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DES TRIBUNAUX DE PREMIÈRE INSTANCE.

bitres n'aurait même appartenu au tribunal de première instance qu'en premier ressort seulement. La cour de cassation a jugé ce point par arrêt du 14 décembre 1854 (Pas., 55, 1, 47). C'est ce que nous avons vu supra, no 715.

Quoi qu'il en soit, la question n'a pas été envisagée à ce point de vue par la cour de cassation dans l'espèce dont nous nous occupons actuellement. La cour déclare simplement qu'il était constant en fait que la société avait évalué le litige à 150 fr. La cour ne se préoccupe pas dès lors de l'influence que la valeur du litige à décider par les arbitres aurait pu avoir sur la valeur de l'action en désignation de ces arbitres, dans le cas où cette dernière demande serait restée indéterminée.

Voici les motifs sur lesquels se base la cour de cassation :

Vu les art. 1er et 8 de la loi du 25 mars 1841; Attendu que le jugement attaqué constate en fait, 1° que, d'après la convention existante entre les parties, il y a pour elles obligation de faire juger par arbitres la contestation qui les divise; 2" que sur le refus du défendeur de faire choix d'un arbitre, la société demanderesse l'a fait citer devant le juge de paix du premier can- | ton d'Anvers à l'effet d'y convenir d'arbitres, si- | non voir nommer un arbitre par ce juge pour, avec le sieur Meussen désigné par ladite société, statuer sur les contestations nées ou à naître au sujet de la convention prérappelée ; et 3o que devant ce même juge la société demanderesse a évalué l'objet de sa demande à 150 fr.;

Attendu que cette demande, dérivant ainsi d'une obligation formelle contractée par le défendeur, et dont l'objet est évalué sur le pied de l'art. 8 de ladite loi de 1841 à 150 fr., constitue une action contentieuse purement personnelle de la compétence du juge de paix appelé à en connaître à charge d'appel par l'art. 1er de la même loi;

Attendu que le jugement attaqué a créé une distinction purement arbitraire en décidant que l'art. 8 précité a eu en vue de déterminer, non la juridiction compétente, mais la compétence en premier ou en dernier ressort;

Attendu, en effet, que cette distinction ne résulte ni du texte ni de l'esprit de la loi ; que la compétence, d'après le sens propre et juridique du mot, est le droit de juger une affaire contentieuse ou d'expédier un acte de la juridiction volontaire; qu'en matière contentieuse elle comprend donc le droit de connaître de l'affaire comme celui de la juger en premier ou en dernier ressort; qu'on peut d'autant moins lui dénier cette double portée dans ledit art. 8, que cet article a pour but de faciliter l'application des articles précédents dont les dispositions indiquent toutes les actions dont les juges de paix peuvent connaître en même temps qu'elles déterminent celles de ces actions qu'ils peuvent juger sans appel et celles qu'ils doivent juger à charge d'appel;

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somme d'argent, ou d'un objet appréciable d'après les mercuriales, la compétence du juge de paix est déterminée à toutes fins par les conclusions du demandeur indiquant cette somme ou cet objet; qu'il ne peut en être autrement dans tous les autres cas, lorsque l'évaluation de l'objet du litige a été donnée par le demandeur puisque pour ce cas le législateur a mis cette évaluation sur la même ligue que les conclusions du demandeur ayant pour objet une somme d'argent ou une chose appréciable d'après les mercuriales;

Attendu qu'il résulte de ce qui précède que le jugement attaqué, en confirmant le jugement par lequel le juge de paix du premier canton d'Anvers a décliné sa compétence pour connaître de l'action dont il s'agit, a expressément contrevenu aux art. 1er et 8 de la loi du 25 mars 1841;

Par ces motifs, casse et annule le jugement rendu en degré d'appel entre parties par le tribunal civil d'Anvers le 8 janvier 1853, etc. Cour de cass. 18 novembre 1853 (Pas., 54, 1, p. 69 et s.).

