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usage dont on ne retrouve pas de traces sous les souverains de la première race.

la cour

Sous les premiers rois de la seconde race, des pairs n'eut que fort peu d'activité, et termina plutôt les contestations qui lui furent soumises par la force des armes que par des décisions judiciaires. Mais Philippe-Auguste, qui avait le premier ajouté à l'éclat et à la consistance de ce tribunal, fut aussi le premier à augmenter son pouvoir et le respect accordé à ses décisions en lui soumettant une cause de la plus haute importance.

Arthur, comte de Bretagne, avait été assassiné par Jean-sans-Terre, roi d'Angleterre, duc de Normandie, pair de France, et par ces deux dernières qualités, feudataire du roi de France. Philippe renvoya la cause à sa cour des pairs qui condamna Jeansans-Terre à la peine capitale, et consigna la Normandie au profit du roi de France. En vain, pour se soustraire à cet arrêt, l'assassin d'Arthur fit hommage au pape de toutes ses possessions, en vain le souverain pontife intercéda auprès du roi de France en faveur de celui qui s'était fait son vassal. Philippe répondit : De par tous les saints de France, il n'en sera que ce que la cour des pairs voudra. L'arrêt eut son exécution, quant à la confiscation de la Normandie.

La convocation de la cour des pairs s'annonçait par lettres patentes émanées du roi, et indiquant

le lieu et l'époque de la réunion. Un ordre spécial du souverain citait celui contre lequel la plainte était portée à comparaître devant la cour, et cet ordre était notifié par deux pairs. Dans la suite cependant ces deux grands dignitaires furent suppléés par deux simples chevaliers, et plus tard à ceux-ci succédèrent deux sergents du roi.

Il est à remarquer que pendant la tenue des séances de la haute cour le roi présidait, mais ne jugeait pas. L'arrêt cependant n'était exécutoire qu'après avoir reçu sa sanction. Le souverain et chaque seigneur qui avait pris part au jugement, lui donnaient de la publicité, en le faisant proclamer-par lettres patentes, dans leurs domaines respectifs.

Outre la cour des pairs, les rois de la seconde race avaient une cour féodale, composée des seigneurs qui n'étaient point vassaux immédiats de la couronne, mais relevaient du souverain comme possesseurs de fiefs dépendants de ses domaines. Cette cour, qui n'était qu'en seconde ligne après la cour des pairs, ne pouvait, d'après le système féodal, intervenir dans les jugements qui concernaient les grands feudataires. Cependant les rois finirent par en réunir les membres à la cour des pairs, et par cette innovation ne firent qu'ajouter au pouvoir et à la sécurité de la couronne; car ils devaient nécessairement exercer la plus grande influence sur des seigneurs dont les fiefs situés aux environs de Paris,

et dans le voisinage de la cour, leur donnaient la facilité d'en occuper les principaux emplois et leur imposaient la nécessité de se conserver dans les bonnes grâces du souverain.

Les pairs de France qui d'abord avaient laissé par cette intervention de la cour féodale s'introduire une disposition qui devait diminuer leur influence et leurs prérogatives, voulurent par la suite en arrêter l'effet; mais déjà un long usage avait pris force de loi. On vit même en 1224, dans un procès où il s'agissait exclusivement des prérogatives de la pairie, les feudataires du roi prétendre au droit d'intervenir. Ce fut vainement que les pairs le leur contestèrent, et avec raison, si l'on en juge d'après le système féodal qui les rendait seuls compétents. La demande des feudataires fut accueillie et confirmée par un arrêt rendu sous présidence du

roi.

Nous ne devons point omettre une circonstance caractéristique de ce premier âge de la pairie. Lorsque par suite d'hérédité les femmes étaient titulaires d'une pairie, elles avaient le droit de prendre séance dans la haute Cour et de participer aux jugements qu'elle rendait. Cette période en fournit de fréquents exemples. Au couronnement de Philippe le Long, la comtesse d'Artois, veuve, et investie de ce fief, parut à la cérémonie au milieu des autres pairs, et soutint avec eux la couronne du roi.

b

On l'avait vue quelques années auparavant intervenir dans un jugement rendu par la haute Cour.

Au commencement du second âge de la pairie, qui date de l'an 1297, trois des grands fiefs étaient rentrés dans la main du roi; c'étaient ceux de Normandie, Toulouse et Champagne. Philippe le Bel, appréciant les avantages de cette institution qui prêtait à la couronne l'appui de l'autorité des lois et de la force des armes, et faisait exécuter elle-même les arrêts qu'elle avait rendus contre ses propres membres, voulut l'accroître par une nouvelle création : dans le désir de lui conserver sa force et sa prépondérance, et dans l'impossibilité de faire parmi les seigneurs de fiefs subalternes un choix qui pût égaler en puissance les pairs déjà existants, il éleva à cette dignité les princes du sang royal, et pendant deux siècles après lui, la même disposition fut constamment adoptée. Les trois premiers pairs nommés d'après cet esprit, furent les comtes de Bretagne, d'Anjou et d'Artois ; les comtés de Poitou, d'Évreux, d'Orléans, de Nantes, de Mâcon, de Berry, de Touraine; les baronnies de Bourbon, d'Étampes, etc., furent successivement érigés en pairies. Ce fut à cette époque qu'eut lieu la réunion de la cour des pairs à la cour du parlement, réunion qui ne fut d'abord établie par aucune loi, mais s'opéra par l'usage et la force des choses. On vit alors les pairs figurer parmi les magistrats du parlement comme

membres et conseillers de cette cour. Aussi chaque pair était considéré, non-seulement comme feudataire d'une des premières seigneuries du royaume, mais encore comme membre du premier corps de magistrature.

Cette mesure présentait pour la couronne tous les avantages qu'on avait trouvés d'abord dans la réunion à la haute Cour des feudataires du roi, et en offrait de nouveaux et incontestables. Par une conception heureuse, elle accroissait en même temps et dans la même proportion la force de l'État, et la prépondérance et la dignité de la cour des pairs. Les nouveaux membres qui en faisaient partie, pris sur les degrés du trône, et tous habiles à succéder, avaient un intérêt égal à maintenir les prérogatives d'une couronne qu'ils pouvaient prétendre à voir sur leur front, et celle d'une institution qui leur devait son plus grand éclat et sa principale force.

Les discussions élevées pendant le second âge de la pairie par l'admission des feudataires du roi, durent alors nécessairement disparaître. Les pairs eurent la certitude de n'être jugés que par leurs égaux, et de trouver dans leurs juges la connaissance des affaires sur lesquelles ils avaient à prononcer. Aussi les rois eux-mêmes ne voulurent pas dèslors soumettre à d'autres juges la décision de leurs propres affaires.

Jusqu'alors, comme on l'a vu, la qualité de pair

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