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DES TRIBUNAUX DE PREMIÈRE INSTANCE.

clarait réclamer l'objet en nature, le litige devraitil donner lieu à appel comme indéterminé? 766 bis. L'offre libératoire par le défendeur a-t-elle pour effet d'arrêter le litige quand l'évaluation n'a pas été faite au point de vue de la libération et n'est pas définitive?

au demandeur la somme à laquelle celui-ci a évalué son action?

770. Cas où l'évaluation peut exister sans que le rachat du litige soit permis. Hypothèse où le rachat est impossible. Rente viagère non garantie par une hypothèque.

767. La faculté de rachat du litige reste ouverte au dé- | 771. fendeur jusqu'à la clôture des débats de première | 772. instance.

768. Le rachat du litige peut-il encore avoir lieu en instance d'appel?

773.

Rente viagère garantie par une hypothèque.

Les objets insaisissables peuvent-ils être rachetés par le défendeur?

L'obligation alimentaire (art. 205 et suiv. du code civil) peut-elle être rachetée?

769. Le défendeur contre qui l'exécution d'un jugement 774. Cette obligation échappe-t-elle cependant à l'évaest réclamée peut-il valablement offrir de payer

luation?

COMMENTAIRE.

760. Quand il s'agit d'une demande personnelle ou mobilière, l'évaluation du litige par le demandeur est ordonnée d'une manière expresse par la loi de 1841 (art. 8, 15 et 16).

Un principe corrélatif à celui de l'évaluation du litige est le droit pour le défendeur de racheter la demande.

Cependant dans certains cas exceptionnels, bien que l'évaluation doive avoir lieu, le rachat du litige n'est pas possible (infra, nos 770 et suiv.). Le principe du rachat de la contestation est consacré expressément par l'art. 8 en ce qui concerne les demandes portées devant les justices de paix (supra, no 382). L'art. 17 consacre la même règle pour les litiges qui se produisent devant les tribunaux de première instance. Nous avons vu d'autre part que l'art. 17 était applicable à la matière des référés et à la juridiction commerciale (supra, no 730 et 735).

Les caractères de l'évaluation du litige avec rachat facultatif de la part du défendeur sont ceux de l'aliénation. C'est ce que nous avons eu occasion de démontrer en établissant le degré de capacité de certains administrateurs pour faire l'évaluation (supra, no 740, 741).

761. Le but du rachat du litige a déjà été démontré à propos de l'art. 8 (supra, no 382).

Dans son rapport à la chambre des représentants, M. Liedts s'en référait à ses explications sur l'art. 8. M. de Haussy tenait un langage analogue au nom de la commission du sénat :

Il est impossible, ajoutait-il, de se dissimuler que ces dispositions présentent un principe nouveau exor itant, et dont l'application ne sera pas toujours sans inconvénient et sans danger; cependant on ne peut méconnaître qu'elles étaient nécessaires, si l'on voulait que la loi proposée produisit tous les avantages que l'on pent en attendre, en mettant autant que possible un terme à ces actions, pour des objets d'une valeur indéterminée, et qui laissent toujours au plaideur de mauvaise foi la faculté d'appeler du jugement qui l'a justement condamné. »

762. M de Haussy demandait dans son rapport que les mots personnelle ET mobilière de l'art. 17 fussent remplacés par ceux-ci : personnelle ou mobilière afin qu'il y eût plus d'harmonie entre cette disposition et les art. 1 et 14.

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Malgré cette observation le mot et a été conservé. Mais il n'est pas douteux que l'article doit se comprendre dans le même sens que s'il contenait le mot ou. Il y a une corrélation évidente entre les art. 1 et 14, d'une part, et les art. 8 et 17 d'autre part.

763. Il suffit qu'une portion de la demande soit rachetable comme personnelle ou mobilière pour que ce rachat puisse avoir lieu. Mais alors le surplus de l'action subsiste, et le juge doit continuer l'examen de l'affaire. C'est ce qui résulte du texte de l'art. 17 et du rapport de M. Liedts (23 janvier 1839). «Si, dit à ce sujet le rapport à la chambre des représentants, l'action comprend plusieurs chefs dont les uns constituent des demandes immobilières ou mixtes, et les autres des demandes personnelles et mobilières, la faculté donnée au défendeur, d'arrêter l'instance en offrant le prix de l'évaluation, ne se rapportera qu'à ces derniers chefs de demande.

