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L'EGLISE SAINT-BRUNO DES CHARTREUX

(Fin)

Le décret impérial qui supprimait les missions (1809) ramena M. Rauzan à Paris. M. Gagneur fut appelé à le remplacer. C'est à lui que l'on doit la construction de la chaire que ne comportait pas une église conventuelle. Sous son administration, une pieuse personne, Mlle Repond, fit don à la paroisse du grand ostensoir, de la niche de l'exposition, de deux beaux candélabres et des anges adorateurs auxquels dans ces derniers temps, on a substitué les deux groupes que l'on voit sous le baldaquin. Affaibli par ses travaux et par l'âge, M. Gagneur donna sa démission en 1817. M. de La Croix d'Azolette quitta le poste de directeur au grand Séminaire pour lui succéder; il continua de pourvoir au mobilier de l'église, il fit mettre des barrières à différents autels et acheta les cloches. De plus hautes destinées l'attendaient; mais, fidèle à ses premières affections, il abandonna le siège métropolitain d'Auch; il vint passer les dernières années de sa belle vieillesse dans une cellule du cloître des Chartreux, mourir comme un saint, et reposer dans le caveau creusé sous les dalles de la chapelle dédiée à saint Bruno. C'est ce que rappelle une inscription funéraire.

Pendant trente-trois ans de ministère paroissial, M. Pousset, outre les œuvres de zèle qui sont la première préoccupation d'un curé, ne négligea pas le soin de la maison de Dieu. Mentionnons les deux autels de saint Pierre et de sainte Philomène et surtout des réparations notables qu'il fallut faire à la toiture du dôme. Il cédait sa paroisse à M. Bissardon, en 1856, et la Providence lui accordait une longévité de patriarche, qui lui permit de voir son quatrième successeur à la cure de Saint-Bruno.

M. Bissardon confia à M. Desjardins la décoration de la chapelle de la Sainte-Vierge, décoration qui a servi de type à toutes celles qui ont suivi. Après M. Gorand, qui ne fit que passer (1864), commença, avec M. Fond, une nouvelle ère pour l'église des Chartreux. Bientôt on voit se transformer dans leur parure d'or et de marbre les chapelles du Sacré-Coeur, de

Saint Bruno, de Saint-François-Régis, cette dernière par les libéralités de M. l'abbé Mouton. Et ce n'était qu'un début. Doué d'une volonté que rien n'arrête, animé d'un zèle qui s'avive devant les difficultés, il songe à donner une façade à son église, un vêtement architectural à ce mur qu'on se rappelle, tout hérissé de pierres qui l'attendaient maussadement depuis plus d'un siècle. Et la façade s'éleva au milieu de temps à jamais néfastes (1871-1872).

Avant que l'on procédât à cette œuvre capitale, une question se posait. Etait-il opportun de donner une travée de plus à la nef, qui, à première vue, paraît être d'un trop court développement: cela, soit pour l'effet architectural, soit pour l'espace réservé aux fidèles? La question fut sérieusement examinée, discutée, et par des hommes compétents. L'une des raisons qui prévalurent contre cet agrandissement, était que Delamonce devait, en l'espèce, faire autorité, et qu'on pouvait s'en tenir au plan et aux dimensions que sa main avait signés.

Or, on ignorait à ce moment que Delamonce avait inutilement réclamé l'augmentation sur laquelle portait le débat. Voici deux lettres qui établissent le fait. La première est du Prieur. Il écrit au Père Général : « M. Delamonce, architecte et directeur des ouvrages de l'église, proposa à notre Père Visiteur une augmentation de construction pour les proportions, la régularité et la décoration de cette église, et ne fut pas écouté. Notre Père Visiteur lui fit comprendre que la dépense des ouvrages convenus était déjà des plus considérables, et qu'il n'était pas à propos de s'engager dans une dépense nouvelle. Du depuis, le même architecte a souvent sollicité de consentir à cette augmentation, disant que le public, ce qu'il y a de gens connaisseurs, et les amis de l'Ordre, demandent l'agrandissement qui, manquant à l'église, la rendra trop raccourcie, sans proportion; le surplus serait étranglé, et ensuite le mal sans remède... Nous ne pouvons prendre tout cela sur nous sans l'autorité de Votre Révérence et l'agrément de notre Père Visiteur.»

