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Ces considérations si puissantes ne peuvent être invoquées sous l'empire de la loi française de 1838.

Le législateur français a suivi une marche toute différente de celle du législateur belge. La loi française sur les tribunaux de première instance a précédé celle relative aux justices de paix. La première est du 11 avril, la seconde du 25 mai 1838. Dans la loi sur les justices de paix, le principe de la fixation de la demande en résolution de bail n'est admis que timidement et pour un cas spécial. On conçoit dès lors qu'on ne puisse étendre la règle à une loi précédente et pour tous les cas possibles. C'est ce qui fait écarter par Dalloz l'argument tiré de l'art. 3 de la loi du 25 mai 1838 (Répert., vo Degrés de jurid., no 283, in fine), et ce qui explique la nombreuse jurisprudence française

que nous avons citée.

Nous venons d'exposer les raisons qui, sous l'empire de notre loi de 1841, nous engagent à assimiler les tribunaux de première instance aux justices de paix sous le rapport de l'évaluation des actions en résolution de baux.

Considérons maintenant ces demandes en elles-mêmes. Ont-elles en réalité une valeur autre que celle des loyers pour toute la durée du bail?

Pour le prétendre on s'appuie sur une double considération.

D'abord, dit-on, la valeur du bail ne se mesure pas par le prix que paye le preneur pour la jouissance. Le preneur a droit de compter sur | un certain bénéfice résultant de l'exploitation. La demande en résolution, si elle triomphe, lui fait perdre ce bénéfice. Le litige a donc une valeur supérieure à celle des loyers pour toute la durée du bail, et cette valeur est indéterminée. - Sous l'empire de la loi belge de 1841, cette valeur devrait être fixée par le demandeur conformément à l'art. 15.

Ce raisonnement se base sur une véritable confusion d'idées. Il est certain que, dans la plupart des cas, le preneur réalise un bénéfice. Ce bénéfice est surtout sensible lorsqu'il s'agit de biens ruraux dont les fruits sont vendus par l'exploitant à un prix de beaucoup supérieur à celui qui est dû au bailleur. Mais d'autre part, le profit que le preneur espère retirer de l'exploitation de l'héritage est complétement incertain. Il se peut que des récoltes entières soient manquées ou que leur vente ne produise pas de bénéfices sur le prix du bail. L'avantage résultant de l'exploitation cessera alors d'exister, et cette exploitation se changera peut-être en une cause de ruine. Comment dès lors serait-il possible d'attribuer à l'exécution du contrat une valeur particulière en dehors du prix qui s'y trouve mentionné?

Remarquons de plus que le bail seul forme la loi et fixe les obligations des parties entre elles. Le profit à réaliser ou la perte à essuyer par le preneur sont des faits en dehors de tout con

trat. Ils dérivent tout à la fois de l'intelligence, de l'habileté de l'exploitant et des chances plus ou moins heureuses qui se présentent pour lui. Ces circonstances ne changent en aucun cas la valeur du contrat en lui-même. On ne peut donc sans erreur manifeste attribuer au bail.une valeur qui, d'une part, ne repose que sur des faits incertains, et qui, d'autre part, ne dérive que de circonstances complétement étrangères au contrat de bail.

Tout au moins, dit-on, dans une demande en résiliation de bail, la valeur de l'action se trouve augmentée des frais de déplacement, et des frais d'installation du preneur.

Ce sont là, nous l'avouons, des pertes pour le preneur. Des causes de déficit peuvent de même dériver pour le bailleur de ce que le bien reste non exploité pendant quelque temps, après la résolution de bail.

