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transmettre, le plus tôt possible, les procès-verbaux constatant l'accomplissement de cette formalité.

« Toutefois, MM., comme les médicaments dont il s'agit sont aujourd'hui très répandus, il me paraît nécessaire, avant de sévir, que les pharmaciens qui préparent ces médicaments soient officiellement prévenus qu'ils s'exposeraient à des poursuites judiciaires s'ils persistaient, après l'avertissement qu'ils auront reçu, dans une voie qu'ils ont pu, jusqu'à présent, croire légale, mais qui, en réalité, est contraire à la loi.

« J'appelle, MM., toute votre attention sur les instructions qui précèdent; vous devrez, pour en assurer l'exécution, vous transporter fréquemment dans les établissements que ces instructions concernent et me rendre compte des résultats de vos observations, afin que je fasse constater les infractions que vous me signaleriez par des procès-verbaux que je déférerai aux tribunaux (1). »

Nous verrons, sous le § 6, ce qui concerne la pénalité à appliquer à l'annonce et à la vente des remèdes secrets.

408. Nous avons dit précédemment, au sujet des pilules Morison, que toute convention relative à la vente d'un remède secret est illicite et frappée d'une nullité d'ordre public; mais quelle est l'étendue des droits que confère la reconnaissance par le gouvernement d'un remède déclaré nouveau et utile et régulièrement autorisé ?

Dans l'état actuel de la législation, l'invention d'une préparation pharmaceutique nouvelle ne peut, à raison de sa nature et de sa destination, être l'objet d'un droit privatif indéfini dans sa durée, comme le droit de propriété : le seul privilège qui puisse appartenir à l'inventeur consiste dans la possibilité d'obtenir une indemnité du gouvernement, en lui révélant un secret utile que celui-ci pourrait acquérir et conserver dans l'intérêt de la santé publique. Ainsi l'inventeur d'une telle composition ou ceux qui le représentent ne peuvent, alors que les éléments et le mode de préparation en sont connus, que la formule en est même énoncée au Codex, s'opposer à ce que toute autre personne, en se conformant aux lois sur la pharmacie, confectionne et vende un remède composé des mêmes éléments et suivant la même formule. Ils ne peuvent même s'opposer à ce que ce remède soit désigné sous le nom de l'inventeur, lorsque, dans l'usage, ce nom s'est incorporé au produit et en est devenu la désignation indispensable; il suffit, pour mettre le fabricant à l'abri de l'accusation de concurrence déloyale, que ses annonces et prospectus soient rédigés de manière à éviter toute confusion

(1) Annales d'hyg. et de méd. lég., 2e série, t. 10, p. 459.

entre ses produits et ceux qui sont fabriqués par l'inventeur ou ses représentants.

C'est ainsi qu'il a été jugé que le privilège concédé par lettres patentes du 12 septembre 1778, d'annoncer et débiter publiquement un remède secret connu sous le nom de Rob dépuratiƒ végétal de Boyveau-Laffecteur, à supposer qu'il n'ait pas été réduit et annulé par les déclarations et arrêts du Conseil, antérieurs à 1789, a été mis à néant par le décret du 18 août 1810 (1).

409. La pâte de Régnault, après avoir enrichi son inventeur qui ne s'y attendait guère, et avoir contribué, pour une large part, à la fortune d'un homme qui fut, dans son temps, une des célébrités parisiennes, a eu des vicissitudes diverses, et bien que ce produit ne paraisse pas jouir aujourd'hui de son ancienne faveur, il constitue encore une composition très appréciée, surtout par son propriétaire. Le sieur Torchon, pharmacien, est l'ayant droit du sieur Régnault ; il livre sa pâte au public sous des marques particulières, dont il s'est assuré la propriété en remplissant les formalités exigées par la loi du 23 juin 1857. Le sieur Pauliac, pharmacien, ayant débité cette pâte en se servant du nom de Régnault, a été assigné par Torchon devant le tribunal civil de la Seine, à fin de dommages-intérêts pour imitation frauduleuse de sa marque et pour s'entendre faire défense de se servir du nom de Régnault.