721. Nous avons vu diverses hypothèses où l'évaluation ne doit pas être faite par le demandeur.

Lorsqu'il s'agit de généralités qui échappent par leur nature à la possibilité d'une évaluation, l'art. 15 n'est pas davantage applicable. Dans ce cas, la contestation, bien que purement matérielle, a un caractère universel qui repousse l'évaluation. Il en est ainsi notamment quand la demande tend à une reddition de compte. La généralité de cette demande ne permet pas de refuser l'appel quant à elle. C'est ce que la cour de Bruxelles a décidé expressément par arrêt du 22 juin 1835 (Pas., 35, 2, 259).

Ce principe est rappelé par l'arrêt de la cour de Bruxelles du 20 juillet 1853 (supra, no 714). Il trouve notamment son application en matière d'actions mixtes universelles (supra, no 693). Nous n'avons pas à revenir sur ce point.

722. Nous venons de voir dans quels cas le demandeur est dispensé de faire l'évaluation. L'action reste alors indéterminée par sa nature même.

Mais il peut arriver aussi que le demandeur, malgré la prescription de la loi, ait négligé de faire l'évaluation. Dans ce dernier cas, l'art. 15 édicte une peine sur laquelle nous aurons à revenir. Mais supposons que le juge néglige de rayer la cause du rôle et prononce sur la demande, dans ce cas le litige reste indéterminé. Or, c'est un principe général que toute demande indéterminée, soit par nature, soit par suite du défaut d'évaluation, donne lieu à deux degrés de juridiction.

Eteneffet, l'appel est de droit à l'égard de toutes les contestations. Cette règle ne souffre d'exceptions que dans les limites précises déterminées par la loi. Le texte de l'art. 14 le dit clairement: Chaque fois que le litige ne sera pas «Attendu d'ailleurs que lorsqu'il s'agit d'une | fixé à un chiffre de 2,000 fr. au plus, s'il s'agit

d'action mobilière, ou de 75 fr. de revenu au plus, s'il s'agit d'action immobilière, la règle de l'art. 14 de la loi de 1811 cessera d'être applicable et les tribunaux de première instance ne connaîtront pas de l'action en dernier ressort. Or l'évaluation du litige a pour effet, quand elle a lieu, de faire rentrer certaines actions indéterminées dans les termes de l'art. 14. Mais quand l'évaluation par un motif quelconque n'existe pas, il est impossible au juge de déclarer arbitrairement que le litige a une valeur inférieure au taux d'appel déterminé par l'art. 14, et par suite l'appel reste nécessairement ouvert.

C'est ce qui avait été décidé à diverses reprises par la jurisprudence belge sous l'empire de la loi de 1790. Bruxelles, 21 juin 1826 (Pas., | 26, 205); Id., 1er février 1827 (Pas., 27, 45); Id., 22 juin 1835 (Pas., 35, 259); Liége, 14 décembre 1827 (Pas., 27, 346); Id., 12 août 1840 (Pas., 40, 197). Cependant d'autres arrêts avaient décidé que, lorsque la valeur de l'objet en contestation n'avait été déterminée par aucun acte du procès, mais que cette valeur pouvait néanmoins, d'après des calculs certains, basés sur les circonstances de la cause et sur la nature de l'objet en litige, être considérée comme inférieure à celle fixée pour le premier res. sort, l'appel du jugement qui avait statué sur cette contestation était non recevable. Bruxelles, 31 déc. 1828 (Pas., 28, 397); Id., 28 janvier 1830 (Pas., 30, 29).

La cour de Bruxelles, par arrêt du 28 juillet 1831, admet de même la faculté pour le juge d'appel, à défaut d'évaluation de l'objet litigieux par les parties, de rechercher dans le procès luimême des éléments pour en fixer la valeur et déterminer sa compétence. Mais il déclare que, dans l'espèce, le juge ne peut pas se décider sur ce point, par la considération seule que l'objet de la demande ne semble, par sa nature, pas pouvoir s'élever au taux voulu pour rendre l'appel recevable (Pas., 31, 240). — Le principe que le juge peut, d'après les éléments de la cause, déterminer la demande au point de vue du ressort est encore admis par la cour de Gand dans un arrêt du 25 janvier 1842 (Pas., 42, 2, 100).

