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d'autre voie qui me refte d'être utile à la Société.

Si je me flatte à tort de l'idée de rendre service au Public par le: préfent que je lui offre, c'eft la. faute de l'ouvrier, & non celle de la matiére, qui par elle-même eft féconde en leçons falutaires. pour les hommes de tout ordre & de toute condition. Tel eft le mérite & le prix de l'Hiftoire au jugement de tout

le monde & c'eft de quoi Plut. dans Plutarque étoit fi perfuadé, qu'il la Préface en regardoit la connoiffance & de Périclés. L'étude prefque comme la plus digne occupation d'un efprit Philofophe. Plein de la pensée que l'Hiftoire eft la plus excellente école où l'on puiffe former fon jugement & fes moeurs, il avance que tourner vers d'autres objets la faculté que nous avons d'appercevoir & de connoître, c'est en abuser, c'est la dégrader & l'avilir : & il appli

que à ce fujet un mot remarquable de Céfar.

Des étrangers carefsoient affectueufement en préfence de Céfar de petits chiens & de petits finges. Il leur demanda fi dans leur pays les femmes ne donnoient point d'enfans ; voulant leur faire comprendre qu'ils avoient tort de dépenser pour des bêtes ce fond d'amitié & de tendreffe dont la nature à rendu nos cœurs fufceptibles, & qui eft dû à nos femblables. Plutarque étendant cette idée, condamne (a) pareillement ceux qui dirigent la paffion naturelle que nous avons pour apprendre

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2 Αρ ἐν ἐπεὶ φιλο-τῶν ἢ καλῶν € ὠφελία μαθές τι κέκτηται και μας παραμελέντας .. Φιλοθέαμον ἡμῶν ἡ ψυ- ταῦτα ἔσιν ἐν τοῖς ἀπ 3 κὴ φύσει

ψέγειν τες καταχρωμα λόν τινα και προθυμίαν νός τέτῳ πρὸς τὰ μια αγωγόν εις μίμησιν δικιᾶς ἄξια σπουδῆς ἐμποιεί τοῖς ἱσορήμασιν, ἀκόματα και θεάματα, Plut.

& pour nous inftruire, vers des chofes vaines, & non vers des objets utiles : & ces objets folidement utiles, felon lui, ce font les actions de vertu, qui en même tems qu'elles nous charment par leur éclat, ont un attrait qui nous porte à les imiter.

Ce zéle d'imitation eft l'effet propre de la vertu. En toute autre matiére fouvent on admire l'art, fans être curieux de reffembler à l'Artifte. Jamais, dit Plutarque, un jeune homme né avec une belle ame, en voyant le Jupiter de Phidias, ou en lifant les Odes d'Anacréon, n'a fouhaité de devenir le rival du Sculpteur ou du Poëte. Mais quand il s'agit de la vertu, un cœur généreux ne s'en tient pas à l'admiration ftérile de l'action; il est enflammé du défir d'en faire de femblables.

Ces réfléxions étoient le mo

tif qui déterminoit Plutarque à s'occuper du foin d'écrire les vies des Grands hommes ; & elles ont leur application à tcut Ouvrage Hiftorique, où l'on s'attachera à faire connoître les caractéres & les mœurs de ceux qui paroiffent fur la fcêne.

Je fens l'objection que l'on peut me faire ici au fujet de la nature des faits qui femblent dominer dans l'Hiftoire que j'entreprends d'écrire. On dira que je confacre ma plume à dépeindre, non la vertu, mais le vice; & le vice porté à fon comble par les Tibére les Caligula, les Néron.

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Il m'eft aifé de répondre dabord que le vice même peint avec les couleurs odieufes qui lui appartiennent, devient une leçon de vertu ; & je pourrai étendre ailleurs cette réfléxion. Mais de plus il n'eft pas vrai

que le vice domine dans toute l'étendue de l'Ouvrage que' j'entame aujourd'hui. Augufte Vefpafien, Tite, font des modéles à préfenter aux Princes les plus vertueux. Le fecond fécle de l'Empire de Rome, à le prendre depuis Nerva jufqu'à Marc-Aurèle, offre une fuite de bons Princes, telle qu'il eft difficile d'en trouver une pareille dans quelque Hiftoire que ce foit. Enfin fous les plus mauvais, l'on a toujours vû des hommes, dont la vertu brilloit d'un éclat encore plus vif le contrafte fous Tibére un Germanicus, fous Néron un Thrafea, fous Domitien un Agricola. J'ajoute que le Chriftianifme " qui naît fous Augufte, & se fortifie fous fes fucceffeurs, jufqu'à ce qu'il monte fur le trône avec Conftantin, fe mêlant par bien des endroits dans les affai

par

L

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