Que conclure de là? Evidemment que des indemnités peuvent être dues de part ou d'autre. Mais quant à ces réclamations qui peuvent s'élever de différents chefs, nous ne voyons aucune difficulté véritable. Si la résolution du bail prononcée contre l'une des parties est la suite d'une faute commise par elle dans l'exécution du contrat, rien ne s'oppose à ce que l'autre partie lui réclame des dommages-intérêts basés sur les pertes qui résulteront pour elle de la rupture de la convention. Ces dommages-intérêts seront alors un chef particulier de la demande, et leur chiffre viendra augmenter la valeur du litige. C'est ce que nous avons vu en parlant de l'art. 5 (supra, no 115; V. aussi supra, nos 73 et suiv. et nos 610 et suiv.).

Si au contraire aucune faute n'a été commise par l'une ou l'autre des parties, les désagréments et les pertes résultant de la résolution du bail seront simplement des suites de la rupture du contrat, accessoires qui ont dû être prévus par les contractants lors de la passation de l'acte.

Cette éventualité de la résolution du bail dans certaines circonstances mentionnées au contrat, aura nécessairement exercé de l'influence sur le prix de la location. Par conséquent ce prix sera toujours la mesure la plus exacte de la valeur du contrat entre parties, et il n'y aura pas à s'occuper des conséquences de la résolution.

Cette théorie est encore vivement combattue en France. Toutefois, elle y a trouvé l'appui d'une jurisprudence nombreuse qui se trouve rapportée dans Dalloz (Répert., vo Degrés de juridict., n° 284). Citons daus le même sens plusieurs arrêts français tout récents. Orléans, 20 mars 1850 (Pas., 50, 2, 450); Dijon, 28 juil let 1854 (S.-D., 55, 2, 176) et Besançon, 15 mars 1856 (S.-D., 56, 2, 564); Bioche et Goujet (Dict. de procédure, vo Ressort, no 49 et suiv.), se prononcent en faveur de la même opinion.

Depuis la loi de 1841, la jurisprudence belge a adopté presque unanimement le même principe. Cette jurisprudence se base sur l'analogie qui existe entre la résolution de bail demandée devant les tribunaux de première in

stance et celle réclamée devant les juges de paix et prévue par l'art. 5 de la loi du 25 mars 1841. Citons en ce sens les arrêts de Liége du 6 juillet 1850 (Pas., 50, 2, 277; Belg. jud., t. 8, p. 1438) et du 24 juillet 1851 (Pas., 52, 2, 50; Belg. jud., t. 11, p. 1277); ceux de Gand du 19 avril 1847 (Pas., 47, 2, 141) et du 19 mars 1847 (Pas., 49, 2, 328 et la note); et ceux de Bruxelles, du 4 décembre 1849 (Pas., 50, 2, 302); du 10 mai 1856 (Pas., 56, 2, 271; Belg. jud., t. 14, p. 755); du 7 avril 1857 (Pas., 57, 2, 311); et du 26 novembre 1863 (Belg. jud., t. 22, p. 121). Ce dernier arrêt a été précédé de remarquables conclusions de M. l'avocat général Hynderick. Elles sont rapportées dans la Belgique judiciaire. M. Cloes (Commentaire, n° 254) adopte la même opinion.

797. Si le principe adopté par l'art. 5 de la loi de 1841 quant à la valeur de la demande en résolution de bail doit s'appliquer à cette même résolution réclamée devant les tribunaux de première instance, il ne peut être douteux que les contestations à propos de réconduction tacite et de congé doivent être évaluées d'après le même mode.

soit en question entre le propriétaire et le locataire, la valeur de la demande devra être fixée non-seulement d'après la somme du loyer, mais encore d'après toutes les autres prestations accessoires qui seraient stipulées au profit du bailleur. Négliger ces prestations sous prétexte qu'elles sont accessoires, ce serait ne pas évaluer le litige dans son entier, et par conséquent, sortir des termes de la loi.

Ce principe que nous avons exposé (supra, no 97) en traitant des actions qui se présentent devant les justices de paix est défendu dans une note insérée à la Pasicrisie belge (1849, 2, p. 329). La cour de Gand, dans son arrêt du 19 mars 1847 (Pas., loc. cit.), n'a pas pensé qu'il y eût lieu à l'appliquer.