Mais l'évaluation ne pourrait en aucune façon être faite et par conséquent aucune proposition de rachat ne pourrait avoir lieu si la partie mobilière de la demande n'était pas véritablement séparée de sa portion immobilière, et si la demande en entier reposait sur l'appréciation d'un titre ou d'une qualité générale C'est ce qui a été décidé par la cour de Liége par arrêt du 1er mai 1858 (Pas., 59, 2, 53).

Dans l'espèce décidée par la cour, la demande n'avait en définitive d'autre but que de faire déclarer valable un contrat de mariage et un testament olographe conférant certains avantages mobiliers et immobiliers à la demanderesse. La réclamation avait été évaluée globalement à 30,000 fr. Les défendeurs conclurent à ce que moyennant payement de cette somme à la demanderesse, ils fussent déclarés libérés de toutes les prétentions mobilières qui avaient été soulevées, se réservant tous leurs droits quant aux prétentions immobilières. Le tribunal de Hasselt repoussa la prétention des défendeurs en se fondant sur ce que l'action était de sa nature indéterminée, et que par suite elle devait rester soumise aux deux degrés de juridiction (23 mai 1855). La cour admet la même manière de voir. «Attendu, dit l'arrêt, que l'action, telle qu'elle a été libellée, n'était sujette à aucune évaluation;

qu'au surplus il résulte à l'évidence des faits de la cause que, dans l'intention de la demanderesse intimée, l'appréciation qu'elle a faite de la valeur du litige n'avait pour but que de fixer le premier ou le dernier ressort. »

Il est en effet, certaines actions mixtes universelles qui par leur nature échappent à toute évaluation (supra, nos 693 et suiv.). Comme à l'égard de ces actions l'évaluation est inefficace, il n'est pas douteux que le rachat, qui n'est qu'une suite de l'évaluation mobilière, ne peut davantage s'opérer.

764. L'art. 17 déclare expressément que le payement du chiffre de l'évaluation ne peut libérer le défendeur que si celui-ci offre en même temps de payer les intérêts judiciaires et les dépens. Ce sont là des accessoires de la demande, et l'on peut dire que le demandeur ne se trouve sans intérêt à poursuivre son action, que si le défendeur lui paye le principal et les accessoires.

Le projet primitif de M. Ernst ne mentionnait pas la nécessité pour le défendeur de solder les intérêts judiciaires et les dépens. Mais l'art. 8 a été complété en ce sens par la commission de la chambre des représentants. Les raisons que M. Liedts donnait de cette modification s'appliquent exactement à l'art. 17 comme à l'art. 8 (V. supra, no 382).

Le tribunal de Hasselt (23 mai 1855) et la cour de Liége (1er mai 1858), confirment ce principe en déclarant que l'offre de payer le chiffre de l'évaluation est insuffisante quand elle ne porte pas spécialement sur les intérêts et les dépens (Pas., 59, 2, 55).

765. Lorsqu'il s'agit d'une demande ou d'un chef de demande personnelle ou mobilière et que l'évaluation du litige a été faite par le demandeur dans ses conclusions, la loi ne fait pas obstacle à ce que cette évaluation soit modifiée dans le cours du procès. On ne peut dénier aux parties le droit de changer leurs conclusions jusqu'à la clôture des débats, et ce sont les dernières conclusions sur lesquelles les magistrats doivent se prononcer (V. supra, no 558 et suiv.). Il est évident que, dans ce cas, ce sont les conclusions modifiées qui seules peuvent servir de base à une offre de la part du défendeur.

765 bis. Mais le demandeur perd la faculté d'élever le chiffre de son évaluation si le défendeur a déclaré régulièrement qu'il entend se prévaloir de la faculté de racheter le litige consacrée par la loi de 1841. C'est là une conséquence du caractère même du rachat. L'évaluation d'une demande personnelle ou mobilière équivaut à une véritable proposition de vente du litige pour un prix déterminé. Si ce prix est accepté par la partie adverse, la vente est parfaite. Toutes les modifications à l'évaluation deviennent dès lors inefficaces. Le contrat de vente ne peut être rompu par la volonté d'une seule des parties contractantes.