Cette doctrine, approuvée par Carré (Lois de la compétence, nos 281, 286 et 287), donnait au défendeur le moyen d'éviter les deux degrés de juridiction pour des litiges peu importants que le demandeur se refusait à évaluer afin de se réserver l'appel. C'était là un avantage. Mais l'évaluation par le juge avait le défaut d'être arbitraire et de faire naître sur l'évaluation du litige un procès dans le procès véritable. Au point de vue des principes, elle dérogeait de plus à la règle fondamentale que c'est la demande qui fixe le ressort. Aussi la jurisprudence française avait-elle décidé presque sans exception que toute demande indéterminée était susceptible d'appel (Dalloz, Répert., v Degrés de jurid, no 416 et suiv.).

723. Sous l'empire de la loi belge de 1841,

il n'y a plus aucun doute que le juge ne peut en aucun cas fixer, d'après les éléments du procès, la valeur d'une demande restée indéterminée.

Il résulte du texte de l'art. 15 que c'est le demandeur qui doit déterminer le litige dans ses conclusions. Le principe de l'évaluation par le demandeur a précisément pour but de mettre obstacle à celle par le juge. L'édit des présidiaux de 1777, qui a servi de base au principe de l'évaluation, prenait soin de dire dans son art. 5 que, pour le cas où l'évaluation existait, il ne pouvait être ordonné de visite ou d'estimation de l'objet contesté (supra, no 737), ce qui excluait toute estimation par le juge. Les discussions de la loi de 1841 ont d'ailleurs établi que le droit pour le demandeur de fixer arbitrairement la valeur du litige lui est acquis sans contrôle.

Les demandeurs, dit le rapport de M. Liedts, peuvent se tromper dans cette évaluation, ils peuvent l'exagérer, mais enfin il y aura une évaluation telle quelle, pouvant servir de base à fixer le premier et le dernier ressort. » Lors de la discussion à la chambre des représentants, M. Raikem insista pour que la faculté d'évaluation par le demandeur seul fût restreinte aux actions qui pouvaient être rachetées par le défendeur, c'est-à-dire aux actions mobilières (supra, no 707). Mais, pour ces actions mobilières, le droit du demandeur est donc resté incontesté.

Quant aux actions immobilières, elles sont évaluées par le demandeur et par le défendeur, comme nous le verrons en expliquant l'art. 18. Dans aucune partie des discussions, il ne fut question du droit pour le juge d'évaluer le litige à défaut des parties.

Il est donc certain qu'aujourd'hui le juge ne pourrait sous aucun prétexte évaluer le litige indéterminé. Il a simplement le devoir d'appliquer la peine inscrite dans l'art. 15, au cas où le litige n'est pas évalué par les parties.

724. Nous venons de voir que quand le litige n'est pas évalué, il y a toujours lieu à appel. La jurisprudence belge a, depuis la loi de 1841, appliqué cette règle à diverses reprises.

Un arrêt de Bruxelles du 19 avril 1848 déclare susceptible d'appel une demande en revendication de six pièces de vin produite devant le tribunal de commerce: «Attendu, dit la cour, que l'art. 15 de la loi du 20 mars 1840 exige, lorsque la valeur de l'objet mobilier est indéterminée, que le demandeur la détermine par ses conclusions; que e'est ainsi à l'évaluation faite dans les conclusions que la loi s'en rapporte pour établir la compétence du juge en premier ou dernier ressort; que cette évaluation n'ayant pas été faite dans l'espèce, il ne peut y être suppléé par des pièces non admissibles comme ne présentant pas les caractères voulus par la loi, et qu'ainsi la demande doit conserver sou caractère indéterminé quant à la valeur, et reste soumise au second degré de juridiction; que

l'appel est donc recevable. › (Pas., 49, 2, 14; Belg. jud., t. 7, p. 1006.)

Même solution à l'égard d'une demande en payement de la valeur de quatre arbres. C'est en vain qu'on réclama la fixation de cette valeur par experts. Bruxelles, 28 février 1849 (Pas., 51, 2, 349).

Un arrêt de la même cour du 26 déc. 1849 applique le principe à un jugement prononçant sur une servitude (Pas., 51, 2, 294).

Un arrêt de la même cour du 9 août 1853 déclare susceptible d'appel une demande tendante à la distraction ou revendication de certaine quantité d'objets mobiliers d'une valeur indéterminée, bien qu'une partie de la demande soit appréciable d'après les mercuriales (Pas., 54, 2,222).