Rappelons à cet égard la distinction que nous avons faite entre les demandes accessoires et les demandes principales (supra, no 72 et suiv.; 596 à 613).

Toute prestation faisant partie du bail et n'ayant pas une valeur fixe, soit en argent, soit d'après les mercuriales, devra, d'après nous, être spécialement évaluée par le demandeur. A défaut d'évaluation, le juge devra appliquer la peine édictée par l'art. 15 de la loi. Mais dans le cas où le litige serait parvenu devant le juge d'appel sans que l'évaluation en ait été exigée, l'appel sera de droit, puisque le litige sera demeuré indéterminé dans une de ses parties. ARTICLE 20.

Bornons-nous à renvoyer aux développements que nous avons donnés sur ces différents points en traitant de l'art. 5 (supra, nos 102 et suiv.). 798. Qu'il s'agisse d'une action en payement de loyers ou fermages, ou que la résolution du bail

L'exécution provisoire, sans caution, sera ordonnée, mème d'office, s'il y a titre authentique, promesse reconnue ou condamnation précédente par jugement dont il n'y ait pas d'appel.

Dans tous les autres cas, l'exécution provisoire pourra être ordonnée avec ou sans

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808 bis. En matière d'expropriation forcée, l'adjudication définitive ne peut avoir lieu qu'en vertu d'un ju. gement en dernier ressort ou passé en force de chose jugée. Art. 2215 du code civil et art. 12 de la loi du 15 août 1834. — Portée du § 2 de cet art. 12 en ce qui touche lès jugements par défaut.

809. Opposition au mariage. - Matières intéressant l'état civil des citoyens. Circonspection particulièrement nécessaire au tribunal.

810.

803. Quand le tribunal, en ordonnant l'exécution provi-
soire, a négligé de rien stipuler quant à la caution,
le gagnant est-il dispensé de la fournir?
804. Faculté pour le juge d'ordonner le séquestre. (Arti-
cle 1961 du code civil.)
805. Dans quels cas particuliers le tribunal fera-t-il bien
d'ordonner l'exécution provisoire et de demander 812.
Ja caution?

806. Le tribunal peut-il prononcer l'exécution provisoire

pour les dépens? —L'art. 20 a-t-il porté atteinte à
l'art. 137 du code de procéd. civile?

811.

L'exécution provisoire peut-elle avoir lieu en matière de divorce?

Peut-elle avoir lieu en matière de séparation de corps ?

L'exécution provisoire peut-elle être ordonnée à l'égard des tiers. Sens de l'art. 548 du code de procéd. civile. Controverse. Exposition de l'affirmative sous l'empire de l'art. 135 du code de procédure.

807. L'art. 20 a-t-il porté atteinte à l'art. 155 du même 813. Exposition de la même opinion sous l'empire de code ?

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l'art. 20 de la loi de 1841.

Exposition de l'opinion contraire sous l'empire de l'art. 135 du code de procédure.

815. Cette opinion a-t-elle été modifiée par l'art. 20?
816. Le jugement statuant sur un déclinatoire pour in-

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rait naître chaque fois la question de savoir s'il est basé sur un titre authentique, une promesse reconnue ou une condamnation précédente; ce qui formerait l'objet d'une nouvelle contestation judiciaire.

799. L'art. 20 n'est que la reproduction textuelle de l'art. 9 du projet de loi dû à M. Ernst. La disposition forme deux paragraphes qui contiennent chacun un principe différent. Occupons-nous d'abord des cas où l'exécution provisoire peut être ordonnée même d'of-Du reste, la commission pas plus que le fice. gouvernement, n'a songé à porter quelque changement à l'art. 155 du code de procédure, relatif aux jugements par défaut, ni à l'art. 137 du code de procédure, relatif aux condamnations aux dépens du procès.» (Rapport au nom de la commission spéciale séance du 25 janvier 1839, L. sur la compétence, p. 39 et 40.)