766. Si l'évaluation du litige mobilier est modifiée par le demandeur avant toute offre li

bératoire du défendeur, nous avons vu que c'est la dernière évaluation qui détermine le ressort (no 765). Mais si,au lieu de modifier l'évaluation, le demandeur déclarait, avant toute acceptation de la part du défendeur, réclamer l'objet en nature parce qu'il lui est indispensable, le juge devrait-il considérer la demande comme indéterminée et par conséquent ne prononcer qu'en premier ressort?

Nous ne le pensons pas. Le demandeur qui, après avoir fait l'évaluation de son action, se borne à réclamer la restitution de l'objet mobilier en nature ne révoque pas son évaluation primitive. La demande ne doit pas nécessairement donner au défendeur le choix de restituer la chose en nature ou de payer l'évaluation. C'est la loi qui, se substituant en quelque sorte au demandeur, accorde à son adversaire le pouvoir de se libérer par le payement de l'évaluation, quelle que soit à cet égard la volonté du demandeur. Dans le cas dont nous parlons, l'évaluation a fixé le ressort et la réclamation a cessé d'être indéterminée. Le juge prononce donc en dernier ressort, si l'évaluation ne donne pas lieu à appel. Telle est aussi l'opinion de M. Cloes (Compétence, n° 104).

766 bis. L'offre libératoire produite par le défendeur arrête le litige, comme nous l'avons vu (no 765 bis). Mais, pour que cet effet se produise, il faut de toute nécessité que l'évaluation ait un caractère sérieux et définitif. Dans le cas contraire, la proposition de céder le litige pour un prix déterminé n'existe pas. Par suite la volonté du défendeur de payer une somme pour se libérer ne suffit pas pour que le rachat s'opère. La volonté du vendeur fait défaut au contrat. Celui-ci ne peut prendre naissance par la volonté unilatérale de l'acheteur.

C'est en ce sens que s'est prononcée la cour de Bruxelles par arrêt du 23 janvier 1847.

Dans l'espèce, les demandeurs réclamaient des actions d'une société charbonnière dont la valeur pouvait être modifiée par un compte à produire par les défendeurs. L'exploit d'ajournement portait que, pour se conformer à la loi, les requérants évaluaient le montant de leur créance à 20,000 fr., sauf à augmenter suivant le résultat des comptes que les cités auront à rendre. Les défendeurs proposèrent immédiatement de payer la somme de 20,000 fr. comme libératoire. Le tribunal déclara que cette offre ne pouvait mettre fin au litige parce que l'évaluation n'avait eu d'autre but que de déterminer la compétence et non de servir de base à la libération du défendeur. 12 août 1846 (Pas., 47, 2, 227). La cour adopta le même système en s'appuyant sur des raisons très-puissantes tirées de la discussion de la loi de 1841. Attendu, dit l'arrêt, qu'il résulte des discussions sur la loi du 25 mars 1841 et du rejet des amendements proposés au sénat, quant aux art. 8 et 15, qu'elle n'a voulu imposer le devoir de faire l'évaluation de l'importance du litige que dans les conclusions à prendre devant le juge, alors que le demandeur

est à même de la faire en due connaissance de cause; qu'en l'exigeant plus tôt on l'eût mis souvent dans l'impossibilité de satisfaire à la loi d'une manière réfléchie, soit par défaut de temps, soit par suite de la nature compliquée et de l'intérêt incertain de l'affaire; c'eût été le forcer à prendre un chiffre arbitraire et exagéré qui aurait fait manquer le but de la loi;

«Attendu, d'après cela, que, pour s'arrêter à une évaluation faite dans un exploit d'ajour nement et lui attribuer les effets exorbitants qu'entraîne l'art. 17, il faudrait qu'elle eût lieu d'une manière sérieuse et définitive, et dans le double but de déterminer le ressort et de servir de base à une offre de libération;