Le 20 juin 1874, le tribunal a rendu un jugement ainsi conçu :

-

«En ce qui concerne la pâte Régnault; Attendu qu'il est allégué et non contesté que le brevet pris pour la fabrication de la pate Régnault est depuis longtemps tombé dans le domaine public; que, dès lors, la dénomination résultant du nom de l'inventeur ajoutée à une désignation banale peut être employée par des tiers, à charge d'y apporter un changement de nature à empêcher la confusion; que la modification adoptée par Pauliac est suffisante; qu'il n'y a pas lieu d'appliquer à la cause l'art. 17 de la loi du 22 germinal an XI, dont les prescriptions se restreignent à une formule dont Pauliac n'a pas fait usage; que celui-ci n'a pas imité les éléments de la marque de Torchon; que l'apparence donnée à ses produits ne parait pas avoir été combinée en vue de produire une confusion préjudiciable audemandeur; - Par ces motifs,

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Sur l'appel interjeté par Torchon, un arrêt de la Cour de Paris, en date du 14 mars 1876, a confirmé le jugement par adoption de motifs.

Pourvoi en cassation par Torchon. - 1er moyen, violation des art. 1382 du Code civil, 1er de la loi du 18 juillet 1824 et 17

(1) Dijon, 3 août 1866. D. P. 67. 2. 6.

de la loi du 22 germ. an XI combinés, en ce que l'arrêt attaqué aurait refusé d'interdire l'emploi du nom de Régnault au sieur Pauliac pour la dénomination d'une pâte pectorale préparée par ce dernier. 2e moyen violation de l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810 pour défaut de motifs.

:

Arrêt.

Attendu que

« La Cour; - Sur le premier moyen du pourvoi : si, en principe, le nom patronymique d'un inventeur, resté sa propriété exclusive à l'expiration de son brevet, ne peut pas être employé par tous ceux qui fabriquent le produit tombé dans le domaine public, il en est, toutefois, autrement dans le cas où, par un long usage, ou, par suite du consentement, soit exprès, soit tacite, de l'inventeur, son nom est devenu la seule désignation usuelle de ce produit; que lorsqu'il s'agit spécialement d'un médicament entré dans le domaine commun de la pharmacie, tous les pharmaciens, qui ont le droit de fabriquer et d'exploiter ce médicament, peuvent l'annoncer et le débiter sous la dénomination qui est devenue dans l'usage sa désignation, à la charge seulement de prendre les précautions nécessaires pour ne pas induire le public en erreur sur l'origine du produit par eux fabriqué; qu'on ne saurait leur imposer l'obligation de donner à ce produit une dénomination autre que celle sous laquelle il est connu, sans les exposer à contrevenir aux règles de leur profession et au reproche d'annoncer un remède secret;

Attendu que le jugement, dont les motifs ont été adoptés par la Cour de Paris, déclare que la dénomination de la pâte pour laquelle un brevet depuis longtemps tombé dans le domaine public a été délivré à Régnault, résulte du nom de l'inventeur ajouté à une désignation banale; qu'il ressort de cette déclaration que le nom de Régnault est un élément nécessaire de la désignation de la pâte fabriquée selon sa formule, et qu'en décidant que Pauliac pouvait s'en servir à la seule condition d'y joindre une mention de nature à empêcher toute confusion sur la provenance du produit sorti de son officine, l'arrêt attaqué n'a violé aucune des lois visées au pourvoi; « Sur le deuxième moyen :- (sans intérêt) (1). »

410. La loi du 27 mars 1851, article 1er, no 2, punit des peines édictées par l'article 423 du Code pénal (2) non seulement la vente, mais aussi la mise en vente de médicaments falsifiés ou corrompus. Cette loi a abrogé implicitement celle du 19 juillet 1791 qui punissait de 100 livres d'amende et d'un emprisonnement pouvant s'élever jusqu'à six mois, la vente de médicaments corrompus. Aujourd'hui, le pharmacien qui serait trouvé détenteur, dans son officine, d'un médicament gâté ou falsifié, serait passi

(1) Cassation, 16 avril 1878. P. 1879. 627.

(2) L'article 423 du Code pénal prononce un emprisonnement de trois mois au moins et d'un an au plus, et une amende qui ne peut excéder le quart des restitutions et dommages-intérêts ni être inférieure à 50 fr.

ble des peines de l'article 423 du Code pénal. Il est vrai qu'aux termes de l'article 1er, n° 2, de la loi du 27 mars 1851, il faut, pour cela, qu'il sache que la substance était falsifiée ou corrompue; mais le pharmacien devant toujours s'assurer de la qualité des médicaments qu'il détient, il lui serait difficile de prouver son ignorance à cet égard. Et la peine serait encourue quand même le médicament aurait été acheté d'un autre pharmacien (1).

Les objets saisis sont confisqués ou détruits, et l'affichage du jugement peut être ordonné par les tribunaux. Enfin, en cas de récidive dans le délai de cinq années, la peine peut être élevée jusqu'au double du maximum.

