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27. Mais est-il possible de considérer comme personnelle la demande en nullité d'un acte lorsqu'elle a pour but de parvenir à la radiation d'une inscription hypothécaire?

Suivant la cour de cassation de France, une telle action est personuelle. C'est ce que décide son arrêt du 1er prairial an x11 (Pas. à sa date; Dalloz, Rép., vo Action, sub no 104).

La même opinion est enseignée par Carré, Compétence civile, t. 1, n° 196 et par Grenier, Hypothèques, t. 1, n° 94. Suivant Troplong, Hypothèques, t. 3, no 732, l'action est mixte, et peut être dès lors portée, soit devaut le tribunal du domicile du défendeur, soit devant celui de la situation.-Selon d'autres auteurs, l'action est réelle, et par suite le tribunal de la situation des biens est seul compétent. Tarrible, Rép., vo Radiation, no 10; Pigeau, t. 2, p. 425. Il est incontestable d'ailleurs que la demande en radiation ou en réduction d'inscription, formée directement par action principale, doit être portée devant le tribunal dans le ressort duquel l'inscription a été prise. C'est la disposition formelle de l'article 94 de la loi hypothécaire du 16 décembre 1851.

Mais intentée d'une manière incidente, et comme suite de l'action en nullité d'un acte, la demande en radiation hypothécaire ne changet-elle rien au caractère de cette action en nullité? Nous ne pouvons admettre l'opinion de la cour de cassation de France, et considérer une telle action comme ayant un caractère purement personnel.

Les partisans de cette opinion la justifient en disant :

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Mais cet arrêt, tout en reconnaissant le caractère personnel de l'action en nullité du contrat de société et de la donation, reconnait en même temps que la demande d'éviction des immeubles a un véritable caractère réel.

Il est vrai qu'au lieu d'en conclure que l'action devait être réputée mixte, il déclare que la demande réelle était connexe à la demande personnelle, et pouvait par conséquent être intentée devant le même juge. Mais ne perdons pas de vue, que dans le cas d'action mixte la compétence n'aurait pas été différente, puisque le demandeur peut intenter cette action, à son choix, soit devant le tribunal du défendeur, soit devant celui de l'objet en litige. La cour de Bruxelles ne pouvait donc en aucun cas renvoyer l'action devant le tribunal compétent pour la juger si elle eût été réelle, ce dernier caractère ne devant certainement pas être attribué à celle-ci.

Dans un arrêt du 11 décembre 1828, la cour de Bruxelles s'est prononcée plus nettement sur le caractère d'une action en rescision d'un contrat de vente de biens immobiliers avec demande de restitution de ces biens. Cette action ne pouvait, dit la cour de Bruxelles, être intentée devant le tribunal de la situation des biens. La législation actuelle ne reconnaît pas les actions mixtes, et d'ailleurs l'action dont s'agit ne pouvait être considérée comme mixte mème en droit romain (Pas., 1828, p. 371, arrêt rendu sur les conclusions contraires de M. l'avoc. gén. Spruyt).

L'action ne porte véritablement que sur la nullité de l'acte. La radiation hypothécaire, qui est réclamée comme suite de cette nullité, en est une conséquence nécessaire qui n'altère en rien le caractère de la contestation. Mais à cet argument on peut répondre non sans raison: Les conclusions du demandeur portent en réalité sur deux points. Il réclame d'abord la La cour de Liége a décidé de même que la nullité de l'acte, ensuite la radiation d'une in-demande de résolution d'une transaction est une scription hypothécaire. Que ce second objet ne action personnelle qui doit être portée devant soit que la conséquence du premier, nous le re- | le tribunal du domicile du défendeur. Liége, connaissons volontiers; mais n'est-ce pas préci- 23 décembre 1816 (Pas., 1816, 2, 263). sément le cas d'attribuer à l'action le caractère Dans l'espèce jugée par cet arrêt la transacmixte, puisqu'elle tend à obtenir tout à la fois tion était relative à des droits personnels, dit la nullité d'un droit personnel et l'annulation Dalloz, vo Action, no 83, et par conséquent la réd'un droit réel? solution d'un pareil acte ne pouvait avoir rien de réel. Il y a là une erreur de la part de Dalloz. Dans l'espèce jugée par la cour de Liége, la transaction portait sur un procès existant entre parties et ayant pour objet des immeubles. C'étaient là des droits immobiliers (art. 529 cod. civ.).