Le même principe est encore appliqué par un arrêt de Bruxelles du 4 mars 1857 rapporté en sommaire seulement (Pas., 57, 2, 287).

Enfin la cour de Gand décide que, bien qu'une demande introductive d'instance n'ait pour objet qu'une somme inférieure à 2,000 fr., il y a lieu à appel, si cette demande s'est compliquée de la demande relative à la propriété d'un immeuble, laquelle est devenue la question dominante au procès. Si l'immeuble en litige fait partie d'un autre immeuble, de telle façon qu'il est impossible de déterminer son revenu cadastral, si le bail étant fait globalement ne fournit aucune lumière sur le revenu de l'immeuble, il y a lieu, en l'absence d'évaluation dans les conclusions des parties, de | considérer la valeur de l'immeuble comme indéterminée, et de donner droit à appel. Gand, 12 mai 1860 (Pas., 60, 2, 321).

725. Le même principe est d'ailleurs applicable aux demandes indéterminées qui se produisent devant les justices de paix, soit lorsque la demande est indéterminée par sa nature (supra, n° 69) soit lorsque le demandeur néglige de déterminer sa réclamation conformément à l'art. 8 de la loi de 1841 (supra, no 381 et suiv.). Comme les demandes inférieures à 200 fr. sont les seules qui appartiennent aux justices de paix, les litiges non évalués ne sont pas de leur compétence. Quand il n'est pas constant qu'une demande est inférieure à 200 francs, elle reste dans le droit commun et appartient au juge ordinaire.

C'est en ce sens que s'est prononcé le tribunal de Liége par jugement du 5 juillet 1851 (Belg. jud., t. 9, p. 1493 et les notes).

Le tribunal de Bruxelles s'est aussi déclaré incompétent pour statuer sur un appel de justice de paix dans un litige où il s'agissait non-seulement de dommages-intérêts inférieurs à 200 fr., mais de l'interprétation d'une clause d'acte de vente, laquelle était indéterminée. 6 janvier 1855 (Belg. jud., t. 14, p. 1209; Journ. de procéd., 1855, p. 156).

Le juge de paix de Lokeren a décidé en ce sens que lorsqu'une demande en dommages-intérêts est évaluée à une somme inférieure à 200 fr.

mais qu'on y joint une demande indéterminée que les experts fixent plus tard à une somme supérieure à 200 fr., le juge de paix est incompétent et que cette incompétence est d'ordre public. 12 avril 1856 (Recueil de Cloes et Bonjean, t. 5, p. 694 et la note).

726. L'obligation d'évaluer le litige n'est imposée par la loi de 1841 dans ses art. 8, 15 et 18 que pour le cas où la valeur de la contestation n'est pas déterminée par elle-même conformément aux art. 1 et suiv. pour les justices de paix, et 14 pour les tribunaux de première instance.

Il résulte de ce principe que si le litige est déterminé par lui-même, l'évaluation qui en est faite par les parties ne vient rien changer au ressort. L'évaluation peut, il est vrai, remplacer le défaut de détermination du litige en luimême; mais elle est sans but et sans effet du moment que le litige est déterminé.

Le texte de la loi confirme sur ce point l'intention évidente du législateur.

La compétence, dit l'art. 8, s'il s'agit d'une somme d'argent ou d'un objet appréciable d'après les mercuriales, sera déterminée par les conclusions du demandeur, et dans tous les autres cas, par l'évaluation qu'il sera tenu de donner à peine de se voir refuser toute audience. »

« Si la valeur de l'objet mobilier est indéterminée, dit l'article 15, le demandeur devra la déterminer dans ses conclusions. » • Lorsque, dit l'art. 18, la valeur d'un objet immobilier ne peut être déterminée de la manière indiquée en l'art. 14, le demandeur et le défendeur devront la déterminer dans leurs conclusions.>

Ces divers articles établissent clairement que la détermination par les parties n'est autorisée par la loi que quand le litige est indéterminé en lui-même.

C'est en ce sens aussi que s'est unanimement prononcée la jurisprudence. La cour de Bruxelles a admis le principe dans ses arrêts du 17 novembre 1849 (Pas., 50, 2, 63), du 4 décembre 1849 (Pas., 50, 2, 302), du 28 mai 1859 (Pas., 61, 2, 78) et du 6 août 1862 (Pas., 62, 2, 404).

