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les règles générales de la juridiction. Comme l'a très-bien dit la cour de Liége: « Ce n'est qu'en cas de réclamations sur le taux des honoraires que le conseil de discipline de l'ordre est appelé à statuer, arrêt du 5 mars 1845 (Pas., 46, 2, 35). La réclamation d'honoraires par un avocat étant une action personnelle et mobilière, doit donc être portée devant le juge de paix, lorsque la somme demandée n'excède pas les limites de sa compétence. Un jugement de justice de paix de Bruxelles, du 31 octobre 1844 (Belg. jud., t. `2, p. 1658), et un jugement du tribunal de Tournay du 2 juillet 1860 (Belg. jud., t. 18, p. 1511, et Cloes et Bonjean, t. 9, p. 594), confirment sur ce point la doctrine de la cour de Liége. Dalloz donne son approbation au même principe (Rép. gén., vo Compétence civile des trib. de paix, no 24, vo Avocat, no 294).

19. Du texte de l'art. 4er de la loi du 25 mars 1841, il résulte que les actions réelles sont en général exclues de la compétence du juge de paix. Il faut cependant faire une double exception à ce principe, d'abord en faveur des actions possessoires que la loi met formellement au nombre de celles sur lesquelles le magistrat inférieur aura à statuer (art. 9 de la loi du 25 mars 1841), ensuite à l'égard des actions réelles mobilières dont nous avons parlé plus haut (v. notre n° 8), et dont nous allons spécifier le caractère.

Quand y a-t-il action mobilière, ou action immobilière?

L'art. 529 du code civil déclare meubles les obligations et actions qui ont pour objet des sommes exigibles ou des effets mobiliers. Les actions de cette catégorie sont donc mobilières. Celles qui ne réunissent pas l'une de ces deux qualités sont immobilières. Rien ne paraît donc plus simple que la distinction établie ici par la loi, et cependant de nombreuses difficultés se sont fait jour à propos de la règle dont nous parlons.

clamer un objet mobilier qu'en attaquant son possesseur. En fait de meubles, la possession vaut titre, dit l'art. 2279 du code civil. La loi a cependant établi quelques exceptions positives à la règle générale de la réunion des deux actions. Ainsi, nous l'avons vu plus haut (no 7), celui qui a perdu ou à qui il a été volé quelque objet mobilier peut le revendiquer pendant trois ans à compter du jour de la perte ou du vol, contre celui dans les mains duquel il se trouve... (art. 2279, § 2, cod. civ.). De même encore, aux termes de l'article 1141 du code civil, lorsque la chose qu'on s'est obligé de donner ou de livrer à deux personnes successivement, est purement mobilière, celle des deux qui en a été mise en possession réelle est préférée, et en demeure propriétaire, encore que son titre soit postérieur en date, pourvu que la possession soit de bonne foi. Ici la possession matérielle de la chose établit un privilége en faveur du possesseur. L'action personnelle que l'acheteur non mis en possession peut exercer contre son vendeur ne pourra jamais avoir pour résultat de lui faire obtenir la chose objet de la vente. Enfin dans le cas de l'art. 20 de notre loi hypothécaire du 16 décembre 1851, certaines créances ont privilége sur certains meubles que la loi prend soin de déterminer. Il peut donc se faire que celui à qui ces meubles auraient été cédés se trouve réduit à une action personnelle contre leur propriétaire, puisqu'ils sont destinés par privilége au payement de créances particulières.

Nous le voyons, c'est dans des hypothèses tout exceptionnelles que l'action mobilière et l'action personnelle ne peuvent pas s'exercer en même temps.

D'autre part, toute action immobilière est réelle. Dans certains cas seulement, que nous spécifierons, l'action immobilière étant jointe à des réclamations mobilières, il y a lieu de la considérer comme mixte, mais toute action mixte touche nécessairement à un droit réel (1). En déterminant le caractère des actions personnelles, réelles et mixtes, nous déterminerons donc en même temps, et sauf les exceptions que nous venons de signaler, le caractère des actions mobilières et immobilières.