Le paragraphe 1er de l'article 20 fait cesser, comme le dit M. Delwarde, la question de savoir si, dans le cas qu'elle détermine l'exécution provisoire pouvait être ordonnée sans qu'elle fût demandée (Observations sur le projet de loi, p. 50). Voici, du reste, en quels termes M. Liedts expliquait à cet égard les intentions du législateur : Dans son rapport au nom de la commission du «En vertu de la maxime provision est due au sénat, M. de Haussy tenait un langage analogue: titre, le code de procédure civile (art. 135) avait « L'art. 19, devenu l'art. 20, cousacre deux fait une obligation pour les juges de déclarer innovations importantes à la législation actuelle: leurs jugements exécutoires par provision et suivant l'art. 135 du code de procédure, l'exésans caution, chaque fois que la partie, s'ap-cution provisoire doit être ordonnée sans canpuyant sur un titre authentique, une promesse reconnue ou une condamnation précédente, par jugement dont il n'y eût point d'appel, en faisait la demande au tribunal.

Mais cette disposition, si salutaire et si propre à prévenir des appels mal fondés, manquait souvent son but par cela seul que le juge ne devait et ne pouvait même pas prononcer l'exécution provisoire lorsqu'elle n'était pas demandée. Le gouvernement vous propose d'étendre le pouvoir du juge en lui ordonnant de prononcer l'exécution provisoire, même d'office, dans les cas prévus par l'art. 155 du code de procédure civile.

tion, s'il y a titre authentique, promesse reconnue ou condamnation précédente dont il n'y a pas appel; mais le juge ne peut l'ordonner que lorsqu'elle est demandée, et il n'arrive que trop souvent que la partie néglige de le faire, et se trouve ainsi exposée à subir les longueurs et les frais d'une instance d'appel. Le 1er § de l'article 19 obviera à cet inconvénient, en imposant au juge l'obligation de prononcer l'exécution provisoire, même d'office, dans les cas qui viennent d'être énumérés. » (Séance du 12 décembre 1840; L. sur la compétence, p. 138.)

Il résulte de ces explications que le paragraphe 1er de l'art. 20 n'a rien ajouté au paragraphe 1er de l'art. 135 du code de procédure civile au point de vue des cas où l'exécution provisoire doit être ordonnée sans caution. L'inno

Il semble en effet que, lorsqu'une partie a en sa faveur un titre reconnu, qui a été l'objet d'une contestation déclarée non fondée, il ne faut pas que celui qui succombe puisse paraly-vation introduite dans l'art. 20 de la loi de 1841 ser une seconde fois l'exécution provisoire de ce titre, en interjetant appel. C'est punir trop sévèrement celui qui triomphe que de lui enlever le droit d'exécution provisoire, parce qu'il a omis d'en faire la demande expresse au tribunal.

La commission avait cru un instant qu'il était possible d'aller plus loin que le projet du gouvernement, et que l'on pouvait sans inconvénient déclarer les jugements, dans les cas dont nous nous occupons, exécutoires de plein droit, sans déclaration du juge; mais un examen plus approfondi a fait voir qu'en l'absence d'une décision formelle du jugement, son exécution fe

consiste simplement en ce que, dans les trois cas énumérés, le juge doit prononcer l'exécu tion provisoire mème d'office. L'exécution provisoire est jugée si utile pour ces cas, que le plaideur.qui a obtenu gain de cause n'est pas censé y avoir renoncé, par cela seul qu'il ne la demande pas. Le juge doit suppléer au silence de la partie. L'exécution provisoire est d'ordre public. C'est en ce sens que s'est prononcée la cour de Liége en décidant que si la demande est basée sur un acte authentique il appartient au juge d'ordonner, même d'office, l'exécution provisoire de son jugement nonobstant opposition ou appel. Liége, 17 février 1844 (rapporté

en sommaire seulement (Pas., 44, 2, 342). Plusieurs difficultés sont nées sous l'empire du paragraphe 1er de l'art. 135, code de procédure civile, sur le sens qu'il convenait de donner aux mots titre authentique, promesse reconnue et condamnation précédente. Ces difficultés sont restées les mêmes aujourd'hui. Renvoyons donc sur ce point à Dalloz (Répert., v° Jugement, nos 607 à 636).