La cour de Liége l'a consacré de même par ses arrêts du 13 mars 1856( Journal de procédure, 1857, p. 318) et du 21 novembre 1857 (Pas., 58, 2, 233) et la cour de Gand par son arrêt du 16 juin 1848 (Pas., 48, 2, 238).

Un jugement du tribunal de Liége du 5 mai 1852 (Recueil de Cloes et Bonjean, t. 1, p. 278) consacre le même principe en déclarant qué l'évaluation devant les justices de paix, conformément à l'art. 8 de la loi de 1841, ne peut avoir lieu que si le litige est indéterminé par luimême.

Ces décisions sont rendues, tantôt dans le cas où l'évaluation du demandeur avait pour but d'éviter l'appel, tantôt dans l'hypothèse inverse. Toujours la valeur véritable du litige prévaut contre l'évaluation arbitraire par les parties.

Nous avons traité, à propos de l'art. 14, di

verses autres questions relatives aux cas où l'évaluation doit être faite. Nous renvoyons sur ce point à nos no 565 et 557.

Quant au mode d'après lequel doit être faite la détermination de chaque espèce de litige, nous renvoyons aux explications que nous avons données aux art. 1 et suiv., et 14 de la loi.

727. Mais sous l'empire de la loi de 1841, pas plus que sous celui de la loi de 1790, il n'est pas douteux que la valeur du litige n'est pas déterminée par elle-même quand un acte étranger à la cause a fixé cette valeur. Ainsi, par | exemple, si une vente d'un objet mobilier en contestation avait été consentie à un tiers par l'une des parties, le prix de vente ne déterminerait aucunement la valeur du litige entre les parties. L'évaluation du litige serait toujours nécessaire conformément aux prescriptions de la loi.

En effet le prix auquel l'objet réclamé en justice a été vendu autrefois peut ne plus représenter sa valeur actuelle. D'ailleurs l'art. 15 donne au demandeur le droit d'évaluer le litige. Elle ne limite cette évaluation par les indications d'aucune personne ni par l'allégation d'aucun fait.

C'est en ce sens que la cour de Bruxelles a décidé qu'on ne peut, pour déterminer la compétence du juge relativement au premier ou au dernier ressort, avoir égard à l'estimation des objets sur lesquels il y a procès, faite dans un acte auquel l'intimé n'a point été partie. 2 juillet 1831 (Pas., 31, 183).

Cet arrêt déclare en outre que la valeur de meubles et marchandises revendiqués étant indéterminée, cette circonstance devait faire admettre l'appel. Aujourd'hui, l'indétermination aurait le même effet (supra, n° 724); mais le demandeur, en n'évaluant pas une action qui pourrait l'être, serait passible de la peine édictée par l'art. 15.

La cour de Liége a décidé le même principe que la cour de Bruxelles en déclarant que le prix d'objets mobiliers vendus par acte notarié ne peut, quoique inférieur à 1,000 fr., servir à déterminer le taux du dernier ressort, à l'égard d'un tiers qui n'a pas été partie à l'acte de vente. Liége, 6 janvier 1834 (Pas., 34, 2, 5). 728. Comme nous l'avons dit, c'est l'évaluation du litige par le demandeur qui seule doit être faite en matière mobilière (supra, nos 707, 708, 709 et 711). Le défendeur ne peut même être admis à prouver contre l'évaluation du demandeur sur la question de la valeur du litige (voy. infra, n° 730). Le rachat par le défendeur est le seul contre-poids qu'ait reçu l'évaluation par l'autre partie (voy. art. 17).

Un arrêt de Bruxelles a décidé en ce sens que dès qu'il résulte, en matière d'action mobilière ou personnelle, de l'exploit introductif d'instance qu'en satisfaisant à tout ce qu'on lui demande le défendeur n'est pas tenu au delà du dernier ressort, le jugement intervenu sur le débat n'est

pas susceptible d'appel. Peu importe que le défendeur évalue l'action au delà du taux prédit. Il est aussi indifférent que, pour parvenir au recouvrement de sa prétention, le demandeur ait requis l'autorisation de faire procéder à la vente de certain objet donné en nantissement. Brux., 28 janvier 1843. ( Pas., 1845, 2, 345, et Belg. judic., t. 4, p. 1727.)