Attendu que, dans l'espèce, l'évaluation faite dans l'exploit d'ajournement ne présente que l'idée d'une appréciation provisoire; que c'était la seule dout, par sa nature compliquée et les devoirs de justification à faire, elle était réellement susceptible; qu'il est à remarquer qu'elle a si peu été faite avec l'intention arrêtée que supposent les conséquences rigoureuses qu'on veut y attacher qu'elle contient des énonciations qui sont en opposition directe avec le libellé de l'exploit, qui tend, non à une reddition de compte, mais à une réclamation d'après un compte à fournir; qu'il faut donc admettre que cette évaluation n'a eu lieu que pour se conformer au vœu de la loi, quant à la détermination du ressort, et que dans les faits et circonstances de la cause, elle ne peut opérer aux fins de l'article 17 précité;

Par ces motifs, met l'appel au néant, etc. » 23 juin 1847 (Pas., 47, 2, 229).

767. Supposons maintenant que l'évaluation du litige mobilier ait été faite régulièrement et définitivement par le demandeur. Dans ses conclusions jusqu'à quel moment le défendeur pourra-t-il offrir la somme de l'évaluation?

Incontestablement cette offre pourra être faite jusqu'à la clôture des débats devant le juge de paix ou le tribunal. L'art. 17 donne au défendeur la faculté de se libérer quand il s'agit d'une demande ou d'un chef de demande purement personnelle et mobilière. Ces termes sont généraux. Il n'est donc pas nécessaire que la faculté accordée au défendeur s'exerce immédiatement après l'évaluation.

768. Une question plus délicate est celle de savoir si, en instance d'appel, le rachat du litige peut encore avoir lieu.

M. Cloes adopte l'affirmative (Compétence, n° 101): « Si le jugement est en premier ressort, dit ce jurisconsulte, le défendeur en première instance pourrait encore, sur l'appel par lui interjeté, user de la faculté de se libérer; ce ne serait pas là une demande nouvelle dans le sens de l'art. 464 du code de proc. civ. Mais il devrait, outre le montant de l'évaluation, offrir, dans tous les cas, de payer les frais de l'instance faits jusqu'à ses offres ainsi que les intérêts courus jusqu'alors; parce que l'art. 8 ne lui accorde la faculté de se libérer en acquittant le

prix de l'évaluation faite par le demandeur que sans préjudice aux intérêts et dépens s'il y a lieu, et qu'il les doit évidemment dans l'hypothèse posée d'après les principes du droit commun.

«Mais si le débiteur laisse confirmer le jugement sans user de la faculté de racheter le procès, dans ce cas, le débiteur ne serait plus recevable, même in executivis, à offrir le montant de l'évaluation faite par le demandeur, parce que la chose jugée donne à ce dernier le droit d'exiger, soit l'objet mobilier en nature, soit la somme à laquelle il a évalué le montant de sa demande, et que le jugement terminant définitivement le procès, il n'existe plus de procès dont le débiteur puisse se racheter.

«Il faut appliquer les mêmes principes dans le cas où le jugement de première instance est en dernier ressort. »

Nous ne pouvons admettre cette opinion qui, dans sa première partie, nous paraît contraire au texte comme à l'esprit de la loi.

L'art. 17 nous semble s'appliquer uniquement à l'instance pendante devant le premier juge. L'intitulé du titre II de la loi de 1841 porte: Des tribunaux de première instance. De plus, rien dans les termes de la disposition dont nous nous occupons, n'indique que le législateur ait eu en vue le rachat du litige en appel. Ces termes excluent même l'idée qu'il puisse s'agir du cas où le litige se présente devant le second juge. Le défendeur seul peut se libérer, d'après l'art. 17. En appel le défendeur n'existe plus, et devient l'appelant quand il proteste contre sa condamnation en première instance. Le texte de la loi exclut donc nettement toute idée d'extension du principe de l'article 17 au cas d'appel.

L'intention manifeste du législateur, en autorisant l'évaluation du litige par le demandeur, et, comme corollaire, le rachat par le défendeur a été d'empêcher l'appel pour des contestations minimes (supra, no 381). Or, lorsque l'appel est interjeté, ce motif n'existe plus. Le rachat du litige en appel n'aurait donc pas l'effet que le législateur a voulu attribuer au système qu'il inaugurait. Ce rachat ne serait plus dès lors qu'une véritable anomalie.

