Page images
PDF
EPUB

460. En outre des peines que nous venons d'énumérer dans le tableau qui précède, les tribunaux peuvent encore prononcer des peines accessoires. Ainsi, en cas de tenue illégale d'une offi cine de pharmacien, les juges peuvent en ordonner la fermeture, même sur la poursuite de la partie civile. Cette mesure, n'étant que l'application des articles 25, 26 et 28 de la loi du 21 germinal an XI, doit même être prise d'office, dans un intérêt public, dès que le délit est constaté; il n'est pas nécessaire qu'elle soit requise (1).

461. Dans le cas de vente ou mise en vente de substances alimentaires ou médicamenteuses falsifiées ou corrompues, les tribunaux peuvent, aux termes de l'article 6 de la loi du 27 mars 1851, ordonner l'affiche du jugement dans les lieux qu'il désigne et son insertion intégrale ou par extrait dans les journaux, le tout aux frais du condamné.

462. Le jugement de condamnation peut aussi, pour les délits de cette nature, prononcer la confiscation des objets dont la vente, l'usage ou la possession constitue le délit. S'ils sont propres à un usage alimentaire ou médical, ils sont mis à la disposition de l'autorité administrative pour être livrés aux établissements de bienfaisance; s'ils sont impropres à cet usage, ou nuisibles, ils sont détruits ou répandus aux frais du délinquant, et le tribunal peut ordonner que la destruction ou l'effusion aura lieu devant l'établissement ou le domicile du condamné (2).

Mais la confiscation ne peut avoir lieu qu'en vertu de la loi du 27 mars 1851, c'est-à-dire pour mise en vente de substances alimentaires ou médicamenteuses falsifiées ou corrompues. Si la condamnation était prononcée par application de la loi du 21 germinal an XI, la confiscation ne pourrait plus être ordonnée, cette loi, pas plus que celle du 29 pluviôse an XIII, n'autorisant cette mesure (3).

463. Les infractions aux lois sur la pharmacie constituent-elles de simples contraventions de police, ou, au contraire, sont-elles des délits, comme le sont, en général, les infractions justiciables des tribunaux correctionnels?

La question a une grande importance. Nous avons vu, en effet, que les infractions à la loi du 19 ventôse an XI sur l'exercice de

(1) Nîmes, 13 août 1829. P. chr. Cassation, 2 octobre 1834. P. chr.

5 mai 1868. P. 1868. 836.

(2) Loi du 27 mars 1851, art. 5.

[blocks in formation]

(3) Cassation, 18 mai 1844. P. 1844. 2. 432. - Paris, 18 septembre 1851. P. 1853. 1. 123. Cassation, 26 janvier 1855. P. 1855. 1. 144.

la médecine sont considérées par la jurisprudence comme de simples contraventions de police, nous en avons tiré de nombreuses conséquences, notamment qu'on ne peut leur appliquer les règles de la complicité; que la bonne foi reconnue chez le contrevenant ne peut le soustraire à l'application de la peine; que la récidive ne peut être constituée que par une nouvelle contravention de même nature commise dans l'année ; que la faculté d'appeler du jugement de condamnation appartient au condamné, mais non à la partie civile et au ministère public, etc... En serat-il de même des infractions aux lois sur la pharmacie?

MM. Briand et Chaudé (1) pensent que la jurisprudence a longtemps hésité sur cette question, parce que, dans plusieurs décisions judiciaires, on a employé tantôt le mot délit, tantôt le Il ne faut pas se méprendre sur le sens de ces mots. Aux termes de l'article 1er du Code pénal :

mot contravention.

[ocr errors]

« L'infraction que les lois punissent de peines de police est une < contravention. L'infraction que les lois punissent de peines <correctionnelles est un délit. L'infraction que les lois punissent de peines afflictives et infamantes est un crime. »

Les contraventions sont jugées par les tribunaux de simple police, les délits par les tribunaux correctionnels, et les crimes par les Cours d'assises, sauf quelques exceptions qu'il est inutile d'indiquer ici.

Mais la définition donnée par l'article 1er du Code pénal est essentiellement défectueuse.