20. Les actions qu'on est convenu d'appeler actions mixtes sont de même exclues de la compétence des juges de paix, puisque ceux-ci ne s'occupent que des actions purement personnelles et mobilières. La loi des 16-24 août 1790 est trèsprécise à cet égard. Elle attribue au juge de district toutes les affaires personnelles, réelles et mixtes, en toutes matières, à l'exception de celles dévolues à des juridictions spéciales. L'art. 14 de la loi de 1841 ne mentionne pas, il est vrai,

Nous ne pourrions entrer ici dans le détail des différences entre les actions mobilières et les actions immobilières, qu'en faisant double emploi avec les principes que nous établirons plus loin quant aux actions personnelles, réelles, et mixtes. Nous avons préféré nous arrêter à cette dernière distinction, quoique une action ne doive pas nécessairement être personnelle pour être de la compétence du juge de paix (v. notre n°8). La raison de notre préférence dérive de ce que presque tous les cas signalés par la jurisprudence et les auteurs, se rapportent à la distinction des actions en réelles, personnelles, et mixtes, distinction dont la principale importance réside dans l'art. 59 du code de procédure civile. D'ailleurs, bien qu'il faille se garder de confondre l'action personnelle avec l'action mobilière, et l'action réelle avec l'action immobilière, il n'en est pas moins vrai que presque toujours on peut exercer conjointement ces deux sortes d'actions. En général, les meubles suivent la personne, et il n'est possible de ré- | vo Action, nos 152 et suiv.

(1) Sur la distinction entre les actions mobilières et les actions immobilières, voy. une dissertation de M. Lepourcq, Belgique judic., t. III, p. 504, et Dalloz, Rép.,

les actions mixtes dans les attributions du juge | étant nécessairement nommé dans l'intentio : d'arrondissement. Mais il ne résulte d'aucune si PARET LUCIUM TITIUM MÆVIO DARE FACERE partie des discussions dans nos chambres, OPORTERE, l'intentio sera conçue in persoqu'elles aient voulu changer sur ce point la lé-nam (1). » gislation antérieure. D'ailleurs, la juridiction des juges de paix ayant un caractère exceptionnel, il s'ensuit que les actions qui ne leur sont pas attribuées d'une manière expresse appartiennent au juge d'arrondissement. Si les actions mixtes n'étaient plus de la compétence du tribunal d'arrondissement, elles ne pourraient être jugées par aucun tribunal, puisqu'elles n'ont pas été attribuées au juge de paix par la loi de 1841. La loi des 16-24 août 1790 est donc restée en vigueur sur ce point.

On le voit, c'est tout à la fois par la forme de la demande et par l'intentio, c'est-à-dire par la formule qui doit devenir la base du jugement, que se justifie la distinction entre l'action personnelle et l'action réelle en droit romain.

Nous dirons, aux numéros suivants, les caractères qui distinguent les actions mixtes.

21. L'article 1er de notre loi attribuant aux juges de paix la connaissance des actions personnelles ou mobilières jusqu'à un certain chiffre, il nous paraît essentiel de spécifier d'abord ce qu'il faut entendre par action personnelle. Nous avons vu, au no 19, que dans la plupart des cas l'action personnelle et l'action mobilière peuvent s'exercer en même temps. Sans avoir la prétention de faire un traité sur la matière, nous pensons qu'à défaut de quelques règles sur la nature des actions, notre travail resterait incomplet.

Que faut-il donc entendre par action personnelle, par action réelle?

La distinction consacrée par ces mots prend son origine dans le système formulaire en usage sous le droit romain. Un savant commentateur de ce droit, M. Bonjean, s'exprime en ces termes sur le sens véritable qu'il faut attribuer aux mots: actio in rem et actio in personam.

