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doyen auquel Aubret s'adressa était Bessie de Montauzan, dont les notes assez nombreuses répandues dans les papiers du chapitre manifestent l'intérêt qu'il prenait à ses affaires et à son histofre (1) réponse aux questions soulevées est intéressante Aplus d'un re, et mérite d'être lue avec attention. Il s'étend surtout sur la date de la consécration de son église, et il la place au 8 décembre pour la raison majeure que cette fête a toujours été célébrée ce jour-là dans la collégiale. En parlant de la fameuse Bible manuscrite du chapitre, il nous apprend qu'elle avait au moins trois volumes, puisqu'il veut vérifier si les actes des sires de Beaujeu sont plus anciens dans le premier volume que dans les autres. Ces actes, écrits soit sur les feuillets de garde, soit sur les marges des feuillets intérieurs, devaient être fort nombreux, puisqu'il y en avait dans les trois volumes. La connaissance de ce détail nous en fait regretter plus vivement la perte qui paraît irréparable. Nos regrets, il est vrai, sont quelque peu diminués par l'analyse d'Aubret qui en a extrait un grand nombre de faits dans son ouvrage, mais qui peut répondre que ce soient les parties les plus intéressantes et les plus essentielles?

Le doyen parle aussi du tombeau d'une dame de Beaujeu existant dans l'église des Cordeliers de Villefranche. Il s'agit d'Eléonore de Savoie qui était représentée en peinture dans l'arcade du mur, en vêtements gris, et couchée sur son lit de mort. Au dire de Louvet, quatre de ses enfants étaient enseveliş avec elle dans le même tombeau.

A cette occasion, le doyen nous apprend encore que la disposition de cette église fut modifiée en 1722. On en changea l'orientation en mettant la porte d'entrée vers l'orient, c'està-dire du côté de la ville. Ce changement facilitait l'accès de l'église aux habitants et leur évitait d'en faire le tour.

(1) Du reste il rendit à Aubret plusieurs autres services, ainsi que celuici se plaît à le reconnaître, en avouant qu'il lui a fait voir l'ancienne Bible et qu'il l'avait « comblé d'honnêtetés. . et communiqué tout ce qu'il y avait dans le trésor du chapitre. » (Mémoires, I, 210.)

Ce doyen n'était pas un homme ordinaire; docteur en théologie il occupa sa charge 48 ans. Elu le 29 septembre 1691, à l'unanimité des voix, à la suite de la démission d'Antoine Garil, il mourut le 12 janvier 1738, et eut dès le lendemain pour successeur Laurent Ponthus Bessie, du diocèse de Lyon, licencié en théologie et théologal de la cathédrale de La Rochelle.

A ces deux lettres, j'ai jugé bon de joindre une note de la main de Bessie de Montauzan, par laquelle on verra que le précieux cartulaire de Beaujeu fut envoyé à Paris en 1571 pour le soutien d'un procès. C'était bien l'exposer au danger de se perdre. Et en effet, à l'époque où fut écrite la note, c'est-à-dire près d'un siècle et demi plus tard, il se trouvait encore parmi les dossiers poudreux d'un procureur de Paris. Il en est revenu ensuite, puisqu'il est conservé aujourd'hui aux archives du Rhône, mais dans quel état de délabrement!

Il y manque au moins un cahier entier, et sur les trois qui restent tout déreliés, les huit premiers feuillets sont fortement entamés par la dent des rats. Ces mutilations existent depuis ce temps, car on voit au revers du premier feuillet une restitution dont l'écriture est du xvIe siècle. Quant à la perte du premier cahier, elle semble bien antérieure. En effet, ainsi que l'a remarqué l'auteur d'une note qui est jointe au cartulaire, le numérotage actuel des chartes part du premier feuillet restant, et ce feuillet porte en tête une fin de charte dont le commencement se trouvait sur le cahier disparu. Or, ce numérotage est fort ancien, peut-être du XIIIe siècle.

Mais si la perte de ce cahier, où devait se trouver la fondation de l'église, remonte si loin, comment la concilier avec l'affirmation de Bessie, que le cartulaire envoyé à Paris contenait cette fondation? Il n'y a que deux explications possibles : ou bien le cartulaire envoyé à Paris n'était qu'une ancienne copie et l'original serait resté à Beaujeu incomplet du premier cahier, tel qu'il est encore aujourd'hui aux archives; ou bien cette charte de fondation était écrite à la fin du cartulaire, lequel perdit ses derniers feuillets dans son voyage à Paris, et il est facile de constater que la charte qui le termine est incomplète.

