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raines ont eu le droit exclusif de juger leurs membres; ce droit a été garanti par la Charte à la chambre des pairs actuelle, et nos conseils de guerre, quoique le soldat n'y soit jamais jugé que par ses supérieurs, et souvent même par ses chefs immédiats, sont bien évidemment un reste de la coutume de nos pères qui ne reconnaissaient d'autres juges que leurs égaux.

On l'a vu, il y a peu de chose à dire sur la pairie à l'époque de la première dynastie de nos rois. Charles Martel, vainqueur de tous les maires, des Sarrasins, des Frisons, conquérant de l'Aquitaine, était devenu le seigneur le plus puissant de la France; Pepin sut se concilier le clergé que son père avait exaspéré, et réussit à s'approprier la couronne; Charlemagne acheva de consolider cet empire et sut l'agrandir. La nation fut appelée régulièrement à de grandes assemblées, perfectionnement des conventus gaulois, pour y discuter les intérêts communs. La féodalité fut arrêtée dans son essor; mais elle reprit le cours de ses agrandissements sous les successeurs de ce grand prince. Les guerres de Louis le Débonnaire contre ses fils, celles de Charles le Chauve contre ses frères, les sacrifices honteux qu'elles imposèrent à leur faiblesse, achevérent la consolidation de la féodalité. Bientôt les seigneurs obtinrent le droit de refuser le service militaire, ensuite ils prirent charges de suzerain.

La féodalité toute-puissante s'affaiblit d'elle-même; mais auparavant elle avait fait passer la couronne de Lothaire sur la tête du grand vassal Hugues Capet. Ainsi le plus fort des co-partageants du pouvoir royal qui tous prétendaient à l'indépendance, s'était emparé du trône.

Cette révolution devait amener la décadence de la féodalité, parce que les grands vassaux trop divisés d'intérêts devaient se soumettre entièrement l'un après l'autre à celui que plus de puissance et d'habileté avaient fait roi, et que le pouvoir royal devait sans cesse tendre à anéantir leur influence. La pairie confondue avec la féodalité suivit les mêmes vicissitudes; elle ne prit une forme déterminée que plus tard.

La classe des hommes libres s'était anéantie sous la seconde race. La gent taillable, comme on l'appelait alors, était soumise à toutes les exigences des seigneurs. Quand elle n'eut plus rien à céder, elle résista à leurs exactions, elle se souleva. Pour la ramener les seigneurs lui donnèrent des chartres d'affranchissement, et des pactes de paix et de franchise furent accordés pour obtenir des indemnités en argent. Ce fut sous Louis le Gros que commença cette innovation qui bientôt devint générale, par l'encouragement que lui donna le roi, qui vit combien elle accroissait le bien-être de l'État. Cet affranchissement comprit bientôt tous les pouvoirs ;

la puissance municipale se fonda et fit des communes autant de petites républiques. L'administration devint plus douce, l'aisance reparut, le peuple devint à son tour propriétaire, et, par la suite, le souverain n'eut qu'à confirmer ces droits pour qu'une administration libérale se trouvât établie. Ainsi la démocratie rendit à la couronne toute la splendeur que la féodalité lui avait ravie.

Tandis qu'en France les communes se constituaient pour passer à l'état de villes, en Italie elles devenaient des républiques, en Angleterre elles se maintenaient communes. Dans ce dernier pays, obligées de soutenir les vassaux contre le pouvoir royal que ceux-ci n'avaient pu affaiblir, elles accrurent la puissance seigneuriale. De là résulte l'organisation sociale anglaise : l'aristocratie Ꭹ domine la royauté; mais, obligée de s'appuyer sur le peuple, elle lui a laissé autant de liberté qu'elle l'a pu sans nuire à ses priviléges.

Nous aurons occasion plus tard de parler de la pairie d'Angleterre, et de la comparer à la nôtre. Pour le moment, abandonnons l'époque des deux premières races sous lesquelles nous ne trouvons de la pairie qu'une origine incertaine, et suivons l'histoire de cette institution dans des temps plus rapprochés de nous, où l'organisation sociale est mieux ordonnée et plus conforme aux besoins de la société.

Les historiens se sont accordés à diviser les périodes de la pairie en quatre àges, dont le premier remonte à l'origine que nous venons d'assigner, et finit vers l'année 1297.

La qualification de pair de France avait fini par être exclusivement attachée à la prérogative de relever du roi, et vers la fin du dixième siècle, sept fiefs seulement avaient ce privilége. C'étaient les duchés de France, de Bourgogne, de Normandie et d'Aquitaine, et les comtés de Toulouse, de Flandre et de Champagne. Ils furent dans la suite réduits à six, la réunion du duché de France au domaine de la couronne.

par

Ce fut au sacre de Philippe-Auguste, qu'on vit pour la première fois les pairs de France figurer à une cérémonie publique comme grands officiers de la couronne, et pour la première fois aussi parurent à côté d'eux des archevêques et évêques, revêtus du même titre et de la même prérogative, et comme les pairs laïques, au nombre de six.

Ces douze pairs, vassaux du roi, étaient tenus de le servir et dans ses armées, et dans sa cour féodale. Ils étaient réciproquement leurs propres juges dans les affaires qui les concernaient et dans celles qui se rapportaient directement au roi leur seigneur.

Mais plus d'une fois les seigneurs s'affranchirent de ce devoir. Comme le souverain, les ducs de

Bourgogne, d'Aquitaine et de Normandie, les comtes de Toulouse, de Flandre et de Champagne, avaient une cour, une armée, de grands officiers, et cet attirail de la puissance n'était pas propre à leur rappeler qu'ils n'étaient que les premiers sujets de l'État. Aussi on les vit souvent faire la guerre au roi dont ils avaient juré de défendre les droits, et lorsqu'ils combattaient sous ses ordres contre un ennemi commun, c'était plutôt comme alliés que

comme vassaux.

On a vu qu'au sacre de Philippe-Auguste, six pairs ecclésiastiques avaient figuré comme grands dignitaires de l'État, circonstance qui ne s'était point présentée avant cette époque. Ces six pairs ecclésiastiques étaient l'archevêque de Reims, les évêques de Laon, de Beauvais, de Noyon, de Châlons et de Langres.

Il est hors de doute que dès l'époque où cette innovation s'introduisit, la qualité de pair de France cessa d'être inhérente à la possession d'un fief. Les six évêques nommés en possédaient à la vérité, mais ils ne relevaient pas immédiatement de la couronne, prérogative indispensable et dont jouissaient les six pairs laïques. Il faut donc attribuer à l'influence toutepuissante qu'exerçait alors le clergé, et au désir qu'avaient les rois d'entourer leur trône de tous les prestiges du pouvoir et de tout le respect attaché à la religion et à ses ministres, l'introduction d'un

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