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DES TRIBUNAUX DE PREMIÈRE INSTANCE.

garanties particulières pour la validité de la transaction consentie par le tuteur. Ces garanties sont, outre l'autorisation du conseil de famille, l'homologation par le tribunal et l'avis de trois jurisconsultes désignés par le procureur du roi (art. 467 et 2045, § 2, du code civil.)

L'évaluation du litige et la faculté de rachat par le défendeur a-t-elle le caractère que nous venons de signaler dans la transaction? Pour qu'il en fût ainsi, il faudrait que la fixation du litige par le demandeur fût réglée de manière à constituer l'abandon par ce demandeur d'une partie de ses droits, et que le défendeur, de son côté, en rachetant le litige, renonçât à quelqu'une de ses prétentions. Mais la loi de 1841 n'a rien établi de pareil. La fixation de la valeur du litige est libre de la part du demandeur. En la faisant, il n'abandonne rien, et si le défendeur peut, en payant le prix fixé, se libérer de la demande, c'est précisément parce qu'il donne ainsi satisfaction à la prétention complète du demandeur, et que dès lors tout intérêt à procéder plus longtemps disparaît pour ce dernier. Le caractère d'une aliénation consentie par le demandeur et subordonnée à la condition d'acceptation du défendeur appartient donc sans conteste à l'évaluation.

741. Est-il vrai maintenant de prétendre, avec M. Cloes, qu'une pareille aliénation ne peut être faite par le tuteur comme simple acte d'administration?

M. Cloes, pour soutenir cette opinion, se fonde sur l'art. 452 du code civil.

Cette disposition est ainsi conçue: Dans le mois qui suivra la clôture de l'inventaire, le tuteur fera vendre, en présence du subrogé tuteur, aux enchères reçues par un officier public, et après des affiches ou publications dont le procès-verbal de vente fera mention, tous les meubles autres que ceux que le conseil de famille l'aurait autorisé à conserver en nature. »

D'après cet article, il est certain que le tuteur est obligé de vendre tous les meubles qui appartiendraient au mineur, à moins qu'une autorisation particulière du conseil de famille ne vienne l'en dispenser. Zachariæ étend ce principe de la vente des meubles du mineur avec les formalités prescrites par l'art. 452 du code civil, aux ventes de meubles corporels auxquelles le la tuteur procéderait pendant toute la durée de la tutelle (Dr. civil, t. 1, p. 110, § 113). D'autres auteurs vont même plus loin et soutiennent que les créances doivent être vendues avec les mêmes formalités que les meubles corporels. Ainsi Proudhon (Etat des personnes, t. 2, p. 221). Cour de cassation de France, 12 décembre 1855 (Sir.-Devill., 56, 1, 97). Mais cette dernière doctrine est vivement combattue par la plupart des auteurs Demolombe (t. 7, p. 572); Chardon (Puissance tulélaire, no 473), Valette sur Proudhon, t. 2, p. 379; Demante (Cours, t. 2, p. 220 bis); Arntz (Droit civil, n° 734) et

cour de Liége, 19 janvier 1842 (Pas., 42, 2, 332). Mais en admettant même, avec Proudhon, la doctrine très-contestable, que l'art. 452 s'étend à l'aliénation des créances, nous ne pensons pas encore que cette disposition puisse s'appliquer au cas que nous analysons, c'est-àdire à celui où le tuteur évalue une demande mobilière et donne ainsi au défendeur le moyen de racheter le litige.

Comment d'ailleurs serait-il possible d'appliquer l'art. 452 à notre hypothèse?

D'après la loi de 1841, le rachat est un droit qui n'appartient qu'au défendeur seul, et nul n'est admis à surenchérir sur lui. Comment comprendre que la loi ait pu exiger les enchères et les affiches publiques pour un achat qu'une seule personne peut faire? Il résulte de là à toute évidence que l'art. 452 ne peut recevoir d'application dans notre hypothèse.

Quant à l'autorisation du conseil de famille pour une aliénation mobilière, nous ne trouvons aucun article du code civil qui l'exige. L'art. 452 demande cette autorisation pour dispenser le tuteur de l'aliénation, mais il se tait sur l'autorisation pour permettre une pareille cession. La raison en est fort simple.