Le Général de la Grande-Chartreuse répondit, en date du 24 avril 1734. « Puisque le Père Visiteur n'a pas jugé à propos de consentir à l'augmentation que vous et M. Delamonce me proposez, je ne puis y donner la main, d'autant que votre nouvelle église, dans son total, a quatre fois la longueur de sa lar

geur... Il y aura suffisamment de place pour les séculiers si, comme je crois, on doit ouvrir les quatre chapelles de chaque côté de la nef... Il faut se borner aux dépenses et fonds que vous pouvez avoir, et on ne doit pas faire des cathédrales de nos églises. Je vous souhaite les bonnes fêtes et suis très sincèrement votre affectionné confrère. Frère Etienne, prieur de Chartreuse. (Dom Etienne Richard.)

L'église resta donc, d'après cette décision, et reste donc encore aujourd'hui dans les dimensions du plan primitif. C'est à M. Sainte-Marie Perrin, l'éminent architecte de Fourvière, que fut confiée l'érection de la façade. La Semaine catholique de Lyon sulua cet évènement dans un article qu'il faudrait reproduire en entier, et dont nous prenons quelques lignes : « L'œuvre de M. Sainte-Marie Perrin est excellente; grâce à lui, SaintBruno possède enfin une façade à la fois simple et élégante. Depuis la saillie demi-circulaire dans laquelle s'ouvre le portail flanqué de colonnes doriques, jusqu'à la tribune sur laquelle donne la grande fenêtre centrale encadrée de colonnes cannelées, jusqu'à la niche du fronton où doit être placée la statue de saint Bruno, tout se tient, tout se lie, en rapport avec l'édifice et dans son ensemble harmonieux. »

La statue du saint patron vint à son heure, et M. Fabisch reproduisit le chef-d'oeuvre de Houdon à Sainte-Marie-desAnges, à Rome, dont Clément XIV a dit : « Ce marbre parlerait si la règle des Chartreux ne lui imposait pas le silence.» Tout cela s'était accompli sans nulle subvention officielle, à l'aide de souscriptions particulières, entre lesquelles il faut citer la souscription des Pères de la Grande-Chartreuse, touchante aumône de ceux qui avaient été jadis dépossédés. Une allocation municipale permit ensuite de réparer l'œuvre extérieure presque dans sa totalité, et de substituer aux avant-toits disgracieux, une corniche de pierre. Puis ce fut l'acquisition d'un orgue, meuble de luxe, qui n'a pas sa place dans les églises et dans le rite austère des fils de saint Bruno. Il fut pendant quelque temps, comme entreposé dans le côté droit du choeur, à la suite des stalles, et il paraissait avoir conscience et honte de cette position gênante, anormale, déplaisante. Par une très heureuse idée, on le plaça au fond du choeur et on fit servir à la façade du buffet la superbe boiserie qui encadrait le tableau du bap

tême de Notre-Seigneur. A cette distance, et sans interrompre le développement des stalles, il n'a pas l'inconvénient, ainsi que cela existe dans tant d'autres églises, de brouiller par l'éclat des tuyaux d'étain la parure de l'autel.