Remarquons seulement qu'il faut se garder d'appliquer l'art. 20 de la loi de 1841 au cas où des titres authentiques différents et opposés les uns aux autres sont versés au procès. L'art. 20 est de même inapplicable quand la promesse, bien que reconnue quant à son existence, est contestée au point de vue de sa validité. L'article 20 doit être interprété dans ce cas, exactement comme l'art. 135, dont il n'est que la reproduction. La cour de cassation de Belgique a décidé en ce sens que cet art. 135 qui veut que la promesse reconnue soit provisoirement exécutée, ne reçoit point son application au cas où la validité de la promesse est contestée et que les titres produits de part et d'autre sont en opposition les uns aux autres. » 5 février 1852 (Pas., 53, 1, 157.)

800. Examinons maintenant la valeur du paragraphe 2 de la disposition.

M. Liedts, dans son rapport à la chambre, justifiait en ces termes l'importante innovation contenue dans ce paragraphe : Dans la seconde partie de l'art. 135 du code de procédure, le législateur énumérait sept cas où il était permis aux tribunaux d'ordonner l'exécution provisoire nonobstant appel avec ou sans caution. Tous ceux qui ont jamais été dans le cas d'appliquer cette disposition attesteront qu'ils ont trouvé cette nomenclature très-incomplète, et que bien souvent ils ont regretté de ne pouvoir accorder à la partie qui obticut gain de cause l'exécution provisoire du jugement, afin d'enlever ainsi à l'autre partie tout espoir de pousser plus loin ses prétentions absurdes et vexatoires. C'est qu'en effet il se présente parfois des plaideurs assez éhontés pour soumettre aux tribunaux des réclamations qui portent l'empreinte la plus palpable de la haine ou de la vengeance, et dont le moindre examen prouve l'absurdité. N'est-il pas déplorable que le juge ne puisse pas donner, dans ce cas, à ses jugements une sanction qui sorte de la règle générale? Quelle crainte fondée pourrait avoir le législateur de lui confier ce pouvoir? celle qu'on en abuse? Mais un tribunal de première instance, dans les cas où il est compétent, mérite-t-il moins de confiance qu'un simple juge de paix statuant dans le cercle de ses attributions? Et cependant ce magistrat inférieur a toujours joui de la faculté que l'article propose de conférer aux juges de première in

stance.

«La commission n'a donc pas hésité à adopter la seconde partie de l'art. 9 du projet du gouvernement, telle qu'elle a été proposée. » (L. sur la compétence, loc. cit.)

Le rapport de M. de Haussy au sénat justifiait la disposition par des motifs analogues. «Votre commission a reconnu, disait ce rapport, l'utilité de ces deux innovations, dont l'effet infaillible sera de diminuer le nombre de ces appels téméraires dictés par la passion, l'esprit de chicane ou de vengeance, et que l'on n'interjettera plus avec la même facilité lorsqu'ils n'auront plus pour effet de suspendre l'exécution des jugements. S'occupant plus spécialement du paragraphe 2 de la disposition, M. de Haussy ajoutait : « Il n'est pas à craindre non plus que les tribunaux abusent de ce pouvoir, qui ne sera entre leurs mains qu'une arme répressive de la mauvaise foi; l'esprit de sagesse et de prudence qui anime la magistrature belge, garantit assez qu'elle n'usera de cette faculté qu'avec une grande circonspection, et jamais dans les cas où les questions qu'elle sera appelée à résoudre présenteront des difficultés assez graves, des doutes assez sérieux pour que l'on puisse prévoir l'éventualité de la réformation du jugement. Une autre garantie encore se trouvera dans l'intérêt même de la partie qui aura obtenu le jugement, et qui ne se décidera pas facilement à pratiquer une exécution provisoire, qui pourrait attirer sur elle des dommages-intérêts considérables, si le jugement venait à être réformé. » (L. sur la compétence, loc. cit.)

