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chambre et au sénat, expriment nettement l'in- | fallait étendre les limites de la compétence tention de faire une seule chose par l'art. 5 de des juges de paix et des tribunaux de première la loi mettre la disposition de l'art. 1er de 1833 instance, en touchant le moins possible au texte en harmonie avec le nouveau chiffre de la com- des lois existantes et qui trouvent leur commenpétence des juges de paix. Les dispositions sur taire naturel dans les nombreux arrêts rendus l'exécution provisoire existant à un tout autre depuis un demi-siècle. » (Voy. notre Introducpoint de vue, la loi de 1841 devait nécessaire- tion quant au caractère de la loi de 1841.) ment les laisser en dehors de ses préoccupations.

Il serait d'ailleurs difficile de concevoir comment des dispositions accueillies en 1833 avec une vive satisfaction auraient pu être supprimées en 1844, sans aucune protestation de la part de personne, et alors surtout que la loi française de 1838 venait elle-même de donner accès à des dispositions analogues. Il est à remarquer en effet que l'art. 5 n'a donné lieu à | aucune discussion dans nos chambres législatives. (Voy. aussi une question analogue, infra, n° 149.)

117. L'art. 2 de la loi du 5 octobre 1833 est-il de même resté en vigueur?

Lorsque, dit cette disposition, le juge de paix n'est pas compétent pour en connaître, la demande en expulsion, soit pour cause d'expiration de bail, soit pour défaut de payement, pourra être portée directement en référé devant | le président du tribunal de première instance, qui statuera provisoirement sur la demande, sans préjudice au principal, pour lequel les parties pourront se pourvoir à l'audience sans préliminaire de conciliation. ›

Si l'on combine cette disposition avec les art. 1o et 5 de 1841, il en résulte que le président du tribunal aurait aujourd'hui compétence en référé lorsque les loyers et fermages pour toute la durée du bail excéderaient 200 francs. Les raisons que nous avons données, à notre numéro précédent, en faveur de la conservation des §§ 2 et 3 de l'art. 1er de la loi de 1833 nous paraissent exister avec la même force dans le cas actuel.

On a fait cependant quelques objections: D'abord, a-t-on dit, l'article 26 dispose que les attributions conférées aux tribunaux et aux juges de paix sont maintenues, pour autant que la loi n'y déroge pas. Cet article ne parlant pas du président jugeant en référé, il en faut conclure que les attributions que la loi de 1833 lui confère n'ont pas été conservées en 1841.

Répondons à cette interprétation judaïque des termes de l'article 26, que le législateur de 1841 a évidemment voulu donner à sa disposition un caractère général. Chaque fois, a-t-il entendu dire, que la loi actuelle ne dérogera pas à la législation existante, cette législation conservera toute sa force. L'article 26 est en quelque sorte le résumé de l'opinion exprimée par M. Leclercq, ministre de la justice, quand il disait que la loi sur la compétence allait apporter des modifications partielles à un ensemble de lois nombreuses et compliquées» (1er mai 1840). M. Liedts exprimait d'ailleurs la même opinion quand il affirmait dans son rapport qu'il

Du reste, admettons un instant que l'article 26 n'ait aucune valeur quant au maintien des dispositions qui concernent les présidents jugeant en référé, en résulterait-il que ces dispositions seraient tacitement supprimées par la loi de 1841? En aucune façon. D'où résulte en général l'abrogation tacite d'une disposition législative? De ce que cette disposition se trouve être inconciliable avec les dispositions d'une loi nouvelle. Or c'est ce qui, à toute évidence, n'existe pas pour l'art. 2 de la loi de 1833. En matière de baux et fermages, la loi de 1841 n'a pour but que de régler la compétence du juge de paix au principal. Pour obtenir une décision définitive, le bailleur doit s'adresser au juge de paix lorsque la valeur du bail n'est que de 200 francs, au tribunal de première instance lorsque cette valeur dépasse cette somme. Mais dans l'art. 2 de la loi de 1833, de quoi s'agit-il, au contraire? Non plus d'une décision définitive, mais d'une décision provisoire. Tel est en effet le caractère du jugement en référé. Il faut nécessairement en conclure que l'art. 2 de 1833 peut facilement coexister avec la loi de 1841, comme il coexistait d'ailleurs avec l'art. 9, titre III de la loi de 1790 et avec l'art. 1er de la loi de 1833. Il n'y a donc aucune raison de conclure à l'abrogation tacite de cet article 2.

