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DES TRIBUNAUX DE COMMERCE.

été mises en harmonie avec celles relatives à la compétence des juges de paix et avec celles qui se rapportent aux tribunaux de première instance. Les tribunaux de commerce jugent en dernier ressort les actions de leur compétence jusqu'à la valeur de 2,000 fr. en principal.

Ces expressions doivent être interprétées comme si l'article disait: jusqu'à et y compris la valeur de 2,000 fr. C'est ce que nous avons établi à propos des justices de paix et des tribunaux ordinaires (supra, no 54 et 552).

830. Remarquons que si l'art. 21 de la loi de 1841 est venu remplacer le § 1er de l'art. 639 du code de commerce, il a laissé debout le § 2 de la même disposition qui se rapporte à un tout autre objet, à la prorogation volontaire de juridiction de la part des parties.

Ainsi les tribunaux de commerce continuent à juger en dernier ressort toutes les demandes où les parties justiciables de ces tribunaux et usant de leurs droits, auront déclaré vouloir être jugées définitivement et sans appel.

831. La loi française du 3 mars 1840 a modifié la compétence des juges consulaires. De même que la loi belge, elle maintient le chiffre de la compétence commerciale en harmonie avec celui de la compétence des tribunaux civils (supra, no 549).

Voici l'art. 1er de la loi du 3 mars 1840 sur les tribunaux de commerce: «L'art. 639 du code de commerce est rectifié ainsi qu'il suit : « Les ⚫ tribunaux de commerce jugeront en dernier ressort 1° Toutes les demandes dans lesquelles les parties justiciables de ces tribunaux, et usant de leurs droits, auront déclaré vouloir être jugées définitivement et sans appel; 2° Toutes les demandes dont le • principal n'excédera pas la valeur de 1,500 fr.; 3o Les demandes reconventionnelles ou en compensation, lors même que, réunies à la demande principale, elles excéderaient <1,500 fr. Si l'une des demandes, princi

pale ou reconventionnelle, s'élève au-dessus des limites ci-dessus indiquées, le tribunal ne prononcera sur toutes qu'en premier res« sort. Néanmoins, il sera statué en dernier ressort sur les demandes en dommages-intérêts, lorsqu'elles seront fondées exclusivement sur la demande principale elle-même. › Comme nous le voyons, la loi française maintient les expressions du code de commerce : demandes dont le principal n'excédera pas. › Il y a donc, entre cette disposition et l'art. 1er de la loi française du 11 avril 1838, une disparate que le législateur belge a eu soin de supprimer (supra, no 829). La controverse sur la portée des expressions jusqu'à la valeur de..., a donc reçu en France un nouvel aliment résultant des expressions insérées dans la loi de 1840.

La loi française de 1840 traite aussi spécialement des demandes reconventionnelles. La loi belge parle de même de ces demandes dans l'art. 22 qui a été inséré dans les dispositions générales, parce qu'il concerne tous les genres de litiges.

832. Nous n'avons pas à revenir sur la question de savoir si les art. 15, 16 et 17 de la loi de 1841 sont applicables aux litiges commerciaux. Nous croyons avoir établi l'affirmative et nous nous bornons à renvoyer sur ce point aux no 735 et 759.

833. Quant à l'applicabilité de l'art. 20 aux litiges commerciaux, nous avons adopté la négative. Nous pensons que cet article 20 est spécial aux tribunaux de première instance. Nous avons justifié notre opinion aux no 821 à 823.

D'ailleurs toutes les règles qui concernent, soit la fixation de la valeur du litige, soit l'évaluation, soit le rachat, sont applicables aux tribunaux de commerce. Renvoyons, à cet égard, d'une manière générale aux observations auxquelles les art. 14, 15, 16 et 17 ont donné lieu (n° 545 à 775).

DISPOSITIONS GÉNÉRALES.

ARTICLE 22.