L'art. 452 impose au tuteur l'obligation de vendre tous les meubles corporels du mineur. Aucune autorisation n'était donc nécessaire pour cette vente. La dispense de vendre devait seule être autorisée.

L'art. 452 du code civil ne peut donc, à aucun point de vue, restreindre les droits du tuteur pour l'évaluation du litige mobilier. Aucune autre disposition du code civil ne vient porter atteinte au droit du tuteur de céder une chose mobilière appartenant à son pupille. Il faut donc conclure qu'à cet égard le tuteur est complétement libre.

D'ailleurs on n'a jamais dénié au tuteur le droit d'intenter au nom de son pupille les actions mobilières. Les art. 464 et 465 du code civil n'exigent l'autorisation du conseil de famille que pour l'introduction des droits immobiliers et pour la demande en partage. L'anticle 1428, § 2, du même code, d'autre part, donne au mari le droit d'exercer seul toutes les actions mobilières et possessoires qui appartiennent à la femme. L'introduction d'une demande mobilière est un simple acte d'administration permis au mari comme au tuteur. Il n'y a donc rien de surprenant à ce que le tuteur, qui peut exposer une notable partie de l'avoir du mineur par l'intentement d'une action puisse, à propos d'une pareille action, aliéner les droits de son pupille pour une somme déterminée qui est réputée l'équivalent de la demande, et ne laisse pas supposer de perte.

La loi de 1841, n'exige donc aucune autorisation du tuteur qui évalue l'action mobilière. Mais le tuteur reste soumis de ce chef à la responsabilité qui lui incombe pour tous ses actes d'administration.

Il n'est pas douteux cependant que rien n'in

terdit au tuteur de se munir de l'autorisation du conseil de famille, soit pour intenter une action mobilière au nom du mineur, soit pour évaluer cette action. Une pareille autorisation donnera au tuteur une garantie contre les réclamations ultérieures du mineur. Le tuteur aura donc intérêt à la demander dans tous les cas où l'issue de l'action ou le chiffre de l'évaluation lui paraîtraient douteux.

742. Il est certaines valeurs mobilières incorporelles que le tuteur ne peut aliéner sans l'autorisation du conseil de famille.

Aux termes de la loi du 24 mars 1806, le tuteur ne peut vendre sans cette autorisation des inscriptions de rentes de 5 p. c. au-dessus de cinquante francs de rente. D'après le décret du 25 septembre 1813, il en est de même des actions de la Banque de France. Ce sont là deux exceptions formelles à la liberté pour le tuteur d'aliéner des droits mobiliers appartenant au mineur.

Il résulte des lois citées que le tuteur devrait être muni d'une autorisation du conseil de famille, si l'action intentée au nom du mineur pouvait avoir pour résultat l'aliénation des valeurs dont s'agit.

S'il en était autrement, le tuteur aurait le moyen, en intentant témérairement une action, de paralyser l'effet de la loi de 1806 et du décret de 1813. Une action en justice peut avoir une aliénation pour conséquence nécessaire. Cela est surtout vrai en Belgique, depuis la loi de 1841, puisque le défendeur peut, sans gagner son procès, racheter l'objet en litige pour le prix fixé par le demandeur.

Quant à l'évaluation, elle serait inefficace, alors même que le conseil de famille y aurait concouru. Si la demande a pour objet des effets publics ou actions dont le prix est officiellement constaté, nous savons qu'il n'y a pas lieu pour le demandeur d'en faire une évaluation quelconque (supra, no 577 bis). Le tuteur en demandant au conseil de famille l'autorisation de poursuivre une action ayant pour objet des rentes sur l'Etat ou des actions de la Banque de France, n'aura donc pas à se faire autoriser à évaluer la demande. Cette évaluation est faite par la cote officielle de la bourse.

743. Nous n'avons parlé jusqu'ici que de l'évaluation de la demande mobilière par le tuteur. Examinons maintenant si le tuteur peut sans autorisation faire l'évaluation de la demande immobilière.