En exposant plus haut le caractère de la loi de 1841, nous avons répondu d'avance à un second argument des partisans de l'abrogation de l'art. 2 de 1833. Cet argument consiste à prétendre que la loi de 1841 a eu pour but de produire un système nouveau et complet en matière d'expulsion des locataires. L'étude des rapports à nos chambres législatives, et l'absence de discussion sur un point d'une telle importance, suffisent à prouver combien cette prétention manque de base.

118. Si l'art. 2 de la loi du 5 octobre 1833 n'a pas cessé d'être en vigueur, il est essentiel pour nous d'en déterminer la portée.

Le projet primitif de 1833 était dû à l'initiative de M. Liedts, membre de la chambre des représentants. (Proposition du 19 juin 1833.) Ce projet donnait aux juges de paix la connaissance, à charge d'appel, de toute demande en expulsion des preneurs de maisons, terres et fermes, quel que fût le prix de bail, lorsque après son expiration les preneurs prolongeaient indûment leur jouissance. Les demandes en résolution de bail étaient également attribuées au juge de paix, sans appel lorsque le loyer annuel ne devait pas excéder 100 francs, et à charge d'appel lorsqu'il était inférieur à 200 fr.

L'innovation parut trop hardie à la section centrale, chargée de l'examen du projet de loi.

D'une part le juge de paix ne lui inspirait pas | du référé, et elle a ouvert cette voie indéterminéune confiance assez entière pour qu'elle crût prudent de lui abandonner la décision définitive de toutes les contestations concernant l'expulsion des locataires ; d'autre part, cette extension de la compétence du juge de paix allait changer complétement l'ordre des juridictions, et sans doute y porter le trouble.

ment pour tous les cas d'urgence et spécialement pour les cas où il s'agit de statuer sur les difficultés relatives à l'exécution d'un titre exécutoire ou d'un jugement. Lorsque l'on fait attention à la controverse que cet article a soulevée et aux décisions en sens inverse qu'il a provoquées, il est permis de croire que, sans une disposition spéciale de la législature, il recevrait difficilement son application à l'expulsion des fermiers ou locataires. Mais, messieurs, si dans

« En permettant aux juges de paix de la campagne, disait plus tard M. Liedts, de connaître dans presque tous les cas des actions en déguerpissement, on faisait plus que doubler le nom-l'intérêt de l'agriculture, qui se lie si intimement bre de leurs affaires, et par cela même on doublait aussi le nombre des agents d'affaires, parmi lesquels il se rencontre sans doute d'honnêtes gens, mais qui pour la plupart enfantent les procès, exploitent les justices de paix, assiégent la salle d'audience, et s'emparent de toutes les causes qui s'y présentent, bonnes ou mauvaises. Ce fléau de nos campagnes, qui augmente à mesure qu'il trouve plus d'aliment, aura moins l'occasion de s'étendre avec la proposition amendée qu'avec la proposition primitive. »

aux intérêts généraux du pays, vous pensez, et telle est l'opinion de votre commission, que l'on doit considérer comme cas d'urgence celui où le fermier prolonge indûment sa jouissance et s'obstine à ne pas vouloir déguerpir, alors rien n'empêche de charger, par une disposition formelle de loi, le président du tribunal de première instance, ou autre juge tenant le référé, de statuer provisoirement sur les demandes en expulsion, en réservant au tribunal de statuer définitivement au principal. Le juge, à qui vous Ces inconvénients déterminèrent la commis- confieriez cette mission, occupe dans la magission à présenter un système qui, d'après elle, trature un rang qui offre toutes les garanties devait offrir moins de dangers, et auquel l'au- désirables, et à cet avantage se joindra celui de teur de la proposition se rallia sans hésiter. la procédure la plus célère et la moins coûVoici comment M. Fallon, rapporteur de la sec- teuse. Sans doute, en agissant ainsi on ne doit tion centrale, s'exprimait au sujet de l'innova-pas se flatter de parer à tous les inconvénients; tion qu'elle proposait pour remplacer le projet de M. Liedts :