Lorsque à la demande principale il est opposé une demande reconventionnelle ou en compensation, et que chacune d'elles est susceptible d'ètre jugée en dernier ressort, le juge de paix ou le tribunal de première instance prononcent sur toutes sans appel. Si l'une des demandes n'est susceptible d'être jugée qu'à charge d'appel, il ne sera prononcé sur toutes qu'en premier ressort.

Si la demande reconventionnelle ou en compensation excède les limites de la conipétence du juge de paix, il pourra, soit retenir le jugement de la demande principale, soit renvoyer sur le tout les parties à se pourvoir devant le tribunal de première instance, sans préliminaire de conciliation.

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837. Paragraphe 1er de la disposition. Principe admis 849. Au cas de désistement complet ou partiel quant à sous l'empire de la loi de 1790.

838. Innovation introduite par les lois françaises de 1838
et par l'art. 22 de la loi de 1841. Motifs.
839. Jurisprudence. Hypothèse où la demande princi-
pale et la demande reconventionnelle demeurent
l'une et l'autre au-dessous du taux du dernier
ressort.

40. Hypothèse où la demande principale ou bien la de-
mande reconventionnelle est supérieure au taux
du dernier ressort. Hypothèse où toutes les deux
sont supérieures à ce taux.

841. Une demande introduite par assignation séparée mais connexe à une première demande peut-elle être considérée comme reconventionnelle et entraîner le droit d'appel pour l'ensemble de la contestation.

842. Inefficacité de la qualification du jugement au point de vue du ressort.

843. Les dommages-intérêts réclamés par le défendeur concourent-ils à la fixation du ressort.- - Dommages-intérêts ayant une base antérieure à la demande. Principe de l'art. 22.

la demande reconventionnelle, comment se règle le ressort ?

850. Nécessité de l'évaluation de la demande reconventionnelle. (Supra, no 733.)

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853. Ces principes ont-ils été modifiés en France par la loi du 11 avril 1838 et en Belgique par celle du 25 mars 1841 ?

854. L'art. 22 ne peut recevoir d'application que si la

reconvention peut s'exercer. Dans quels cas la reconvention existe-t-elle véritablement? Assimilation de la reconvention à la prorogation par la volonté des parties.

855. Applications du principe. Incompétence d'un juge d'exception pour décider une contestation ordinaire ou une contestation déférée à un autre tribunal d'exception.

844. Dommages-intérêts basés sur la demande elle-même. 856. Un tribunal ordinaire peut-il se prononcer reconPrincipes existant avant la loi de 1841.

845. Portée de l'art. 22 au point de vue des dommages

intérêts lorsqu'ils sont basés sur la demande principale. Raisons à l'appui de l'opinion qui considère ces demandes en dommages-intérêts comme des demandes reconventionnelles.

857.

ventionnellement sur une contestation qui par sa nature appartient à un tribunal d'exception? Ren

voi au no 15.

Lorsque la demande reconventionnelle est rejetée, cesse-t-elle d'influer sur le ressort?

858.

846. Raison à l'appui de l'opinion contraire.
846 bis. La demande en dommages-intérêts basée sur
la réclamation principale est-elle susceptible

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859. Y a-t-il du moins lieu à appel quant à la question

de compétence?

860. L'art. 22 est-il applicable aux tribunaux de commerce ?

861. Paragraphe 2 de l'art. 22. Dispense du préliminaire de conciliation.

861 bis. Analogie de ce paragraphe avec le § 3 de l'art. 8. Loi française du 25 mai 1858.

862. Portée du § 2 de l'art. 22.

863. Pour user de la faculté que lui confère l'art. 22, le

juge de paix doit-il attendre des conclusions de la part des parties?

864. Difficulté du choix à faire par le juge de paix. 865. Maintien, sous la loi de 1841, des principes existant en matière de compensation. Obligation pour le juge de paix d'admettre immédiatement la compensation opposée à la demande produite devant lui.

866. Comment le juge de paix doit-il statuer sur les dépens?

COMMENTAIRE.

