassait tout l'ensemble immobilier tion doit en être faite. M. Cloes développe cet délaissé par la demoiselle Henriette Fontry et argument dans son Commentaire (no 209). dont l'administration appelante ignorait ou pouNous avons peine à croire que cette interpré-vait ignorer la situation et l'existence, comme tation du texte des art. 15 et 18 puisse avoir ici l'importance et la valeur; grande valeur. Rien dans la discussion ne vient révéler que les termes des art. 15 et 18 soient restrictifs et qu'ils se rapportent uniquement à l'évaluation d'un objet plutôt qu'à celle d'une réunion d'objets ou d'une universalité. On peut même dire que s'il fallait interpréter ces dispositions judaïquement, il faudrait en conclure que les actions mixtes ne se trouvant mentionnées ni dans l'art. 14, ni dans les art. 15 et 18, devraient nécessairement rester toujours soumises à l'appel, et ne pourraient en aucun cas être évaluées par les parties.

Nous pensons donc que l'argument tiré du texte des dispositions citées ne peut avoir aucune influence sur la question. Mais c'est à raison de leur qualité d'universelles, que certaines actions mixtes échappent à l'évaluation prescrite par les art. 15 et 18.

La jurisprudence française a, dans plusieurs de ses arrêts, admis ce caractère indéterminé | des actions qui se rapportent à une universalité. L'arrêt de cassation du 23 brumaire an xII, rendu sur les conclusions conformes de Merlin, déclare indéterminée la demande en partage d'une communauté (Pas., à sa date). Un arrêt de la même cour, du 19 germinal an iv, décide de même que la demande en partage d'héritages et en compte de sommes et de restitution de fruits est sujet à appel. L'arrêt constate que la première demande donne droit à appel comme étant indéterminée (Pas., à sa date).

Depuis la loi belge de 1841, on a plusieurs fois contesté le caractère indéterminé de l'action mixte universelle. On a voulu établir que l'obligation d'évaluer était générale et, qu'on ne pouvait s'y soustraire sous aucun prétexte. Mais la jurisprudence a repoussé les prétentions de ceux qui voulaient imposer l'évaluation comme une obligation non susceptible d'exceptions.

Un arrêt de la cour de Liége du 7 février 1856 (Pas., 56, 2, 230), décide en ce sens que la demande en délivrance d'un legs universel n'était pas susceptible de l'évaluation prescrite par l'art. 15 de la loi du 25 mars 1841. L'arrêt ne parle que de l'art. 15, mais l'argument s'applique de même à l'art. 18, puisque la cour n'exige aucune espèce d'évaluation.

La cour de Bruxelles a admis de même le caractère indéterminé d'une demande relative à une universalité. Il s'agissait dans l'espèce d'une action tendante au partage des biens immeubles possédés par une association religieuse dont le de cujus avait fait partie : « Attendu, dit la cour, qu'il

Qu'à ce point de vue la demande était relative à une universalité, qui est indéterminée de sa nature, comme la pétition d'hérédité ellemême, et par suite non susceptible d'être jugée en premier ressort par les tribunaux de première instance avant la loi du 25 mars 1841;

Attendu que si l'art. 18 de cette loi veut que la valeur des objets immobiliers indéterminés soit évaluée dans les conclusions, ce n'est que comme mesure d'ordre et de procédure; qu'en effet l'inobservation de cette formalité n'entraîne la nullité d'aucun acte de procédure et ne tient en rien à l'essence des jugements; qu'elle expose uniquement la partie demanderesse à la peine de voir la cause biffée du rôle et de s'entendre condamner aux dépens de cette biffure;

Attendu que si l'évaluation de la demande doit servir à déterminer le premier ou le dernier ressort, l'absence d'évaluation ne tient pas essentiellement à l'ordre public, puisque, d'un côté, la loi n'exige pas l'intervention du ministère public dans l'exécution de cette formalité, et que, d'un autre côté, les parties sont seules intéressées aux deux degrés de juridiction; que cela est si vrai, que, dans beaucoup de cas, la règle des deux degrés de juridiction est abandonnée à la volonté des parties, qui, alors qu'elles sont maîtresses de leurs droits, peuvent consentir, tant devant les juges de paix que devant les tribunaux de première instance, à être jugées en dernier ressort, et que, dans tous les cas où l'action immobilière ne peut être déterminée, soit en rente, soit par prix de bail, soit au moyen de l'évaluation de la matrice du rôle de la contribution foncière, le demandeur a le droit de déterminer le ressort, en appréciant luimême, comme le disait le rapporteur de la loi de 1841, la valeur qu'il attache à l'action qu'il a intentée par une évaluation telle quelle, pouvant servir de base à fixer le premier et dernier ressort ;

