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sage-femme fut acquittée ; mais, en appel, la Cour de Rennes décida :

« Que l'obligation de déclarer la naissance de l'enfant, imposée par l'art. 56 du Code civil au père ou, à son défaut, au médecin, à la sage-femme, à l'officier de santé, ou aux autres personnes ayant assisté à l'accouchement, pèse sur toutes ces personnes sans distinction;

« Que, bien que le père soit désigné en première ligne, comme chargé de la remplir, les personnes de l'art, notamment, n'y sont pas moins soumises simultanément avec lui, en sorte qu'elles ne sauraient être relaxées des poursuites dirigées contre elles à raison du défaut de déclaration, sous prétexte que le père aurait dû être poursuivi lui-même. »

Cette solution est assurément erronée. Il est certain que le père de l'enfant est d'abord et seul tenu de déclarer la naissance lorsqu'il est présent et peut agir, et que c'est seulement lorqu'il est absent ou empêché que cette obligation passe aux gens de l'art et aux autres personnes ayant assisté à l'accouchement (1).

20. Bien que le Code civil n'ait pas reproduit formellement l'ordre établi par les articles 2 et 3 du titre III de la loi du 20 septembre 1792, cet ordre est trop sage, trop logique et trop naturel pour n'être pas suivi.

21. Le soin de la déclaration est donc confié d'abord au père, à son défaut, aux médecins, chirurgiens et sages-femmes placés sur le même rang entre eux, et enfin, à leur défaut seulement, aux autres personnes qui ont assisté à l'accouchement.

C'est en effet au père que la loi devait imposer, avant tout autre, l'obligation de déclarer la naissance; il doit être le premier et le plus sûr gardien des intérêts de l'enfant.

S'il est absent de son domicile au moment de la naissance et s'il y rentre avant l'expiration du délai légal fixé par l'article 55, son obligation subsiste, et il est toujours tenu de faire la déclaration (2).

22. Mais si la durée de son absence est inconnue, si l'on peut supposer qu'elle se prolongera au-delà du délai de trois jours, ou

(1) Metz, 22 mars 1824. Cassat. 2 août 1844. P. 1844. 2. 103; 12 nov. 1859. P. 1860. 631. Mourlon, 1er examen, p. 171. Taulier, Théor. C. civ., t. 1er, p. 165, Berriat-St-Prix, Notes sur le C. c., t. 1er, nos 390 et s. - Ducaurroy, Bonnier et Roustain, Comm. C. civ., t, ler, art. 56. Boileux. Marcadé, t. ler, p. 208 Valette, s. Proudhon, Etat des personnes, t. 1er. p. 222. Demante, Cours analyt. t. 1er, no 101 bis. Massé et Vergé, sur Zachariæ, t. 1er, § 84, p. 115, note 2. Aubry et Rau, t. 1er, § 60, p. 202. Demo

lombe, t. ler, no 293.

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(2) Marcadé, t. 1er, p. 208. Voir pourtant Amiens, 2 janv. 1837. P. 1837.1. 531

que, pour toute autre cause, il pourrait se trouver dans l'impossibilité de déclarer la naissance, le médecin, l'officier de santé et la sage-femme devront le faire.

C'est donc seulement à défaut du père, lorsqu'il est absent ou empêché, ou quand la mère n'est pas mariée et que le père ne se fait pas connaître, que commence l'obligation des chirurgiens ou sages-femmes qui ont assisté à l'accouchement (1). Mais alors ce devoir s'impose simultanément à chacun d'eux. Il n'y a en effet aucune raison de rendre les uns responsables plutôt que les autres et, en cas d'omission de leur part, le ministère public peut les poursuivre tous conjointement (2).

23. Enfin, si les médecins, chirurgiens ou sages-femmes ne peuvent ou ne veulent faire la déclaration, les autres personnes qui ont assisté à l'accouchement en sont tenues à leur place. La loi, dans son désir d'assurer un état civil aux citoyens a créé ainsi trois catégories de personnes qui sont obligées, sous les peines portées par l'article 346 du Code pénal, de déclarer la naissance; ce sont en premier lieu, le père, gardien naturel des droits de l'enfant ; en second lieu, les médecins, chirurgiens et sages-femmes qui ont accepté une mission de confiance des plus importantes et qui doivent la remplir jusqu'au bout avec toutes ses conséquences, et enfin, en troisième lieu, les autres personnes ayant assisté à l'accouchement.

24. Nous devons reconnaître que la jurisprudence est contraire à notre opinion et qu'elle rend toutes les personnes désignées en l'article 56, après le père, responsables simultanément et au même degré du défaut de déclaration (3). Malgré l'autorité des récents arrêts de la Cour de cassation, nous ne pouvons modifier notre appréciation sur ce point.