834. L'article 22 met sur la même ligne les demandes reconventionnelles et celles en compensation. Il n'y a donc pas lieu de nous préoccuper des distinctions établies par les auteurs entre ces deux sortes d'actions. Bornons-nous à dire que la demande reconventionnelle a le plus souvent pour objet d'arriver à la compensation, c'est-à-dire à l'extinction d'une dette par la production d'une créance (art. 1289 et suiv. c. c.).

Certains auteurs prétendent même que la demande reconventionnelle n'a jamais d'autre but que la compensation.

Ainsi Benech (t. 2, p. 369) déclare expressément que la demande reconventionnelle ne constitue qu'un moyen d'arriver ultérieurement à la compensation. Henrion de Pansey (Autorité judiciaire, t. 1, chap. 21) dit dans le même sens : S'il y a un compte à faire, c'est le cas de la reconvention. Marcadé décide que la demande en compensation élevée eu justice pour repousser ou atténuer les conclusions du demandeur reçoit quelquefois le nom de demande reconventionnelle ou de reconvention (t. 4, no 852). On peut citer dans le même sens Toullier (Code civil, t. 7, nos 408 et 409).

Mais Carré (Droit français, no 235, et Compétence, édit. Victor Foucher, t. 4, no 251, article 258) combat le sens restrictif attribué à la demande reconventionnelle et soutient qu'il y a reconvention chaque fois qu'une partie défenderesse à une action forme, devant le juge saisi de cette action, une demande quelconque. M. Albert Desjardins, dans un ouvrage tout récent (De la compensation et des demandes reconventionnelles, p. 495 et suiv., édit. Durand, 1864) | discute longuement ces autorités et conclut qu'il y a lieu à la reconvention 1° quand la demaude du défendeur est connexe à la demande principale par application du principe contenu dans l'art. 171 du code de procédure civile; 2° quand elle tend à la compensation; 3o quand elle sert de défense à la demande principale, par application du principe contenu dans l'art. 464 du même code, et, en général, quand le juge reconnaît à cette demande le caractère de demande incidente. >

835. Quoi qu'il en soit de ces distinctions en théorie, le législateur français de 1838, comme le législateur belge de 1841, ont appliqué une règle uniforme à toutes les demandes formées incidemment à l'action principale, qu'elles

|

soient reconventionnelles ou en compensation. Aucun doute ne nous paraît subsister à cet égard.

La loi française du 11 avril 1838 porte, dans son art. 2: Lorsqu'une demande reconventionnelle ou en compensation aura été formée dans les limites de la compétence des tribunaux civils de première instance en dernier ressort, il sera statué sur le tout sans qu'il y ait lieu à appel.

Si l'une des demandes s'élève au-dessus des limites ci-dessus indiquées, le tribunal ne prononcera sur toutes les demandes qu'en premier ressort. »

M. de Fougères avait soutenu devant la chambre des députés qu'il n'y avait pas reconvention lorsque la deuxième demande ne tirait pas son principe de la même cause que la première (23 février 1838, Moniteur du 24). Cette opinion fut combattue par M. Barthe, qui voulait l'adoption d'un principe plus simple. (Moniteur du 9 mars). Enfin M. Parant se chargea d'établir nettement quelle était la volonté de la loi :

« On a discuté beaucoup, disait l'orateur, sur la nature des demandes incidentes, reconventionnelles et en compensation; je crois que tout cela pourrait faire quelque confusion dans la loi même, si l'on consultait la discussion de la chambre; la définition des demandes reconventionnelles a toujours été l'objet de graves difficultés parmi les jurisconsultes : je dirai même de beaucoup de subtilités. Il faut qu'il soit bien entendu que, par ces expressions de la loi, demandes reconventionnelles et en compensation, nous avons voulu parler de toutes les demandes formées incidemment par le défendeur contre le demandeur principal.

Benech (p. 375) regrette que la proposition de M. de Fougères n'ait pas été adoptée, et croit qu'il eût mieux valu que la demande ne fût considérée comme reconventionnelle que si elle avait dépendu de l'action originaire. Mais quoi qu'il en soit, la loi est positive, même d'après l'avis de Benech.