Il est des prétentions que l'on peut élever sans être obligé de nommer l'adversaire, par exemple: A10 FUNDUM CAPENATEM ESSE MEUM EX JURE QUIRITIUM... AIO MIHI ESSE JUS EUNDI, AGENDI PER FUNDUM CAPENATEM. D'autres prétentions, au contraire, ne peuvent être énoncées qu'en nommant la personne de l'adversaire; c'est ce qui arrive notamment quand je réclame l'exécution d'une obligation en effet, il ne suffirait pas de prouver que je suis créancier, il faut encore établir que c'est mon adversaire qui me doit : AIO LUCIUM TITIUM MIHI DARE FACERE OPORTERE. Or, l'intentio ne fait que reproduire à la troisième personne, et sous forme de question, ce que le demandeur a énoncé à la première personne; ainsi donc, dans les prétentions de la première espèce, l'intentio nè contiendra pas le nom du défendeur et sera dite conçue in rem, parce que le défendeur n'y étant pas désigné, le droit du demandeur est énoncé generaliter el in rem: SI PARET FUNDUM CAPENATEM ESSE MÆVII EX JURE QUIRITIUM. Dans les autres le défendeur

(1) Traité des actions en droit romain, par Bonjean, 1. II, p. 49. Paris, 1845.

(2) Ch. Maynz, Éléments de droit romain, t. I, p. 309.

M. Maynz définit de plus près la nature de ces actions: Dans les cas, dit-il, qui peuvent donner lieu à une actio in personam, la personne du défendeur est toujours connue, dès que le droit auquel l'action se rapporte existe, et même avant la lésion. Dans les cas qui peuvent donner lieu à une actio in rem, an contraire, la personne du défendeur, étrangère à l'existence du droit, n'est donnée que par la lésion même. Or dans certains cas, particulièrement quand il s'agit du droit de propriété, cette lésion résulte de ce qu'un autre détient notre chose et nous empêche ainsi d'exercer notre droit de propriété. C'est cette particularité qui a donné lieu à une définition assez répandue, d'après laquelle l'actio in rem serait celle que nous pouvons intenter contre quiconque se trouve en possession de notre chose ou de notre droit. Cette soi-disant définition a d'abord le grand défaut de ne pas faire connaître la nature de l'objet à définir, mais d'indiquer tout simplement une conséquence de la nature particulière de cet objet; ce qui la rend entièrement inutile. Ensuite elle est fausse, car elle exclut plusieurs actions qui, par leur nature et par la disposition expresse de la loi, appartiennent à la catégorie des actiones in rem (2). » Il est évident en effet que lorsque je prétends exercer une servitude contre un fonds, le propriétaire de ce fonds n'est pas toujours en possession de mon droit ainsi, par exemple, quand je réclame le jus tigni immitendi, c'est-à-dire le droit de placer des poutres dans le mur du voisin (3).

L'action réelle est donc la conséquence d'un droit sur la chose. Le défendeur n'est dans cette action qu'une sorte d'accessoire au droit luimême. L'action personnelle, au contraire, est la suite d'un droit qui ne peut s'exercer que contre une personne déterminée. L'action sert à obtenir contre cette personne une condamnation, qui la force à faire ou à livrer une chose.

C'est ce qui fait dire que la première des deux actions renferme un jus in re, un droit sur la chose, tandis que l'action personnelle ne contient qu'un jus ad rem, un droit à obtenir la chose (4). L'action personnelle se présente ainsi dans tous les cas où il existe un lien de droit entre le créancier et le débiteur, lien qui se traduit par le mot obligation. En droit romain, le mot obligatio était pris dans un sens très-géné

(3) Ch. Maynz, loc. cit., note 20.

(4) V. Bonjean, Traité des actions, § 274, t. II, p. 52 et suiv.

ral Obligationes, dit Gaïus, aut ex contractu nas: cuntur, aut ex maleficio, aut proprio quodam jure ex variis causarum figuris. En droit français il en doit être de même. L'action personnelle s'exerce chaque fois qu'un lien de droit vient à naître entre un créancier et un débiteur, soit par suite de l'existence d'un contrat ou d'un fait volontaire quelconque, soit par la seule volonté de la loi, indépendamment du concours des parties.

22. Bien que l'action mixte ne puisse en aucun cas être de la compétence du juge de paix, nous en dirons quelques mots afin qu'il ne soit pas possible de la confondre avec l'action personnelle.

