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rière semée d'épines que j'ai parcourue, vingt fois découragé, j'ai abandonné la tâche que je m'étais imposée; mais une sorte d'orgueil national m'a constamment rappelé au labor improbus.

Quoi! me suis-je dit, les talens et la bravoure militaires, ont placé la France au rang de la première Puissance dans le monde politique, et lui ont conquis le surnom de grande Nation; les littérateurs français occupent les premières places dans le domaine de la république lettrée; les Bordas, les Lagrange, les Monge, les Chaptal, Fourcroi, Berthollet, etc., cherchent envain des rivaux chez les Nations étrangères, dans la partie des sciences exactes; mais, en économie politique! les Anglais et les Allemands sont nos maîtres, il faut l'avouer. Quelle est la cause de cette disette? On la découvrirait, sans doute, dans la nature et la forme du Gouvernement sous lequel la France existait avant la révolution. Alors, les emplois publics étaient concentrés dans une caste d'hommes privilégiés; la majeure partie de la Nation, éloignée du

maniement des affaires publiques, se trou vait comme étrangère aux lois de l'État et de l'administration. Des publicistes fameux ont, cependant, illustré la France: je suis loin de le méconnaître ; mais Bodin dans son traité de la République, Rousseau dans son Contrat Social, Montesquieu dans l'Es prit des Loix, ont plutôt présenté des théories savantes sur les Gouvernemens, en général, que des résultats précis, positifs et pratiques sur les Gouvernemens exis

tans.

Les observations de Mably, dans son Traité du Droit Public de l'Europe, sont profondes et lumineuses ; mais en s'abstenant de produire le texte du traité dont il cherche à pénétrer l'esprit, il prive le lecteur du moyen de juger de la justesse de ses réflexions. Ce n'est cependant pas que les traités nous manquent: la France a, dans ce genre comme l'Allemagne, ses Martens. Mais les collections de Rousset, de Léonard, de Lamberty, de Dumont, etc., bonnes et utiles à consulter dans les bibliothèques où elles se trouvent, contiennent

des pièces, pour la plupart, purement historiques, et qui laissent desirer des documens propres à mettre le lecteur au courant des événemens, et à éclairer sa marche; en sorte qu'il est obligé, pour faire lui-même ce travail, de recourir aux mémoires du tems; mémoires dont, à la vérité, la France possède une riche collection : on lit toujours avec intérêt les négociations de Davaux, de Noailles, de Feuquières, de Destrades, etc.; les Mémoires de Suger et de Duguesclin; de Richelieu et de Commines; de Retz et de Villars; ceux de Sully et de Condé, de Mazarin et de Turenne. De nos jours, les écrits de Terrai, de Turgot, de Necker, de Calonne, de Broglie, de Vergennes, ont éveillé l'attention; on leur doit d'avoir initié le public dans les mystères de l'administration.

Plusieurs années avant la révolution, un, homme vivement frappé des inconvéniens du traité de 1756 avec l'Autriche, voulant ramener la France à un nouveau systême fédératif, publia un ouvrage qui fit une grande sensation dans le monde politique.

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Il est intitulé: Politique de tous les Cabinets de l'Europe.

Son auteur (Favier) ne cesse d'appeler, pour ainsi dire, à chaque page, la refonte générale du systéme fédératif. Ségur l'aîné, ex-ambassadeur, aujourd'hui législateur, en publiant une édition de cet ouvrage, vient de l'enrichir de notes instructives et de commentaires ingénieux, appropriés aux circonstances; car, les évènemens politiques produits par la révolution, en résolvant plusieurs problêmes que la politique des Cabinets offre à la méditation, ont ouvert de nouvelles directions, primé d'autres mouvemens, posé de nouvelles bases. J'ai souvent mis ces deux auteurs (Ségur et Favier) à contribution; je n'ai pas cru pouvoir mieux terminer plusieurs articles, que par des observations extraites de leurs écrits.

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<< Aucune science n'est plus avide de faits, que celle de l'économie politique. Il n'en est aucune qui en présente de plus nombreux à rassembler et à coordonner. Comme elle embrasse tous les rapports qui peuvent

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exister entre les sociétés, presque toutes les relations des hommes avec les choses il faut chercher ces faits, et dans le cœur humain où sont les principes des affections, et dans les causes qui agissent sur le caractère des peuples, et dans les circonstances locales, les besoins, les habitudes, enfin dans la nature des choses, combinée avec le mouvement du monde moral et intellectuel; c'est ce que le citoyen Taleyrand (aujourd'hui ministre des relations extérieures), a exécuté relativement aux relations naturelles de l'Amérique Septentrionale ».

Ainsi s'exprimait l'institut national des sciences et arts de France, dans son compte rendu et présenté au Corps législatif, le cinquième jour complémentaire de l'an V, à l'occasion de l'extrait de l'écrit de ce même ministre, sur les relations naturelles de l'Amérique Septentrionale, et d'un essai sur les avantages à retirer de colonies nouvelles dans les circonstances présentes.

Les principes avancés par cette société savante, s'appliquent singulièrement à la

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