28. Une question qui touche de près à celle-ci est celle de savoir si la demande en nullité d'un acte, jointe à la demande en restitution d'immeubles sur lesquels cet acte a porté, est une action purement personnelle?

La cour de Bruxelles semble avoir décidé l'affirmative en déclarant par son arrêt du 4 février 1846, que l'action en nullité d'un contrat de société et d'une donation est personnelle, alors méme que, comme conséquence de la nullité, le demandeur conclut à évincer les défendeurs de biens immeubles détenus en vertu des actes attaqués.

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La jurisprudence française nous fournit de nombreuses autorités sur la question que nous nous sommes posée. Mais les arrêts, comme les auteurs, sont loin de se trouver d'accord entre eux. Quoi qu'il en soit, nous ne pensons pas que la demande en nullité d'un acte, accompagnée d'une réclamation d'immeubles, soit une

action purement personnelle. Cette action a, croyons-nous, le caractère mixte. V. les divers éléments de la controverse dans Dalloz, Rép., vo Action, nos 104 à 110.

Nous aurons occasion de revenir sur la question à propos des différents cas où l'action comprend non-seulement une demande personnelle, mais encore une demande réelle à laquelle la première est préjudicielle.

29. Quel est le caractère d'une action en réalisation par-devant notaire d'une vente immobilière sous seing privé?

Une telle demande peut être formée, soit par l'acquéreur des immeubles, soit par le vendeur. Examinons la première hypothèse.

A quoi tend l'acquéreur par son action? I veut forcer le vendeur à réaliser par-devant notaire la vente qu'il a consentie. Il y a là une action mixte, disent la cour de Paris et la cour de cassation de France:

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31. Si maintenant, c'est le vendeur qui demande la réalisation de la vente d'un immeuble par-devant notaire, il nous paraît certain qu'une telle action est purement personnelle. C'est ce qu'a décidé la cour de Paris, le 22 juillet 1849 (Pas., à sa date).

Peu importe que le vendeur ait en même temps offert de mettre l'acquéreur en possession de l'immeuble et de lui rendre compte des fruits : c'est là un accessoire de la demande, qui ne peut en changer le caractère principal. — Cour de cassation de France, 5 mars 1850 (Pas., 50, 1, 469).

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Cet arrêt casse une décision de la cour d'Amiens qui avait jugé qu'une telle action devait être considérée comme mixte. — Amiens, 13 janvier 1848 (Pas., 50, 2, 41).

32. Que faut-il penser du caractère de l'action en délivrance d'un immeuble vendu?

Au dire de la cour de cassation de France et de plusieurs auteurs, l'action en délivrance d'uu immeuble est une action mixte. Cassat., 2 fév. 1809 (S.-V. 9, 1, 138. Dalloz, pér., 1, 266). Merlin, Rép., v° Vente, § 2, no 7; Troplong, Vente, t. 1er, no 262; Duranton, t. 16, no 385 bis.

Quand le vendeur demande la réalisation de la vente, son action ne tend qu'à recevoir une certaine somme, prix de l'immeuble; c'est là une Attendu que l'action intentée a pour but non-action personnelle par essence, et qui n'est auseulement la reconnaissance d'écriture, mais tre chose que la réclamation pécuniaire, suite encore une réalisation de vente, et par suite la d'un engagement personnel. prise de possession de l'objet vendu ; que sous ce dernier rapport la matière est réelle. » — Paris, 26 août 1835 (jurisp. du x1x* siècle, 36, 2, 143. Pas., à sa date); cour de cass., rej., 51 mai 1837 (Jurisp. du XIXe siècle, 37, 1, 631. Pas., à sa date). Nous croyons cependant qu'une telle action reste purement personnelle. La transmission de la propriété dans la vente mobilière ou immobilière s'opère par la seule volonté des parties. La réalisation de vente et la prise de possession qui en sera la suite dérivent simplement du contrat de vente et n'y ajoutent aucun droit réel. La demande de réalisation n'est donc pas autre chose que l'exercice d'un droit personnel contre le vendeur qui n'a pas exécuté une des obligations qu'il avait contractées vis-à-vis de l'acquéreur, celle de faire passer l'acte de vente par-devant notaire.