Bien que cette question se rapporte à l'art. 18, nous la traitons en même temps que les autres difficultés relatives à l'évaluation, afin de présenter l'ensemble des règles relatives à la matière.

L'évaluation exigée du demandenr dans l'article 18 ne peut avoir pour résultat le rachat du litige par le défendeur. Cette évaluation n'a d'autre effet que de déterminer le ressort. Encore l'évaluation du demandeur n'a de l'influence sur le ressort que si le défendeur, ne faisant pas d'évaluation, s'en rapporte ainsi au dire de

son adversaire (art. 18, § 2), ou bien si le même défendeur présente au tribunal une évaluation inférieure à celle du demandeur. Dans ce dernier cas, l'évaluation la plus forte étant préférée, c'est la fixation du litige par le demandeur qui prévaut (art. 18, § 1o).

Quoi qu'il en soit, comme l'évaluation du litige est imposée au demandeur, et reste au contraire simplement une faculté pour le défendeur, il est certain que la fixation de la demande par le premier doit être considérée comme influant puissamment sur la faculté d'appel.

Quelles sont, d'autre part, les obligations du tuteur quand il veut intenter une demande immobilière au nom de son pupille?

L'art. 464 du code civil exige que le tuteur se munisse d'une autorisation du conseil de famille pour introduire en justice unc action relative aux droits immobiliers du mineur ou pour acquiescer à une demande relative aux mêmes droits. L'autorisation du conseil de famille est donc nécessaire pour l'intentement d'une demande immobilière.

Un grand nombre d'auteurs et d'arrêts ont décidé de même que le tuteur ne peut sans l'autorisation du conseil de famille se désister d'un appel dans une instance concernant les droits immobiliers du mineur, Carré (Lois de la procéd., no 1432), Chauveau sur Carré (eod. loc.), Pigeau (Procéd. civile, t. 1, p. 482), Berriat Saint-Prix (Procéd., p. 367), Bioche et Goujet (Dict. de procédure, v Désistement, nos 25 et 33), Rolland de Villargues (Répert., v° Acquiescement, no 6, v° Tutelle, no 222), sont de cet avis. La cour de Douai s'est prononcée dans le même sens par arrêt du 17 janvier 1820 (Sir.-Devill., 21, 2, 117). Il en est de même de la cour de Besançon, par arrêt du 20 mars 1820 (Pas., à sa date), et de celle de Limoges, par arrêts du 22 avril 1839 et du 19 mai 1840 (Pas., à leur date).

Nous pouvons par analogie appliquer cette règle au cas où nous nous trouvons.

L'évaluation d'un litige immobilier par le tuteur donne à celui-ci la faculté de renoncer d'avance au droit d'appel. Cette évaluation compromet ainsi les droits immobiliers du mineur pour le cas où le procès viendrait à être perdu en première instance. La loi ne peut avoir voulu abandonner au tuteur seul le moyen de renoncer implicitement à l'appel par une évaluation inférieure à la valeur véritable de l'immeuble, pas plus qu'elle n'a voulu lui laisser le droit d'intenter une action immobilière ou celui de se désister d'un appel sur une pareille demande. Dans chacune de ces hypothèses, un droit immobilier appartenant au mineur se trouve engagé. Dès lors l'autorisation du conseil de famille est nécessaire.

A un autre point de vue encore, l'évaluation du litige immobilier par le tuteur nous paraît ne pas pouvoir échapper à l'autorisation du conseil de famille.

D'après la loi de 1841, il est certain que tout demandeur est obligé à l'évaluation du litige

L'évaluation entraine, il est vrai, une aliénation (supra, no 741), mais le mari a le droit de faire cette évaluation puisqu'il a celui d'aliéner les meubles propres de sa femme.