Un texte de Justinien signale l'existence de certaines actions mixtes: Quædam actiones mixtam causam obtinere videntur, tam in rem quam in personam. Qualis est familiæ erciscundæ actio, quæ competit coheredibus de dividenda hereditate; item communi dividundo, quæ inter eos redditur inter quos aliquid commune est, ut id dividatur; item finium regundorum, quæ inter eos agitur qui confines agros habent..... (Institutes § 20, tit. 6, liv. 4). Le fragment 22, § 4 du Digeste, familiæ erciscundæ (10. 3), attribue aussi le caractère mixte à cette dernière action.

Les trois actions en règlement de bornes, en partage d'une succession, et eu partage d'une communauté autre que la succession, formaient les trois judicia divisoria. Voici comment Bonjean détermine le caractère de chacune d'elles: L'actio finium regundorum........ embrassait deux objets principaux, le règlement des limites et des condamnations pécuniaires.

«Le juge devait d'abord chercher à reconnaître les limites, par l'inspection des anciens monuments, le rapport des agri mensores et les registres publics du cens; il pouvait aussi ordonner des arpentages, afin de s'assurer de la contenance respective des deux fonds. La limite une fois reconnue, le juge ordonnait la restitution du terrain usurpé, ainsi que la destruction des plantations ou constructions qui empiétaient sur la limite. Le refus d'obéir entraînait contre le récalcitrant une condamnation pécuniaire. La condamnation comprenait aussi les dommages-intérêts en raison des délits que l'un des voisins aurait commis au sujet des limites, soit en les déplaçant, soit en les faisant disparaître (1).

L'action familiæ erciscundæ comprend deux chefs principaux, des prestations personnelles et une adjudication de propriété.

Les prestations personnelles se réfèrent 1o au payement des soultes auxquelles doit être condamné celui à qui est adjugé un lot supérieur en valeur à sa part héréditaire; 2° à l'obli

(1) Bonjean, Traité des actions, t. II, p. 242. (2) Bonjean, ibid., p. 245. (3) Bonjean, ibid., p. 248.

(4) Ch. Maynz, t. I, p. 311.

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gation réciproque qu'ont tous les héritiers de se tenir compte des profits et des pertes qui ont pu résulter pour eux de la possession ou de la gestion de tout ou partie de la succession indivise. Chaque héritier est tenu de donner à la gestion de l'hérédité les mêmes soins qu'il donne à ses propres affaires (2).

L'action familiæ erciscundæ est spéciale à l'indivision d'hérédité; l'action communi dividundo est générale, et se donne dans tous les cas où, par une cause quelconque, une chose se trouve appartenir en commun à plusieurs, soit que cette communauté soit volontaire et résulte d'une société, soit qu'elle soit involontaire et accidentelle, comme cela arrive quand une même chose a été léguée à plusieurs, ou lorsqu'il s'établit confusion entre des choses appartenant à divers propriétaires (3). »

Ces trois actions étaient les seules dans lesquelles la formule contînt l'adjudicatio, qui avait pour effet d'attribuer un droit de propriété au demandeur. Telle est sans doute l'origine de l'expression action mixte, disent les jurisconsultes qui soutiennent qu'une véritable action mixte n'existait pas en droit romain. M. Maynz, par exemple, déclare que les judicia divisoria sont uniquement personnels, étant basés sur les rapports obligatoires qui existent entre les parties à cause de la communauté dans laquelle elles se trouvent (4). M. Bonjean convient, comme M. Maynz, que l'expression actio mixta prise pour exprimer l'union de l'actio in rem et de l'actio in personam manque d'exactitude (5).

23. Quoi qu'il en soit de la controverse soulevée par les commentateurs du droit romain sur le plus ou moins de vérité de l'expression actiones mixtæ, il nous paraît incontestable qu'en droit français les actions mixtes exis

tent.

L'art. 59 du code de procédure civile en fait mention expresse, en donnant au demandeur le droit d'assigner, soit devant le juge de la situa tion de l'objet litigieux, soit devant celui du domicile du défendeur.

Carré cependant persiste à ne pas admettre des actions mixtes (Compétence, t. 1, p. 474 et suiv.). Il n'y a pas de droits mixtes, dit-il les actions en partage et en bornage, outre la revendication d'une chose, qui les rend réelles, ne comprennent que des accessoires, prestations personnelles qui ne changent rien au caractère véritable de l'action.