30. En Belgique, l'acte authentique est devenu la base nécessaire de toute transcription, et cette dernière formalité est indispensable pour que l'acte translatif ou déclaratif de droits réels immobiliers puisse être opposé aux tiers qui auraient contracté sans fraude (art. 1 et 2 de la loi du 16 octobre 1851 sur le régime hypothécaire).

Nous ne pensons pas cependant que l'action en réalisation par-devant notaire d'une vente d'immeubles ait changé de caractère et soit devenue réelle ou mixte.

Si l'acte notarié est utile pour que la vente d'immeubles produise tous ses effets vis-à-vis des tiers, en ce sens que le tiers acquéreur ne devrait pas souffrir des effets d'une vente non transcrite, il n'en est pas moins vrai que la simple vente sous seing privé a transmis la pro- | priété d'une manière irrévocable, et que la réalisation de la vente par-devant notaire, demandée par l'acquéreur, n'aura d'autre effet que d'ajouter la garantie de l'authenticité à la vente déjà parfaite par elle-même.

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Le seul consentement, disent les partisans de cette opinion, ayant suffi pour conférer la propriété à l'acheteur, celui-ci exerce un droit réel en demandant la délivrance de l'immeuble qui lui a été vendu.

Nous ne pouvons admettre ce raisonnement. L'action en délivrance ne nous paraît avoir aucun caractère de réalité. Elle s'exerce contre le vendeur à titre personnel et comme suite du contrat de vente; elle n'a pas pour effet de réclamer un droit contre lui, mais bien plutôt l'accomplissement d'un fait, la délivrance. Le vendeur a omis de remplir la partie principale de son engagement: la livraison de la chose, d'où le droit personnel; mais il ne dénie pas la propriété de l'immeuble à l'acheteur: donc, pas de droit réel à exercer par ce dernier pour obtenir l'immeuble qu'il a acquis. (Voy. no suiv.)

33. Contre les tiers, au contraire, qui se refuseraient à lui livrer l'immeuble, l'acheteur exercerait une véritable action réelle. Ceux-ci ne sont en effet forcés par aucun contrat de lui délivrer la chose qu'il réclame. En vertu du droit de propriété qui lui incombe, l'acheteur demanderait aux tiers de lui restituer son bien, et son action serait ici véritablement revendicatoire. Telle est l'opinion de Duvergier (de la Vente, t. 1, no 258); Poncet, Actions, no 125; Carré, no 223; Joccotton, no 375, ainsi que la note de la Pasicrisie française, sous l'arrêt du 2 février 1809, admettent avec nous que l'action en délivrance d'un immeuble n'a rien de réel vis-àvis du vendeur, et que par conséquent cette

34. Nous pensons au contraire qu'il faudra déclarer mixte et non pas purement personnelle l'action qui appartient au vendeur avec pacte de réméré, c'est-à-dire avec faculté de rentrer dans la propriété de l'immeuble.

action est purement personnelle vis-à-vis de lui. | l'autre cas, le vendeur n'exerce pas une action C'est aussi notre avis (no 32). purement personnelle. Qu'il soit encore en possession ou qu'il ait perdu la possession, son droit de propriété lui a échappé par suite de la vente. La nullité du contrat qu'il réclame par son action aura pour effet de lui rendre la propriété de la chose vendue. L'action a donc un caractère réel à un certain point de vue. Elle a de plus un caractère personnel, puisqu'elle ne peut être dirigée que contre l'acheteur. C'est donc une véritable action mixte. Dalloz cependant pense que l'action serait purement personnelle si l'immeuble était encore en possession du vendeur (Rép., vo Action, no 95). Le juge, dit Dalloz, ne peut, dans ce cas, ordonner la restitution de l'immeuble qu'en statuant ultra petita, et si le juge n'ordonne pas la restitution de l'immeuble, l'action est purement personnelle.