Quant aux actious immobilières (et non possessoires) que le mari exerce au nom de sa femme, la solution nous semble différente.

immobilier. Dès lors, en réclamant l'autorisa- | sans son consentement (Zachariæ, Dr. civil, t. 2, tion du conseil de famille pour intenter une p. 211 et suiv., § 510). action de ce genre, le tuteur doit savoir qu'il devra devant la justice se conformer à la loi de 1841, c'est-à-dire évaluer le litige. La fixation de la valeur de la demande est aujourd'hui une suite de l'action. On comprend donc difficilement comment le tuteur pourrait se passer de l'autorisation d'intenter l'action en son entier, c'est-àdire sans faire déterminer par le conseil de famille l'importance de la demande immobilière et en même temps le chiffre auquel cette demande doit être, fixée. M. Cloes (Compétence, n° 230) décide la question dans le sens de l'opinion que nous venons d'exprimer.

744. Toutefois, si l'évaluation immobilière par le tuteur doit être autorisée par le conseil de famille, rien n'oblige le tuteur à présenter cette évaluation au début du litige. La permis sion du conseil de famille d'intenter une action immobilière peut n'être accordée que dans le cours du procès. L'action intentée par le tuteur sans cette autorisation n'est pas nulle, pourvu que l'autorisation soit donnée plus tard dans le cours de l'instance. C'est ce qui a été décidé spécialement par trois arrêts belges. Bruxelles, 4 juillet 1811 (Sir.-Devill., 12, 2, 274), Id., 5 août 1837 (Pas., 37, 2, 207) et Liége, 3 mars 1841 (Pas., 42, 2, 434),— ainsi que par plusieurs arrêts français. Orléans, 8 prairial an XII (Sir.-Devill., 7, 2, 847), Bourges, 25 janvier 1832 (Pas., à sa date).

L'évaluation du litige faisant partie de la demande immobilière peut de même n'être autorisée que dans le cours de l'instance.

Nous avons vu d'ailleurs que, dans les discussions de la loi de 1841, il a été entendu que l'évaluation du litige pouvait toujours avoir lieu jusqu'au prononcé du jugement (supra, n° 710).

745. Quels sont les droits du mari quant à l'évaluation exigée par la loi de 1841?

Quant aux biens de la communauté, le mari en a la disposition. Il peut les vendre, aliéner et hypothéquer (art. 1421 du code civil). L'évaluation lui en appartient donc sans contestation, alors même qu'on la considère comme un consentement à l'aliénation.

Quant aux biens propres de la femme, la question est complexe.

Voyons d'abord les pouvoirs du mari quant à l'évaluation de l'action mobilière.

Nous croyons que le mari pourra, sous le régime de la communauté faire l'évaluation requise par les art. 8 et 15, c'est-à-dire celle concernant l'action mobilière.

Le mari a l'administration de biens personnels de sa femme et exerce seul toutes les actions mobilières et possessoires qui lui appartiennent (art. 1428, al. 1 et 2, du code civil). Il peut de plus aliéner les meubles qui appartiennent à la femme.

L'art. 1428, alinéa 3, lui défend seulement d'aliéner les immeubles personnels de sa femme

Si le mari agit seulement pour obtenir l'usufruit des biens immeubles de sa femme,son droit d'évaluer seul la demande ne peut être contesté. Le mari ne se présente dans ce cas que comme chef de la communauté. L'usufruit des biens immeubles propres à la femme tombe dans la communauté.

Si, au contraire, le mari se présente comme administrateur des biens de la femme, l'exercice de l'action immobilière ne lui appartient que pour autant que la femme intervienne dans l'instance. La question de la capacité du mari dans le cas dont nous parlons est résolue en ce sens par la grande majorité de la doctrine et de la jurisprudence.-V. Pothier, Traité de la puissance du mari, no 84; Troplong, Contrat de mariage, nos 1004-1008; Dalloz, Répert., vo Contrat de mariage, nos 1330-1347, Arntz, Dr. civil, n° 663, et les autorités qu'ils citent.

La nécessité de l'intervention de la femme dans l'instance qui concerne ses immeubles propres a pour conséquence la nécessité de son concours à l'évaluation de l'action immobilière.

Nous pouvons appliquer au cas dont s'agit ce que nous avons dit à propos de la nécessité de l'autorisation du conseil de famille, dans le cas d'action immobilière intentée par le tuteur au nom de son pupille (supra, no 743).

Les différents régimes sous l'empire desquels se forme l'union conjugale font varier considérablement les droits du mari sur les propres de sa femme. Mais les principes que nous avons exposés serviront à résoudre par analogie toutes les difficultés qui pourraient se présenter.