La qualification du fait ne peut pas dépendre de la peine encourue. Aussi, dans le langage usuel, même au palais, a-t-on toujours confondu les mots de délit et de contravention. La contravention se dit fort souvent du fait par lequel on a contrevenu à une loi de répression, quelle que soit la nature de la peine. Les magistrats qui prononçaient les jugements et arrêts dont parlent MM. Briand et Chaudé, où l'on employait le mot contravention pour qualifier les infractions aux lois sur la pharmacie, savaient très bien qu'il ne s'agissait pas de contravention dans le sens restreint que l'article 1 du Code pénal donne à ce mot, puisqu'ils appliquaient, en même temps, des peines bien supérieures aux peines de simple police. Dans le langage ordinaire, on qualifie par ce mot les infractions à une foule de lois spéciales punies de peines fort sévères les lois sur les contributions indirectes, qui prononcent des amendes, s'élevant parfois jusqu'à 20,000 francs et plus; la loi sur

(1) Briand et Chaudé, Manuel de méd. lég., 10 édit., t. 2, p. 770 et s.

DUBRAC.

30

la chasse, qui prononce un emprisonnement d'un mois, etc., etc... C'est par suite de la fausse définition donnée par le Code pénal qu'il s'est introduit dans le nouveau langage du droit une expression qui n'est peut-être pas très logique, mais qui est destinée à désigner les infractions mixtes qui participent à la fois de la simple contravention par le but que la loi se propose d'atteindre et du délit par le taux de la peine édictée. On appelle ces infractions des délits-contraventions (1).

Nous ne croyons donc pas que la jurisprudence ait hésité le moins du monde.

En ce qui concerne l'exercice illégal de la médecine, le doute a pu naître de ce que, en raison du silence de la loi, la jurisprudence a décidé que la peine encourue est une peine de simple police, qui néanmoins est appliquée par les tribunaux correctionnels, aux termes de l'article 36 de la loi du 19 ventôse an XI. - Il ne peut en être ainsi des lois sur la pharmacie, le minimum des peines, en pareil cas, étant bien supérieur au maximum des peines de simple police. Ces infractions sont donc des délits quant à la peine à appliquer et quant à la compétence des tribunaux qui en connaissent.

464. Mais si les infractions aux lois sur la pharmacie ne sont pas de simples contraventions de police, elles n'en constituent pas moins des délits spéciaux auxquels ne s'appliquent pas toutes les règles générales qui concernent exclusivement les délits de droit

commun.

Elles rentrent dans la classe des infractions mixtes que l'on désigne sous le nom de délits-contraventions.

465. Ainsi la complicité n'existe pas plus pour cette nature d'infraction que pour les délits de chasse, par exemple (2), et la bonne foi de l'auteur ne peut pas être invoquée comme excuse (3.

466. En ce qui concerne l'étendue des peines à appliquer, il faut faire une distinction: lorsqu'une loi spéciale renvoie à un article du Code pénal, il faut suivre toutes les règles posées par ce Code pour les délits de droit commun; quand, au contraire. la loi spéciale a déterminé elle-même la peine, sans renvoi au Code pénal, cette peine ne peut être réduite qu'autant que la loi l'a formellement autorisé.

(1) Dalloz, Rép., vo Contravention, no 4.- Dalloz et Vergé, Code pénal annote, art. ler, nos 132 et s.

(2) Cassation, 20 juillet 1872. D. P. 72. 1. 280. Dalloz et Vergé, Code pensi annoté, art. 1, nos 191 et s. Contrà Rouen, 22 octobre 1836. Paris, 31 jur 18 septembre 1851. D. P. 54. 2. 292.

let 1851. D. P. 52. 5. 420;

-

(3) Dalloz et Vergé, op. cit., loc. cit., no 189.

La loi du 19 juillet 1845 sur la vente des substances vénéneuses, celle du 27 mars 1851 sur la détention et la vente des denrées alimentaires ou médicamenteuses falsifiées ou corrompues, autorisent l'admission des circonstances atténuantes; cette dernière n'aurait même pas eu besoin de le dire, puisqu'elle se borne à renvoyer au Code pénal pour la fixation de la peine; elles laissent en outre une grande latitude au juge entre le minimum et le maximum. Si l'on applique la loi du 27 mars 1851, on peut graduer la peine depuis un franc d'amende jusqu'à un emprisonnement d'un an et une amende de 50 francs. Si le juge applique la loi du 19 juillet 1845, il peut prononcer depuis une amende d'un franc jusqu'à deux mois de prison et 3,000 fr. d'amende.