Nous croyons même que le rachat pendant l'instance d'appel consacrerait une injustice à l'égard du demandeur. Et en effet, les conclusions prises en première instance fixent d'une manière définitive les réclamations du demandeur. Toute modification faite en appel à la hauteur de la demande, reste nécessairement inefficace. C'est ce que nous avons établi (supra, no 562). Ce principe s'applique, à n'en pas douter, à l'évaluation du litige. La cour de cassation le dit expressément dans son arrêt du 14 mai 1859 (Pas., 59, 1, 204). « L'importance du litige, dit la cour, se détermine par les conclusions prises en première instance, et par le jugement rendu sur ces conclusions, abstraction faite des explications, évaluations ou réductions résultant des conclusions prises en instance d'appel. »

art. 17, est insérée sous la rubrique tribunaux de première instance et ne semble pas, d'après ces termes, devoir s'appliquer au cas d'appel. La thèse contraire a cependant été soutenue par M. Cloes, mais elle a été repoussée par plusieurs monuments de la jurisprudence la plus récente (V. supra, no 751). Les motifs qui justifient l'inapplicabilité de l'art. 15 au cas d'appel peuvent être invoqués avec la même force dans l'hypothèse de l'article 17.

769. Après le jugement en première instance le défendeur contre qui l'exécution est demandée peut-il encore faire l'offre de payer la somme à laquelle le demandeur a évalué sa réclamation?

Nous ne le pensons pas.

Le demandeur ne peut donc valablement changer en appel l'évaluation qu'il a faite du litige en première instance. Mais si au contraire le défendeur conservait, comme le veut M. Cloes, le droit d'offrir comme libératoire le prix de l'évaluation, le législateur aurait conféré à ce défendeur un avantage exorbitant. Il se peut que, pendant le délai d'appel et pendant l'instance devant le second juge, la valeur de l'objet mobilier s'élève considérablement. Le demandeur primitif devenu intimé ne pourra pas modifier son évaluation, mais le défendeur primitif de venu appelant pourra offrir comme libératoire une somme qui était peut-être la représentation exacte de la valeur de la demande pendant l'instance devant le premier juge, mais qui depuis lors est devenue inférieure à cet objet. Cette conséquence de la théorie de M. Cloes nous paraît inadmissible parce qu'elle rompt l'égalité qui doit subsister entre les parties. Il faut donc condamner la théorie elle-même. Le législateur a pu sans danger donner au défendeur la faculté de racheter le litige pendant l'instance primitive, parce que, devant le pre-dire, la demande a cessé d'exister. Le jugement mier juge, le demandeur trouvait dans la faculté de modifier sa réclamation le moyen facile d'empêcher un rachat au-dessous de la valeur de l'objet. Mais en instance d'appel, nous venons de voir que cette augmentation est inter-litige, mais sur l'objet même de la demande. dite au demandeur. Dès lors, il faut, pour que la position des parties reste égale, admettre qu'il y a interdiction de rachat du litige.

A vrai dire, les arguments que nous avons présentés contre la validité de l'offre en instance d'appel ne peuvent être invoqués avec la même force, dans l'hypothèse actuelle. Mais d'autres considérations empêchent que l'offre du défendeur puisse être accueillie. L'art. 17 permet à celui-ci de se libérer de la demande, mais à vrai

a mis fin à toute réclamation. La chose jugée permet au demandeur d'exiger l'exécution du jugement rendu. Cette exécution porte, non pas sur la somme d'argent fixée comme valeur du