La même cour a décidé qu'une demande en validité de saisie-arrêt se règle d'après la hauteur de la créance pour laquelle se fait la saisie, peu importe que le défendeur à la demande en validité ait évalué le litige à une somme excédant 2,000 fr. Bruxelles, 20 nov. 1850 (Pas., 51, 2, 213).

Toutefois un arrêt de la cour de Bruxelles du 28 janvier 1854 adopte un principe différent.

Le but de l'action des intimés (demandeurs primitifs) était, d'après le langage même de la cour, de faire condamner les appelants défen deurs primitifs : 1o à placer immédiatement des palissades et clôtures suffisantes le long des emprises nécessitées par la construction du chemin de fer de Manage à Wavre dans des vergers occupés par les intimés, et 2° à payer une indemnité de 250 fr. pour le dommage essuyé, sans préjudice de tous dommages-intérêts ultérieurs.

Voici comment la cour apprécie le litige au point de vue du ressort':

Attendu que les intimés ont déclaré devant le premier juge évaluer cette demande à 2,000 francs, dans le seul but de fixer sa compétence en dernier ressort ;

« Attendu qu'à cette demande des intimés les appelants ont répondu qu'ils ne leur avaient causé aucun préjudice en pratiquant quelques petites ouvertures dans la haie d'un seul verger, celui du no 155, ce verger n'étant pas mis en pâture; que, quant aux clôtures des autres vergers, elles avaient été enlevées par les intimés eux-mêmes sur toute l'étendue de l'emprise, au lieu de limiter leur enlèvement à la largeur du tracé du chemin de fer et aux besoins des travaux;

Attendu que les appelants ont déclaré de leur côté évaluer la demande des intimés à 2,000 fr., également pour déterminer la compétence du premier juge;

« Attendu que c'est donc erronément que les intimés, pour soutenir que la cause aurait été jugée en dernier ressort, ont allégué dans leurs conclusions devant la cour que l'évaluation faite par les appelants en première instance s'appliquait à une demande en dommages-intérêts formée par eux reconventionnellement;

«Attendu qu'il y a donc eu évaluation de la demande, d'abord par les demandeurs et ensuite par les défendeurs, ici appelants, sans que cette dernière ait été ni contestée, ni même critiquée;

< Attendu qu'en présence de ces deux évaluations dont la plus élevée, celle des appelants, excède les limites du dernier ressort, il y a lieu

de déclarer que la cause n'a pas été jugée sans appel; que par conséquent la fin de non-recevoir contre ledit appel n'est pas fondée;

des prestations personnelles. 8 décembre 1853 (Pas., 54, 2, 62) (voy. supra, no 699).

La même cour a décidé que l'évaluation que les parties doivent faire de l'objet de la demande dont la valeur est indéterminée, pour fixer le taux du premier ou dernier ressort, au vœu des art. 15 et 18 de la loi du 25 mars 1841 sur la compétence, doit être. sérieuse et ne point

Par ces motifs, etc. (Pas., 54, 2, 158.) Dans cet arrêt. la cour ne nous paraît pas avoir fait application des véritables principes. L'action des demandeurs tendait d'abord à obtenir l'exécution d'une obligation à charge des défendeurs, à savoir le placement de palis-porter les caractères de l'exagération. Une évasades le long des emprises. Cette obligation de faire n'était autre chose qu'une demande mobilière se résolvant en dommages-intérêts à défaut d'exécution (supra, no 720). La demande portait ensuite sur une indemnité pour dommage éprouvé, action évidemment mobilière.

luation empreinte de ces caractères ne saurait rendre l'appel recevable, lorsque d'ailleurs il est prouvé qu'en réalité la valeur de l'action est bien au-dessous du taux d'appel. Gand, 23 décembre 1853. (Pas., 54, 2, 64.)