§ 4.

De la vente des substances vénéneuses.

411. Toutes les lois qui ont successivement réglementé la pharmacie, depuis et y compris l'édit de 1682, ont dû se préoccuper des dangers que présente la mise en vente des substances toxiques et ordonner des mesures propres à prévenir les erreurs et les accidents.

Les articles 34 et 35 de la loi du 21 germ. an XI portaient que les substances vénéneuses seront tenues sous clef dans les officines des pharmaciens et dans les boutiques des épiciers, qu'elles ne pourront être vendues qu'à des personnes connues et domiciliées qui pourront en avoir besoin pour leur profession ou pour cause connue, à peine de 3,000 fr. d'amende. L'article 35 prescrivait en outre aux pharmaciens et épiciers la tenue d'un registre coté et paraphé pour l'inscription des ventes de substances vénéneuses.

Ces dispositions n'étaient guère appliquées. Il n'existait pas de nomenclature légale des substances vénéneuses dont plusieurs, employées journellement pour le chaulage des grains, pour la destruction des insectes et animaux nuisibles, pour le traitement des animaux domestiques, étaient vendues par le premier, vena. L'élévation de la peine, qui ne pouvait être abaissée par l'admis sion des circonstances atténuantes, était aussi une cause du relâchement qui s'était introduit dans le régime applicable à la vente des poisons.

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C'est pour remédier à cet état de choses que fut votée la loi da 19 juillet 1845. Elle est ainsi conçue :

Art. 1er. -« Les contraventions aux ordonnances royales portant règlement d'administration publique sur la vente, l'achat et l'em

(1) Orléans, 8 avril 1851. P. 1851. 1. 478.

ploi des substances vénéneuses, seront punies d'une amende de 400 fr. à 3,000 fr. et d'un emprisonnement de six jours à deux mois, « sauf application, s'il y a lieu, de l'art. 463 du Code pénal (concer«nant les circonstances atténuantes).

« Dans tous les cas, les tribunaux pourront prononcer la confisca«tion des substances saisies en contravention. >>

Art. 2. — « Les articles 34 et 35 de la loi du 21 germ. an XI seront • abrogés à partir de la promulgation de l'ordonnance qui aura statué sur la vente des substances vénéneuses. »

412. L'ordonnance royale annoncée par cette loi fut rendue le 29 octobre 1846; elle contient les dispositions suivantes :

a

TITRE I.

DU COMMERCE DES SUBSTANCES VÉNÉNEUSES.

Art. 1er. Quiconque voudra faire le commerce d'une ou de plusieurs des substances comprises dans le tableau annexé à la présente ordonnance, sera tenu d'en faire préalablement la décla⚫ration devant le maire de la commune, en indiquant le lieu où est ⚫ situé son établissement.

D

« Les chimistes, fabricants ou manufacturiers, employant une ou plusieurs desdites substances, seront également tenus d'en faire la déclaration dans la même forme.

Ladite déclaration sera inscrite sur un registre à ce destiné, et dont un extrait sera remis au déclarant; elle devra être renouvelée dans le cas de déplacement de l'établissement.

« Art. 2. Les substances auxquelles s'applique la présente • ordonnance ne pourront être vendues ou livrées qu'aux commerçants, chimistes, fabricants ou manufacturiers, qui auront fait la « déclaration prescrite par l'article précédent, ou aux pharmaciens. Lesdites substances ne devront être livrées que sur la demande « écrite et signée de l'acheteur.

Art. 3. Tous achats ou ventes de substances vénéneuses seront inscrits sur un registre spécial, coté et paraphé par le maire ou le commissaire de police.

Les inscriptions seront faites de suite et sans aucun blanc, au < moment même de l'achat ou de la vente; elles indiqueront l'espèce « et la quantité des substances achetées ou vendues, ainsi que les « noms, professions et domicile des vendeurs ou des acheteurs. « Art. 4. Les fabricants et manufacturiers employant des suba stances vénéneuses en surveilleront l'emploi dans leur établissement et constateront cet emploi sur un registre établi conformément au premier paragraphe de l'article 3. »

TITRE II.

DE LA VENTE DES SUBSTANCES VÉNÉNEUSES PAR LES PHARMACIENS. « Art. 5. La vente des substances vénéneuses ne peut être faite pour l'usage de la médecine que par les pharmaciens, et sur la prescription d'un médecin, chirurgien, officier de santé, ou d'un a vétérinaire breveté.

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