A vrai dire, le défendeur aurait pu se dispenser de restituer la chose demandée en payaut une somme d'argent pendant l'instance. Mais en se C'est en vain que l'on objecterait à notre ar- laissant condamn r, il a perdu cette faculté. Il gumentation, que le demandeur en première n'existe plus aucune raison de laisser subsister instance étant libre de fixer la valeur de l'objet le rachat à côté de la décision du juge. La chose aussi haut qu'il le désire, le rachat par le défen-jugée a précisément pour effet d'éteindre la dedeur primitif en instance d'appel ne pourrait ja- mande et tous ses accessoires. mais devenir désavantageux pour le demandeur C'est en ce sens que s'est prononcée la cour que si l'évaluation primitive avait été trop de Gand par arrêt du 21 avril 1854 (Pas., 55, faible. Ce raisonnement prouve le peu de soli-2, 20 et s.). Attendu, dit la cour, que la loi dité du système qu'on nous oppose. Il conduit du 25 mars 1841, en ordonnant d'évaluer toute en effet à admettre que l'évaluation devant le demande mobilière indéterminée, a eu pour premier juge peut être exagérée à volonté, et but, d'une part, de fixer le ressort, et, d'autre cela dans une éventualité d'appel, et d'augmen-part, de permettre au défendeur de se rédimer tation de la valeur de l'objet réclamé. Mais alors que devient tout le système de la loi de 1841? Cette loi présume nécessairement que l'évaluation du litige est la représentation de la valeur véritable de l'objet réclamé. Admettre que le litige doit être évalué en vue de la possibilité d'une augmentation dans la valeur de l'objet et de la possibilité d'un rachat fort éloigné peutêtre, c'est justifier par avance toutes les exagérations dans la fixation de la valeur de la demande; par conséquent c'est faire manquer le but de la loi.

du procès, en acquittant le prix de cette évaluation; mais que cette faculté ne peut être exercée que pendant le litige, et nullement en termes d'exécution, lorsque la demande mobilière même a été adjugée par le jugement passé en force de chose jugée; qu'on ne peut supposer au législateur l'intention de restreindre arbitrairement les droits du demandeur, droits dont l'étendue peut s'accroître pendant le litige, ni de donner au défendeur la faculté exorbitante de faire d'abord statuer définitivement sur le procès et puis de déclarer après coup qu'il préfère l'évaluation du demandeur à la condamna

Une raison d'analogie vient se joindre à toutes celles que nous avons exprimées, pour repous-tion prononcée par le juge; ser l'applicabilité du principe du rachat en instance d'appel.

Nous savons que l'art. 15 édicte contre le demandeur qui ne fait pas l'évaluation les peines de la radiation du rôle et de la condamnation aux dépens. Cette disposition, comme notre

Que l'on ne saurait surtout être admis, après le jugement, à user de cette faculté de la manière que le soutient l'appelaut, lorsque, comme dans l'espèce, la demande en réparation ayant eu un double objet, le montant alloué pour le premier a été, comme le porte le juge

ment interprétatif a quo, diminué en considération de l'aggravation que subissait le second, et que l'on prétend pouvoir exécuter l'un chef de la condamnation conformément à la décision intervenue, et l'autre conformément à l'évaluation faite in limine litis;

Pour que cette aliénation puisse s'opérer, il faut que les règles générales du droit ne donnent pas à l'objet de la demande un caractère tel qu'elle doive subsister nonobstant tout rachat. C'est ce qui se présente pour la rente viagère. L'art. 1979 du code civil déclare expressément que le constituant ne peut se libérer du payement de la rente, en offrant de rembourser le capital et en renonçant à la répétition des arPar ces motifs, ouï M. le premier avocat gé-rérages payés; il est tenu de servir la rente pennéral Donny en son avis conforme, rejetant les nullités proposées par l'appelant, confirme. » (Pas., 55, 2, 20.)

Que c'est donc avec fondement que le premier juge a déclaré les offres faites par l'appelant non satisfactoires;

Cette opinion est aussi celle de M. Cloes (voy. notre numéro précédent).

Mais cet honorable jurisconsulte déclare incidemment que la chose jugée donne au demandeur le droit d'exiger, soit l'objet mobilier en nature, soit la somme à laquelle il a évalué le montant de la demande. Ces expressions ne doivent pas être prises à la lettre, en ce sens que le demandeur ait le choix entre ces deux réclamations. M. Cloes déclare lui-même que le juge peut, lors de son jugement, ne pas accorder au demandeur le taux de son évaluation, mais a le droit de le réduire d'après les éléments de la cause (Compétence, no 103).