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mais du moins on peut espérer que, sans anticiper sur les modifications qu'il conviendra de faire subir à la loi de 1790, lorsqu'on s'occupera de l'organisation du pouvoir judiciaire et du code de procédure, on les aura réduits considérablement, et d'ici lors l'expérience de la loi transitoire servira d'ailleurs de leçon. »

Il semble possible, sans reculer les bornes de la compétence du juge de paix, d'y apporter provisoirement de l'amélioration, dans les intérêts de la petite propriété. Dans le cas où la valeur des loyers ou fermages pour toute la durée du bail n'excède pas les limites tracées à la justice de paix par la loi de 1790, l'appréciation du titre en son entier appartient au juge de paix. Dès lors il paraît rationnel qu'il puisse conuaître du titre en son entier, et statuer sur tout ce qui a rapport à son exécution. Par la même raison, si ce titre a donné lieu à une saisiegagerie, il semble que c'est à lui qu'il appartient de prononcer sur la demande en validité, comme ce doit être à lui, et non au président du tribunal de première instance, qu'il doit appartenir d'autoriser cette mesure d'exécution lorsqu'il peut être urgent d'y procéder à l'instant. En ce qui touche maintenant les intérêts plus élevés de la propriété dont le juge de paix ne peut pas connaître, si, ce qui est vrai, l'action des tribunaux de première instance est trop lente, favorise trop la mauvaise foi et n'absorbe que trop souvent le principal par des frais trop considérables, il paraît également possible d'y apporter remède autrement qu'en faisant sortir cette action de la juridiction ordinaire pour la livrer au tribunal d'exception. En effet, dans le cas où le bail ne peut être soumis à la compétence due juge de paix, il est un moyen facile de simplifier et d'accélérer la demande en déguerpissement sans proroger la juridiction extraordinaire. L'art. 806 du code de procédure a établi la voie

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Ce rapport détermine clairement l'esprit dans lequel l'art. 2 de la loi de 1833 a été conçu. Les attributions confiées au juge de référé n'ont d'autre importance qu'une extension de l'article 806 du code de procédure, et ne peuvent en aucune manière nuire à la décision au principal.

M. Liedts, en se ralliant aux principes adoptés par la section centrale, en faisait clairement ressortir les avantages: « La proposition, disait-il, divise les demandes en expulsion en deux catégories: la première rentre dans la compétence des juges de paix, et sur les autres il peut être provisoirement statué par le juge des référés.

en résultera que ces affaires seront expédiées avec au moins autant de célérité que si ma proposition primitive avait été adoptée. Cette célérité sera même telle, que quatre ou cinq jours suffiront pour demander et exécuter l'expulsion. Quant aux frais, la procédure en référé n'en entraîne pas plus que celle devant le juge de paix; et il y aura même cette différence que l'ordonnance du juge des référés sera toujours exécutoire sur minute, tandis que le jugement du juge de paix ne peut être mis à exécution qu'en levant l'expédition du jugement. On ne manquera pas de dire sans doute que, le président ne statuant que provisoirement, le loca

taire se pourvoira chaque fois à l'audience pour faire réformer la décision du président : c'est une crainte, messieurs, que je ne puis partager. Tous ceux qui ont l'expérience du barreau savent que presque toujours les locataires de mauvaise foi qui refusent de quitter les lieux à l'expiration du bail, n'ont d'autre but, en s'opposant à l'action en expulsion, que de prolonger autant que possible leur possession ou de déterminer le propriétaire à une transaction par la crainte des frais; mais du moment que l'espulsion est consommée, du moment que le locataire se voit privé de la possession, il ne pousse pas plus loin son opposition contre la demande, parce qu'il sait trop bien d'avance qu'il ne peut plus rentrer dans cette possession, qui formait le seul objet de ses désirs. Je pense donc, messieurs, que, sous le double rapport de la célérité et de l'économie, le projet amendé ne laisse rien à désirer. Pour ce qui regarde le troisième avantage que présentait la proposition primitive, et qui consistait à rapprocher le juge des justiciables, celui-là ne se rencontre pas tout à fait dans la proposition de la commission. Mais il est largement compensé par les garanties qu'il ajoute au projet primitif, en substituant dans certains cas, au juge de paix, un magistrat dont on peut attendre plus de lumières et plus d'expérience. »

