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une partie des intestins contractés et présentant, en quelque sorte, la forme de la tête d'un enfant ;

«Par ces motifs, le tribunal dit qu'il n'est pas suffisamment appris que O... ait été, par imprudence, inattention, maladresse, la cause de la mort de la femme M..., le renvoie hors de cause, dépens. »

D

sans

On remarquera que le tribunal recherche, dans son jugement, s'il y aurait eu imprudence, maladresse, inattention, malintention même, mais qu'il évite de se prononcer sur l'inobservation des règlements comme élément de l'homicide involontaire, et en conséquence, d'examiner la question de savoir si l'officier de santé avait eu le tort de pratiquer une grande opération sans le concours d'un docteur. Le ministère public interjeta appel et ne parut pas se préoccuper davantage de cette question; il fonda seulement son appel sur ce que O... était, au moment de l'opération, dans un état voisin de l'ivresse, sur l'impéritie et l'ignorance dont il avait fait preuve, sur ce que les médecins appelés à donner leur avis avaient raisonné en dehors des faits appris dans l'instruction, s'étaient renfermés dans des généralités et paraissaient beaucoup plus préoccupés de la responsabilité qui semble peser sur les médecins et les chirurgiens, que de la question spéciale sur laquelle ils étaient appelés à s'expliquer, et enfin sur ce qu'il y avait lieu d'écarter la question scientifique et d'appeler les magistrats à juger la question de fait; il demanda l'application de l'article 319 du Code pénal.

La Cour, faisant droit aux réquisitions du ministère public, condamna le sieur O... à quinze jours d'emprisonnement et aux dépens. 117. On lira aussi avec intérêt, dans le même recueil, un rapport dressé par MM. Denonvilliers, Nélaton et Tardieu, publié à la suite de l'article du docteur Toulmouche, sur des poursuites intentées par un sieur H..., en 1854, contre le docteur D... qui, suivant le plaignant, n'aurait pas convenablement soigné une fracture de la jambe.

En 1861, un sieur Hamelain avait cité directement devant le tribunal correctionnel de la Seine le docteur Canuet pour blessures par imprudence, et en paiement de 10,000 francs de dommages-intérêts. Selon lui, le docteur Canuet, prenant une hernie pour un abcès, aurait, en incisant la prétendue tumeur, perforé l'intestin. Après un examen médical et un rapport très clair dressé par le docteur Ambroise Tardieu, le tribunal prononça le jugement suivant:

« Attendu que des débats, des pièces et des documents produits, et

particulièrement du rapport dressé par le docteur Tardieu, en exécu tion du jugement du 14 mai dernier, il résulte qu'en septembre 1860, au moment où il s'est remis aux soins du docteur Canuet, Hamelain était atteint à la fois et sur le même point de l'aine droite, d'une tumeur inflammatoire et d'une hernie;

«Que l'incision pratiquée par le docteur Canuet n'a intéressé que la tumeur; que cette opération était indiquée par l'état du malade et conseillée par la science médicale; que la perforation de l'intestin, qui s'est manifestée quelques jours après, ne doit nullement être attribuée à cette incision, mais qu'elle est la conséquence naturelle des progrès de l'inflammation qui s'est emparée de l'intestin hernie; « Attendu, d'un autre côté, qu'il est constaté que Canuet a continué ses soins à Hamelain aussi longtemps que celui-ci a jugé bon de les réclamer ;

« Que, dans ces circonstances, les faits résultant des débats ne présentent nullement à la charge de Canuet les caractères du délit prévu par l'article 320 du Code pénal;

« Renvoie Canuet des fins de la plainte et condamne la partie civile aux dépens. »

118. Il est des cas où la faute est tellement grossière que la responsabilité devient des plus graves et appelle toutes les sévérités de la justice.

Dans le courant de l'année 1873, la ville de Brive fut le théâtre d'une émotion profonde. La santé générale était excellente, les suites de couches, en particulier, étaient régulières et heureuses, quand tout à coup on remarqua que certaines femmes récemment accouchées éprouvaient des accidents d'une nature exceptionnelle; les enfants de plusieurs d'entre elles étaient gravement atteints, quelques-uns même succombèrent; certains maris étaient pris à leur tour et présentaient des symptômes semblables à ceux qui s'étaient développés chez leurs femmes.