Et, en effet, si l'évaluation de la demande mobilière est exigée par la loi pour fixer le ressort, rien ne force le juge à donner au demandeur le droit de réclamer à son choix soit l'objet réclamé, soit la somme fixée par l'évaluation. Le juge peut seulement, sur des conclusions formelles du demandeur, stipuler que, à défaut de restitution de l'objet mobilier en nature, le défendeur sera tenu de payer la somme de l'évaluation ou bien toute autre somme déterminée.

770. La faculté pour le défendeur de racheter le litige est en général la suite de la nécessité de l'évaluation. Mais cette faculté peut cependant ne pas exister, alors même que l'évaluation du litige a été faite. Il en est ainsi lorsque, d'après les règles générales du droit, la demande ne peut être éteinte par l'offre d'une somme d'argent.

dant toute la vie de la personne ou des personnes sur la tête desquelles la rente a été constituée, quelle que soit la durée de la vie de ces personnes, et quelque onéreux qu'ait pu devenir le service de la rente. La loi de 1841 n'a pas voulu renverser cette règle, fondamentale en matière de rente viagère. L'art. 1979 deviendrait une lettre morte si, d'une part, le demandeur était obligé d'évaluer la rente viagère, et si, d'autre part, le défendeur pouvait se libérer du litige en offrant la somme de l'évaluation. Le débiteur de toute rente viagère, en se refusant à la servir et en se laissant assigner en justice, pourrait par un détour éluder l'art. 1979.

Nous ne pouvons admettre qu'une loi ayant rapport à la compétence ait voulu modifier de la sorte un principe du droit civil. Cette opinion est aussi celle de M. Cloes (Compétence, uo 238).

771. Lorsque la rente viagère est garantie par une hypothèque, la demande n'est plus purement personnelle et mobilière. Dès lors le rachat par le défendeur ne peut évidemment avoir lieu. Cette opinion est exprimée par M. Cloes (Compétence, no 239), et par M. Raikem qui adopte une opinion différente dans le cas où la rente viagère se présente sans garantie immobilière. (Discours, loc. cit.), supra, no 770.

772. Certains objets sont déclarés insaisissables. I en est ainsi, par exemple, des sommes et objets disponibles déclarés insaisissables par le testateur ou donateur, et des sommes et pensions pour aliments, encore que le testament ou l'acte de donation ne les déclare pas insaisissables (art. 581 3° et 4o, code de procédure civile). Une rente viagère peut de même être déclarée insaisissable, mais seulement lorsqu'elle est constituée à titre gratuit (article 1981 du code civil).

Supposons qu'il s'agisse de l'existence d'une rente viagère. Cette rente étant meuble, aux termes de l'article 529 du code civil, doit être Il résulte de ces dispositions que la loi a évaluée par celui qui la réclame (voy. infra, rendu insaisissables certains objets ou certaines n° 790). L'évaluation aura pour effet de fixer le sommes provenant de donations ou de testaressort et la compétence du juge. Mais le dé-ments, lorsque le donateur prend soin de le fendeur ne pourrait pas, en offrant le chiffre de l'évaluation, se libérer de l'obligation de servir la rente réclamée.

M. Raikem embrasse cependant une opinion contraire, parce que la réclamation d'une rente viagère, ne contenant pas de stipulation d'hypo thèque, est une demande purement personnelle. (Discours, Revuedes revues de droit, t. 5, p. 71 et s.) Mais peu importe, pensons-nous, le caractère de la rente au point de vue du ressort. Le rachat du litige par le défendeur a pour le demandeur | le caractère d'une véritable aliénation forcée.

stipuler. Quand il s'agit de pensions alimentaires, la loi déclare que la saisie ne peut, en aucun cas, en avoir lieu.

D'autre part, le code civil stipule expressément que la compensation ne peut avoir lieu quand il s'agit d'une dette qui a pour cause des aliments déclarés insaisissables (art. 1293, no 3). Toute dette, même non alimentaire, déclarée insaisissable ne peut davantage être éteinte par la compensation. C'est ce que décident Marcadé (Droit civil, t. 4, no 832) et Desjardins (De la compensation, Ed. Durand, 1864, p. 410).

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