746. Pour les actions intentées au nom d'une personne civile par ses administrateurs, l'évaluation appartient-elle à ces administrateurs seuls?

M. Raikem semble croire qu'à cet égard il n'y a jamais d'obligation imposée par la loi. Toutefois, il conseille aux administrateurs de soumettre à l'autorité supérieure les évaluations qu'ils se proposent de faire (supra, no 738).

Nous allons plus loin, et nous pensons qu'il y a en général pour les administrateurs une véritable obligation de faire fixer le chiffre de l'évaluation de l'action par l'autorité supérieure qui leur donne le droit d'ester en justice.

Ainsi d'abord, les délibérations du conseil communal sont soumises à l'approbation de la députation permanente: 1° sur les actions à intenter et à soutenir... 3o sur les ventes, échanges et transactions qui ont pour objet des créances, obligations et actions appartenant à la commune, à l'exception des transactions qui concernent

les taxes municipales, le placement et le remploi de ses deniers (art. 77, Loi communale, du 30 mars 1836). V. aussi les art. 148 et suiv. de la même loi.

L'exercice d'une action par la commune ou la vente d'un telle action doit donc être autorisée par la députation permanente du conseil provincial.

Le collége chargé par l'art. 90, 9° de la loi de 1856 de la poursuite des actions judiciaires de la commune devra donc se faire autoriser à poursuivre l'action, mobilière ou non, 1o par le conseil communal, 2o par la députation permanente du conseil provincial.

L'action possessoire et les mesures conservatoires sont seulement permises au collége avant l'autorisation (art. 148, loi de 1836).

L'évaluation du litige mobilier pouvant équivaloir à une véritable vente de l'action, il n'y a aucun doute que, pour faire l'évaluation, le college doit être autorisé spécialement (art. 77, loi de 1836).

Quant à l'évaluation de l'action immobilière appartenant à la commune, celle-ci doit de même être autorisée. Cette évaluation peut avoir sur le ressort une influence décisive (V. supra, n° 743). Elle fait d'ailleurs véritablement partie de l'action et est soumise, en même temps que celle-ci, à l'autorisation de la députation per

manente.

747. Les actions de la province sont intentées par la députation permanente, poursuite et diligence du gouverneur (art. 124, L. provinciale, du 30 avril 1836). Mais c'est le conseil provincial qui autorise les actions en justice relatives aux biens de la province, soit en demandant, soit en défendant, sans préjudice de ce qui est statué à l'art. 106 de la présente loi (art. 74, même loi). Le conseil provincial joue donc ici vis-à-vis de la députation permanente le rôle de surveillance que la députation permanente joue à l'égard des actions que l'on veut intenter au nom de la commune.

La fixation de la valeur de l'action est donc soumise aux règles que nous avons exposées à notre no 746. Le conseil provincial doit l'autoriser spécialement.

Remarquons que les pouvoirs de la députation permanente sont plus étendus que ceux du collége échevinal quant au droit d'agir en justice.

Aux termes de l'art. 106 de la loi provinciale, la députation peut défendre en justice toute action intentée contre la province; elle peut intenter sans délibération préalable du conseil, lorsqu'il n'est pas assemblé, les actions qui ont pour objet des biens meubles, ainsi que les actions possessoires, et faire tous actes conservatoires...

L'action concernant des biens meubles peut donc être intentée par la députation permanente sans autorisation si le conseil n'est pas rassemblé. Mais ce droit d'intenter l'action mobilière ne nous paraît pas s'appliquer au cas où l'éva

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luation de la demande serait nécessaire. Dans cette hypothèse, il s'agit d'une véritable aliénation éventuelle qui vient se joindre à l'action comme une conséquence nécessaire. Or, toute aliénation doit être autorisée par le conseil provincial.

L'aliénation doit même recevoir l'approbation du roi avant d'être mise à exécution, mais seulement s'il s'agit de biens meubles ou immeubles d'une valeur supérieure à 10,000 fr. (art. 65 et 86 3° de la loi provinciale). Nous pensons donc qu'en aucun cas la députation permanente ne pourrait évaluer même l'action mobilière, et que dans certains cas, si l'évaluation de la demande dépassait 10,000 fr., cette évaluation devrait recevoir l'approbation du roi.