Une jeune femme, accompagnée de sa mère, est surprise, en voyage, dans un hôtel, par les douleurs de l'enfantement. On appelle un médecin et une sage-femme; une femme de chambre de l'hôtel lui donne aussi des soins, l'accouchement s'opère. La mère de l'accouchée, après avoir laissé croire qu'elle se charge de la déclaration, néglige pourtant de la faire, et l'enfant n'a pas d'état civil. Selon la jurisprudence, le médecin, la sage-femme, le maître d'hôtel et la femme de chambre sont, avec la grand'

(1) Lyon, 19 juill. 1827, dans ses motifs.- Metz, 22 mai 1824.-Bruxelles, 20 oct. 1831. Angers- 29 août 1842, P. 1843. 2. 10. Dalloz, Rép., vo Actes de l'état-civil, no 219. - Duranton, t. 1er, p. 312.-Rieff, p. 367.-Marcadé, loc. cit. (2) Cassat. 2 août 1844.

(3) Cassat. 2 août 1844. P. 1844. 2. 103; 12 nov. 1859. P. 1860. 631; 28 févr. 1867. P. 1867. 666.

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mère, responsables de cette omission. Est-ce raisonnable? Supposons encore que le médecin et la sage-femme se soient chargés de faire la déclaration, mais que, détournés par les autres devoirs de leur profession, ils l'aient oublié. Les autres personnes qui ont assisté à l'accouchement, ainsi que le maître de la maison, seront poursuivies. Il faudra donc que toutes ensemble fassent la déclaration pour être certaines d'échapper à cette responsabilité. Peut-on se figurer les ascendants de l'enfant, le médecin, la sage-femme, les domestiques, le maître de la maison, les voisines, les matrones du quartier ou du village et toutes les personnes qui peuvent avoir assisté à l'accouchement, s'en allant, en troupe, faire la déclaration de naissance? Une seule personne suffira, dit-on..... Oui, mais comment chacune de celles que la jurisprudence rend solidaires saurait-elle que ses coobligés l'ont dégagée par l'accomplissement de cette formalité ? Il y va de six mois d'emprisonnement et trois cents francs d'amende. Elle n'aurait qu'un moyen, c'est d'y aller elle-même (1). Le Ministère public, dit M. Ernest Chaudé, saura bien rechercher et découvrir celles qui ont été réellement coupables ou négligentes, et donnera ainsi, dans une juste mesure, satisfaction à la loi (2). Ce serait là, on en conviendra, un pouvoir arbitraire exorbitant laissé aux magistrats du parquet, qui assurément n'en sont pas jaloux. C'est assez, suivant nous, de placer sur la même ligne le médecin et la sage-femme; quant aux autres personnes, leur responsabilité ne doit venir qu'au dernier rang.

Quoi qu'il en soit, il est bon que les médecins et sages-femmes connaissent l'état de la jurisprudence sur cette question, et nous ne pouvons que les engager, lorsqu'ils auront assisté à un accouchement, à vérifier si la naissance a été déclarée.

25. Il faut pourtant préciser. Les Annales d'hygiène publique et de médecine légale nous fournissent des espèces que nous devons citer, parce qu'elles peuvent aider à la solution de difficultés assez graves.

Le 11 septembre 1868, le docteur Roques, médecin à Foix, fut appelé, à trois heures du matin environ, pour donner des soins à une jeune fille de la ville qu'on lui disait atteinte d'une affection nerveuse. A son arrivée, il reconnut qu'il avait affaire non à une crise nerveuse, mais à un accouchement; il invita la mère à faire venir une sage-femme, et néanmoins à l'appeler encore s'il se

(1) Metz, 22 mars 1824.- Duranton, t. 1er, no 312 note 2.- Demolombe, t. 1er, n 293 - Coin Delisle, art. 56, nos 2 et 3.-Massé et Vergé, sur Zachariæ, t. 1er,p. 115. (2) Annales d'hyg. publ. et de méd. lég., 3o série t. 4, 1880, p. 67.

présentait quelque difficulté. Vers neuf heures du matin, il fut appelé de nouveau; l'accouchement et la délivrance étaient opérés depuis environ trois heures, au dire de la mère, qui n'avait pas quitté sa fille et déclarait que l'enfant était mort-né.

Le médecin se borna à prescrire des fomentations émollientes sur le ventre et un bandage de corps ; il se retira sans avoir vu l'enfant.

Le soir, à cinq heures, il fut encore appelé, et l'enfant lui fut alors présenté; cet enfant était mort.