A côté de ces accidents tout matériels, des conséquences d'un autre ordre devaient inévitablement se produire le trouble se mettait dans les ménages; maris et femmes s'adressaient de mutuels reproches; des menaces de séparation se faisaient entendre. Dans tous ces accidents, les médecins consultés reconnurent la syphilis et constatèrent qu'ils se produisaient exclusivement dans la clientèle d'une même sage-femme. Une instruction fut ouverte, et elle établit que cette sage-femme avait eu, depuis quelque temps, un doigt malade, que cette lésion avait même persisté pendant une année, et que la sage-femme avait présenté tous les symptômes d'une syphilis générale: affaiblissement, douleurs rhumatoïdes, chute des cheveux et des sourcils. Les mêmes accidents se produisirent chez son mari. Il fut même démontré que cette

femme, quelle que fût la façon dont la maladie avait été contractée par elle, n'avait pu ignorer la nature de son mal, et qu'elle avait néanmoins continué à pratiquer de nombreux accouchements en se servant de sa main malade. Traduite en police correctionnelle sous l'inculpation d'homicide par imprudence, de blessures involontaires et d'exercice illégal de la médecine, elle fut condamnée à deux années d'emprisonnement et cinquante francs d'amende, c'est-à-dire au maximum de la peine corporelle (1).

119. Le 28 février 1876, la Cour d'Angers condamnait à quinze jours de prison, pour homicide par imprudence, un médecin qui avait expédié à un malade un flacon de baume Opodeldoch sans avoir placé sur le flacon l'étiquette rouge et sans indication sur l'ordonnance que le remède était destiné à l'usage externe (2).

120. Les fautes varient d'ailleurs à l'infini, et elles peuvent, suivant les cas, prendre un caractère de gravité qui motive l'application de peines plus sévères.

Un sieur T...., docteur en médecine, vint un jour se fixer à Amiens. Il s'y était fait précéder par des annonces publiées dans tous les journaux, par d'énormes affiches placardées sur toutes les murailles et faisant connaître le jour et l'heure de son arrivée dans la localité où il aurait, disaient ces annonces, été appelé sur son immense réputation et en raison du grand succès obtenu par une nouvelle médication qui aurait guéri plus de deux mille personnes atteintes de maladies réputées jusqu'alors incurables. Il était porteur de plus de certificats que n'en posséda jamais l'inventeur de la Revalescière.

Comme on le pense bien, la clientèle ne se fit pas attendre, et à peine avait-il mis le pied dans son nouveau domicile, qu'il était assailli par une multitude de malades. Leur admiration pour le fameux docteur n'eut plus de bornes quand il leur eut appris qu'il les guérirait tous pour rien !..... Seulement ils ne devaient prendre que les médicaments qu'il leur ferait adresser par un pharmacien de Paris, les simples pharmaciens de province étant incapables d'exécuter convenablement ses infaillibles prescriptions.

On devinera sans peine que le pharmacien de Paris était le compère de l'illustre docteur T...., et que ce dernier, par le partage des bénéfices réalisés sur la vente des médicaments, obtenait encore une rémunération largement suffisante.

(1) Annales d'hyg. et de méd. lég., 2o série, t. 42, 1874, p. 134. (2) Op. cit., 3 série, t. 1er, 1879, p. 160.

Mais, hélas! la déception des malades naïfs qui ne guérirent pas, fut d'autant plus cruelle que leur confiance dans les talents de l'Esculape avait été plus absolue, et bientôt leur tendresse pour le fameux médecin se changea en fureur. Ils portèrent plainte, et des poursuites furent intentées par le ministère public. La Cour d'Amiens, dans les affiches, les publications et la production de certificats mensongers, vit l'emploi de manoeuvres frauduleuses. Elle déclara que :

« Si le dogme médical échappe à l'examen du juge, il appartient cependant aux magistrats de rechercher si le médecin s'est proposé une spéculation plutôt que la guérison ou le soulagement des malades, et d'apprécier ainsi sa bonne foi;

« Que consulté, à son arrivée à Amiens, par de nombreux malades, notamment par..........., Th... est parvenu, en employant des manoeuvres frauduleuses, à faire naître dans l'esprit des sus-nommés l'espérance d'une guérison chimérique, et même à persuader à plusieurs d'entre eux qu'il avait le pouvoir de les guérir, pouvoir qu'il savait n'être qu'imaginaire, alors qu'il n'agissait ainsi que dans le but unique de leur faire accepter, moyennant un prix excessif, les prescriptions et les remèdes qu'il promettait de leur envoyer, prescriptions et remèdes qui se trouvaient toujours préparés d'avance, étaient les mêmes pour tous les malades, quel que fût leur âge, leur sexe, leur constitution et l'affection dont ils étaient atteints;

«Que ces faits constituent le délit d'escroquerie, prévu et réprimé par l'article 405 du Code pénal, etc.... condamne (1)....