L'examen détaillé des autorisations nécessaires aux administrateurs des diverses personnes civiles pour l'évaluation des actions à intenter nous conduirait trop loin. Bornonsnous à dire que, dans le doute, les administrateurs feront bien de se faire autoriser à l'évaluation de la demande. Ils se mettront ainsi à couvert de toute responsabilité personnelle, et empêcheront la requête civile que les incapables en général peuvent diriger contre les jugements ou arrêts rendus contre eux s'ils n'ont pas été valablement défendus (art. 481 du code de procédure civile; Cloes, Compétence, no 231).

748. La sanction que la loi a mise à l'évaluation du litige devant les tribunaux de première instance est la radiation de la cause du rôle et la condamnation aux dépens.

Nous avons vu que, devant la justice de paix, la sanction de la loi quant au même objet est au contraire le refus d'audience (supra, no 392).

On s'est demandé si la radiation de la cause du rôle et la condamnation aux dépens impliquaient la non-recevabilité de la demande.

La question nous semble résolue formellement par les discussions de la loi.

Nous savons que, dans son rapport au sénat, M. de Haussy avait proposé que l'évaluation fùt exigée dans l'exploit introductif d'instance devant les justices de paix et nous avons vu par quelles raisons cette proposition a été repoussée (supra, n° 386).

Le principe de la nécessité de l'évaluation du litige dans l'exploit introductif d'instance était étendu par M. de Haussy à l'évaluation devant les tribunaux d'arrondissement. L'art. 14 aurait alors été rédigé en ces termes : « Si la valeur de l'objet mobilier est indéterminée, le demandeur devra la déterminer par l'exploit introductif d'instance, à peine d'être déclaré non recevable et d'être condamné aux dépens. La modification apportée par la commission du sénat à la rédaction de l'art. 8 n'ayant pas été admise dans cette assemblée, M. de Haussy déclara retirer que l'amendement relatif à l'art. 14 (supra, no 710).

La non-recevabilité du demandeur en cas de défaut d'évaluation a donc été proposée en

même temps que la nécessité d'évaluer le litige dans l'exploit introductif d'instance. Mais ces deux innovations ont été reconnues inopportunes. Les termes de la loi ne doivent donc pas être étendus.

Cette interprétation que nous donnons à l'art. 15 est confirmée par l'opinion de M. Raikem. Nous savons que la peine dont parle l'art. 15 est aussi comminée par l'art. 18. Lors de la discussion sur ce dernier article, M. Raikem a exprimé l'opinion qui n'a été contredite par personne; que le demandeur peut encore poursuivre l'instance et faire juger l'affaire en la faisant de nouveau porter au rôle. » (Infra, notre no 777.)

Ce qui est vrai de l'art. 18 doit l'être aussi de l'art. 15.

La biffure de la cause et la condamnation du demandeur aux dépens, telle est la seule sanction que la loi ait imposée à l'évaluation.

749. Quant à la mise en pratique de cette sanction, il n'y a pas lieu de nous écarter des prescriptions du décret du 30 mars 1808, [sur le règlement et la discipline des cours et tribunaux. Aux termes de l'art. 29 de ce décret, <si, au jour indiqué pour plaider, aucun avoué ne se présente ou si celui qui se présente refuse de prendre jugement, la cause sera retirée du rôle sans que l'on puisse accorder aucune remise, si ce n'est pour cause légitime, auquel cas il sera indiqué un autre jour.

« Une cause retirée du rôle par le motif ci-dessus énoncé ne pourra y être rétablie que sur le vu de l'expédition du jugement de radiation, dont le coût restera à la charge personnelle des avoués, qui seront en outre tenus de tous dommages et intérêts, et auxquels il pourra encore être fait des injonctions suivant les circonstances. > L'art. 73 du même décret étend l'art. 29 aux tribunaux de première instance.