De ces explications, ainsi que du texte de l'art. 2 de la loi de 1833 comparé à l'art. 5 de la loi que nous commentons, il résulte que la mission du juge de paix est de beaucoup plus étendue que celle du président jugeant en référé.

Le premier de ces magistrats juge au principal et prononce sans distinction sur toutes les demandes enrésolution de bail, ainsi que sur celles en expulsion à son expiration. Le président, au contraire, n'a reçu de la loi la faculté de prononcer qu'au provisoire. De plus il ne peut décider les demandes en résolution de bail et n'a compétence que pour les demandes en expulsion, soit pour cause d'expiration du bail, soit pour défaut de payement. Il s'ensuit que le président devrait se déclarer incompétent si on lui soumettait une demande en résolution de bail.

veur du président du tribunal civil jugeant en référé, cette considération du peu de valeur du litige n'existait plus. Ce magistrat, aux termes de l'article 2 de 1835, a le droit de prononcer, quelle que soit la valeur des loyers et fermages, pour toute la durée du bail. Telle est sans doute la raison pour laquelle le législateur n'a pas voulu investir le président d'un pouvoir illimité quant aux résolutions de baux Le président ne prononce que sur les demandes en expulsion, soit pour cause d'expiration de bail, soit pour défaut de payement. Dans ces deux cas, en effet, le magistrat doit en général rencontrer peu de difficultés, et sa mission se borne à la constatation d'un fait.

M. le président du tribunal civil de Liége n'a donc fait qu'appliquer la loi lorsqu'il a décidé ne pouvoir connaître d'une demande d'expulsion formée en vertu de l'art. 1745 du code civil par l'acquéreur de l'objet loué, contre un locataire qui n'avait qu'un bail verbal. (Cloes, Compétence, p. 73, note 1.)

119. Mais le juge de référé devrait-il de même se déclarer incompétent si on lui soumettait une demande en résolution de bail fondée sur le seul défaut de payement?

M. Cloes résout la question affirmativement : << Il ne faut pas perdre de vue, dit le jurisconsulte, que la compétence du juge de paix en ces matières est beaucoup plus étendue que celle du juge de référé. En effet, d'après l'art. 1er de la loi du 5 octobre 1835, comme aux termes de la présente disposition, les juges de paix connaissent, dans les limites de leur compétence, tant de la demande en résolution de bail que de celle en expulsion à son expiration, tandis que le juge de référé ne peut connaître que de la demande en expulsion, soit pour cause d'expiration de bail, soit pour défaut de payement, aux termes de l'art. 2 de la loi du 5 octobre 1833. D'où la conséquence que la compétence exceptionnelle de ce dernier ne peut être étendue à une demande en résolution de bail, même pour défaut de payement, cette demande rentrant dans la compétence exclusive des tribunaux d'arrondissement. Il faut donc bien se garder de formuler une pareille demande devant ce magistrat et avoir soin de borner ses conclusious à une demande d'expulsion fondée sur le défaut de payement.