Une telle action participe de la réalité, puisqu'elle a pour effet immédiat de faire passer la propriété de l'immeuble de la tête de l'acheteur primitif sur celle de l'acheteur nouveau, qui se présente en vertu du pacte de réméré intervenu lors de la vente qu'il a consentie. Dire que l'acheteur par suite de réméré n'exerce qu'un droit personnel, ce serait dénier tout effet réel à la vente à réméré, ce que le législateur n'a certes pas voulu, malgré la position particulière de celui qui achète sous une telle condition (code civil, art. 1659 à 1674).

Cependant, selon Duvergier, Vente, t. 1er, n° 167, l'action résolutoire contre l'acquéreur direct est purement personnelle. Adde Carré, n° 219; Poncet, no 117 et s. Suivant Troplong, Vente, t. 2, nos 624 et s., et Joccotton, n° 306, elle est mixte.

La cour de Lyon s'est prononcée pour cette dernière opinion le 31 août 1849 (Pas., 49, 2,573.)

35. Quant à l'action résolutoire dirigée contre le tiers détenteur, Troplong, t. 2, n° 629, 630, 636, et Duvergier, t. fer, no 467, sont d'accord pour enseigner qu'elle est réelle; donc la connaissance en appartient au tribunal de la situation des biens. Carré, no 220, pense qu'elle est mixte. Nous penchons pour la première de ces deux opinions. Contre le tiers détenteur, l'acheteur par suite de réméré n'a qu'une action à cause de la chose. C'est la possession de l'immeuble par le tiers, et le droit de propriété qu'il prétend avoir, qui est l'origine de l'action dirigée contre lui. L'action en résolution n'a pas le caractère personnel contre le tiers, qui n'a jamais contracté avec le vendeur à réméré et n'est donc pas lié personnellement.

36. L'action en nullité d'une vente d'immeuble est-elle purement personnelle?

Si c'est l'acquéreur qui l'intente, rien n'y fait obstacle. Le seul effet de son action sera la restitution d'une somme d'argent par le vendeur, résultat qui ne touche pas à un droit réel. Riom, 30 décembre 1825 (Jurisp. du XIXe siècle, 27, 2, 31, et Pas., à sa date).

37. Mais lorsque c'est le vendeur qui intente Faction en nullité, que faut-il décider?

On a établi une distinction.

L'action, a-t-on dit, est personnelle si le vendeur se trouvant encore en possession des immeubles vendus, l'action ne tend pas au délaissement de ces immeubles. Nîmes, 27 août 1847 (Pas., 47, 2, 633). Il en serait autrement s'il n'était plus en possession. Duranton, t. 16, no 587 bis.

Il nous paraît que dans l'un comme dans

C'est déclarer, nous semble-t-il, que le droit réel, et par suite l'action réelle, est toujours lié à l'obtention matérielle d'une chose, ce qui cependant cesse à toute évidence d'être vrai lorsqu'on réclame une servitude. Le raisonnement de Dalloz manque donc ici de solidité.

38. L'action en résolution d'une vente intentée par des créanciers comme faite en fraude de leurs droits, en d'autres termes, l'action Paulienne, bien que s'appliquant à des immeubles, est-elle personnelle? La cour de Liége, 29 janvier 1838 (Pas., 38, 2, 18), répond aflirmativement à cette question.

Nous nous rangeons à cette opinion, malgré les raisonnements fort spécieux de Dalloz, qui assigne à l'action un véritable caractère mixte.

Il est vrai, et nous nous empressons de le reconnaître, que dans l'action Paulienne les créanciers exercent un droit propre et non le droit de leur débiteur. Mais ce droit n'a-t-il pas également pour cause l'obligation personnelle qui pèse sur le tiers détenteur par suite de sa participation à la fraude, et pour objet la rentrée de l'immeuble en la possession du débiteur, où il redeviendra le gage de ses créanciers? La revendication existe par cela qu'elle fait sortir l'immeuble des mains du tiers acquéreur. Peu importe que cet immeuble revienne au pouvoir des créanciers ou de leur débiteur; celui-ci possédera sans doute, mais comme un dépôt qui formera le gage de ses créanciers. C'est pour cela que le droit romain qualifiait l'action Paulienne d'action personnelle donnée sur la chose, personalis in rem scripta. C'est parce qu'elle suivait la chose entre les mains de tout détenteur, qu'on lui reconnaissait un caractère réel autant que personnel, c'est-à-dire le caractère mixte, qu'à nos yeux elle conserve encore aujourd'hut.