Le paragraphe 2 de notre disposition a donc pour objet de remplacer le paragraphe 2 de l'ar ticle 135 du code de procédure. Il s'était élevé une controverse sur la question de savoir si l'énumération contenue dans cette dernière disposition était restrictive ou simplement énonciative. L'art. 20 tranche cette controverse. Il déclare que, dans tous les cas; l'exécution provisoire pourra être ordonnée avec ou sans caution.

Il est donc certain aujourd'hui que le juge n'est plus obligé, pour prononcer l'exécution provisoire, de se trouver dans l'un des cas énumérés à l'art. 135. Le juge peut prononcer l'exécution provisoire dans tous les cas possibles. Il n'est lié à cet égard que par sa conscience.

Sous l'empire de l'art. 20, comme sous le code de procédure, le tribunal qui prononce l'exécution provisoire peut exiger une caution ou n'en pas exiger. A ce point de vue, la loi nouvelle n'a rien changé à la législation antérieure.

801. Remarquons les différences essentielles qui séparent le paragraphe 2 de l'art. 20, de l'alinéa premier de la même disposition.

Hors des cas spécialement énumérés dans co premier alinéa, le tribuual est libre de prononcer l'exécution provisoire ou de la refuser. Il est libre de l'accorder avec la garantie de la caution, et aussi sans aucune garantie. Au contraire, dans les trois hypotheses spécifiées au paragraphe 1er de l'article, le tribunal est obligé de prononcer l'exécution provisoire, et jamais il ne peut exiger de caution.

802. De plus, dans les cas où l'exécution

provisoire est dans les pouvoirs du juge, sans | lui être imposée, il n'y a aucun doute que cette mesure ne pourrait être prise d'office.

Et en effet il était généralement admis sous l'empire du code de procédure, que l'exécution provisoire ne pouvait être prononcée d'office. L'art. 20 de la loi de 1841 a dérogé à cette règle en ce qui concerne trois cas spéciaux énumérés dans son paragraphe 1er. Mais il n'a rien changé au droit existant pour tous les autres cas dont parle le paragraphe 2 de la disposition. A défant d'un texte qui n'existe pas, nous devons donc conclure que le législateur de 1841 n'a pas voulu en général accorder au juge le droit de prononcer l'exécution provisoire d'office. Les raisons spéciales qui militaient en faveur de l'introduction de cette règle dans le paragraphe 1er de la disposition, perdaient d'ailleurs une grande partie de leur force dans le cas du paragraphe 2 (supra, notre no 799).

Les explications données par M. le ministre de la justice au sénat confirment encore notre manière de voir à cet égard.

« Je demanderai à M. le ministre une explication, disait M. de Haussy à propos de l'art. 20: Dans le premier paragraphe il est dit que l'exécution provisoire sera ordonnée même d'office, s'il y a titre authentique, etc., mais ces mots ne sont pas répétés dans le second paragraphe; est-il bien entendu alors qu'elle ne pourra pas être prononcée d'office et qu'on devra la demander? >

Voici quelle fut la réponse du ministre interpellé :

Ce paragraphe 1er déroge à la règle générale, qui est que les juges ne peuvent pas prononcer l'exécution provisoire d'office. Le second paragraphe rentre dans la règle générale. Il est dit que les juges pourront la prononcer d'office, quand il s'agira d'affaires claires, parce qu'il n'y a pas de danger lorsqu'il y a titre authentique, promesse reconnue ou condamnation. Mais pour tous les autres cas il serait dangereux d'autoriser les juges à prononcer l'exécution d'office. >

Cette interprétation, toute naturelle d'ailleurs de l'art. 20, ne nous paraît pas laisser place au moindre doute. Dans le cas où le paragraphe 2 de la disposition est applicable, l'exécution provisoire ne peut jamais être prononcée d'office. Il faut que la partie intéressée la réclame. C'est ce que la cour de Bruxelles a décidé par arrêt du 1er juillet 1863 (Pas., 64, 2, 46).