Quelle est la raison de cette différence entre le juge de paix et le président du tribunal civil? Le législateur de 1835, en conférant au juge de paix la connaissance des demandes en réso- « Cette conséquence paraît bizarre et tend à lution de bail, a donné à un seul homme un ressusciter les formules d'actions des Romains pouvoir fort étendu. La loi française de 1838, que l'on ne connaît plus dans le droit actuel; car nous l'avons vu, n'a pas été à beaucoup près le juge de référé, en ordonnant l'expulsion en aussi loin que la loi belge, puisqu'elle n'accorde ces cas, prononce par là même la résiliation du au juge de paix que la connaissance des de- bail; cependant nous la croyons conforme aux mandes en résiliation de bail fondées sur le seul principes rigoureux en matière de juridiction défaut de payement. Le pouvoir exorbitant du qui défendent d'étendre, sous prétexte d'anajuge de paix en Belgique quant à toutes les ré-logie, une compétence exceptionnelle d'un cas à solutions de baux ne se justifie que par une un autre.» (Cloes, Compétence civile, p. 72 et seule considération : le peu de valeur du bail sur lequel le juge peut se prononcer. Cette valeur ne pouvait dépasser 100 francs en 1833, aujourd'hui elle a été portée au double. En fa

suiv.)

Nous convenons avec M. Cloes qu'il est prudent devant le juge de référé de borner son action à une simple demande en expulsion pour

défaut de payement, en se renfermant ainsi dans les termes stricts de la loi. Mais nous ne pouvons admettre avec lui qu'à défaut de cette précaution de la part du demandeur, l'action doive être repoussée comme intentée devant un juge incompétent.

Il est incontestable, à la vérité, qu'une compétence exceptionnelle ne peut être étendue | d'un cas à un autre. Mais la question nous paraît précisément se réduire à celle-ci : Ya-t-il deux cas différents? Y a-t-il une différence sérieuse entre une demande en expulsion pour non-payement, et une demande en résolution de bail pour cette même cause, de telle sorte que le juge compétent pour l'une ne puisse l'être pour l'autre? Cette question doit, croyons-nous, se résoudre négativement. L'expulsion du locataire est une conséquence naturelle et nécessaire de la résolution du bail; et avant de prononcer l'expulsion, le juge doit admettre, implicitement du moins, que le bail est résolu. Donner compétence au président pour prononcer l'expulsion, c'est aussi lui conférer le droit de déclarer la résolution du contrat, puisque l'expulsion ne peut résulter que de cette résolution.

Remarquons encore qu'il n'existe aucune obligation pour le juge de s'en tenir littéralement dans sa décision aux mots qui peuvent se trouver renfermés dans les conclusions des parties. L'expulsion du locataire étant comprise dans la résolution du bail, peu importe que le demandeur ait exprimé séparément la première de ces demandes, ou se soit borné à émettre la seconde dans laquelle la première est comprise.

L'art. 2 de la loi de 1833 n'a d'ailleurs voulu en aucune façon que le mot expulser devint sacramentel dans les conclusions du demaudeur.

Ce mot est si peu nécessaire pour rendre le juge en référé compétent, que dans certains cas il se trouverait même être fort inexact, ainsi, par exemple, lorsqu'il s'agirait non plus d'immeubles, mais de meubles. Il n'y a aucun doute que le juge du référé serait compétent pour la demande en restitution de meubles, comme pour la demande en expulsion d'immeubles. La loi du 5 octobre 1833 et celle du 25 mars 1841 parlent en général des locataires et fermiers. Et cependant il serait difficile de comprendre comment on pourrait être expulsé d'un meuble, et comment la demande pourrait être correctement formulée en ces termes.

Remarquons que le code civil lui aussi en employant le mot expulser ne l'a pas pris dans un sens restrictif.

Il résulte de l'art. 1743 du code civil, que dans certains cas l'acquéreur de la chose louée peut expulser le fermier ou locataire. L'expulsion ne peut à toute évidence exister que lorsqu'il y a eu d'abord mise en possession. En faut-il conclure que le locataire non encore mis en possession ne perdra pas ses droits au bail, parce qu'il ne pourra matériellement être expulsé? En aucune façon. L'article 1743 s'applique au pre

neur non en possession comme à celui qui est déjà en possession. (Voy., supra, notre no 107.)

Toutefois, comme nous l'avons vu au numéro précédent, la demande en résolution de bail fondée sur l'art. 1743 ne pourrait être portée devant le juge de référé. Mais rien ne s'oppose à ce que celui-ci ait compétence pour décider sur une demande en résolution de bail fondée sur le seul défaut de payement.