L'erreur de Dalloz consiste à assigner à l'action Paulienne une signification qu'elle n'a pas. Elle ne tend pas seulement à faire rentrer l'immeuble dans le patrimoine du débiteur, mais en réalité à obtenir l'annulation des actes faits par le débiteur en fraude des droits de ses créanciers

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(art. 1167 du code civil). Cette annulation, il est vrai, a pour suite la réintégration de l'immeuble dans le patrimoine qui sert de gage aux créanciers; mais c'est là une circonstance ne profitant aux créanciers que d'une manière indirecte, et n'autorisant pas à dire qu'ils ont exercé un droit réel. Après le succès de leur action, les créanciers n'auront en effet acquis, ni un immeuble, ni rien de pareil à un droit réel. Ils auront tout simplement augmenté le patrimoine de leur débiteur, et par conséquent le gage personnel qui répond des sommes avancées par eux.

La cour d'Amiens a été plus loin encore que Dalloz, et considère l'action Paulienne comme réelle, parce qu'elle a pour but de faire rentrer des biens dans le domaine du débiteur (Amiens, 16 mars 1839, Dalloz, Rép., vo Action, sub no 85). La cour de cassation de France déclare, dans son arrêt du 27 décembre 1843, que l'action dont il s'agit est personnelle ou au moins mixte. Elle semble donner la préférence à la première de ces deux qualifications, et appuie ainsi de son autorité l'opinion que nous croyons devoir adopter (v. l'arrêt dans Dalloz, Rép., vo Action, sub no 85).

Il va de soi, que si l'action Paulienne n'avait pour objet que de faire annuler une vente de meubles, elle serait purement personnelle. Aucune controverse sérieuse ne peut être soulevée sur ce point. Arrêt de cassation française du 15 juillet 1818 (Dalloz, loc. cit., n° 85).

39. Quel est le caractère de l'action en rescision d'une vente pour cause de lésion?

L'art. 1674 du code civil donue au vendeur la faculté de demander la rescision de la vente, s'il a été lésé de plus de sept douzièmes dans le prix qu'il a obtenu pour un immeuble. D'autre part, l'art. 1681 du même code permet à l'acquéreur, pour le cas où l'action en rescision est admise, de rendre la chose en retirant le prix qu'il en a payé, ou de garder le fonds en payant le supplément du juste prix, sous la déduction du dixième du prix total. Le tiers possesseur a le même droit, sauf sa garantie contre son vendeur.

de l'acquéreur, et réelle à l'égard des tiers détenteurs.

Cette opinion de Duvergier, quant au caractère de l'action vis-à-vis de l'acquéreur, a été confirmée par plusieurs arrêts français, notamment par deux arrêts de la cour de cassation en date des 23 prairial an x11, et 24 mai 1806 (Dalloz, Rép., vo Action, nos 148 et 167; voir aussi même auteur, vo Vente judiciaire). La même opinion est adoptée encore par un arrêt de Riom, du 1er décembre 1808 (S.-V., 12, 2, p. 197), et par un arrêt de Nimes du 27 août 1847 (Pas., 47, 2, p. 633.)

L'opinion de Duranton et de Troplong, qui donne un caractère mixte à l'action contre l'acquéreur, trouve sa confirmation dans un arrêt de la cour de Paris du 13 mars 1817 (S.-V., 18, 2, p. 99), dans un arrêt de la cour de Bourges du 25 janvier 1852 et dans un jugement du tribunal de la Seine du 9 mars 1828 (Dalloz, Rép., v° Action, sub no 167). La cour de cassation elle-même a jugé contrairement à ses arrêts des 24 prairial au xii et 24 mai 1806 par ses derniers arrêts du 5 novembre 1806 (S.-V., 6, 1, p. 51), et du 13 février 1822 (Jurisp. du xixe siècle, 32, 1, p. 681).

C'est à cette dernière opinion que nous n'hésitons pas à nous rallier.