Il s'agissait dans cette espèce d'une demande Le litige n'étant pas fixé en argent par sa na- reconventionnelle en dommages-intérêts évature même, les demandeurs avaient le droit luée à une somme supérieure à 2,000 fr. et d'en faire l'évaluation comme ils l'entendaient. basée sur une demande en revendication de Cette évaluation ayant été faite à 2,000 fr., l'ap-quelques vieilles planches ne valant pas deux pel n'était pas ouvert. Quant à l'évaluation faite francs, dit la cour. par les défendeurs, bien qu'elle eût été portée à un chiffre supérieur à 2,000 fr. les demandeurs n'avaient pas à s'en préoccuper; ils ne devaient ni la contester, ni la critiquer. Puisque la loi de 1841 n'a pas donné au défendeur le droit de faire l'évaluation du litige, cette évaluation, quelle qu'elle fût, restait inopérante.

729. Si la loi donne au demandeur seul le droit d'évaluer le litige mobilier, pour déterminer la compétence, il ne faut cependant pás conclure de cette règle que toute évaluation du demandeur, quelque exagérée qu'elle soit, ait pour effet de donner ouverture à appel.

La cour de Gand a admis une troisième fois le même principe par arrêt du 24 mai 1855 (Pas., 55, 2, 344). Dans cette dernière espèce, il s'agissait de dommages-intérêts joints à une demande immobilière et évalués à un taux qui ne laissait pas de doute sur l'intention d'éluder la loi.

La cour d'appel de Bruxelles a adopté le même principe par arrêt du 29 novembre 1856 (Pas., 57, 2, 103), dans un cas où il s'agissait de l'évaluation d'une obligation de faire.

Il n'est pas douteux que si, dans ces diverses hypothèses, l'évaluation par le demandeur a été Dès qu'il est évident pour le juge que l'éva- repoussée, c'est à cause de son caractère frauluation n'est faite que par fraude, il n'a plus à duleux. Si la volonté du demandeur d'éluder la se préoccuper du droit que le demandeur puise loi n'était pas démontrée et évidente pour le juge, dans les dispositions de la loi. La fraude ne peut celui-ci ne pourrait, en se basant sur des conen aucun cas s'abriter derrière une dispositionjectures ou sur des appréciations contestables, législative. Son caractère la met hors de toutes mettre en doute l'évaluation par le demanles prévisions légales. deur.

D'ailleurs on ne peut supposer que la loi de 1841 ait voulu donner à l'une des parties le moyen de se réserver toujours le droit d'appel, quelque minime que fût le litige en réalité si le législateur avait consacré un pareil principe, il aurait été à l'encontre de la règle qui présidait à la réforme de la loi sur la compétence, c'est-à-dire la diminution des frais et du nombre des appels. L'évaluation par le demandeur a un but facile à saisir. Eile met obstacle pour certains cas à l'appel qui auparavant restait toujours ouvert pour tous les litiges indéterminés. Si le demandeur n'était obligé qu'à une évaluation complétement de fantaisie, s'il pouvait à son gré fixer tout litige à une somme supérieure à 2,000 fr., l'évaluation n'aurait plus aucun effet sérieux. Le demandeur de mauvaise foi pourrait se réserver l'appel dans tous les cas, exactement comme il le pouvait sous le régime de la loi de 1790, alors qu'aucune évaluation n'était exigée. Tel ue peut avoir été le but du législateur de 184'.

La cour de Gand a admis ce principe dans un cas où à une action immobilière se joignaient

La cour de Bruxelles a décidé en ce sens que, s'il est vrai qu'on ne peut faire fraude à la loi par une évaluation exagérée, à l'effet de rendre susceptible d'appel une cause qui ne le serait pas, il faut que le caractère frauduleux soit démontré et certain. Bruxelles, 7 avril 1857 (Pas., 57, 2, 331). La cour déclare à bon droit que, dans l'espèce, l'évaluation n'étant pas démontrée frauduleuse, il y avait lieu de la maintenir et d'accorder l'appel.

730. Nous ne pensons donc pas que, sur la question de la valeur du litige, le juge puisse admettre un débat contradictoire. Un pareil débat n'est pas entré dans les prévisions du législateur de 1841. Celui-ci a voulu diminuer les frais et rendre la décision des contestations plus prompte. Un débat préalable sur la compétence irait à l'encontre de ses intentions évidentes.

L'art. 3 du projet français autorisait, au contraire, le défendeur à contester l'évaluation du litige faite par le demandeur; mais cette disposition a été écartée de la loi de 1838 et n'a pas non plus passé dans la loi belge (supra, no 383).

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