Nous pensons que l'opinion de Carré ne saurait prévaloir, même abstraction faite de l'article 59 du code de procédure civile, dont le texte semble d'ailleurs trancher la question.

Les actions en partage d'une communauté, ou en règlement de bornes d'un fonds ont bien

(5) Bonjean, t. II, p. 241. Voy. aussi une dissertation de M. Triaire-Brun, sur les actions mixtes sous l'empire du droit romain, Revue des revues de droit, tom. VIII, p. 200.

en effet un double fondement. Elles sont réelles, car elles dérivent du droit de propriété; mais elles sont aussi personnelles car la loi donne ici au propriétaire la faculté de forcer certaines personnes, le communiste et le voisin, à concourir avec lui, à frais communs, au partage du bien resté indivis, et au bornage des propriétés contiguês (v., quant au partage, les articles 815 et suiv., et quant au bornage, l'article 646 du code civil).

La plupart des auteurs combattent d'ailleurs la doctrine de Carré. Dans l'ancien droit, nous trouvons contre cette doctrine, Voet, Definitiones, etc., sur les Institutes, p. 58; Vinnius, Commentaire sur le § 20 des Institutes; Ferrière, Dictionnaire de droit, vo Action mixte; Id. Commentaire sur la coutume de Paris, t. 1, p. 206; Bourjon, Droit commun de la France, liv. VI, tit. V, chap. 4; Jousse, Introduction au commentaire de l'ordonnance de 1667, tit. III, sect. 1re; Pothier, du Quasi-contrat de communauté (à la suite du contrat de Société) art.4, no 194; Id. Introduction générale aux coutumes, no 121.

Dans le droit moderne, les actions mixtes sont admises par presque toutes les autorités. La cour de cassation, dans ses observations préliminaires sur le code de procédure civile, consacrait la section 2 de ces observations aux actions mixtes (ces observations se trouvent rapportées par Dalloz, Rép., vo Action, sub no 64). La doctrine a suivi l'exemple de la cour de cassation quant à l'existence des actions mixtes. Ainsi Berriat Saint-Prix, Cours de procédure civile, t. 1, p. 74, édit. belge; Rauter, Cours de procéd. civ., $55; Poncet, Des actions, n° 119; Henrion de Pansey, Comp. des juges de paix, chap. 11; Boncenne Théorie de la procéd., Introd., chap. 5, t. 1, p. 17 et s., éd. belge; Zachariæ, édit. belge, t. 3, p. 262; Troplong, De la vente, no 625; Dalloz, Rép., v° Action, nos 130 et suiv. M. Raikem, dans une note d'un de ses remarquables discours, admet de même l'existence de l'action mixte en droit français (Revue des revues du droit, t. 5, p. 133, note 8); v. aussi Dissertation sur les actions mixtes, par Wodon, Belg. jud., t. 9, p. 449. Parmi les auteurs, les uns attribuent à l'action mixte une prédominance de réalité, les autres, une prédominance de personnalité. La question nous semble sans importance en pratique. Nous nous abstenons donc de nous y arrêter. Un point plus utile à spécifier est celui de savoir à quelles actions la qualification de mixte doit aujourd'hui appartenir.

provoquer en ce qui concerne l'existence du droit personnel doit virtuellement résoudre la question de l'existence du droit réel. Telles sont d'une part les actions résolutoires ou rescisoires de nature à réfléchir contre les tiers détenteurs, peu importe que ces derniers soient ou non en cause, et d'autre part les actions en délivrance d'un contrat translatif de la propriété d'immeubles corporels, ou de droits réels immobiliers.

La cour de cassation de France, dans ses observations préliminaires sur le code de procédure civile, attribuait un caractère mixte à certaines actions qui, outre la revendication d'une chose, embrassent des prestations personnelles (art. 18). Zachariæ, t. III, p. 263, édit. belge, et Dalloz (Rép., vo Action, no 130), refusent ce caractère à de pareilles actions. La jurisprudence belge et la française, au contraire, admettent qu'il y a action mixte dans le cas de réclamation de la propriété d'un immeuble jointe à des prestations personnelles (v. notre no 51).