La cour de cassation de France a versé dans une profonde erreur lorsqu'elle a déclaré, dans dans son arrêt du 24 prairial an xii, que l'action en rescision a pour objet principal et direct le supplément du juste prix de l'immeuble vendu ; que si elle a pour effet de faire rentrer l'immeuble entre les mains du vendeur, ce n'est qu'éventuellement, au cas où l'acquéreur aime mieux le rendre au vendeur que suppléer le prix.

C'était là confondre le but de l'action avec la défense qui pouvait être opposée au demandeur lorsque l'action était intentée. Le but de la demande est incontestablement la rescision de la vente, et la restitution de l'immeuble par l'acquéreur. Cela est si vrai qu'il ne dépend pas du vendeur d'obtenir un supplément de prix. Le seul effet qu'il puisse attendre de son action, c'est que la vente soit considérée comme nulle. Comment donc chercher le caractère de la demande dans la réponse que le défendeur peut faire à la demande en rescision, c'est-à-dire dans l'offre qu'il peut présenter de payer le supplément du prix sous déduction d'un dixième? Une offre éventuelle du défendeur ne peut évidemment caractériser l'action que le demandeur le droit d'intenter.

La question de savoir si de ces deux articles il résulte au profit du vendeur une action personnelle, une action réelle, ou une action mixte, est l'une de celles qui ont le plus divisé les auteurs et la jurisprudence. Selon Delvincourt, t. 3, p. 164; Duranton, t. 16, no 452; Troplong, nos 805 et s.; Boncenne, Théorie de la procédure, t. 1, p. 75; Rauter, Cours de procé-a dure, no 55, et Joccotton, nos 304 et 305, l'action est mixte à l'égard de l'acquéreur, et réelle à l'égard des tiers détenteurs. Selon Carré, n° 221 et 223, l'action est personnelle à l'égard de l'acquéreur, et mixte à l'égard des tiers dé

tenteurs.

D'après Poncet, no 119, l'action est personnelle, même à l'égard des tiers détenteurs. D'après Duvergier, t. 2, nos 93 et 94, et Pigeau, Comm., t. 1, p. 163, elle est personnelle à l'égard

Le caractère personnel de l'action en rescision contre l'acheteur ne peut non plus être révoqué en doute. C'est à cause du contrat de vente intervenu entre parties que l'action peut être intentée, et c'est de l'une des clauses de ce contrat, l'insuffisance du prix, que le vendeur tire son droit contre l'acheteur. Donc l'action est mixte.

Vis-à-vis du tiers détenteur, le caractère personnel de l'action disparaît, et celle-ci de

meure purement réelle. Le vendeur poursuit ⚫ici son immeuble entre les mains d'une personne contre laquelle il ne peut invoquer aucun lien de droit, et qu'il ne peut poursuivre qu'à raison de la possession de l'immeuble.

40. Quant au caractère qu'il faut assigner à l'action dans les divers cas de résolution de donation, ce caractère se règlera d'après les principes que nous avons énoncés dans les numéros précédents, particulièrement en ce qui concerne les demandes en nullité des actes et celles en restitution d'immeubles qui en sont la suite (n° 27, 28, 36 et 37), les actions en résolution de la vente par suite de réméré (no 34 et 35) et les actions en rescision pour cause de lésion (no 39). Notons seulement les auteurs et les arrêts qui se sont prononcés sur les différentes questions qui se sont présentées.

L'action en révocation d'une donation, pour cause d'ingratitude, est personnelle, disent Poncet, no 122, et Joccotton, no 310.

En est-il de même quand l'action a pour cause l'inexécution des conditions de la donation? D'après Joccotton, no 309 bis, l'action en ce cas est mixte. D'après Poncet, au contraire, l'action reste personnelle (no 122).

Si la révocation a pour cause une survenance d'enfants, l'action est réelle d'après Poncet, n° 122. Suivant Joccotton, no 311, elle reste mixte, comme dans le cas précédent. Nous adoptons cette solution.

Que faut-il penser de la demande formée par un créancier en nullité, pour cause de fraude, d'une donation d'immeubles faite par son débiteur à un tiers? La cour d'Amiens, 16 mars 1839 (Pas., 40, 2, 10), a décidé qu'une telle action est réelle.