« Qu'il suit de ce qui précède que, du moment qu'il n'est pas établi que la demande n'excède pas 2,000 fr., la règle que l'appel est de droit doit recevoir son application; d'où la conséquence ultérieure que, dans l'espèce, il ne peut y avoir lieu à l'application de l'art. 453 du code de procédure civile et de l'art. 10 de la loi du 25 mars 1841;

Attendu que le jugement a quo n'a statué sur aucune question de compétence, soit à raison de la personne, soit à raison de la matière, et que les conclusions des parties, pas plus en

première instance qu'en appel, ne sont relatives à semblables questions; qu'ainsi il ne peut y avoir lieu non plus à l'application des art. 425 et 454 du code de procédure civile... 23 mars 1857 (Pas., 57, 2, 157).

L'argumentation de la cour de Bruxelles prouve à toute évidence que l'obligation d'évaluer n'a rien d'absolu, et que notamment elle ne s'applique pas à l'action mixte universelle.

Dans la seconde partie de son arrêt, la cour cherche à établir que la biffure autorisée par l'art. 18 de la loi de 1841 n'aurait pu d'ailleurs être appliquée que par les tribunaux et non par la cour. Nous traiterons cette question en commentant l'art. 15.

694. Envisageons maintenant la seconde espèce d'actions mixtes. Quand ce genre d'actions, au lieu de porter sur une universalité, se limite à un ou à plusieurs objets, nous ne voyons plus aucune raison pour admettre l'appel d'une manière absolue. L'action n'est plus alors indéterminée par sa nature même, et l'évaluation devra en être faite. Tel est aussi l'avis de M. Raikem (Discours, note 8, Revue des revues du droit, t. 5, p. 134).

Ainsi quand la qualité d'héritier ou de communiste n'est pas contestée, et que la demande se rapporte à un partage, ce sera la valeur de la chose à partager qui seule déterminera le ressort. C'est en ce sens que s'est prononcée la cour de Gand, par arrêt du 25 juin 1859.

Dans l'espèce décidée par cet arrêt, il s'agissait non pas d'une demande tendante à être déclaré héritier ou à obtenir une part contestée dans la succession; s'il en avait été ainsi, l'action mixte aurait été universelle : l'action ne tendait à rien autre chose qu'au partage et à la liquidation de la succession de la mère commune de toutes les parties. Cette action avait été évaluée | à 1,500 fr. En présence de cette évaluation, inférieure au taux du dernier ressort, la cour déclare l'appel non recevable, bien qu'il s'agisse d'une action mixte. «Attendu, dit l'arrêt, que si le législateur ne s'est point occupé spécialement des actions mixtes, il résulte de la combinaison des articles prémentionnés (art. 14 et 18), et surtout des discussions qui ont précédé leur adoption, que son intention formelle a été de soustraire à l'appel toute demande judiciaire dont l'importance n'excéderait pas 2,000 fr.» (Pas., 60, 2,114).

Il peut même se faire qu'une action mixte spéciale doive se régler uniquement d'après l'un des modes prescrits par l'art. 14, sans que l'évaluation par les parties soit nécessaire. Ce cas se présente lorsque le seul objet principal demandé par l'action est un immeuble. Lorsque, par exemple, l'action ne peut être réputée mixte que par suite d'un engagement personnel qui vient se joindre à une demande réelle, et que le seul objet en contestation est la propriété d'un immeuble, dans ce cas, ce sera la valeur de l'immeuble seule qui déterminera le ressoit. La cour de Liége s'est prononcée en ce sens par

[merged small][ocr errors]

arrêt du 18 décembre 1858 (Pas., 59, 2, 141). En résumé, les actions mixtes ayant un objet spécial devront toujours être déterminées par la demande, conformément à l'article 14 et, à défaut de cette détermination, par les parties elles-mêmes.