803. Dans les cas prévus par le paragraphe 1er de l'art. 20, il est interdit au tribunal d'imposer la caution à celui qui exécute provisoirement. Dans toutes les autres hypothèses (paragraphe 2), le tribunal peut imposer la caution ou dispenser le gagnant de la fournir. Mais supposons que le juge se soit abstenu de rien stipuler à cet égard dans son jugement et ne parle pas de la caution, que faudrait-il en conclure? Ce silence équivaudrait-il à une dispense de caution?

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Nous ne le pensons pas.

Il ne faut pas perdre de vue que l'exécution provisoire est une faveur que le tribunal accorde au demandeur. A défaut de cette mesure spécialement ordonnée par le tribunal, l'exécution serait suspendue par l'appel. Cette mesure doit donc être interprétée strictement. Dans le cas où le juge ne prononce pas formellement la dispense de caution, on ne peut induire de son silence qu'il ait voulu ajouter une nouvelle faveur à l'exécution provisoire. Ce serait ajouter à la volonté du tribunal et sortir des termes du jugement.

En général, d'ailleurs, l'exécution provisoire ne doit être ordonnée que moyennant caution. La caution est une garantie toute naturelle que l'exécution ne rendra pas l'appel illusoire. Lorsque le juge a omis de s'expliquer sur la caution, il faut présumer qu'il a voulu s'en référer la règle générale.

à

Telle est aussi l'opinion de M. Cloes (Commentaire, no 260).

804. Il est à peine besoin de dire que l'article 20 de la loi de 1841 ne fait aucun obstacle à ce que le juge use d'une faculté qui lui est conférée par le code civil, celle de nommer un séquestre. Aux termes de l'art. 1964 du code civil,

la justice peut ordonner le séquestre d'un immeuble ou d'une chose mobilière dont la propriété ou la possession est litigieuse entre deux ou plusieurs personnes. Si le tribunal ne juge pas à propos d'imposer la caution, il peut, afin de donner toutes garanties au perdant, user de la faculté donnée par la disposition du code civil. Cet article est resté en vigueur sous l'empire de la loi de 1841, comme sous celui de l'article 155 du code de procédure.

805. Dans l'hypothèse prévue par le second paragraphe de la disposition, le juge a, nous l'avons vu, un véritable pouvoir discrétionnaire au point de vue de la prononciation de l'exécution provisoire, et de l'admission de la caution. Mais il appartient à la magistrature de s'imposer une extrême circonspection dans l'exercice de la faculté que la loi lui confère. L'exécution provisoire ne doit jamais être qu'une mesure exceptionnelle justifiée par l'évidence du droit de l'une des parties, ou par la certitude de la mauvaise foi chez son adversaire. C'est en ce sens que M. de Haussy restreignait l'exercice d'une mesure qui peut compromettre les intérêts les plus graves (rapport au sénat, supra, n° 800).

Dans son discours devant la cour d'appel de Liége, M. Raikem présente sur le même objet quelques observations qui nous paraissent empreintes d'un caractère de haute raison, et que nous croyons utile de transcrire, parce qu'elles peuvent servir de guide aux magistrats dans la plupart des cas qui se présentent.

Si l'on se pénètre bien, dit l'éminent jurisconsulte, du mode à suivre pour arriver à une bonne exécution (de l'art. 20), on peut s'en promettre des résultats avantageux.

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