Les termes de la loi du 11 avril 1838 se trouvent reproduits dans la loi du 25 mai de la même année sur les justices de paix. Ils ont le même sens général. L'art. 7 de cette loi porte : « Les juges de paix connaissent de toutes les demandes reconventionnelles ou en compensation qui, par leur nature ou leur valeur sont dans les limites de leur compétence, alors même que dans les cas prévus par l'art. 1or, ces demandes réunies à la

demande principale, s'élèveraient à 200 fr... » distinction a été bannie de son texte, et elle doit La suite de la disposition s'occupe des domma-être entendue de la manière la plus générale. ges-intérêts, et l'art. 8 règle le ressort dans les divers cas où la demande reconventionnelle est proposée.

Comment cet art. 7 doit-il s'interpréter?

Dans son rapport à la chambre des députés (29 mars 1837), M. Renouard développe les raisons qui ont fait bannir toute distinction de la loi. On sait, dit ce rapport, que les demandes reconventionnelles sont celles par lesquelles un défendeur cité en justice se rend demandeur contre celui qui l'actionne; et qu'une demande en compensation est celle par laquelle on oppose une créance à une dette, afin que, les deux parties étant déclarées réciproquement créancières et débitrices l'une de l'autre, l'extinction des deux dettes se trouve opérée.

De graves difficultés ont divisé la jurisprudence et les jurisconsultes sur plusieurs des conditions d'admissibilité de ces demandes, et sur le règlement de leur compétence. La plupart de ces difficultés sont du nombre de celles pour lesquelles les raisons plausibles ne manquent ni d'une part ni de l'autre, et qui, précisément parce que leur solution n'engage pas profondément les grands principes du droit, tiennent de bons esprits en hésitation. Le plus mauvais parti à prendre sur ces sortes de questions est de les laisser irrésolues; car leur incertitude engendre de nombreux procès. Le projet de loi a donc bien fait de trancher par ses art. 6, 7 et 8, adoptés sans changement par votre commission, plusieurs questions de compétence plus obscures qu'importantes, et qui ont été souvent controversées. »

Dans son rapport à la chambre des pairs, M. Gasparin établit de même la généralité des termes employés par l'art. 7. Les demandes reconventionnelles, dit-il, ont lieu lorsque le défendeur forme dans la même instance une ou plusieurs contre-prétentions. Pour pouvoir introduire ainsi pendant l'instance sur l'action principale une demande incidente, il faut qu'elle soit connexe, et même forme défense à l'action originaire; qu'elle ait une influence quelconque sur le sort de celle-ci; en un mot, qu'elle ait pour objet de l'anéantir ou de la restreindre, comme, par exemple, quand elle tend à établir une compensation, comme quand on oppose une créance à une dette, à l'effet d'opérer l'extinction des deux dettes jusqu'à due concurrence. Telle est l'idée que les jurisconsultes se forment de ce genre d'action. »

Le sens des termes introduits dans les deux lois françaises de 1838 ne nous semble donc pas douteux. Chaque fois qu'une demande produite par le défendeur peut être jugée en même temps que la réclamation principale, il y a lieu d'appliquer les règles de compétence édictées par la loi, sans faire aucune distinction quant à l'origine de la demande reconventionnelle.

La loi belge de 1841 n'a fait que reproduire presque textuellement les lois françaises. Toute

Nous pouvons à cet égard citer le rapport de M. Liedts à la chambre des représentants : Nous avions d'abord pensé, dit ce document, qu'il fallait établir une distinction entre la compensation par voie d'exception ou reconventionnelle; mais les nuances qui les séparent sont quelquefois si difficiles à saisir dans la pratique, que nous avons cru plus convenable de généraliser la disposition. »

836. Nous venons de voir à quelles espèces d'actions se rapporte l'art. 22. Etablissons maintenant la portée de la disposition.