695. Appliquons ce principe à quelques cas spéciaux sur lesquels des difficultés ont surgi. Dans l'action en partage (actio communi dividundo) ce sera la valeur de la chose à partager qui fixera le ressort. La part plus ou moins grande à laquelle prétendrait chaque copartageant restera sans influence à cet égard. L'action en partage est dirigée en effet contre chaque objet à diviser, et non pas seulement contre certains objets à l'exclusion de certains autres. Cette opinion, qui était celle des Sabiniens sous l'empire du droit romain (Dig., liv. 2, tit. 1, de jurisdictione, fragm. 11, § 2, Gaius), doit aujourd'hui être adoptée à raison du caractère du partage en droit français.

Ce principe a été mis en pratique par la cour de Gand dans son arrêt du 25 juin 1859 (Pas., 60, 2, 114) et par la cour de Liége dans celui du 10 mars 1859 (Pas., 59, 2, 287), que nous avons cité plus haut. La cour de Bruxelles l'a encore consacré d'une manière expresse par son arrêt du 17 juillet 1862, sur la deuxième fin de non-recevoir (Pas., 1862, 2, 350).

696. L'action en partage n'est pas la seule action mixte spéciale qui doive être évaluée.

L'action en bornage (actio finium regundorum) doit de même être fixée conformément aux prescriptions de la loi. Mais il n'en est ainsi que quand la propriété même est contestée. Sinon l'action en bornage appartient au juge de paix, conformément à l'art. 9 de la loi de 1841.

Il importe peu d'ailleurs que ce soit la propriété du tout ou d'une partie seulement du fonds qui soit contestée. Dans l'un comme dans l'autre cas la propriété d'un immeuble est en jeu, et il y a lieu d'évaluer la demande d'après les principes ordinaires. Telle est l'opinion de M. Cloes (Commentaire, no 213).

697. Envisageons maintenant une autre hypothèse, celle où l'action mixte spéciale a deux objets principaux, un chef réel et un chef personnel.

Supposous, par exemple, avec M. Raikem (Discours, Revue des revues de droit, t. 5, p. 134 et suiv.), une demande en partage d'un fonds. Celui qui réclame la copropriété de l'immeuble demande en même temps, soit les fruits perçus, soit le prix de ses impenses, soit la valeur de détériorations qu'il prétend avoir été commises par un des copropriétaires.

Deux cas peuvent se présenter la copropriété du fonds est contestée au demandeur ou bien elle ne l'est pas.

Dans ce dernier cas, l'action se réduit à une demande mobilière et aucune difficulté ne peut se présenter. La hauteur de la valeur des fruits, le chiffre des impenses ou celui des détériorations fixera seul le ressort. Si les droits sur le fonds sont reconnus, il n'y a plus en effet rien d'immobilier dans la demande. Nous ne pouvons que

nous ranger sur ce point à l'opinion de M. Raikem (loc. cit.).

Mais si toutes les prétentions sont contestées, si l'on soutient que le demandeur en partage n'est pas copropriétaire; si, dans une action en bornage, le demandeur prétend qu'il y a empiétement, et réclame les fruits perçus de la parcelle sur laquelle l'empiétement a eu lieu, tandis que l'autre conteste le fait, quelle sera la règle à suivre pour juger du premier ou du dernier ressort?

Après avoir exposé l'opinion de Carré que nous avons citée plus haut (no 692), M. Raikem la combat en ces termes : Mais les bases du dernier ressort ne sont pas les mêmes pour l'action personnelle que pour l'action réelle. Pour la première, le dernier ressort se détermine d'après la valeur en principal; pour la seconde, il se détermine d'après le revenu. Lorsqu'il s'agit d'une action à la fois personnelle et réelle, on ne se trouve dans aucun des cas prévus par la loi pour | la fixation du dernier ressort; et alors la règle du premier ressort conserve tout son empire. Comment, dans les exemples que nous avons indiqués, réunirait-on la valeur de la partie de l'immeuble contestée à la valeur des prestations personnelles? Devra-t-on capitaliser le révenu pour le réunir au montant des prestations personnelles? Mais, pour les actious réelles, ce n'est pas le capital que la loi considère : elle ne s'attache qu'au revenu. Et quand même il serait constaté que la valeur de l'immeuble excède 2,000 fr., l'action réelle n'en serait pas moins jugée en dernier ressort, si le revenu n'excédait pas 75 fr. Il n'y a donc pas lieu de capitaliser le revenu. L'action étant mixte, on ne peut séparer le droit réel des prestations personnelles; on ne peut déterminer la valeur totale du litige ni en principal ni en revenu. Donc, il n'y a pas lieu au dernier ressort.