La cour de cassation de France a jugé en sens contraire, que l'action intentée par les créanciers d'un donateur d'immeubles contre le donataire à fin de nullité de la donation, comme entachée de fraude, est une action personnelle, ou tout au moins une action mixte, 27 décembre 1843 (Pas. 44, 1, 122). Nous préférons cette dernière opinion.

41. Quant à l'action en nullité d'un testament dirigée par l'héritier naturel contre l'héritier institué, la cour d'Orléans a décidé qu'une telle action était purement personnelle (21 août 1829). Cette doctrine, qui reçoit l'approbation de Dalloz (vo Action, no 102), nous paraît fondée. Aucune demande en partage ou en pétition d'hérédité n'était en effet jointe à l'action en nullité. Mais nous croyons que l'action deviendrait mixte si une pareille demande y était jointe. Le tribunal compétent serait alors celui de l'ouverture de la succession (art. 59, code de proc.). La cour de cassation de France a cependant décidé en sens contraire, que l'action intentée par l'héritier naturel, en nullité du testament et en délaissement des biens de la succession, était une demande purement personnelle (18 janvier 1820; Dalloz, vo Action, sub n° 107, note 4). La raison invoquée par la cour

de cassation est que la demande en nullité de testament est de toute nécessité préjudicielle à toute autre réclamation de la part de l'héritier naturel. Le caractère purement personnel de cette demande influe ainsi sur la contestation tout entière. Cette raison ne nous semble pas péremptoire. Qu'importe en effet qu'une partie de la demande soit préjudicielle à une autre partie de la demande, si l'action contient en réalité une double réclamation. C'est dans son entier que le juge devra envisager la demande, et non dans une de ses parties seulement, pour savoir si la loi lui accorde ou lui refuse compétence.

L'action en licitation d'un immeuble resté indivis entre cohéritiers après partage, n'est pas à vrai dire une action en partage, de la compétence exclusive du tribunal du lieu où la succession s'est ouverte, mais c'est une véritable action mixte. Cour de cassation de France, 11 mai 1807 (Pas. 7, 1, 267); Paris, 22 novembre 1838 (Pas. 39, 2, 210). Merlin, Rép., vo Licitation, § 2, no 2; Toullier, t. 4, n° 413; Chabot, Successions, art. 822, no 3; Vazeille, ibid, no 7; Duranton, t. 7, n° 137; Carré, Lois de la procédure, question 262; Joccotton, n° 552; Rodière, Procédure civile, t. 1, p. 117, partagent la même opinion.

Cette action est en droit français une simple action en partage d'un fonds, actio communi dividundo, que le droit romain avait rangée parmi les actions mixtes. Voy. supra, no 22.

Lorsqu'il s'agit de biens meubles ou immeubles provenant d'une succession, les héritiers ne peuvent donc en aucun cas assigner leurs cohéritiers devant le juge de paix, quelque minime d'ailleurs que soit la réclamation qu'ils élèvent, et alors même que les opérations du partage auraient été clôturées.

C'est ainsi que le tribunal de Charleroy a jugé avec beaucoup de raison que le juge de paix n'est pas compétent pour connaître de l'action en payement de la valeur des objets d'une succession que des héritiers prétendent avoir été recélés par leurs cohéritiers, quand même cette valeur n'excéderait pas 200 fr.

S'il y a eu un partage antérieur, il faut en ce cas intenter une action en partage supplémentaire, laquelle est de la compétence du tribunal du lieu de l'ouverture de la succession. Tribunal de Charleroy, 3 décembre 1859 (Cloes et Bonjean, t. IX, p. 470).

La découverte d'objets recélés ne donnait pas aux héritiers une action directe en restitution de ces objets, mais faisait naître à leur profit une action en partage qui ne peut en aucun cas être intentée ailleurs qu'au lieu où la succession s'est ouverte.

42. Quel caractère faut-il assigner à l'action en indemnité, lorsqu'elle prend sa source dans un droit immobilier?

Une telle action ne cesse pas, pensons-nous, d'être personnelle et mobilière; son objet est l'obtention d'une somme d'argent, et pour dé

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