120. Lorsque le juge de référé est déclaré compétent aux termes de l'art. 2 de la loi du 5 octobre 1835, y a-t-il pour lui obligation de se prononcer?

Un membre de la chambre, M. Milcamps, l'avait cru, mais le rapport de M. Liedts fait disparaître tout doute à cet égard. « L'honorable M. Milcamps, dit le rapporteur, dans la dernière séance, s'était élevé contre la rédaction du paragraphe 1o de l'art. 2, parce qu'il croyait y trouver l'obligation, pour le président, d'accorder l'expulsion sans pouvoir renvoyer la demande devant le tribuual si elle lui paraissait offrir des difficultés. Dans le sein de la commission, on lui a fait remarquer qu'à la vérité l'article faisait au présideut, jugeant en référé, l'obligation ou d'accorder ou de refuser l'expulsion, sauf le droit des parties au principal; mais que si, par la nature des choses, le pouvoir du président en cette matière est essentiellement discrétionnaire, il est bien évident que cette disposition n'offre pas le danger qu'on croyait y trouver, puisqu'il est bien certain que le président n'accordera l'expulsion provisoire que lorsqu'il aura sa conviction pleinement formée sur la provision réclamée, et que dans tous les autres cas, soit parce qu'il n'y a aucune urgence, soit parce que le droit du propriétaire n'est pas évident, il refusera l'expulsion, et renverra les parties à se pourvoir devant le tribunal. On peut, sans aucune crainte, s'en reposer, à cet égard, sur la prudence et l'expérience du magistrat que vous investissez de ce pouvoir.» (2 rapport sur la loi, fait par M. Liedts le 10 août.)

Ces paroles ne sont d'ailleurs que la confirmation de la doctrine des auteurs sur l'interprétation à donner à l'art. 806 du code de procédure civile. D'après l'opinion générale, les faits qui constituent l'urgence sont abandonnés à l'appréciation du magistrat. (Pigeau, Commentaire sur le code de procédure civile, sur l'article 806; Bioche, id., no 5; Paillet, id., note a.) Le juge du référé peut toujours renvoyer devant le tribunal les contestations présentant des difficultés qu'il croit ne pouvoir résoudre seul. (Berriat-Saint-Prix, p. 263; Paillet, article 806, note b.)

121. Lorsque le juge de référé s'est déclaré incompétent et a renvoyé la cause au juge de paix, celui-ci a-t-il aussi le droit de se déclarer incompétent?

Aucune prescription de la loi ne s'y oppose. Le droit du juge de paix de se décider d'après les éléments de la cause reste donc sans entra

ves. Une pareille étendue donnée aux pouvoirs d'un juge inférieur paraît bizarre au premier abord. D'une part le président du tribunal civil occupe une position plus haute que le juge de paix dans la hiérarchie judiciaire; d'autre part le président a obtenu de la loi elle-même la faculté de se prononcer sur certaines contestations relatives aux baux quelle que soit la hauteur du bail, tandis que le juge de paix n'a compétence que lorsque tous les loyers ne dépassent pas 200 francs.

Mais si le président jugeant en référé paraît investi de fonctions plus importantes que celles du juge de paix, remarquons que dans aucun cas le président ne peut être appelé à connaître comme juge d'appel des décisions du juge de paix. Rien ne marque donc l'infériorité du premier sur le second. Le référé est d'ailleurs une voie toute particulière et tout exceptionnelle, qui n'a qu'un effet provisoire sur les contestations. A côté de la voie du référé, et lorsque le président a décliné la compétence, la voie principale reste toujours ouverte aux parties. Pourquoi, dans ce cas, le juge de paix se trouverait-il lié par une décision au provisoire renvoyant la contestation devant lui? Ce serait donner à cette décision une véritable valeur au principal.

Nous trouvons sur la question un jugement du tribunal de Liége du 13 mai 1837, qui la déeide dans le même sens que nous. Nous savons d'ailleurs que les principes n'ont pas changé à cet égard depuis la loi de 1841. Voici la décision du tribunal de Liége: « Jos. Orval, appelant, contre Dieudonné Redouté, intimé.

Dans le droit: --Il s'agit de décider s'il y a lieu de confirmer le jugement a quo?