Quoi qu'il en soit de ce petit problème, nous n'avons plus aujourd'hui que des copies de cette fondation.

La plus ancienne est celle-là même dont Bessie parle dans sa note; elle se trouve actuellement aux archives du Rhône avec trois autres plus récentes, mais elle seule porte les trois premières lignes de la consécration figurées avec leurs lacunes, comme elles devaient être sur le cartulaire à l'époque où fut faite la copie, lacunes et blancs fidèlement reproduits dans le cartulaire imprimé. En outre, elle donne en chiffres romains

l'année « mill LXXVI° » que les autres mettent en chiffres arabes, particularité qui avait beaucoup d'importance aux yeux d'Aubret et sur laquelle il insiste spécialement.

Cette ancienne copie remplaçant l'original perdu, il importe de dire par quelles vicissitudes elle a passé. C'est ce que nous apprennent les trois notes suivantes écrites au dos: « 1° Coppie fondation de l'esglize collégialle Nostre-Dame de Beaujeu, avec la description des reliques données par les fondateurs et dénombrement des biens. Le 7 may 1608, j'ay escript ce que dessus L. de la BESSÉE, chanoyne. 2o Le 20 mars 1645, j'ai retiré de s Baptiste de la Bessée, héritier et neveu de Me Léonard de la Bessée, chanoine sus-nommé, le présent extraict de fondation. GARIL, doyen. 3° Le 23 may 1683, j'ay envoyé à Mr de la Barmondière extraict de ceste fondation pour la remectre à Mademoiselle de Montpensier. »

Ces notes montrent suffisamment quelle valeur le chapitre attachait à cette copie de la consécration de son église.

E. L.

I

Lettre écrite au nom de M. Aubret.

I- Monsieur Aubret prie Monsieur le doyen d'avoir la bontez de revoir la datte de la fondation du chapitre de Beaujeu, parce qu'elle ne cadre point avec le jour de Pâque 1076, croyant qu'il y a quelques mots d'obmis, et désirant qu'on luy en figura les trois premières lignes qui comprennent la datte suivant cette fondation, qu'il croit n'être qu'un abrégez et qui parle de la consécration de l'église du chapitre de Beaujeu ; il y est parlez d'un plus ancien tiltre suivant la Pâque et le jour de samedy marquez dans cette fondation; il faut, dit Mr Aubret, qu'elle soit de 1078, et pour cela il souhaiteroit qu'on examina de quelle manière les .6. de 1076 sont marquez, si c'est en chifre romaine ou autrement, et s'il ne pourroit point y avoir 1078, ce qui confirmeroit la datte de la fondation du chapitre.

2 - De plus, il prie d'examiner s'il y a à l'alinéa qui commence « ipsorum igitur exempla secundum nostræ facultatis quantitatem, nos Hugo et Guichardus ac Stephanus... », s'il y a, dit-il « Hugo », parce qu'il croit qu'il doit y avoir «< nos Humbertus », et non pas <«< nos Hugo », parce que l'on trouve un Humbert de Beaujeu dans d'autres tiltres de ce temps là, mais non point du nom d'Hugues.

3 Monsieur Aubret voudroit aussy sçavoir si, à l'alinéa qui commence « Reliquiæ sanctorum quas Beraldus, Vandalmodis atque Humbertus.I. », s'il y a cet .I. ou s'il y a « primus », si le caractère de l'acte est bien ancien, et s'il est pareil à celuy de la Bible du chapitre. 4 Mr demande qu'on eu la bontez de luy donner l'acte du testament d'un Guichard de Beaujeu qui doit être ancien, dont Mr le doyen en donna une partie copiée à Mr de la Roole il y a quinze ou seize ans.

I

II

Notes du doyen.