Son paragraphe 1er concerne les demandes reconventionnelles et en compensation qui se produisent soit devant les tribunaux de première instance, soit devant les justices de paix. Nous verrons plus loin que les mêmes demandes devant les tribunaux de commerce doivent être mises sur la même ligne (infra, n° 860).

Le paragraphe 2 de l'article, au contraire, concerne uniquement les justices de paix. Nous devons réserver ce que nous avons à dire sur cette partie de la disposition.

837.Occupons-nous d'abord du § 1o de l'ar

ticle.

Ce paragraphe consacre un principe qui jusqu'alors n'était pas admis d'une manière expresse par la loi, et que la jurisprudence s'accordait à repousser.

Sous l'empire de la loi de 1790, Henrion de Pausey déclare que la demande reconventionnelle ne doit exercer aucune influence sur le

ressort.

«Quel est l'effet de la reconvention? se demande le savant magistrat. C'est uniquement de proroger la juridiction; mais proroger une autorité, ce n'est pas la dénaturer, ce n'est rien de plus que l'étendre au delà de ses limites naturelles. » Et pour compléter sa démonstration, il propose l'espèce suivante: Une partie assignée devant un tribunal civil, à fin de payement d'une somme de 600 fr., demande reconventionnellement que son adversaire soit condamné à lui payer une somme égale on supérieure. Le tribunal est légalement saisi de ces demandes, et la loi l'autorise à statuer sur l'une ou sur l'autre cela est <incontestable; mais prononce-t-il en dernier ressort ou seulement à la charge de l'appel?

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Cette difficulté se résout par ce principe « que la reconvention s'opère par la voie de la prorogation; qu'elle n'est autre chose que la prorogation légale; enfin qu'elle est soumise aux mêmes règles qu'une prorogation conventionnelle. (De l'Autorité judiciaire, 3o édition, t. 2, chap. 21.)

D

Merlin (Questions de droit, v° Dernier ressort, §11) semble se rallier à l'opinion de Henrion, tout en constatant que la jurisprudence adopte un principe contraire.

Ainsi Henrion et Merlin refusaient toute in

fluence sur le ressort à la demande reconventionnelle. La demande principale seule déterminait le ressort.

Cette opinion était combattue par une jurisprudence unanime.

Il avait été fréquemment décidé par les cours de Belgique que le tribunal saisi d'une demande principale de moins de 1,000 fr. ne peut statuer en dernier ressort, lorsque, en terme de défense, il est formé une demande reconventionnelle qui, réunie à la demande principale, excède la valeur de 1,000 fr. Bruxelles, 27 mai 1818 (Pas., 18, 111); Bruxelles, 21 janvier 1824 (Pas., 24, 12); Bruxelles, 5 décembre 1827 (Pas., 27, 334); Liége, 26 février 1828 (Pas., 28, 75); Bruxelles, 4 avril 1829 (Pas., 29, 134 ); Bruxelles, 8 mai 1829 (Pas., 29, 170 ); Bruxelles, 7 mai 1831 (Pas., 31, 124); Bruxelles, 28 novembre 1831 (Pas., 31, 319); Bruxelles, 13 mai 1837 (Pas., 37, 2, 119). La cour de Gand avait décidé dans le même sens que l'appel était recevable, bien que la demande principale u'excédât pas le taux du dernier ressort, si la demande reconventionnelle était indéterminée. Gand, 15 février 1835 (Pas., 35, 2, 52).

La jurisprudence belge était d'ailleurs d'accord sur ce point avec celle de la cour de cassation et des cours d'appel de France. (Dalloz, Rép., v° Degrés de jurid., no 354.)

Devant les justices de paix, le principe de la réunion de la demande reconventionnelle à la demande principale pour la fixation du ressort était appliqué, non moins que devant les tribunaux de première instance ou de commerce.