Il ne nous semble pas douteux que la cause rayée du rôle pour manquement à la loi de 1841 pourra y être rétablie sur le vu de l'expédition du jugement de radiation. Quant aux dépens de ce rétablissement, ils sont à charge du demandeur, aux termes de la loi de 1841. Mais le texte n'empêche pas le recours contre l'avoué qui serait en faute. C'est là un principe général auquel la loi de 1841 n'a pas dérogé.

L'applicabilité du décret de 1808 au cas de radiation du rôle, comminée aux termes de la loi de 1841, a été admise par un jugement de Liége du 22 février 1842 (Cloes, Compétence, n°225), et par un jugement de Bruxelles du 24 février 1842 (Belg. jud., t. 1, p. 26). Ce dernier jugement rendu sur les conclusions conformes de M. de Crassier, procureur du roi, décide aussi que la radiation du rôle n'a pas pour conséquence la reprise d'instance. Celle-ci n'est nécessaire en effet que dans le cas de changement opéré dans la personne des parties ou de leurs avoués (art. 342 à 351 du code de proc. civ.). Un arrêt de Bruxelles du 30 mars 1842 fixe dans un de ses motifs le sens qu'il faut at

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tribuer à la radiation du rôle dans l'art. 18 de la loi de 1841.

Sur ce point, nous le savons, l'art. 18 est complétement semblable à l'art. 15.

Attendu, dit l'arrêt, que la loi du 25 mars 1841, à l'art. 18, ordonne aux parties, lorsqu'il s'agit d'une demande immobilière qui ne peut être déterminée de la manière indiquée en l'article 14, d'en faire l'évaluation dans leurs conclusions, et aux juges, à défaut d'évaluation, soit par le demandeur, soit par le défendeur, de rayer la cause du rôle, avec condamnation aux dépens, tout en laissant cependant la partie qui y a intérêt libre de poursuivre de nouveau l'instance et de la faire juger, après avoir toutefois fait reporter la cause au rôle et avoir fait l'évaluation requise. (Pas., 42, 2, 281.)

Au fond l'arrêt décide à bon droit que, bien qu'un tribunal de première instance ait négligé l'observation de l'art. 18 de la loi du 25 mars 1841, qui ordonne aux parties de faire l'évaluation de toute demande immobilière indéterminée, et au juge, à défaut d'évaluation par le demandeur ou le défendeur, de rayer la cause du rôle, il n'y a pas lieu de considérer le jugement intervenu dans ces circonstances comme rendu en dernier ressort. La demande étant restée indéterminée, l'appel devait nécessairement demeurer ouvert. (V. supra, no 722 et 724.) Telle est aussi l'opinion de M. Cloes (Compétence, nos 248 et 249).

Quant aux dépens auxquels le demandeur doit être condamné, ils doivent s'entendre de tous les dépens faits par les deux parties avant la radiation de la cause et en même temps de ceux nécessités par le rétablissement de l'affaire au rôle.

750. Il ne nous paraît pas même nécessaire que la radiation de la cause soit formellement prononcée par le juge dans le cas où l'on a négligé de faire l'évaluation d'une demande reconventionnelle. Le juge atteindra le but de la loi s'il écarte purement et simplement une demande reconventionnelle non évaluée et prononce seulement sur la demande principale.

Dans ce cas, on ne peut pas dire qu'il y aurait lieu à requête civile contre le jugement pour omission de prononcer sur un des chefs de demande (art. 480 5° du code de procédure civile); car le juge puise son droit de ne pas se prononcer immédiatement dans l'art. 15 de la loi de 1841, qui lui ordonne de rayer la cause du rôle.

Un arrêt de la cour de Bruxelles du 6 décembre 1851 (Pas., 52, 2, 41) a décidé en ce sens que le défaut de prononcer sur une partie de demande non évaluée ne peut être considéré comme contraire à la loi. «Attendu, dit la cour, que l'appelant a reconventionnellement conclu à la restitution de costumes appartenant à l'admiDistration, sans en déterminer la valeur dans ses conclusions;

< Attendu que cette détermination était exigée par l'art. 15 de la loi du 25 mars 1841 et que son défaut devait entrainer la radiation de la cause du rôle ;

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