Nous essayerons de spécifier mieux le caractère de l'action mixte en donnant quelques exemples des diverses hypothèses où cette action se présente.

24. Quels sont les cas où le caractère purement personnel a été dénié à l'action?

Prenons ici pour base de notre travail les diverses contestations qui se sont présentées devant les tribunaux.

L'action résultant du contrat de louage au profit du propriétaire est-elle personnelle?

La cour de Liége s'est rangée à cette opinion, en déclarant qu'une demande en payement de loyer est une action personnelle, Liége, 4 février 1815 (Pas., 1815, 2, 301), et que l'action en congé est une action purement personnelle devant être portée au tribunal du domicile du défendeur. — Liége, 6 juin 1822 (Pas., 1822, 2, 168).

Ce sont les seules solutions intervenues en Belgique, mais la question est restée controversée en France. Ainsi la cour de cassation a décidé dans le même sens que la cour de Liége, que l'action du bailleur en payement de loyers échus d'un bail verbal, ou en déguerpissement des lieux, est une action purement personnelle (14 février 1832), Dalloz, vo Action, sub. no 97. La cour suprême s'est prononcée une seconde fois en ce sens à l'occasion d'une action en payement de loyers, jointe à une action en réparations locatives, le 16 août 1854 (S.-V. 55, 1, 109).

La cour de Bourges a déclaré que l'action du Bornons-nous à dire ici que les cas où l'ac-bailleur est personnelle, même au cas où il s'agit tion mixte existe en droit français ne nous semblent pas devoir se restreindre aux trois cas d'actiones mixta d'après le texte des Insti

tules.

Outre ces trois actions, on doit encore considérer comme mixte, dit Zachariæ, dans le sens de l'art. 59 du code de procédure, les actions qui emportent tout à la fois contestation et sur un droit personnel et sur un droit réel, en ce sens que la décision qu'elles ont pour objet de

du bail d'une carrière pour en extraire de la pierre.... et alors que l'action en résolution est fondée uniquement sur le défaut de payement des annuités de la part du preneur, en sorte qu'elle n'implique aucunement contestation sur l'étendue du droit d'extraction de ce dernier. 17 février 1852 (S.-V., 52, 2, 638).

La cour de Paris se prononce en sens contraire. Elle décide que l'action du propriétaire en expulsion du locataire pour inexécution des

conditions du bail, et en résolution de ce bail, | est mixte, et par suite, peut être portée, au est une action réelle quant à son objet principal choix du preneur, devant le tribunal du domi(qui est la réintégration du propriétaire dans cile du bailleur, ou devant celui de la situation les lieux loués); par conséquent, elle est de la de l'immeuble. Rouen, 50 juillet 1855 compétence du tribunal de la situation de l'im- (S.-V., 56, 2, 565). meuble, et nullement du tribunal du domicile du défendeur.

Du reste, en supposant que, dans une telle demande, le chef relatif à la résolution du bail, qui est incontestablement personnel, fût aussi principal, et non pas simplement accessoire au premier, il en résulterait que l'action du propriétaire serait dans son ensemble une action mixte, et que par conséquent le propriétaire aurait encore la faculté de la porter devant le tribunal de la situation, de préférence à celui du domicile du défendeur. - Paris, 10 février 1853 (S.-V., 54, 2, 25).

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Nous ne pensons pas cependant que cette solution soit appelée à fixer la jurisprudence contre l'opinion de la généralité des auteurs.

En 1856, la cour de Bruxelles a été appelée à se prononcer sur le caractère d'une demande dépendant du contrat de bail mais ayant un objet tout spécial. Elle a décidé qu'il faut considérer comme mobilière l'action dirigée par un propriétaire contre un fermier en désignation des jachères que ce dernier est tenu de laisser à sa sortie. - Bruxelles, 20 février 1856 (Pas., 1857, 2, 215). Cette action, dit la cour, se résume en une obligation de faire.

L'action est donc nécessairement personnelle aussi bien que mobilière.