Mais il est à remarquer que si la contestation portée reconventionnellement devant la justice de paix excédait les limites de son ressort, le magistrat ne pouvait se prononcer sur le litige. Dans ce cas, disait-on, la demande reconventionnelle excédant les pouvoirs du juge de paix le rendait incompétent pour le litige en entier.

Ces principes avaient prévalu sur ceux défendus par Heurion de Pansey (Compétence des juges de paix, chap. 8). Ce jurisconsulte considérait la demande reconventionnelle comme entraîuant une simple prorogation et concluait que le juge de paix était toujours compétent pour statuer même sur une demande reconventionnelle supérieure à son ressort.

838. Ni l'un ni l'autre des systèmes que nous venons d'analyser n'a trouvé grâce devant la loi de 1841.

Au lieu d'admettre que les deux demandes doivent être cumulées pour fixer le ressort, ce que décidait la jurisprudence; au lieu de déclarer avec Henrion que la demande reconvention nelle n'a aucune influence sur le ressort, l'article 22 s'arrête à un système mixte.

Voici en quels termes l'art. 22 était défendu par le rapport de M. Liedts: « La jurisprudence avait admis que, bien que la valeur de la demande originaire détermine en général le degré de juridiction, il fallait cependant cumuler cette demande avec les demandes en compensation ou en reconvention qui lui étaient opposées. Rien ne semble justifier ce principe: les demandes des parties sont tout à fait distinctes et séparées; l'une ne tend pas à augmenter la valeur de l'autre, mais bien plutôt à la diminuer. Il est donc conforme à la raison d'envisager chaque demande principale ou reconventionnelle isolément, et c'est ce système que la commission a admis. Le rapport de M. de Haussy au sénat fixe le sens de l'article 22 à peu près dans les mêmes termes.

La disposition de la loi belge est extraite, comme nous l'avons déjà dit, de celles des lois françaises de 1838. Nous avons reproduit (supra, no 835) le texte de l'art. 2 de la loi du 11 avril 1838 relatif aux tribunaux de première instance. L'art. 8 de la loi du 25 mai 1838, relatif aux justices de paix, est rédigé dans le même sens Lorsque chacune des demandes priucipales, reconventionnelles ou en compensation, sera dans les limites de la compétence du juge de paix, en dernier ressort, il prononcera sans qu'il y ait lieu à appel;

Si l'une de ces demandes n'est susceptible d'être jugée qu'à charge d'appel, le juge de paix ne prononcera sur toutes, qu'en premier ressort. Si la demande reconventionnelle ou en compensation excède les limites de sa compétence, il pourra, soit retenir le jugement de la demande principale, soit renvoyer, sur le tout, les parties à se pourvoir devant le tribunaux de première instance, sans préliminaire de conciliation. »

Les deux premiers paragraphes de cette disposition se rapportent au principe énoncé par la loi belge. Quant à son troisième paragraphe, nous le retrouverons en commentant le paragraphe 2 de l'art. 22, relatif seulement aux justices de paix.

Quel est le fondement de la règle qui figure dans les lois de 1838 et dans notre art. 22?

Le législateur a considéré la demande reconventionnelle ou en compensation comme ayant une valeur propre et distincte de celle de la demande principale. Il y a alors en réalité deux litiges différents soumis en même temps à la justice. Il faut, pour régler le ressort, ne pas cesser de les considérer séparément.

Quand chaque demande est inférieure au taux du dernier ressort, le juge décide sans appel, comme s'il jugeait successivement deux actions. Et en effet, ni le demandeur principal, ni celui D'une part, il déclare que la demande recon- qui procède par reconvention n'avaient droit à ventionnelle exerce de l'influence sur le ressort, l'appel, si les demandes avaient été présentées mais seulement dans le cas où le chiffre de cette successivement. La réunion fortuite de ces dedemande dépasse celui du dernier ressort; d'autre mandes ne donne pas davantage droit à appel. part, il décide que, dans tous les autres cas, la de- Mais si, au contraire, la réclamation princimande principale seule fixe le droit d'appel.pale ou la demande reconventionnelle est supé

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