Cet arrêt fut confirmé par la Cour de cassation le 31 mars de la même année (2).

121. Nous trouvons, dans les Annales d'hygiène publique et de médecine légale (3), avec l'arrêt qui précède, deux autres espèces rapportées par le docteur Ambroise Tardieu, avec de très justes réflexions sur le charlatanisme médical.

Le tribunal de Coutances avait condamné, le 13 août 1853, le sieur Adrien-Félix Charpeaux à trois mois d'emprisonnement et quinze francs d'amende pour escroqueries. La Cour de cassation, par arrêt du 5 novembre 1853, rejeta le pourvoi du condamné par les motifs suivants :

« Attendu qu'il résulte des motifs du jugement que le demandeur a publié ses prospectus sous son prénom d'Adrien et dissimulé son nom de famille sous lequel il avait encouru deux condamnations, et que, pour persuader aux malades qu'il visitait l'existence d'un pouvoir imaginaire et faire naître l'espérance d'un succès, il a employé

(1) Amiens, 10 févr. 1854. P. 1854, 1, 558. (2) Cassat, 31 mars 1854. P. 1856, 1, 446. (3) 2 série, t. 5, 1856, p. 357.

des manœuvres frauduleuses, consistant notamment dans la délivrance de remèdes qu'il savait inefficaces et de prescriptions incapables de produire les bons effets qu'il annonçait ; que ces déclarations mensongères, appuyées de manœuvres frauduleuses, et à l'aide desquelles il a escroqué partie de la fortune d'autrui, ne constituent pas seulement des actes de charlatanisme, mais présentent tous les caractères du délit d'escroquerie ;

«Que les juges du tribunal de Coutances ont donc fait une saine application de l'article 405 du Code pénal; — rejette, etc... »

122. L'autre affaire est rapportée avec détails, parce que disait M. Tardieu (1), elle offre, réunies comme à dessein, toutes les formes sous lesquelles se résume le charlatanisme médical le plus effréné. « On ne verra pas sans une sorte d'effroi, ajoutait-il, ce qu'on peut faire de notre belle profession et de cet art de guérir qui est à la fois, pour l'humanité, une si grande gloire et un si grand bienfait. »

Il nous suffira, quant à nous, de rapporter ici le jugement rendu le tribunal; il résume tous les faits de l'affaire :

par

« Attendu qu'il résulte de l'instruction et des débats que, dans le courant des années 1852, 1853 et 1854, Rey de Jougla, à l'aide de manœuvres frauduleuses pour faire croire à la guérison de maladies incurables et qu'il qualifiait lui-même comme telles, a obtenu d'un grand nombre de personnes la remise de diverses sommes d'argent; « Attendu que ces manoeuvres frauduleuses consistaient principalement: 1o dans un prospectus mensonger et rempli d'exagération qui, répandu à profusion dans toute la France, allait, sur la foi de promesses d'une guérison chimérique, exciter chez les malades, la plupart désespérés, un espoir qui les entraînait nécessairement à s'adresser au médecin qui était l'auteur de ces annonces frauduleuses; 2° dans une multitude de lettres toutes semblables, écrites à la main, préparées d'avance, commençant par ces mots : « en réponse à votre lettre, j'ai l'honneur de vous annoncer, etc.... » ;

« Que ces lettres annonçaient que, dans l'espace de 30 ou 40 jours, Rey de Jougla avait guéri un si grand nombre de maladies semblables, qu'il pouvait assurer la guérison de ses correspondants; que les médicaments si difficiles à préparer ne pouvaient l'être qu'à Paris ; que son traitement était des moins dispendieux, et que, moyennant l'envoi de 16 francs, il enverrait une caisse de ses médicaments;

« Que ces lettres, toutes pareilles, et comme stéréotypées, selon le rapport des experts, étaient ainsi préparées d'avance et envoyées sans discernement ni distinction de maladies, à tous ceux qui, sur la foi du prospectus mensonger, s'étaient engagés dans une correspondance avec Rey de Jougla;

« Qu'ainsi et quelle que fût la maladie du consultant, soit qu'il s'agit de maux d'yeux, de paralysie, de cancer, de maladies de poi

(1) Loc. cit., p. 359.

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