A la marge de cette demande le doyen écrivit les notes suivantes : L'église du chapitre de Notre Dame de Beaujeu est si ancienne et a été exposée si souvent aux pilliages qu'il a fallu transporter son thrésor plusieurs fois à Lyon, et en dernier lieu dans les troubles des Calvinistes pendant les guerres civiles; et il est comme impossible qu'il ne se perde rien dans tous ces mouvemens. On n'a pas le 1er original de la fondation et consécration de lad. église; il n'y en a qu'une très ancienne copie (1); mais il est seur qu'elle est du VI des ides de décembre, le 8e dud. mois, parce que de toute ancienneté on a fait led. jour la feste de la dédicace de lad. église, et laquelle n'a été changée que parce que depuis ces temps l'on a établi, led. jour 8e, la feste de l'Immaculée Conception de la Très Sainte Vierge, et l'on fait encore aujourd'hui dans lad. église l'office des morts pour les pieux fondateurs le 9o dud. mois de décembre.

Les trois noms d'Hugues, Guichard et Estienne sont véritables, lesquels étoient fils de Humbert et d'Hernelt, lequel étoit fils de Bérald et de Wandalmode; lequel Bérald étoit fils d'Omfroy, Omfredus, fils d'un comte de Lyon, auquel fils il donna pour apanage la sirie baronie de Beaujeu, et fut le premier qui prit le nom de Beaujeu. 3 - Au mot d'Humbertus il n'y a point de primus, ny .I. La raison en est naturelle, car on ne met point Ius qu'il n'y ait un 2us lequel n'étoit pas encore. Il (l'acte) est de Louis de Beaujeu qui confirme une fondation de Guichard de Beaujeu, son oncle.

4 On la luy donnera en entier ; il est de 1286, mense julii.

(1) Cette très ancienne copie était probablement celle dont il est parlé dans le mémoire qui suit les deux lettres. Elle se trouve aujourd'hui aux archives avec trois autres copies plus modernes. L'ancienne est celle qui fut envoyée par Baron; les trois autres sont postérieures, dont une est de la main de Bessie.

III

Réponse du doyen.

Conformément aux notes précédentes, le doyen écrivit à M. Aubret une réponse dont voici le projet :

Pour réponse aux lettres de Monsieur Aubret, conseiller au parlement de Dombe.

I

Sur ce qu'il me marque qu'il trouve une erreur à la notice du titre de la consécration de notre église, lequel est en ces termes : << Anno incarnationis Dominicæ millesimo LXXVIo, dies Paschæ, V id. aprilis, et in die sabbati VI idus decembris, dedicata est ecclesia in castro Bellijoci sita ab istis tribus, etc... » En ce que il est dit que le jour de Pasques de lad. année de 1076 étoit le 5 des ides d'avril, et que le 6 des ides de décembre étoit cette même année un samedy. Or ces deux circonstances se trouvent absolument fausses, car le jour de Pasques ne put être lad. année le 9 avril, qui est le V des ides dud. mois qui a la lettre A, et que le 8 décembre qui est le 6 des ides dud. mois est à la lettre F; ainsy suivant le calendrier il faudroit nécessairement que le 8 déc. de lad, année 1076 eut été un vendredy, et non pas un samedy. Cela paroit vray et très juste par le calendrier d'aujourd'huy.

A cela on peut répondre que lad. église de Notre Dame de Beaujeu a été si souvent exposée aux pillages causés par les troubles des guerres civiles et des huguenots que, quelles (quelque) précautions qu'on ait pût prendre, il s'est perdu beaucoup de titres; si vray que, dans cette occasion, on n'a pas l'original dud. titre de lad. consécration, ainsy il se pourroit bien faire que ces anciennes copies eussent mis Vidus aprilis, au lieu de VI; et de cette manière cela se trouveroit juste.

Mais il est très seur que le jour de lad. consécration étoit le 8o de décembre, parce que par une très ancienne tradition et usage de cette église on a toujours célébré la feste de la dédicace de cette église le 8 décembre, et laquelle solemnité n'a été changée pour le jour que parce que, depuis le 11e siècle, l'église a institué et ordonné la feste solemnelle de la Conception de la très sainte Vierge, avec octave, le même jour 8e décembre, VI des ides dud. mois. Ainsy pour se conformer à l'usage de l'église universelle, on a transféré la feste de la dédicace de cette église collégiale à un autre jour, ce que l'on n'auroit jamais fait sans la solemnité de la feste de la très sainte Vierge.

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