Il arrive fréquemment que, dans les actions mixtes, le revenu de l'immeuble et la valeur des prestations personnelles ne sont pas déterminés. Devra-t-on les évaluer, et comment se fera l'évaluation?

་ L'art. 14 de la loi du 25 mars 1841 fixe la valeur du dernier ressort, en principal, pour les actions personnelles ou mobilières, et en revenu, pour les actions réelles immobilières.

Il s'ensuit que l'évaluation d'un objet mobilier prescrite par l'art. 15 doit être faite en principal, et que l'évaluation d'un objet immobilier prescrite par l'art. 18 doit être déterminée

en revenu.

Ainsi dans une action mixte, l'évaluation devrait être faite en principal pour ce qui concerne la partie personnelle, et en revenu pour ce qui regarde la partie réelle de l'action.

Mais puisque, dans une telle action, le dernier ressort ne peut être déterminé ni d'après le principal, ni d'après le revenu, il ne nous paraît pas que, dans ce cas, l'évaluation soit obligatoire. (Discours, note 8, Revue des revues de droit, t. 5, p. 154.)

Ce raisonnement reçoit l'approbation de M. Cloes (Commentaire, no 217), et celle de la cour de Liége qui a, comme nous l'avons vu, décidé à trois reprises différentes que la loi de 1841 ne restreignait le droit d'appel que pour les actions personnelles et les actions réelles, mais qu'elle le laissait ouvert quant aux actions mixtes, quelle que fût leur importance.-Arrêts du 8 février 1845 (Pas., 45, 2, 130), du 30 avril 1846 (Pas., 48, 2, 127) et du 29 janvier 1848 (Pas., 48, 2, 161).

698. Les mémes difficultés se présentent lorsque des réclamations persounelles viennent se joindre à une demande immobilière. Il en est ainsi dans le cas, par exemple, où l'on revendique un immeuble en joignant à sa réclamation une demande de fruits, si l'on se fonde sur la mauvaise foi du possesseur (art. 549 du code civil).

Les réclamations accessoires ne comptent pas quand elles ont une origine postérieure à la demande. C'est ce que nous avons établi plus haut, en traitant de la valeur des actions personnelles; mais il en est tout autrement quand elles se fondent sur des faits antérieurs à la demande. Ils font alors partie de l'objet principal de l'action, et doivent être évalués.

Faudra-t-il combiner ces réclamations mobilières avec la demande immobilière, ou bien faudra-t-il admettre l'appel dans tous les cas où des réclamations mobilières viendront se joindre à une revendication d'immeubles?

M. Raikem met en pratique, dans ce cas, le principe qu'il défend à propos des actions mixtes. Ne trouvant pas dans la loi de 1841 le moyen de combiner la partie mobilière de l'action avec sa partie immobilière pour en faire une évaluation commune, il déclare l'appel ouvert pour ces actions sans distinction d'aucune sorte.

Mais M. Cloes se sépare sur ce point de M. Raikem: Nous nous rangerions difficilement, dit M. Cloes, à cette opinion, dont le résultat serait de faire perdre aux justiciables tous les avantages que la loi a voulu accorder en ordonnant que toute demande personnelle ou réelle fût évaluée par les parties dans les cas où manquent les bases fixées par la loi elle-même; il suivrait de cette opinion que quand, dans une action réelle immobilière quelconque, susceptible d'être jugée en dernier ressort, un plaideur de mauvaise foi mêlerait une demande en restitution de fruits ou en dommages-intérêts, bien ou mal fondée, et quelque minime que fût la somme réclamée, le jugement serait toujours en premier ressort. Le législateur aurait donc manqué son but, qui est de diminuer le nombre des appels, si ces principes devaient être suivis.

Pourquoi les actions mixtes ne peuventelles être jugées en dernier ressort? C'est que, comme dit M. Raikem, on ne peut séparer le droit réel des prestations personnelles, qu'on ne peut évaluer la valeur totale du litige ni en principal ni en revenu d'où l'on doit conclure que la loi n'ayant posé aucune base pour évaluer ces actions, elles sont indéterminées.

« PreviousContinue »