Enfin, au moment où il avait le droit de se reposer de tout ce qu'il avait fait, M. Fond, avec des ressources généreuses dont il a gardé le secret, avec les dons de ses paroissiens dans un milieu ouvrier, entreprit la restauration de tout l'intérieur du monument. M. Sainte-Marie Perrin la dirigea, M. Ramponi exécuta les travaux. Dieu rappela à lui le digne curé avant qu'il eût la joie de voir son œuvre achevée. Elle a été reprise vaillamment et intelligemment par M. Bélicard. En moins de deux années, on a vu se décorer, il faudrait plutôt dire se créer, les chapelles Saint-Joseph, Saint-Irénée et des Fonts baptismaux, se dresser les belles portes de chêne de l'entrée principale, s'améliorer l'état de la sacristie. Ensuite est venue une notable réparation du couloir qui s'ouvre au couchant de l'église, longe le petit cloître et conduit soit au choeur soit au sanctuaire.

Enfin, après un alignement remanié de la rue Pierre-Dupont, une belle grille a remplacé la vieille porte à deux auvents qui, du temps des Chartreux, donnait accès à l'église et au monastère. La cour qui va de la grille à la façade a été plantée d'arbustes.

Le curé actuel, M. le chanoine Robert, a déjà prouvé, dans la première année de sa charge, qu'il continuera l'œuvre de ses prédécesseurs.

La partie historique de ce modeste travail, et sur laquelle nous nous sommes peut-être trop étendu, a été toutefois, dans une certaine mesure, une partie descriptive. Il reste peu à dire pour compléter ce point de notre sujet.

Nous avons décrit la façade qui, par son style, fait bien corps avec l'intérieur du monument. En pénétrant dans l'église, le regard est attiré par le baldaquin dont les lignes gracieuses s'élancent dans l'évasement de la coupole. Il en est de plus riches, notamment en Italie, il en est peu d'aussi élégants. Le maître-autel, à deux faces, est remarquable par ses beaux marbres d'Italie. Deux groupes d'anges sont disposés sur l'enta

blement qui relie les socles des colonnes. Le groupe de gauche est de Fabisch père, celui de droite est de son fils. Aux deux inscriptions qui y figurent, répondent les attitudes différentes des anges: Gloria in excelsis Deo. Et in terra pax homi

nibus.

La première des chapelles après le local où l'on remise les chaises, du côté de l'épître, était dédiée à sainte Philomène. L'écusson sculpté sur le devant de l'autel porte les instruments de son martyre. Il faut s'arrêter devant la toile de Brunet, rappelant l'orage dont il a été parlé. Le ciel est sombre, le vent a emporté d'énormes poutres et menace de tout détruire. Un religieux (qui avait récemment encore une parenté à Saint-Martinde-Fontaines) est agenouillé. Dans les nuages apparaissent les Personnes divines, saint Jean-Baptiste, saint Bruno et saint Hugues, l'évêque de Grenoble qui accueillit le fondateur de l'Ordre et ses compagnons.

A la suite la chapelle du Sacré-Coeur, avec un bon tableau de Sublet et un Christ au tombeau sous la table de l'autel, le tout moderne. La chapelle de la Sainte-Vierge a une statue d'albâtre due au ciseau de M. Fabisch; l'autel, en marbre de Gênes, date de 1735.

Nous avons dit que la croisée de l'église est coupée de part et d'autre dans sa longueur par un mur circulaire où sont fixées les deux toiles de Trémolière, Ascension et Assomption. Ces toiles sont vraiment admirables par la composition de la scène, la correction du dessin, la beauté et la délicatesse du coloris.

Les deux extrémités de la croisée forment, derrière ce mur, deux chapelles : celle de Saint-Irénée, patron des missionnaires diocésains, avec un autel de bon goût et un tableau, Adoration des Mages, - don du gouvernement de Louis-Philippe ; celle de Saint-Joseph, à gauche, où le saint est représenté comme patron de l'Eglise universelle.

En reprenant le côté de l'évangile, à partir de la porte. d'entrée, nous avons successivement les chapelles : des Fonts baptismaux où l'on a transporté le tableau de Halle fils, qui était au fond du choeur; de Saint-Pierre, avec une toile sans grande valeur; de Saint-François-Régis, avec un bon tableau de Brunet, l'Ensevelissement du Christ; de Saint-Bruno, la statue

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