La mère de la jeune fille fut poursuivie pour infanticide, et le docteur Roques fut traduit en police correctionnelle pour défaut de déclaration de naissance.

Cette affaire présentait à juger la question de savoir si le médecin qui n'avait pas assisté à l'accouchement proprement dit était tenu de déclarer la naissance par le seul motif qu'il n'avait pu l'ignorer. Dans l'espèce, le père et la mère de l'accouchée étaient évidemment tenus de cette obligation, mais le médecin qui n'avait pas assisté à la naissance en était-il tenu également? — On disait, pour la prévention, qu'aux termes de l'art. 56 du Code civil, la naissance de l'enfant doit être déclarée par..... les doc<teurs en médecine............ qui auront assisté à l'accouchement » ; que par le mot accouchement il faut entendre non seulement le fait de la délivrance de la mère et de la naissance de l'enfant, mais aussi les premières douleurs de l'enfantement; qu'en conséquence le médecin qui a assisté au premier travail de l'accouchement, qui a été témoin des douleurs initiales, et qui, plus tard, a vu l'enfant, doit faire la déclaration prescrite par les art. 55 et 56 du Code civil, sous peine de commettre le délit prévu par l'art. 346 du Code pénal.

Mais on répondait, avec raison selon nous, que l'obligation du médecin de déclarer la naissance n'existe qu'autant qu'il a assisté à la délivrance et qu'il a constaté que l'enfant qui lui est présenté est bien celui dont la mère est accouchée. Dans le cas contraire, on aurait trop à craindre les suppositions d'enfants. Et d'ailleurs, si le médecin qui n'a pas assisté à la délivrance était obligé à la déclaration lorsqu'il n'a connu cette naissance que postérieurement, à quelle limite s'arrêterait-on? Faudrait-il dire que le médecin appelé dans les trois jours accordés par la loi pour faire cette déclaration y serait tenu? Ce serait bien sévère, alors que la juris prudence ne punit pas le père absent au moment de la naissance,mais rentré à son domicile le troisième jour; serait-on plus exigeant pour le médecin que pour le père de l'enfant ?

DUBRAC.

2

Le docteur X..., médecin dans un département voisin de Paris, traversait en voiture un village situé à quatre kilomètres de sa résidence, lorsqu'il fut appelé pour une femme en couches; pressé de se rendre près d'autres malades, il refusa d'abord et conseilla d'aller chercher une sage-femme. Sur l'insistance de la mère de la jeune femme, il consentit à descendre de voiture, reconnut, après un premier examen, qu'il avait encore quelque temps devant lui, alla visiter un malade, et revint en effet juste à temps pour procéder à l'accouchement.

L'accouchée était mariée, domestique avec son mari dans la même ferme, située à quelques kilomètres de là; elle avait déjà eu plusieurs enfants, et elle était venue faire ses couches dans la maison de son père et de sa mère. L'accouchement terminé, le docteur se retira et, en chemin, il rencontra le mari qui se rendait près de sa femme; il lui apprit son heureuse délivrance et lui recommanda en même temps de ne pas oublier de faire la déclaration de naissance. Malgré cette recommandation, la déclaration ne fut pas faite. Le médecin avait opéré l'accouchement, et le mari était absent au moment précis de la naissance. Ce dernier était-il dispensé de la déclaration, et l'obligation incombait-elle au médecin ?

Nous avons posé en principe, et cela ne peut être discuté, que le père seul est tenu de faire la déclaration lorsqu'il est présent. Faut-il décider, comme nous venons de le faire pour le médecin, que le père n'est réputé présent à l'accouchement qu'autant qu'il a assisté à la sortie de l'enfant du sein de sa mère ?

Evidemment non, le père n'est dispensé de faire la déclaration et, par suite, l'obligation des autres personnes n'apparaît qu'autant que son absence est complète, absolue. On ne peut pas le considérer comme absent lorsqu'il arrive dans la maison quelques instants après l'accouchement. Nous ne méconnaissons pas qu'on peut nous opposer l'argument tiré du danger des suppositions, mais cela ne suffit pas. En réalité, on voit un grand nombre de maris qui n'ont pas le courage d'assister aux couches de leur femme, et ils n'en sont pas pour cela moins responsables du défaut de déclaration de naissance.

Nous adopterons donc l'opinion émise par MM. Devergie, Géry et Demange dans un rapport fait à la Société de médecine légale, le 12 juillet 1869 1o par accouchement, on doit entendre, dans l'art. 56, la sortie de l'enfant du sein de sa mère ; 2° les médecins, officiers de santé ou sages-femmes qui l'auront vu sortir du sein de sa mère ou qui auront été appelés au moment où cet enfant

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