Mais les lois anciennes ne laissaient pas une pareille latitude aux magistrats, elles prononçaient presque toujours une peine fixe, invariable, inflexible, que les tribunaux n'étaient point libres d'abaisser. Ainsi la déclaration de 1777 porte une amende de 500 fr.,rien de plus, rien de moins ; il n'est pas permis d'en abaisser le chiffre, l'article 463 du Code pénal n'étant pas applicable. Il en est de même de la loi du 29 pluviôse an XIII. Il est vrai que cette dernière loi a fixé un minimum et un maximum, mais ces deux limites ne peuvent être dépassées.

467. La règle du non-cumul des peines ne s'applique pas aux lois spéciales; en conséquence, il doit être prononcé autant d'amendes qu'il y a d'infractions (1).

468. Le Code pénal, dans ses articles 56, 57 et 58, ces deux derniers modifiés par la loi du 13 mai 1863, a déterminé l'aggravation de peine qui résulte de l'état de récidive. Il faut distinguer la récidive de crime à crime prévue par l'article 56, c'est-à-dire le cas où un crime a été commis après une condamnation précédemment prononcée pour un autre crime; nous n'avons pas à nous en occuper ici; la récidive de crime à délit, ou le cas où un délit est commis par une personne antérieurement condamnée pour un crime; l'article 57 lui est applicable; - la récidive, enfin, de délit à délit, prévue par l'article 58. Il n'existe pas de récidive de délit à crime, c'est-à-dire que l'individu qui se rend coupable d'un crime n'encourt pas une aggravation de peine par ce

(1) Cassation, 7 juin 1842. D. P. 43. 1. 258. - 16 février 1844. P. 1844. 2. 435. 15 mars 1845. D. P. 45. 4. 543. — 2 décembre 1848. Paris, 24 juillet Paris, 18

1850.

Cassation, 22 mars 1851.

septembre 1851. D. P. 54. 2. 192.

[ocr errors]
[ocr errors]

10 mai 1851. 17 mai 1851.
Douai, 26 avril 1853. D. P. 53. 2. 153.

Contrá: Chauveau et Hélie, Théor. du Code pénal, t. 1er p. 260. et Vergé, Code pén. annoté, art. 1er, no 252.

Dalloz,

fait qu'il aurait déjà été condamné pour un délit, à moins que le crime ne soit pas puni de peines afflictives et infamantes.

Dans les cas prévus par les articles 57 et 58, c'est-à-dire quand un individu a déjà été condamné pour un crime ou un délit à une peine supérieure à une année d'emprisonnement, et qu'il commet un nouveau délit, les tribunaux doivent lui appliquer le maximum de la peine qu'il a encourue par ce nouveau délit, ils peuvent même la porter jusqu'au double, et ils doivent, de plus, placer le condamné sous la surveillance de la police pendant cinq ans au moins et dix ans au plus. Il importe peu que le nouveau délit soit ou non de la même nature que le premier.

En ce qui concerne les lois spéciales, les règles que nous venons de résumer sont appliquées ou ne le sont pas, selon que ces lois ont ou n'ont pas établi une récidive particulière. Ainsi le fait prévu par l'article 36 de la loi du 21 germinal an XI, c'est-à-dire vente de remèdes dans les places, foires et marchés, l'annonce et la vente de remèdes secrets, est pani par la loi du 29 pluviose an XIII. Cette loi dispose qu'en cas de récidive, la détention sera de trois jours au moins, de dix au plus. La récidive est constituée alors par un délit de même nature.

Il en sera de même de la détention ou vente de substances alimentaires ou médicamenteuses falsifiées ou corrompues, la loi du 27 mars 1851 ayant établi, par son article 4, une récidive particulière pour les nouvelles infractions commises dans les cinq années qui suivent une précédente condamnation. Mais cette loi permet expressément l'application des articles 57 et 58 du Code pénal. En conséquence, si l'inculpé a déjà subi une peine de plus d'un an d'emprisonnement pour un fait d'une autre nature, il devra être condamné au maximum de la peine, qui pourra même être portée jusqu'au double, avec surveillance de la police. C'est seulement en reconnaissant les circonstances atténuantes et en appliquant l'article 463 du Code pénal que les tribunaux pourront éviter au condamné l'aggravation de peine résultant de ce genre de récidive.

Quant à la déclaration du 25 avril 1777, elle se borne à dire qu'au cas de récidive, la peine sera plus forte. Les infractions prévues par cette loi, c'est-à-dire l'exercice illégal de la pharmacie par les moyens autres que ceux prohibés par l'article 36 de la loi de germinal an XI, pourront constituer l'auteur en état de récidive légale dans les conditions des articles 57 et 58 du Code pénal.

« PreviousContinue »