En thèse générale, dit dans un autre arrêt la cour de Paris, l'action ayant pour objet l'exécution d'un bail est une action mixte, et peut, 25. Une demande personnelle ne change pas dès lors, être portée devant le tribunal de la de caractère parce qu'on y joint une demande situation des lieux. Paris, 12 mars 1858 ayant pour objet de faire désigner certains im(S.-V., 58, 2, 266). meubles comme sujets à l'hypothèque. La réalité Ces décisions avaient été précédées d'un arrêt de la seconde partie de l'action ne peut s'inde la même cour du 16 février 1808, qui ne duire de ce qu'elle aurait pour objet une hypodonne aucun motif de son opinion. Dalloz se thèque. Ce n'est pas l'hypothèque qui résultera range à l'opinion de la cour de Paris (vo Ac- de l'action, mais simplement la confirmation tion, no 98). L'action du propriétaire contre le d'un acte qui prétendûment aurait désigné cerlocataire forme, d'après lui, une véritable ac- tains immeubles comme devant être hypothétion mixte. C'est, dit-il, une sorte de revendica-qués. C'est là un jus ad rem et non un jus in re. tion, et elle en a tont à fait le caractère, lorsque le fermier persiste à se maintenir en possession après l'expiration du bail.

La cour de Bruxelles a donc déclaré avec raison qu'une demande ayant pour objet : 1° d'obtenir le payement de diverses annuités de rentes, et Nous ne saurions admettre ce caractère réel 2o de faire reconnaître que tel bien désigné est dans une action d'un propriétaire contre son sujet à l'hypothèque pour sûreté et garantie locataire. Le titre même qui forme la base des desdites rentes, constitue une simple action droits du premier, c'est-à-dire le contrat de bail, personnelle, qui doit être portée devant le fait, nous semble-t-il, obstacle à ce que le loca-juge du domicile du défendeur. Bruxelles, taire conteste la propriété, et donne lieu ainsi à 8 avril 1840 (Pas., 1841, 2, 162). une action revendicatoire. En tous cas, l'action en payement de loyer ne pourrait à aucun point devue avoir le caractère d'une revendication. Nous nous rangeons donc sans hésiter à l'opinion de la cour de Liége.

Les actions qui appartiennent au preneur ont-elles davantage le caractère réel?

La solution de cette question dépend de celle de savoir si on peut attribuer au contrat de louage des effets réels. La généralité des auteurs se prononce pour la négative, mais le principe a été contesté dans ces derniers temps par plusieurs jurisconsultes, notamment par Troplong, du Louage, t. 1, no 5 et suiv., et t. 2, nos 473 et suiv., qui soutient vivement que le droit du preneur est réel. V., à cet égard, les nombreuses autorités rappelées Table de la Pasicrisie française, vo Bail, et celles qu'indique Gilbert, Code civil annoté, art. 1790, n" 24 et 24 bis.

La cour de Rouen a décidé, conformément à l'opinion de Troplong, que l'action résultant du contrat de bail en faveur du preneur contre le bailleur (notamment celle à fin de réparations)

Telle est aussi l'opinion de Carré, Lois de la Compétence, questions 213 et s., et de Grenier Hypothèques, no 339.

La cour de cassation de France avait décidé de même qu'une action personnelle mobilière ne devient pas réelle immobilière, par l'effet de conclusions additionnelles tendant à obtenir une affectation hypothécaire sur les biens du défendeur. C. rej., 2 avril 1835 (Jurisp. du xixe siècle, 33, 1, 435).

Dalloz approuve cette décision dans son répertoire (vo Action, no 110).

26. Il est incontestable que l'action intentée par un créancier hypothécaire, tant contre l'acquéreur que contre le vendeur des biens hypothéqués, est purement personnelle lorsqu'elle tend à faire payer la somme pour laquelle il y a hypothèque. Cette action tend à obtenir une somme déterminée, et ne s'exerce nullement sur un immeuble, mais sur le prix qui en est provenu. Donc pas de droit réel.

C'est ce que la cour de cassation de France a jugé le 9 mai 1836 (Dalloz, Rép., vo Action, no 90).

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