Attendu que l'appelant avait, par exploit du 31 janvier dernier, fait assigner l'intimé devant le juge du référé, aux fins de migrer sur-lechamp de la maison que ce dernier occupait à titre de bail verbal; que cette demande était fondée sur ce qu'il aurait été convenu entre parties que ce bail cesserait au 1er février suivant;

juge devant le juge de paix, celui-ci a pu se déclarer incompétent;

Attendu que l'ordre des juridictions est d'ordre public, que la loi règle seule la compétence du juge, qu'ainsi une juridiction ne peut être saisie ou dépouillée de la connaissance d'un litige qu'en vertu de dispositions légales; que de ces principes découle l'obligation pour le juge saisi d'un litige, même en vertu d'une ordonnance de renvoi, d'examiner de nouveau les faits, et de fixer sa compétence légale d'après les faits par lui constatés;

« Attendu que ces principes sont d'autant plus applicables à l'espèce, que les ordonnances que porte le juge de référé dans les limites de sa juridiction exceptionnelle, ne sont que provisoires et ne portent aucun préjudice au principal, d'après l'art. 2 de la loi spéciale du 5 octobre 1853, conforme au droit commun consacré par l'art. 809 du code de procédure civile;

Attendu que c'est ainsi que le juge a quo a procédé dans son jugement du 23 février dernier, dont le tribunal adopte les motifs;

«Par ces motifs, - et adoptant ceux du premier juge, le tribunal met l'appellation à néant, ordonne, etc.» (Cloes, Compétence, p. 67.)

122. Les art. 3 et 4 de la loi du 5 octobre 1833 ont-ils cessé d'être en vigueur?

Les raisons que nous avons énoncées à propos de la fin de l'article 1", comme à propos de l'article 2 de cette loi, nous déterminent à penser de même que les deux dernières dispositions de la loi de 1833 n'ont pas été abrogées (supra, nos 116, 117 et 148).

L'article 3 de cette loi porte:

( Toute autre demande en expulsion de fermier ou de locataire est également dispensée du préliminaire de la conciliation.»

Il résulte de cet article, mis en rapport avec l'article 2 (supra, no 98), que toute demande en expulsion qui n'a pour base ni l'expiration du bail, ni le défaut de payement, jouit cependant de l'avantage accordé aux demandes qui requièrent célérité. C'est une application de l'article 49 2o du code de procédure civile aux de

• Attendu que M. le président, par son ordon-mandes d'expulsion en général, application que nance de référé en date du 9 février 1837, con- la jurisprudence et la doctrine n'admettaient sidérant qu'il s'agissait d'une location trimes- pas uuanimement. trielle ne s'élevant qu'à 24 florins de Liége, a renvoyé les parties devant le juge de paix du ressort duquel se trouvait la contestation;

Attendu que l'appelant ayant, en exécution de ladite ordonnance, porté son action devant le juge de paix, celui-ci, par jugement du 23 février dernier, s'est déclaré incompétent, par le motif contraire que la location dont il s'agit n'était pas trimestrielle, mais annuelle, et que le loyer s'élevant annuellement à 113 fr. 77 c., la contestation excédait les limites de sa compétence;

Attendu que l'appelant a déféré ce jugement à la censure du tribunal, et qu'il s'agit d'examiner si, nonobstant les faits constatés par l'ordonnance de référé et le renvoi fait devant le

Quant à l'art. 4, voici comment il s'exprime :

Les demandes formées au moment où la présente loi sera exécutoire, demeureront soumises au juge qui doit en connaitre d'après les lois existantes lors de la demande.

Il sera libre cependant au demandeur de rcnoncer à la demande formée par lui, et d'en intenter une nouvelle selon les règles établies par la présente loi.»

C'est là une dérogation au principe qu'une loi nouvelle règle tous les actes de procédure posés depuis sa promulgation.

Une loi ne peut jamais rétroagir, disait à ce sujet le rapport de M. Liedts; mais vous savez tous que ce principe ne reçoit jamais son application qu'au fond du droit, et que lorsqu'il s'agit

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